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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/26083/2022

ACPR/420/2024 du 07.06.2024 sur SEQMP/1075/2024 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : SÉQUESTRE(LP);COMPTE BANCAIRE;MINIMUM VITAL;CRÉANCE
Normes : CPP.263.al1; CPP.268

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/26083/2022 ACPR/420/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du vendredi 7 juin 2024

 

Entre

A______, représenté par Me B______, avocate,

recourant,

 

contre l'ordonnance de séquestre rendue le 23 avril 2024 par le Ministère public,

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. a. Par acte expédié le 6 mai 2024, A______ recourt contre l'ordonnance du 23 avril 2024, notifiée le lendemain, par laquelle le Ministère public a ordonné la mise sous séquestre de deux comptes ouverts à son nom auprès de C______.

Le recourant conclut préalablement à l'octroi de l'effet suspensif et, au fond, à l'annulation de l'ordonnance précitée, frais laissés à la charge de l'État.

b. Par ordonnance OCPR/23/2024 du 8 mai 2024, la Direction de la procédure a rejeté la demande d'effet suspensif.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. La procédure a été ouverte le 13 février 2024 à l'encontre de A______ des chefs d'escroquerie, gestion déloyale, diminution effective de l'actif au préjudice des créanciers, voire de gestion fautive.

Il lui est reproché d'avoir, en sa qualité d'associé-gérant, avec signature collective à deux, de la société D______ Sàrl [une société de coffrage], de concert avec E______, effectué, entre 2020 et 2022, sans droit et sans contre-prestation, de nombreux retraits en espèces ainsi que des virements en sa faveur pour un montant total estimé à plusieurs dizaines, voire plusieurs centaines de milliers de francs suisses; utilisé entre 2021 et 2022 les fonds de la société afin d'acquérir une voiture destinée à son utilisation personnelle puis de payer les frais de leasing pour un montant total estimé à au moins CHF 35'000.-; sollicité le 2 avril 2020 un crédit COVID-19 de CHF 100'000.- pour D______ Sàrl et l'avoir utilisé contrairement à ce qui était prévu dans la convention de crédit.

b. Lors d'une audience de confrontation devant le Ministère public le 12 mars 2024, A______ et E______ ont déclaré qu'ils étaient constamment sur les chantiers et géraient la société. Ils se versaient des salaires de l'ordre de CHF 5'500.- à CHF 6'200.- bruts par mois. Ils recevaient de la "caisse F______" les fiches de salaire, les charges sociales et les impôts à la source pour leurs 15 à 20 employés et procédaient aux paiements à partir du compte [bancaire] G______ de la société.

À la suite du COVID-19 et de la chute des affaires, A______ s'étant de plus cassé la jambe en février 2019 et, ne pouvant plus travailler sur les chantiers, ils avaient décidé de vendre la société à H______, également prévenu, pour CHF 4'000.-. Ce dernier devait redresser D______ Sàrl.

H______ a indiqué que vu le problème de redressement de salaires à hauteur de CHF 300'000.- selon la Commission paritaire, il avait racheté la société pour CHF 1.- (selon contrat de cession du 21 avril 2022) et demandé CHF 4'000.- à A______ et E______ pour la liquider.

Selon A______ et E______, les retraits en espèces du compte de la société, à hauteur de CHF 210'590.- entre le 7 mai 2021 et le 21 avril 2022, de CHF 46'000.- entre le 26 juin 2020 et le 11 février 2021, de CHF 235'994.- entre le 17 avril 2020 et le 9 mai 2022 (prélèvements et versements en faveur de E______), et de CHF 367'158.50 entre le 8 mai 2020 et le 22 octobre 2021 (prélèvements et versements en faveur de A______) étaient tous en lien avec le fonctionnement de l'entreprise.

c. S'agissant de sa situation personnelle, A______ a indiqué le 12 mars 2024 au Ministère public être toujours en arrêt accident et avoir subi quatre opérations. Il touchait CHF 5'400.- par mois de la SUVA, depuis 2019. Il était marié et père de trois enfants. Sa demande d'AI avait été refusée.

