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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/26747/2023

ACPR/697/2024 du 27.09.2024 sur ONMMP/3050/2024 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : CONTRAT DE TRAVAIL;ORDONNANCE DE NON-ENTRÉE EN MATIÈRE;DÉLAI;PLAINTE PÉNALE;INFRACTIONS CONTRE L'HONNEUR;RÉSILIATION ABUSIVE;DROIT DE CARACTÈRE CIVIL;OBJET DU LITIGE
Normes : CPP.310.al1.leta; CPP.310.al1.letb; CP.181; CP.177; CP.31

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/26747/2023 ACPR/697/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du vendredi 27 septembre 2024

 

Entre

A______, représentée par Me Antonia MOTTIRONI, avocate, ARDENTER LAW, rue Verdaine 6, 1204 Genève,

recourante,

 

contre l'ordonnance de non-entrée en matière rendue le 9 juillet 2024 par le Ministère public,

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. a. Par acte déposé le 19 juillet 2024, A______ recourt contre l'ordonnance du 9 juillet précédent, notifiée le 11, par laquelle le Ministère public a décidé de ne pas entrer en matière sur les faits dénoncés dans sa plainte du 5 décembre 2023.

La recourante conclut à l'annulation de ladite ordonnance, au renvoi du dossier au Ministère public pour ouverture d'une instruction pénale, et à ce qu'il soit ordonné à ce dernier de procéder à divers actes d'instruction, qu'elle énumère, sous suite de frais et dépens.

b. La recourante a versé des sûretés en CHF 1'176.84 sur les CHF 1'200.- qui lui étaient réclamés par la Direction de la procédure.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. A______ a déposé plainte pénale le 5 décembre 2023 à l'encontre de divers cadres et employés des sociétés B______ CORP située à C______ [États-Unis], et B______ SCHWEIZ AG à Zürich, filiale suisse de la première, pour des faits pouvant être constitutifs de contrainte (art. 181 CP), extorsion et chantage (art. 156 CP), usure (art. 157 CP), escroquerie (art. 146 CP), faux dans les titres (art. 251 CP), utilisation sans droit de valeurs patrimoniales (art. 141bis CP) et injure (art. 177 CP).

Elle avait été employée au sein du groupe B______ dès le 1er juin 2009 et licenciée le 20 juin 2019, pour le 30 septembre suivant. Son licenciement avait été "construit" et faisait suite à une enquête interne, diligentée en février 2019 et menée par D______, au prétexte qu'elle aurait bénéficié de remboursements de frais de déplacement de manière contraire aux règles internes. Les seules dépenses injustifiées "constatées" s'élevaient à "USD/CHF" 23'795.- et le rapport n'avait fait mention d'aucun dommage.

Selon la Cour de justice civile et le Tribunal fédéral, cette enquête avait été menée à charge et de manière opaque. Il l'avait été sur la base de déclarations diffamatoires et calomnieuses proférées à son encontre conformément à la politique du Groupe B______ d'encourager la dénonciation de comportements contraires aux règles de bonne conduite. Le rapport qui en avait découlé avait été tenu secret jusqu'à ce que le Tribunal des Prud'hommes ordonne sa production par B______ SCHWEIZ AG. Les cadres et employés de B______ SCHWEIZ AG avaient aussi fait pression sur elle en alléguant faussement avoir subi un préjudice de CHF 156'000.-, du fait de dépenses professionnelles qui lui avaient prétendument été indûment remboursées, ce qui aurait permis de compenser la dette de celle-ci à son endroit correspondant à 4,75 mois de salaires. B______ SCHWEIZ AG l'avait en outre mise en demeure de payer sous 10 jours un montant additionnel de CHF 104'944.-, correspondant à la différence entre le dommage allégué et les salaires qui avaient déjà été artificiellement compensés ce, sous la menace de poursuites pénales. Elle lui avait aussi fait interdiction d'exercer toute activité rémunérée dans le délai de préavis, à défaut de quoi les rémunérations qu'elle en retirerait seraient ajoutées au prétendu dommage de B______ SCHWEIZ AG. Privée de revenus depuis le mois de juin 2019, elle avait été contrainte de requérir, par son conseil, deux poursuites, en septembre et octobre 2019.

