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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/23839/2021

ACPR/567/2024 du 02.08.2024 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : SUSPENSION DE LA PROCÉDURE
Normes : CPP.314.al1.letb; CPP.66; CPP.145

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/23839/2021 ACPR/567/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du vendredi 2 août 2024

 

Entre

A______, domicilié c/o [étude] B______, ______, agissant en personne,

recourant,

contre "les décisions, formelles et non-formelles, implicites et explicites" rendues le 2 juillet 2024 par le Ministère public,

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. Par acte expédié le 12 juillet 2024, A______ recourt contre "les décisions, formelles et non-formelles, implicites et explicites, du Ministère public communiquées […] lors de l'audience du 2 juillet 2024".

Le recourant conclut, sous suite de frais et dépens, à l'annulation de la décision du Ministère public de refus de suspendre l'instruction de la procédure jusqu'à droit jugé par le Tribunal fédéral dans la cause 7B_485/2024 et de refus de recevoir une détermination écrite de sa part avant son audition. Il devait être ordonné à cette autorité de lui fixer un délai raisonnable pour ce faire et d'instruire selon les "directives" données par le Tribunal fédéral dans l'arrêt 7B_49/2022 du 23 octobre 2023 en lui permettant de démontrer "toutes autres circonstances entrant en considération pour expliquer son choix, en tant qu'avocat défendant ses propres intérêts, de procéder devant les autorités pénales".

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. A______ et C______, tous deux avocats, sont en litige depuis plusieurs années en lien avec la fin de leur association.

Dans le cadre des procédures arbitrale, puis civile qui en ont découlé, A______ a été condamné, le 30 août 2018, à verser à C______ CHF 34'329.50 et à payer le montant de CHF 11'526.65 pour les coûts de la procédure d'arbitrage.

Le recours formé par A______ contre ce prononcé a été rejeté par le Tribunal fédéral (arrêt 4A_539/2018 du 27 mars 2019).

b. Le 30 décembre 2019, A______ a déposé plainte contre C______ pour diffamation, calomnie et injure, voire discrimination et incitation à la haine, en lien avec des écritures déposées par le mis en cause dans le cadre de la procédure civile.

Par ordonnance du 21 avril 2020 rendue dans la cause P/1______/2019, le Ministère public a refusé d'entrer en matière sur cette plainte.

Cette décision a été confirmée le 29 juillet 2020 par la Chambre de céans (ACPR/518/2020).

c. Le 13 mars 2020, A______ a déposé une nouvelle plainte contre C______, pour escroquerie, complétée le 8 mai 2020 par des accusations de gestion déloyale, extorsion et chantage, voire faux dans les titres.

Par ordonnance du 27 mai 2020 rendue dans la cause P/2______/2020, le Ministère public a refusé d'entrer en matière.

Par arrêt du 12 janvier 2021 (ACPR/9/2021), la Chambre de céans a déclaré partiellement irrecevable le recours formé par A______ contre cette ordonnance et l'a rejeté pour le surplus.

Par arrêt 6B_191/2021 du 11 août 2021, le Tribunal fédéral a confirmé cette décision.

d. Le 3 décembre 2021, C______ a déposé plainte contre A______ pour dénonciation calomnieuse, en se référant à toutes les accusations de ce dernier contenues dans ses plaintes et courriers.

e. Par ordonnance du 7 mars 2022 rendue dans la présente procédure, le Ministère public a refusé d'entrer en matière, considérant que l'élément subjectif de l'infraction de dénonciation calomnieuse faisait défaut pour tous les chefs de prévention invoqués par A______.

f. Par arrêt du 5 septembre 2022 (ACPR/613/2022), la Chambre de céans a admis le recours déposé par C______ contre cette ordonnance, l'a annulée et a renvoyé la cause au Ministère public pour ouverture d'une instruction.

g. Le 31 octobre 2022, le Ministère public a adressé à A______ un mandat de comparution pour une audience fixée le 18 novembre suivant en vue de son "audition comme prévenu et mise en prévention (dénonciation calomnieuse art. 303 CP)".