d. La lecture des rapports de compte auprès de C______ pour la période du 1er janvier 2020 au 5 avril 2024 laisse apparaître:

d.a. pour une relation, un solde positif de CHF 15'118.- le 5 avril 2024. Elle a été alimentée par quelques versements de plusieurs centaines de francs, quelques paiements de I______ SA [bailleresse du prévenu], de l'assurance-maladie et de la Caisse des médecins, de quelques centaines de francs, avant de recevoir chaque mois, à compter du 14 juin 2023, des montants de plus de CHF 5'600.- de la SUVA. Elle a été débitée essentiellement de petits montants pour des courses alimentaires et l'achat de divers biens en magasins. Dès le 14 juin 2023 toutefois, des retraits en espèces/paiements à la Poste, de CHF 200.- à CHF 1'652.80 (les paiements via ce compte effectués au guichet se sont montés à CHF 1'652.80 le 15 août 2023, CHF 1'221.30 le 12 septembre 2023, CHF 1'574.30 le 9 octobre 2023, CHF 1'625.- le 9 novembre 2023, CHF 1'177.80 le 11 janvier 2024 et CHF 1'437.20 le 9 février 2024), ont été effectués, ainsi que des achats de marchandises plus conséquents que jusque-là.

d.b. pour l'autre relation, un solde positif de CHF 131'365.16 le 5 avril 2024. La première écriture date du 2 juin 2023 et concerne un virement de CHF 9'059.35 en provenance d'un compte de A______ auprès de [la banque] G______, soldé à cette même date. Les autres crédits sont un virement de CHF 444.65 le 28 novembre 2023, provenant d'un compte G______ du recourant (garantie de loyer ; 1______ présentant un solde nul à cette date), et de CHF 2'000.- le 11 janvier 2024, de la commune de M______ [GE], puis, le 29 février 2024, trois versements de la Caisse de compensation AVS N______ pour un montant total de CHF 171'287.-. Les débits correspondent à des petits achats et retraits de quelques dizaines de francs, et à de rares fois de CHF 100.- à CHF 200.-, hormis CHF 288.- le 6 juin 2023, CHF 1'101.45 le 13 juin suivant, CHF 1'000.- le 19 juin, CHF 1'000.- et CHF 669.70 le 27 juin, CHF 500.- le 28, CHF 301.35 le 29 juin 2023, CHF 300.- le 16 janvier 2024, CHF 500.- le 20 janvier 2024, CHF 10'000.- puis CHF 1'000.- le 29 février 2024. À compter de l'arrivée du montant de plus de CHF 170'000.- précité, le compte présente des paiements et retraits nettement plus importants, en fréquence et en montants.

e. Il ressort du rapport de relation de C______ afférent au compte dont l'épouse du prévenu, J______, est titulaire, que cette dernière y a reçu les allocations familiales, à hauteur de CHF 1'000.- puis CHF 1'033.- par mois, puis un salaire chaque mois, à compter du 6 mars 2023, de la société K______ AG. Le montant de ce salaire est variable et allait pour le plus faible de CHF 1'678.15 (le 6 mars 2023) à CHF 4'584.45 pour le plus élevé (le 4 décembre 2023).

f. Dans le dossier soumis à l'assistance juridique en vue de la nomination d'office de son conseil, le recourant n'a produit des relevés de compte, pour la période du 1er novembre 2023 au 31 janvier 2024, qu'en lien avec la première de ses deux relations auprès de C______; il a déclaré que son épouse ne touchait aucun revenu et qu'il n'avait aucune fortune, excepté une voiture d'une valeur d'environ CHF 2'000.-.

C. Dans l'ordonnance querellée, le Ministère public a retenu qu'il était probable que les valeurs figurant sur les comptes dont le recourant était détenteur auprès de C______, seraient utilisées pour garantir le paiement d'une créance compensatrice ainsi que des frais de procédure, des peines pécuniaires, des amendes et des indemnités. Il existait en effet des soupçons suffisants de la perception par le prévenu d'avantages illicites en lien avec les infractions en cause.