Il était ressorti de l'administration des preuves au civil que B______ SCHWEIZ AG avait en réalité facturé et obtenu le remboursement de "ces mêmes dépenses" par sa cliente E______ SA. B______ SCHWEIZ AG avait ainsi tenté de se faire rembourser deux fois ces frais et avait construit un "faux" dommage de CHF 155'843.68, sur la base de faux décomptes de dépenses.

Ce procédé avait été qualifié par le Tribunal fédéral d'"infamie". Nonobstant l'arrêt rendu par la Cour civile et le refus d'octroi d'effet suspensif du Tribunal fédéral du 21 février 2023, elle s'était trouvée contrainte de déposer une réquisition de poursuite à Zurich le 23 mai 2023, B______ SCHWEIZ AG ne s'étant en effet pas acquittée du montant [CHF 105'340.- selon la réquisition] auquel elle avait été condamnée, ce qu'elle n'avait fait qu'à la fin du mois de juin suivant. Il en avait été de même des dépens en CHF 6'000.- que le Tribunal fédéral lui avait alloués, dont elle avait conditionné le paiement à la radiation par elle-même des poursuites antérieures.

Son dommage économique à elle s'élevait au minimum à CHF 100'000.-, correspondant à sa perte de salaire pendant quelques mois, la perte de sa capacité de revenus résultant de sa mutation forcée vers le Benelux et de la pandémie de Covid 19, la nécessité d'entamer une reconversion professionnelle et les honoraires d'avocat non couverts par les dépens de la procédure civile.

Il fallait confisquer "l'ensemble des profits illicites" réalisés par B______ SCHWEIZ AG résultant du "mécanisme de contournement systématique des normes du droit du travail".

b. Le Tribunal fédéral a, par arrêt 4A_3/2023 du 30 août 2023, retenu ce qui suit: "Il est constant que les parties ont été liées par un contrat de travail de durée indéterminée, librement résiliable par chacune d'elles conformément à l'art. 335 al. 1 CO, moyennant le respect du délai et du terme de congé convenus ou légaux, et que l'employeuse a mis fin à celui-ci le 20 juin 2019 pour l'échéance du 30 septembre suivant. A ce stade, le litige ne porte plus que sur l'indemnité pour résiliation abusive que la Cour cantonale a condamné l'employeuse à verser à son ancienne employée [CHF 102'500.-] (consid. 3).

[…]

Quant à savoir si la Cour cantonale est tombée dans l'arbitraire en retenant que l'intimée avait agi de bonne foi, c'est un pas que l'on ne saurait franchir. Certes, tous les éléments ne pointent pas dans la même direction. D'une part, le caractère artificiel de l'assignation à Bâle, respectivement à Zurich, comme lieu de travail est devenu assez évident au fil du temps, s'il ne l'était pas déjà au début. En bonne logique, c'est Genève qui aurait dû être définie comme lieu de travail. D'autre part, comme la recourante le relève fort bien, l'employée et son supérieur hiérarchique F______ n'ont pas braqué les projecteurs sur ce subterfuge. Le prénommé est bien plutôt demeuré dans le flou lorsqu'il a été interpellé par une spécialiste du recrutement de l'employeuse, à peine une semaine après la signature du contrat de travail initial, pour connaître les raisons de l'assignation de l'employée à Bâle. Il a en effet indiqué que l'employée voyagerait la plupart du temps entre Luxembourg, Paris, Genève et Guernesey pour le projet G______ et que Bâle avait été choisie le temps qu'elle soit fixée sur le lieu auquel elle passerait la majorité de son temps, car c'était la localisation la plus proche de son domicile au Luxembourg.