Le 10 novembre 2022, le Ministère public a annulé cette audience et adressé un nouveau mandat de comparution à A______, d'une teneur identique, pour une audience fixée le 11 janvier 2023, laquelle a également été annulée en raison de l'indisponibilité de l'intéressé.

Le 16 décembre 2022, le Ministère public a adressé à A______ un nouveau mandat de comparution pour une audience fixée le 20 janvier 2023, en vue de son "audition en qualité de prévenu et mise en prévention (dénonciation calomnieuse art. 303 CP). Confrontation entre les parties".

h. L'audience du 20 janvier 2023 a toutefois été annulée en raison du recours formé par A______ auprès du Tribunal fédéral contre l'ACPR/613/2022 précité.

i. Le 12 septembre 2023, le Ministère public a adressé à A______ un mandat de comparution à une audience fixée le 2 octobre 2023 en vue de sa "mise en prévention, audition et confrontation avec C______".

A______ a immédiatement rappelé que l'exécution de l'ACPR/613/2022 avait été suspendue par décision du Juge présidant la Cour de droit pénal du Tribunal fédéral. La convocation a été révoquée par le Ministère public le 22 septembre 2023.

j. Par pli du même jour, le Ministère public a sollicité du Tribunal fédéral une décision sur l'effet suspensif, relevant notamment que la prescription de l'action pénale, s'agissant de délits contre l'honneur, serait atteinte au 30 décembre 2023.

k. Ayant pris connaissance de cette missive, C______ a attiré l'attention du Ministère public, par lettre du 5 octobre 2023, sur le fait qu'il avait déposé plainte pour dénonciation calomnieuse, infraction pour laquelle le délai de prescription était de 15 ans.

l. Le Tribunal fédéral a, par arrêt 7B_49/2022 du 23 octobre 2023 rejeté, dans la mesure de sa recevabilité, le recours formé par A______ contre l'ACPR/613/2022.

Sur le fond, le Tribunal fédéral a rejeté l'argument de A______, selon lequel il résultait de la motivation de l'ACPR/613/2022 un verdict de culpabilité. Certes, la formulation de cet arrêt n'était "pas dénuée de toute ambiguïté". Il ne résultait toutefois pas de sa motivation que la CPR aurait restreint, de manière définitive, le champ d'appréciation du Ministère public aux deux hypothèses émises. Elle s'était en effet limitée à parler de "doute" s'agissant des motifs pouvant expliquer le choix du recourant, évoquant tant un éventuel acquittement – dont le motif pourrait certes déplaire à ce stade à l'intéressé – que la réalisation "plausible" d'une infraction. Elle n'avait en revanche donné aucune instruction quant à la solution qui devrait être privilégiée par l'autorité d'instruction. Elle n'avait pas non plus écarté toutes autres circonstances pouvant entrer en considération pour expliquer le choix de A______, en tant qu'avocat défendant ses propres intérêts, de procéder devant les autorités pénales (cf. notamment l'important conflit l'opposant à la partie plaignante, les connaissances juridiques de celle-ci, leurs attitudes respectives au cours des différentes procédures les ayant opposés). On ne voyait ainsi pas ce qui empêcherait l'intéressé de démontrer, devant le Ministère public, que, dans ce contexte très particulier, tout avocat diligent aurait déposé plainte et soumis à l'appréciation des autorités pénales les faits dénoncés. Le Ministère public n'apparaissait ainsi pas limité dans la conduite de l'instruction à mener contre A______ et l'on ne pouvait donc retenir qu'il ne pourrait pas aboutir à l'une ou l'autre des issues évoquées, pour d'autres motifs.

m. Le 6 novembre 2023, le Ministère public a adressé à A______ un nouveau mandat de comparution, à une audience fixée le 23 novembre 2023, en vue de sa "mise en prévention, audition et confrontation avec C______".

n. Lors de cette audience, à laquelle C______ a participé comme partie plaignante, A______ a été mis en prévention pour dénonciation calomnieuse et a aussitôt requis la récusation du Procureur en déclarant ce qui suit:

"Je me déclare innocent de tous les faits qui me sont reprochés. Je suis scandalisé que vous me mettiez en prévention pour l'art. 303 CP.