D. a. À l'appui de son recours A______ fait valoir en substance que les montants détenus sur ses deux uniques comptes, séquestrés, représentaient l'entier de ses deniers et n'avaient aucun lien avec les infractions qui lui étaient reprochées.

Leur séquestre portait de plus atteinte à ses conditions minimales d'existence, car il ne pouvait plus acheter quoi que ce soit pour la subsistance de son épouse et de leurs trois enfants à charge. Le montant mensuel des primes d'assurance-maladie, subsides déduits, s'élevait à CHF 324.05 pour lui, à CHF 424.05 pour son épouse, à CHF 73.85 pour leur aîné et à CHF 28.05 pour chacun de leurs deux autres enfants. Leur loyer se montait à CHF 1'625.- par mois. Il subvenait seul aux besoins de toute la famille et percevait pour unique revenu la rente de CHF 5'400.- de la SUVA, versée sur l'un des deux comptes séquestrés. Les charges incompressibles de sa fille aînée s'élevaient à CHF 673.85, celles de chacun de ses deux enfants suivants, à CHF 428.05, et celles du couple à CHF 2'869.05 (pour lui) et CHF 1'344.05 (pour son épouse).

Si par impossible la Chambre de céans devait confirmer l'ordonnance de séquestre, il devrait lui être fait droit à un versement mensuel de CHF 5'743.05, afin qu'il puisse faire face à ses obligations.

Il produit copies de récépissés de bulletins de versement pour les mois de janvier à mars 2024, attestant notamment du paiement du loyer de CHF 1'625.- par mois, des primes LAMAL, pour CHF 636.90 et des primes LCA pour CHF 156.45, ainsi que de factures des SIG et de l'opérateur mobile L______.

b. Le Ministère public conclut au rejet du recours.

Les explications fournies par le recourant, notamment sur l'utilisation du prêt COVID-19, le fonctionnement de D______ Sàrl et la cession de cette société à H______, apparaissaient peu crédibles, confuses et contradictoires au regard des pièces du dossier. Par ailleurs, à ce stade de l'analyse des pièces, le nombre de cas de sinistres annoncés à la SUVA par la société en liquidation, entre le 22 avril 2013 et le 18 avril 2024, au nombre de 52, dont 15 pour A______, interrogeait. Alors même que le recourant avait indiqué qu'une rente AI lui avait été refusée, il avait reçu sur un de ses comptes C______, le 29 février 2024, un paiement rétroactif à ce titre de CHF 171'287.-, ce qu'il ne pouvait ignorer, dès lors qu'il avait procédé à un retrait de CHF 10'000.- le même jour. Il n'avait d'ailleurs, dans le cadre de sa demande d'assistance juridique du 13 mars 2024, fait mention ni de ce versement, ni de ce compte.

S'agissant de la proportionnalité du séquestre, le recourant n'avait pas démontré se trouver dans une situation précaire. Il ne faisait état que d'une partie de sa situation financière. Il était rappelé que le séquestre ne portait pas sur le compte B______ de son épouse qui présentait, au 4 avril 2024, un solde de plus de CHF 21'000.-. Cette dernière percevait un salaire et les allocations familiales des trois enfants, de sorte qu'elle devait être à même de pourvoir pour partie aux charges alléguées. La famille du recourant bénéficiait des subsides de l'assurance-maladie. Or, les calculs établis par le recourant pour évaluer le minimum vital ne correspondaient pas aux pièces du dossier.

c. A______ n'a pas répliqué.

EN DROIT :

1.             1.1. Les ordonnances ayant pour objet le séquestre, son exécution et sa levée sont sujettes à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP; Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, 2ème éd., Bâle 2019, n. 15 ad art. 393).

1.2. Le recourant, prévenu (art. 104 al. 1 let. a CPP) et détenteur des deux comptes séquestrés dispose d'un intérêt juridiquement protégé à la modification ou l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

1.3. Partant, le recours est recevable.

2.             2.1. Selon l'art. 197 al. 1 CPP, toute mesure de contrainte doit être prévue par la loi (let. a), doit répondre à l'existence de soupçons suffisants laissant présumer une infraction (let. b), doit respecter le principe de la proportionnalité (let. c) et doit apparaître justifiée au regard de la gravité de l'infraction (let. d).