La Cour cantonale s'est toutefois laissée convaincre par d'autres éléments : l'accord sur le lieu de travail (Bâle, puis Zurich) figurait dans le contrat de travail de l'employée et était le fruit d'une négociation. Par ailleurs, lorsque le site de Bâle avait été fermé, le lieu de travail avait été déplacé artificiellement à Zurich dans le nouveau contrat de travail du 9 mai 2018. Il avait été appliqué durant des années. Le nouveau supérieur hiérarchique de l'intimée avait exprimé assez clairement que la logique à la base de cet accord lui paraissait équitable pour l'intimée qui souhaitait conserver son domicile au Luxembourg. Plusieurs services de l'employeuse, dont celui compétent en matière de frais, s'étaient intéressés à cette localisation et s'étaient contentés des explications qui leur avaient été délivrées, ce qui n'équivalait certes pas à un blanc-seing, pour répondre à un autre grief de la recourante, mais à tout le moins l'employée avait pu l'interpréter comme une forme de caution. Enfin, lorsque le client E______ SA avait refusé de prendre en charge ces frais de déplacement - que la recourante lui refacturait - il avait été convenu que ce serait elle qui les assumerait et non l'employée.

Partant, la Cour cantonale n'a pas versé dans l'arbitraire en retenant que l'intimée était de bonne foi, indépendamment de savoir si celle-ci était une cadre de l'entreprise et le cas échéant de quel niveau, ce qu'il n'est donc pas nécessaire de trancher. […] La résiliation du contrat de travail est dès lors abusive à raison du motif sur lequel elle est fondée (consid. 5.1.1.).

[…]

La Cour cantonale a estimé que le congé était également abusif en raison de la façon dont la recourante avait licencié l'intimée. Mettant l'accent sur la gravité des faits qu'elle impute à l'intimée, sur la possibilité qu'elle lui a laissée de s'exprimer dans le contexte du rapport d'enquête interne ainsi qu'après la notification du congé, la recourante dénonce une violation de l'art. 336 CO.

Le Tribunal fédéral ne peut pas non plus la suivre sur ce chapitre. Dans son courrier du 20 août 2019, la recourante a reproché à l'intimée d'avoir, pendant plus de deux ans, délibérément présenté de manière fausse ses frais de voyage et méthodiquement contourné les règles afférentes aux frais, qualifiant ces actes de manquements massifs à la loyauté. Elle lui a asséné ces faits comme étant des évidences : à ses yeux, l'intimée était malhonnête. Elle n'avait pourtant pas même pris la peine d'interroger ses supérieurs pour les besoins de son rapport d'enquête, comme si l'intimée avait agi de sa propre initiative en bernant la ligne hiérarchique. Surtout, elle lui a réclamé réparation du " dommage " qu'elle aurait subi, à savoir plus de 155'000 fr. de dépenses professionnelles qu'elle estimait avoir remboursé indûment. Ce alors que ce montant avait été facturé et payé par son client, si bien que le préjudice était en réalité inexistant. Elle lui a donné un délai de dix jours pour verser le solde résultant de la compensation avec les derniers salaires (soit 104'944 fr.), ce qui était assez illusoire. Pour l'employée, à l'infamie s'ajoutait ainsi la perspective de la banqueroute. Pour finir, l'employeuse a brandi la menace de suites pénales, alors que rien dans le comportement de son employée ne dénotait une quelconque infraction pénale. Elle a donc tiré au canon sur des moineaux.

Partant, la recourante a beau s'en défendre. La manière dont elle a congédié l'employée est stigmatisante au regard des circonstances et, partant, abusive (consid. 5.2.).