Je trouve illégitime, le procédé est déloyal, il contrevient à l'art. 2 al. 2 du code civil. Cela constitue un abus manifeste de votre part, ce d'autant que vous avez déclaré expressément au Tribunal fédéral, en date du 22 novembre 2023, que les infractions reprochées à A______ portent sur les délits contre l'honneur.

Le Tribunal fédéral, dans son arrêt du 23 octobre 2023, à la page 5, dit que le 22 septembre 2023, le Ministère public a sollicité une décision sur l'effet suspensif, relevant notamment que les infractions poursuivies seraient atteintes au 30 décembre 2023.

D'autre part, vos mandats de comparution des 31 octobre et 10 novembre 2022 mentionnent effectivement la dénonciation calomnieuse, tandis que les mandats de comparution ultérieurs, à savoir ceux des 10 novembre 2022, 12 septembre 2023 et 6 novembre 2023 mentionnent simplement « votre mise en prévention » sans mention de l'art. 303 CP. Le procédé est déloyal.

J'ajoute que le délai de plainte est atteint".

o. Par arrêt ACPR/179/2024 du 12 mars 2024, la Chambre de céans a déclaré irrecevable le recours formé par A______ contre "les décisions, formelles et non-formelles, implicites et explicites" rendues par le Ministère lors de l'audience du 23 novembre 2023.

La Chambre de céans a retenu que l'on ne saurait tirer du procès-verbal d'audience du 23 novembre 2023 une quelconque décision du Ministère public sur la qualité de partie plaignante de C______. Celle-ci – admise, sans examen, par la Chambre de céans dans l'ACPR/613/2022 – n'avait en effet jamais été remise en cause clairement par le recourant, que ce soit devant le Tribunal fédéral, par courrier au Ministère public, avant l'ouverture de l'instruction commandée par l'entrée en force de l'ACPR sus-évoqué, ni même, lors de l'audience du 23 novembre 2023, lors de laquelle il s'était limité à indiquer que le délai de plainte était "atteint", sans développer son propos. Il s'ensuivait que le Ministère public n'avait jamais eu à se prononcer, dans les formes requises par le CPP, sur de quelconques arguments du recourant et que l'on ne saurait voir, dans la présence de C______ à l'audience en qualité de partie plaignante, une décision implicite à ce sujet. À défaut de décision au sens de l'art. 80 CPP, la voie d'un recours n'était pas ouverte.

À supposer que l'on voie dans le procès-verbal du 23 novembre 2023 une décision, seule une partie qui avait un intérêt juridiquement protégé à l'annulation ou à la modification de celle-ci avait qualité pour recourir. L'infraction de dénonciation calomnieuse, objet de la procédure conduite par le Ministère public – sur renvoi de la Chambre de céans, ce qui ne lui laissait aucune marge de manœuvre à ce stade –, se poursuivait d'office (art. 303 ch. 1 CP), dès lors que l'un des biens juridiques protégés par cette disposition était une saine administration de la justice. La participation de C______ à la procédure en tant que partie plaignante n'était dès lors pas susceptible d'en modifier le cours. Une négation de cette qualité ne saurait, en particulier, remettre en cause l'ACPR/613/2022 – entré en force – et en annuler a posteriori les effets, en faisant "renaître" l'ordonnance de non-entrée en matière annulée. La présente procédure ne portait pas sur des secrets d'affaires qui mériteraient une protection particulière, ni n'impliquait un État, ce qui serait susceptible de représenter un danger pour l'égalité des armes. Il s'ensuivait qu'un recours de A______ contre une décision formelle d'admission de C______ comme partie plaignante à la procédure, serait irrecevable, faute d'intérêt juridiquement protégé.