Selon l'art. 263 al. 1 CPP, le séquestre d'objets et de valeurs patrimoniales appartenant au prévenu ou à des tiers peut être ordonné, notamment, lorsqu'il est probable qu'ils seront utilisés comme moyens de preuves (let. a; séquestre probatoire), pour garantir le paiement des frais de procédure, des peines pécuniaires, des amendes et des indemnités (let. a; séquestre en couverture de frais), qu'ils devront être restitués au lésé (let. c) ou qu'ils devront être confisqués ou utilisés en vue d'une créance compensatrice selon l'art. 71 CP (let. e, en vigueur depuis le 1er janvier 2024; séquestre conservatoire).

Jusqu'au 1er janvier 2024, le CPP ne comprenait pas de dispositions sur le séquestre de valeurs patrimoniales en vue de l’exécution d’une créance compensatrice, ce qui était toutefois réglé à l’art. 71, al. 3, CP, lequel n’avait pas été intégré dans le CPP. Pour plus de clarté, cette disposition du CP était abrogée et son contenu était introduit à l’art. 263 al. 1 let. e CPP (Message du Conseil fédéral du 28 août 2019 [19.048] concernant la modification du code de procédure pénale (mise en œuvre de la motion 14.3383 de la Commission des affaires juridiques du Conseil des États « Adaptation du code de procédure pénale »; FF 2019 6351 p. 6406).

2.2. Dans le cadre de l'examen d'un séquestre, l'autorité statue sous l'angle de la vraisemblance, examinant des prétentions encore incertaines. Le séquestre pénal est en effet une mesure conservatoire provisoire destinée à préserver les objets ou valeurs qui peuvent servir de moyens de preuves, que le juge du fond pourrait être amené à confisquer ou à restituer au lésé, ou qui pourraient servir à l'exécution d'une créance compensatrice (art. 263 al. 1 CPP et 71 al. 3 CP).

L'autorité doit pouvoir statuer rapidement (cf. art. 263 al. 2 CPP), ce qui exclut qu'elle résolve des questions juridiques complexes ou qu'elle attende d'être renseignée de manière exacte et complète sur les faits avant d'agir (ATF 141 IV 360 consid. 3.2; arrêt du Tribunal fédéral 1B_123/2022 du 9 août 2022 consid. 2.1). L'intégralité des fonds doit demeurer à disposition de la justice aussi longtemps qu'il existe un doute sur la part de ceux-ci qui pourrait provenir d'une activité criminelle. Les probabilités d'une confiscation, respectivement du prononcé d'une créance compensatrice, doivent cependant se renforcer au cours de l'instruction
(ATF 122 IV 91 consid. 4; arrêts 1B_356/2021 du 21 septembre 2021 consid. 3.1; 1B_269/2018 du 26 septembre 2018 consid. 4.1).

2.3. À teneur de l'art. 267 al. 1 CPP, si le motif du séquestre disparaît, le ministère public ou le tribunal a l'obligation de lever la mesure et de restituer les objets et valeurs patrimoniales à l'ayant droit. Le séquestre ne peut être levé que dans l'hypothèse où il est d'emblée manifeste et indubitable que les conditions matérielles d'une confiscation ne sont pas réalisées, et ne pourront l'être (ATF 140 IV 133 consid. 4.2.1; 139 IV 250 consid. 2.1).

2.4.1. En cas de séquestre en couverture des frais de procédure, des indemnités à verser, des peines pécuniaires et amendes, l'autorité pénale tient compte du revenu et de la fortune du prévenu et de sa famille (art. 268 al. 1 let. a et b. et al. 2 CPP) et les valeurs patrimoniales insaisissables selon les art. 92 à 94 LP sont exclues de la mesure (art. 268 al. 3 CPP).