[…]

En l'espèce, les éléments que la Cour cantonale a pris en compte pour fixer l'indemnité ne prêtent pas flanc à la critique : l'employée travaillait depuis dix ans pour la recourante au moment où elle a été congédiée; elle n'avait pas commis de faute concomitante ni démérité dans l'exécution de ses tâches; les modalités du congé étaient inutilement vexatoires et l'atteinte aux droits de la personnalité de l'intimée importante. Contrairement à ce que la recourante croit discerner, la Cour cantonale n'a pas tenu compte d'une perte économique de l'intimée. Quant à la faute concomitante de cette dernière, elle n'est pas établie. Finalement, les juges cantonaux n'avaient pas à faire preuve de réserve dans la fixation de l'indemnité, pour tenir compte du fait que les premiers juges n'avaient point été du même avis s'agissant du caractère abusif du licenciement. Le Tribunal fédéral n'a dès lors nulle raison de réformer le montant de l'indemnité pour résiliation abusive que la Cour cantonale a fixé à six mois de salaire, soit 102'500 fr." (consid. 6.3.).

c. Il ressort du rapport de renseignements du 23 avril 2024 que la police n'a procédé à aucune audition, dans la mesure où elle avait reçu du conseil de B______ SCHWEIZ AG un courriel le 11 avril 2024 selon lequel le litige était "manifestement civil" et la recourante se livrait à un "véritable acharnement à son encontre", de sorte qu'elle se questionnait sur l'opportunité de faire venir des employés de Zurich pour être entendus. Informé de cela, le Ministère public avait demandé à la police de lui retourner le dossier.

C. Dans l'ordonnance litigieuse, le Ministère public retient que le différend qui opposait A______ à son ancien employeur s'inscrivait dans le cadre d'un litige civil, d'ailleurs jugé définitivement par le Tribunal fédéral qui avait reconnu que son licenciement était abusif et qu'elle avait subi des atteintes à la personnalité. Il avait pris en compte ces éléments pour fixer l'indemnité.

Dans ces conditions, il était possible de partir de l'idée que les dispositions du droit civil étaient de nature à assurer une protection suffisante, étant rappelé la subsidiarité du droit pénal.

D. a. À l'appui de son recours, A______ fait valoir qu'elle n'avait pas eu accès au dossier et donc ignorait si la police avait procédé à des actes d'enquête. Elle déduisait de la teneur de l'ordonnance querellée que tel n'avait pas été le cas.

Le Ministère avait violé son droit d'être entendue en ne motivant son ordonnance qu'en lien avec une atteinte à l'honneur, qui aurait été suffisamment réparée par le procès civil. Il avait outrepassé son pouvoir d'appréciation et "tout bonnement" refusé de se saisir du dossier, alors qu'il y était tenu au regard du principe de la légalité et, partant, avait commis un déni de justice et violé le principe "in dubio pro duriore". Il avait d'une part omis qu'elle avait été lésée par des atteintes à d'autres biens juridiques que l'honneur, à savoir la liberté et son patrimoine, et que, comme l'avait expressément confirmé le Tribunal fédéral dans le volet civil de l'affaire, l'indemnité pour licenciement abusif ne tenait pas compte de la perte économique qu'elle avait subie. De plus, les actes commis par les représentants, employés et affiliés de B______ SCHWEIZ AG, s'ils étaient en partie visés par les normes de protection du droit civil, tombaient aussi sous le coup de la norme pénale, vu leur intensité, son infériorité hiérarchique et financière, ainsi que le caractère vraisemblablement systématique de licenciement utilisé. Les constatations civiles permettaient sans le moindre doute de faire peser des soupçons suffisants de la commission d'infractions pénales, toutes poursuivies d'office, "en usant de chantage, de contrainte et d'extorsion" dans le processus – un schéma criminel – de licenciement et en cherchant à l'escroquer.

Faire application du principe de subsidiarité du droit pénal reviendrait à la priver de l'exercice de l'action pénale et à donner un blanc-seing aux cadres et employés de B______ SCHWEIZ AG et du Groupe B______ pour les agissements répréhensibles commis, qu'ils continuaient vraisemblablement de commettre. La jurisprudence citée par le Ministère public pour lui opposer le principe de subsidiarité du droit pénal ne pouvait trouver application dans son cas.

b. Le Ministère public s'en tient à son ordonnance et propose le rejet du recours.

c. A______ n'a pas répliqué.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner de la plaignante qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. b CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             La Chambre pénale de recours peut décider d'emblée de traiter sans échange d'écritures ni débats les recours manifestement irrecevables ou mal fondés (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP). Tel est le cas en l'occurrence, au vu des considérations qui suivent.