La qualité de prévenu s'acquérait moins par un acte formel que par le simple fait qu'une procédure était ouverte contre une personne soupçonnée d'avoir commis une infraction. Il s'agissait, en réalité, de la personne contre laquelle le procès pénal était dirigé, et ce statut était déterminé par la situation matérielle de la procédure, à savoir si la personne considérée apparaissait comme objectivement soupçonnée, par l'autorité pénale, d'avoir effectivement commis l'infraction. L'ordonnance d'ouverture d'instruction prévue par l'art. 309 al. 3 CPP n'avait qu'une portée déclaratoire, purement interne et n'était pas sujette à recours. Ainsi, le recourant ne pouvait remettre en cause sa mise en prévention, ni le motif de celle-ci, quels que soient ses griefs à ce sujet.

p. Le recours déposé le 2 mai 2024 auprès du Tribunal fédéral par A______ contre cet arrêt est en cours d'instruction sous la référence 7B_485/2024.

Par ordonnance du 17 mai 2024, le Tribunal fédéral a rejeté la requête d'effet suspensif formée par A______.

q. Lors de l'audience de confrontation du 2 juillet 2024, à teneur du procès-verbal, A______ a déclaré contester l'intégralité des faits reprochés. Il est revenu sur la procédure en cours au Tribunal fédéral et a demandé à pouvoir s'exprimer par écrit dans un premier temps, en raison d'une "démonstration juridiquement difficile à faire par oral". Il a requis la suspension de la procédure compte tenu de l'instruction en cours au Tribunal fédéral.

Sous l'intitulé "Note du Procureur", ce dernier a indiqué qu'un délai ne lui serait pas accordé pour s'exprimer par écrit, vu l'oralité de la procédure pénale. Aucune suspension ne serait accordée, compte tenu du principe de célérité qui imposait d'instruire la cause sans attendre. S'y ajoutait que le Tribunal fédéral n'avait pas accordé l'effet suspensif au recours (cause 7B_485/2024).

A______ a, sur ce, demandé à être convoqué ultérieurement, le temps de préparer l'audience avec un avocat qu'il devait choisir. Il ne répondrait à aucune question sans avoir eu le temps de préparer sa défense. Il sollicitait formellement que la qualité de partie plaignante de C______ soit écartée, requête qu'il motiverait dans les 10 jours. Il annonçait son intention de recourir contre les décisions de refus de pouvoir s'exprimer par écrit et de suspension de la procédure.

Après avoir demandé aux parties leur disponibilité à trois dates en juillet 2024, le Procureur a finalement fixé une nouvelle audience le 20 août 2024, après que A______ avait indiqué que cette date, notamment, lui allait.

C. a. À l'appui de son recours, A______ expose que la procédure devait être suspendue dans l'attente du résultat de la cause 7B_485/2024. Il y avait fait valoir d'une part que l'action pénale ne pouvait pas être exercée contre lui et le fait que la participation de Me C______ à la procédure, en qualité de partie plaignante, portait atteinte au principe de l'égalité des armes (art. 6 CEDH). Le Ministère public avait refusé cette suspension immédiatement et sans pesée des intérêts. Il l'avait de plus fait de manière infondée, puisque les conditions de l'art. 314 al. 1 let. b CPP étaient réalisées et différentes de celles prévalant devant le Tribunal fédéral pour refuser l'effet suspensif. Le principe de célérité était d'abord dans l'intérêt du prévenu et le délai de prescription de l'infraction en cause était de 15 ans. La décision sur ce point était de plus insuffisamment motivée et violait son droit d'être entendu. Le Tribunal fédéral dirait si l'action pénale pouvait être engagée et il soutenait devant cette instance que tel n'était pas le cas.

Sans suspension de la procédure, il devrait démontrer pour chacune des infractions pour lesquelles il avait porté plainte contre C______ que l'élément subjectif – de la dénonciation calomnieuse – n'était pas réalisé et ce, en suivant la direction donnée par le Tribunal fédéral dans son arrêt 7B_49/22. Il en allait également de l'égalité des armes tant par rapport au Ministère public qu'à C______.