2.4.2. Le séquestre en couverture des frais peut porter sur tous les biens et valeurs du prévenu, même ceux qui n'ont pas de lien de connexité avec l'infraction. Pour ce type de saisie, comme pour toutes les mesures de contrainte, le principe de la proportionnalité doit être respecté (arrêt du Tribunal fédéral 1B_274/2012 du 11 juillet 2012 consid. 3.1).

2.4.3. Le principe de proportionnalité doit d'abord être pris en considération lorsqu'il s'agit de décider de l'opportunité du séquestre en couverture de frais. L'autorité pénale doit en effet disposer d'indices lui permettant de douter du futur recouvrement des frais auxquels le prévenu sera condamné. Cela peut être le cas si le prévenu procède à des transferts de biens aux fins d'empêcher une soustraction ultérieure ou si le prévenu tente de se soustraire à la procédure par la fuite, sans avoir fourni aucune garantie (Message du Conseil fédéral relatif à l'unification du droit de procédure pénale du 21 décembre 2005 [ci-après: le Message] FF 2005 1229; cf. également arrêts 1B_379/2013 du 6 décembre 2013 consid. 2.3.2; 1B_274/2012 du 11 juillet 2012 consid. 3.1). Lorsque l’on peut s’attendre à ce que le prévenu, en cas de condamnation, fera face dans la mesure de ses moyens aux frais en question, un séquestre en couverture des frais est exclu (M. NIGGLI / M. HEER / H. WIPRÄCHTIGER, Schweizerische Strafprozessordnung / Schweizerische Jugendstrafprozessordnung, Basler Kommentar StPO/JStPO, 2ème éd., Bâle 2014, n. 9 ad art. 268 CPP).

2.4.4. Le principe de proportionnalité entre aussi en ligne de compte lorsqu'il s'agit de déterminer la valeur des biens à mettre sous séquestre. Celui-ci ne doit pas compromettre plus que nécessaire les intérêts privés du prévenu en frappant indistinctement des biens dont la valeur dépasse le montant des frais présumés que le prévenu pourrait être condamné à payer (M. NIGGLI / M. HEER / H. WIPRÄCHTIGER, op.cit., n. 8 ad. art. 268). S'agissant du montant définitif des frais judiciaires, il ne sera connu qu'à l'issue de la procédure et le principe de proportionnalité n'est violé que si le montant saisi en garantie des coûts de procédure est manifestement disproportionné par rapport aux coûts estimés (arrêts du Tribunal fédéral 1B_379/2013 du 6 décembre 2013 consid. 2.3.3; 1B_274/2012 du 11 juillet 2012 consid. 3.1).

2.4.5. Tant que l’instruction n’est pas achevée, respectivement qu’une décision finale n’est pas exécutoire, et que subsiste une possibilité qu’une créance compensatrice soit ordonnée, la mesure conservatoire doit être maintenue (ATF 141 IV 360 consid. 3.2; 140 IV 57 consid. 4.1.2). L’étendue du séquestre ne doit cependant pas violer manifestement le principe de proportionnalité, notamment sous l’angle du respect des conditions minimales d’existence (ATF 141 IV 360 consid. 3.2).

2.5.       En l'espèce, le recourant se prévaut d'une absence de lien entre les valeurs séquestrées et les faits qui lui sont reprochés. Quand bien même il ne semble effectivement pas que les deux comptes séquestrés se soient vu créditer de montants en lien direct avec les infractions en cause, selon la jurisprudence précitée, le séquestre en couverture des frais peut porter sur tous les biens et valeurs du prévenu, même ceux qui n'ont pas de lien de connexité avec l'infraction, moyennant respect du principe de la proportionnalité. Ce grief est donc infondé.

Le recourant soutient ensuite que le minimum vital de son groupe familial serait atteint par le séquestre – conservatoire – portant sur les deux comptes dont il est détenteur auprès de C______, aux soldes respectifs de CHF 15'118.- et CHF 131'365.16 au 5 avril 2024, mesure prononcée pour garantir le paiement d'une créance compensatrice, ainsi que les frais de procédure, les peines pécuniaires, les amendes et indemnités (art. 263 al. 1 CPP).