3.             La recourante se plaint d'une motivation insuffisante de la décision attaquée.

3.1. La garantie du droit d'être entendu, déduite de l'art. 29 al. 2 Cst., impose à l'autorité de motiver ses décisions, afin que les parties puissent les comprendre et apprécier l'opportunité de les attaquer, et que les autorités de recours soient en mesure d'exercer leur contrôle (ATF 141 III 28 consid. 3.2.4; ATF 136 I 229 consid. 5.2; ATF 135 I 265 consid. 4.3). Il suffit que l'autorité mentionne, au moins brièvement, les motifs qui l'ont guidée et sur lesquels elle a fondé sa décision, de manière à ce que l'intéressé puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et l'attaquer en connaissance de cause (ATF 143 IV 40 consid. 3.4.3; 142 I 135 consid. 2.1; arrêts du Tribunal fédéral 6B_246/2017 du 28 décembre 2017 consid. 4.1; 6B_726/2017 du 20 octobre 2017 consid. 4.1.1).

3.2. En l'espèce, l'ordonnance querellée expose que les dispositions du droit civil étaient de nature à assurer une protection suffisante à la recourante, étant rappelé la subsidiarité du droit pénal. Au terme du litige civil, elle avait touché une indemnité en raison d'un licenciement abusif et des atteintes portées à sa personnalité.

Il n'était pas nécessaire que le Ministère public motive davantage sa décision en particulier en lien avec d'autres possibles infractions qu'une atteinte à l'honneur, à savoir, à teneur de la plainte que "l'activité délictuelle et criminelle" reprochée s'était déroulée "autour de la construction d'un faux dommage de CHF 155'843.68 invoqué par [s]on ex-employeur à [s]on encontre, basé sur la fausse allégation qu'il aurait été causé intentionnellement au sens de l'article 323b al. 2 CO afin de compenser l'intégralité de [s]es salaires". La motivation du Ministère public, bien que succincte, permettait à la recourante de contester la décision dans le cadre de son recours, ce qu'elle a fait.

Ce grief est infondé.

4.             La recourante reproche au Ministère public de ne pas être entré en matière sur sa plainte.

4.1.       Selon l'art. 310 al. 1 let. a CPP, le ministère public rend immédiatement une ordonnance de non-entrée en matière s'il ressort de la dénonciation ou du rapport de police que les éléments constitutifs de l'infraction ou les conditions à l'ouverture de l'action pénale ne sont manifestement pas réunis. Cette disposition doit être appliquée conformément à l'adage "in dubio pro duriore". Celui-ci découle du principe de la légalité (art. 5 al. 1 Cst. et art. 2 al. 2 CPP en relation avec les art. 319 al. 1 et 324 al. 1 CPP) et signifie qu'en principe une non-entrée en matière ne peut être prononcée par le ministère public que lorsqu'il apparaît clairement que les faits ne sont pas punissables ou que les conditions à la poursuite pénale ne sont pas remplies (ATF 143 IV 241 consid. 2.2.1). Le ministère public doit être certain que les faits ne sont pas punissables (ATF 137 IV 285 consid. 2.3 et les références citées). En d'autres termes, il doit être évident que les faits dénoncés ne tombent pas sous le coup de la loi pénale (ibid.).

Une non-entrée en matière s'impose lorsque le litige est de nature purement civile (ATF 137 IV 285 consid. 2.3).

4.2.       Une ordonnance de non-entrée en matière doit également être rendue lorsqu'il existe des empêchements de procéder (art. 310 al. 1 let. b CPP), tels la prescription de l'action publique (ACPR/493/2021 consid. 3.1) ou lorsque le délai pour déposer plainte prévu par l'art. 31 CP n'a pas été respecté (arrêt du Tribunal fédéral 6B_848/2018 du 4 décembre 2018 consid. 1.5).