Compte tenu de cette démonstration qu'il devait faire, c'était par excès de son pouvoir d'appréciation que le Ministère public avait refusé qu'il s'exprime par écrit avant d'être entendu oralement. Le principe de l'égalité des armes l'imposait également, dans la mesure où C______ avait, en guise de plainte, versé une "véritable" écriture comportant un volumineux chargé de pièces.

b. La cause a été gardée à juger à réception du recours.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP). Il émane du prévenu, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP), qui a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP), à supposer que l'on voie dans le procès-verbal du 2 juillet 2024 une décision (art. 393 al. 1 let. a CPP).

2.             La Chambre pénale de recours peut décider d'emblée de traiter sans échange d'écritures ni débats les recours manifestement irrecevables ou mal fondés (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP). Tel est le cas en l'occurrence, au vu des considérations qui suivent.

3.             Le recourant se plaint d'une violation de son droit d'être entendu, en lien avec le refus du Ministère public de suspendre la procédure, et du mal-fondé de cette décision.

3.1.       L'autorité qui ne traite pas un grief relevant de sa compétence, motivé de façon suffisante et pertinent pour l'issue du litige, commet un déni de justice formel proscrit par l'art. 29 al. 1 Cst féd. De même, la jurisprudence a déduit du droit d'être entendu ancré à l'art. 29 al. 2 Cst féd. l'obligation pour l'autorité de motiver sa décision, afin que l'intéressé puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et exercer son droit de recours à bon escient (arrêt du Tribunal fédéral 1B_539/2019 du 19 mars 2020 consid. 3.1 et les références citées).

3.2.       Selon l'art. 314 al. 1 let. b CPP, le ministère public peut suspendre l'instruction, lorsque l'issue de la procédure pénale dépend d'un autre procès dont il paraît indiqué d'attendre la fin. Cette mesure ne se justifie toutefois que si le résultat de l'autre cause peut véritablement jouer un rôle sur celui de l'affaire suspendue et qu'il simplifiera de manière significative l'administration des preuves dans cette même affaire (arrêt du Tribunal fédéral 1B_238/2018 du 5 septembre 2018 consid. 2.1 et les références citées).

3.2.1. La suspension ne doit pas avoir pour effet de retarder de manière injustifiée la procédure en cours (A. KUHN / Y. JEANNERET / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, 2ème éd., Bâle 2019, n. 13 ad art. 314).

3.2.2. Le principe de la célérité qui découle de l'art. 29 al. 1 Cst. et, en matière pénale, de l'art. 5 CPP, pose en effet des limites à la suspension d'une procédure. Ce principe est notamment violé lorsque l'autorité ordonne la suspension d'une procédure sans motifs objectifs. Pareille mesure dépend d'une pesée des intérêts en présence et ne doit être admise qu'avec retenue, en particulier s'il convient d'attendre le prononcé d'une autre autorité compétente qui permettrait de trancher une question décisive (arrêts du Tribunal fédéral 1B_406/2017 du 23 janvier 2018 consid. 2; 1B_163/2014 du 18 juillet 2014 consid. 2.2; 1B_421/2012 du 19 juin 2013 consid. 2.3). Dans les cas limites ou douteux, le principe de célérité prime (ATF 130 V 90 consid. 5; arrêts du Tribunal fédéral 1B_406/2017 du 23 janvier 2018 consid. 2; 1B_329/2017 du 11 septembre 2017 consid. 3).

3.3.1. En l'espèce, contrairement à ce que soutient le recourant, le Ministère public a, dans le procès-verbal du 2 juillet 2024, indiqué pour quelle raison il ne répondait pas favorablement à la demande de suspension de la procédure requise, à savoir en application du principe de célérité et du fait que le Tribunal fédéral n'avait pas accordé l'effet suspensif au recours déposé contre l'arrêt de la Chambre de céans du 12 mars 2024 (cause 7B_485/2024). Cette motivation a permis au recourant de déposer des écritures détaillées sur ce point. Le fait qu'il ne soit pas d'accord avec cette double argumentation n'y change rien.