4.3.       En l'espèce, il existe un empêchement de procéder (art. 310 al. 1 let. b CPP) pour de possibles infractions contre l'honneur (art. 173, 174 et 177 CP), poursuivies sur plainte, dans la mesure où le dépôt de plainte est intervenu au-delà du délai de trois mois prévu à l'art. 31 CP. L'ordonnance de non-entrée en matière doit être confirmée par substitution de motifs.

Pour le reste, la recourante, pourtant assistée d'un avocat, ne consacre aucune motivation dans son recours aux éléments constitutifs des art. 181, 156, 157, 146, 251 et 141bis CP, tels qu'énumérés dans un paragraphe sous le titre "En résumé" de sa plainte. Au vu du contexte général de l’affaire, seule la contrainte pourrait au demeurant entrer en considération.

4.4.       Selon l'art. 181 CP, se rend coupable de contrainte quiconque, en usant de violence envers une personne ou en la menaçant d'un dommage sérieux, ou en l'entravant de quelque autre manière dans sa liberté d'action, l'oblige à faire, à ne pas faire ou à laisser faire un acte.

4.4.1. Les éléments constitutifs objectifs de cette infraction sont ainsi l'existence, d'une part, d'un comportement de contrainte illicite (1) et, d'autre part, d'une influence concrète sur le comportement du lésé causée par ce comportement (2). Sur le plan subjectif, il faut que l'auteur ait agi avec conscience et volonté, soit qu'il ait au moins accepté l'éventualité que le comportement illicite auquel il a eu recours entrave la personne visée dans sa liberté de décision (ATF 120 IV 17 consid. 2c; arrêts du Tribunal fédéral 6B_543/2022 du 15 février 2023 consid. 7.1; 6B_367/2020 du 17 janvier 2022 consid. 13.3.1).

4.4.2. Le comportement de contrainte peut être constitué par l'usage de la violence, d'une menace sérieuse ou de tout autre méthode ; dans ce dernier cas, il faut néanmoins que le moyen utilisé soit propre à impressionner une personne de sensibilité moyenne et à l'entraver d'une manière substantielle dans sa liberté de décision ou d'action ; le comportement de contrainte en cause doit ainsi apparaître analogue dans son intensité et ses effets aux méthodes expressément citées par la loi (ATF 141 IV 437 consid. 3.2.1 ; 137 IV 326 consid. 3.3.1 ; 134 IV 216 consid. 4.2 ; 129 IV 262 consid 2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_543/2022 du 15 février 2023 consid. 7.1). Une contrainte est illégale soit parce que le moyen utilisé ou le but poursuivi est illicite, soit parce que le moyen est disproportionné pour atteindre le but visé, soit encore parce qu'un moyen conforme au droit utilisé pour atteindre un but légitime constitue, au vu des circonstances, un moyen de pression abusif ou contraire aux mœurs (ATF 141 IV 437 consid. 3.2.1 ; 137 IV 326 consid. 3.3.1 ; 134 IV 216 consid. 4.1 ; 129 IV 262 consid. 2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_754/2023 du 11 octobre 2023 consid. 4.1).

4.4.3. L'utilisation d'un acte juridique en soi licite peut, suivant les circonstances, constituer un comportement de contrainte. Il a ainsi été retenu que le dépôt d'une plainte pénale constitue une méthode illicite si rien ne permet sérieusement de soupçonner la commission d'une infraction par la personne visée, lorsque l'objet de la plainte pénale est sans rapport avec la prestation demandée ou encore si la menace vise à obtenir un avantage indu (ATF 120 IV 17 consid. 2a/bb ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1236/2021 du 4 novembre 2022 consid. 3.2).

4.5. En l'espèce, s'il est indéniable que la recourante et son employeur se sont affrontés dans un litige civil jusqu'au Tribunal fédéral, la nature de leur relation contractuelle préexistante pas plus que précisément le caractère civil de ce litige n'empêcheraient que puissent exister des soupçons de commission d'infractions pénales.

Tel n'est ici toutefois pas le cas.

Comme retenu de manière définitive par le Tribunal fédéral dans l'arrêt 4A_3/2023 précité, la recourante a été licenciée après que son employeur lui avait, dans un courrier du 20 août 2019, reproché d'avoir, pendant plus de deux ans, délibérément présenté de manière fausse ses frais de voyage et méthodiquement contourné les règles afférentes aux frais, qualifiant ces actes de manquements "massifs à la loyauté" et la considérant donc comme "malhonnête". Surtout, il lui avait réclamé le remboursement de plus de CHF 155'000.- de dépenses professionnelles, alors même que ce montant avait été facturé et payé par sa cliente [E______ SA], si bien que le préjudice était en réalité inexistant. Elle lui avait de plus donné un délai de dix jours pour verser le solde résultant de la compensation avec les derniers salaires, soit CHF 104'944.-, ce qui était "assez illusoire". Pour l'employée, à "l'infamie" s'ajoutait ainsi la perspective de la "banqueroute". Pour finir, l'employeuse avait brandi la menace de suites pénales, alors que rien dans le comportement de son employée ne dénotait une quelconque infraction pénale. Elle avait donc "tiré au canon sur des moineaux".

Ce constat d'un licenciement abusif n'en fonde pas pour autant les éléments constitutifs d'une infraction, étant relevé que ledit licenciement a été sanctionné civilement par l'octroi d'une indemnité de CHF 102'500.- à la recourante, considérant les atteintes qu'elle avait subies à la personnalité. Cette indemnité tient précisément compte en particulier de l'exigence que la recourante versât à son ancien employeur, sous dix jours, un solde de près de CHF 105'000.-. Il ne suffit à cet égard pas d'alléguer, comme le fait la recourante dans son recours, que l'employeur aurait "us[é] de chantage, de contrainte et d'extorsion dans le processus – un schéma criminel – de licenciement et en cherchant à l'escroquer", pour que puisse en être déduit un soupçon d'infraction pénale.

L'action pénale ne doit pas avoir pour premier but, tel que recherché par la recourante, d'éviter de "donner un blanc-seing aux cadres et employés de B______ SCHWEIZ AG et du Groupe B______ pour les agissements répréhensibles commis, qu'ils continuaient vraisemblablement de commettre" ou de lui permettre, à elle, d'obtenir la réparation de la perte économique qu'elle dit avoir subie, ce qui relève du droit civil.

Or, en l'espèce, la mise en cause – bien qu'elle ait finalement été déboutée de ses prétentions – considérait que la recourante avait gravement violé ses obligations en présentant des notes de frais erronées et a cherché auprès de celle-ci à obtenir le remboursement du dommage qu'elle considérait être le sien. La recourante, de son côté, a utilisé, avec succès, les voies de droit civil à sa disposition. Il n'y a, à cet égard, pas de soupçons suffisants que les moyens utilisés par l'employeur aient atteint, nonobstant la disproportion relevée par le Tribunal fédéral, l'intensité requise par l'art. 181 CP.

Ainsi, faute de soupçons de la commission d'une infraction contre la liberté ou le patrimoine de la recourante, c'est à juste titre que le Ministère public a décidé de ne pas entrer en matière pour un complexe de faits relevant du droit civil.

5.             Infondé, le recours sera rejeté.

6.             La recourante, qui succombe, supportera les frais envers l'État, fixés en intégralité à CHF 1'200.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).

7.             Corrélativement, aucun dépens ne lui sera alloué (ATF 144 IV 207 consid. 1.8.2).

* * * * *


 


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 1'200.-.

Dit que ce montant sera, pour partie, prélevé sur les sûretés versées (CHF 1'176.84).

Notifie le présent arrêt, en copie, à la recourante, soit pour elle son conseil, et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Mesdames Valérie LAUBER et
Françoise SAILLEN AGAD, juges; Monsieur Xavier VALDES TOP, greffier.

 

Le greffier :

Xavier VALDES TOP

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/26747/2023

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

1'115.00

Total

CHF

1'200.00