Le grief d'une violation du droit être entendu doit être rejeté.

3.3.2. En l'occurrence, il ne saurait être reproché au Ministère public d'avoir fait primer le principe de célérité.

La plainte pour dénonciation calomnieuse qu'il instruit a été déposée à l'encontre du recourant le 3 décembre 2021, soit il y a plus de 2 ans et demi. L'avancement de son instruction est rendu difficile depuis le 5 septembre 2022, date de l'arrêt ACPR/613/2022 par lequel la cause a été renvoyée au Ministère public pour ouverture d'une instruction. Depuis lors, cette autorité a tenté par l'envoi de moult mandats de comparution à tenir une première audience, qui n'a finalement pu avoir lieu que le 23 novembre 2023. Dite audience a donné lieu à un recours auprès de la Chambre de céans, dont l'arrêt ACPR/179/2024 a été attaqué devant le Tribunal fédéral par le recourant (cause 7B_485/2024).

Comme retenu par la jurisprudence, la suspension d'une procédure ne doit être admise qu'avec retenue, le principe de célérité primant dans les situations douteuses. Tel est le cas en lien avec la cause précitée actuellement en cours devant le Tribunal fédéral. En effet, l'arrêt attaqué a déclaré irrecevable le recours s'agissant de la qualité de partie plaignante de C______ et de la mise en prévention du recourant.

Ces deux questions n'empêchent nullement la tenue d'une audience d'instruction, en l'état fixée au 20 août 2024, lors de laquelle le recourant devra répondre aux questions factuelles du Ministère public, sur des soupçons de dénonciation calomnieuse, infraction poursuivie d'office.

Ainsi, étant rappelé le caractère potestatif de l'art. 314 CPP, c'est à bon droit que le Ministère public a refusé d'accéder à la demande de suspension de la procédure.

4.             Le recourant reproche au Ministère public d'avoir refusé qu'il produise une écriture avant d'être entendu oralement.

4.1. Aux termes de l'art. 66 CPP la procédure devant les autorités pénales est orale, à moins que le code ne prévoie la forme écrite.

4.2. En application de l'art. 145 CPP, l'autorité pénale peut, en lieu et place d'une audition ou en complément de celle-ci, inviter le comparant à lui présenter un rapport écrit sur ses constatations. Cette disposition doit être appliquée avec retenue et reste une exception. En effet, l'interrogatoire oral est la règle et la présentation de rapports écrits ne doit pas entraîner une restriction des droits des parties, en particulier celui d'assister à l'administration des preuves (art. 147 CPP; arrêts du Tribunal fédéral 6B_663/2014 du 22 décembre 2017 consid. 11.2 et 6B_835/2014 du 8 décembre 2014 consid. 2.2).

4.3. En l'espèce, c'est conformément à la loi que le Ministère public n'a pas autorisé le recourant à produire un écrit avant de s'exprimer oralement sur les faits devant lui, ce que ce dernier s'est refusé à faire le 2 juillet 2024. Or le recourant sait depuis le mois de septembre 2022 qu'il aura à s'expliquer devant cette autorité sur l'infraction de dénonciation calomnieuse qui lui est reprochée.

En tous points infondé, le recours sera rejeté.

5. Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, arrêtés à CHF 1'500.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).

* * * * *

 

 

 

 

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 1'500.-.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant et au Ministère public.

Siégeant :

Monsieur Christian COQUOZ, président; Mesdames Corinne CHAPPUIS BUGNON et Valérie LAUBER, juges; Madame Olivia SOBRINO, greffière.

 

 

La greffière :

 

Olivia SOBRINO

 

Le président :

 

Christian COQUOZ

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/23839/2021

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

1'415.00

Total

CHF

1'500.00