Le recourant doit se voir opposer l'opacité de sa situation financière. Il n'a ainsi pas donné tous les renseignements requis à l'assistance juridique dans sa demande du 13 mars 2024, puisqu'il a prétendu que son épouse était sans revenu, alors même que l'emploi de cette dernière a généré des rentrées sur son compte C______ – non séquestré – pouvant aller selon les mois jusqu'à CHF 3'400.- et même plus de CHF 4'500.- nets. Il a aussi tu l'existence de l'un de ses deux comptes C______ et indiqué n'avoir aucune fortune, alors que ledit compte présentait un solde de CHF 131'365.16 le 5 avril 2024, consécutivement au paiement le 29 février 2024 d'un rétroactif de l'AI de CHF 171'287.-, ce qu'il ne pouvait ignorer, dès lors qu'il avait procédé à un retrait de CHF 10'000.- le même jour. Il a aussi déclaré le 12 mars 2024 au Ministère public que sa demande d'AI avait été refusée, alors même qu'à peine deux semaines plus tôt il avait reçu à ce titre les plus de CHF 171'000.- précités.

Pour le surplus, l'analyse du Ministère public peut être suivie en ceci que le recourant n'a nullement démontré se trouver dans une situation précaire. Le compte B______ de son épouse présentait, au 4 avril 2024, un solde de plus de CHF 21'000.- et elle y reçoit régulièrement son salaire et les allocations familiales de CHF 1'033.- par mois. Elle est donc à même de pourvoir pour bonne partie aux charges alléguées. Il ne ressort pas des relevés des comptes B______ tant du recourant que de son épouse qu'ils auraient servi à acquitter – à tout le moins régulièrement – le loyer du logement de CHF 1'625.- par mois, des primes LAMAL, de CHF 636.90 et des primes LCA pour CHF 156.45, selon les récépissés postaux produits par le recourant à l'appui de son recours, uniquement pour la période de janvier à mars 2024. À l'exception de quelques retraits en espèces conséquents, lesdits comptes C______, et avant eux le compte G______ du recourant clôturé le 9 juin 2023, tout comme le compte C______ de son épouse, ne servaient qu'à acquitter des achats alimentaires, vestimentaires et de loisirs. Le recourant n'indique pas, ni a fortiori ne démontre, de quelle manière il se serait acquitté des autres charges, telles le loyer, d'électricité, de téléphonie et des acomptes provisionnels, dont le montant est inconnu, à l'exception des rares récépissés produits pour les mois de janvier à mars 2024 pour des paiements à la Poste en faveur de la régie, des SIG et de l'opérateur L______. À cet égard, les versements effectués entre le 15 août 2023 et le 9 février 2024, par le débit du compte séquestré n° 2______ (paiements à la Poste), dont seul le total apparait sur les rapports de C______, ne permettaient que pour deux d'entre eux ne serait-ce que de couvrir le loyer de CHF 1'625.- (CHF 1'652.80 versés le 15 août 2023 et CHF 1'625.- le 9 novembre 2023).

L'hypothèse avancée par le Ministère public d'autres sources de revenus est dans ces conditions plausible.

Ces éléments ne permettent quoi qu'il en soit pas de retenir que le recourant verrait le minimum vital du groupe familial atteint par les séquestres litigieux et il ne l'a pas démontré. Il sera ajouté sur ce point qu'il n'appartient pas à la Chambre de céans de réconcilier les montants apparaissant dans les comptes du couple, avec les charges de la famille pour en déduire une éventuelle atteinte au minimum vital.

L'ordonnance querellée sera donc confirmée.

3. Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, qui comprendront un émolument de CHF 900.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03). En effet, l'autorité de recours est tenue de dresser un état de frais pour la procédure de deuxième instance, sans égard à l'obtention de l'assistance judiciaire (arrêts du Tribunal fédéral 1B_372/2014 du 8 avril 2015 consid. 4.6 et 1B_203/2011 du 18 mai 2011 consid. 4).

4. Le recourant plaide au bénéfice d'une défense d'office.

4.1. Selon la jurisprudence, la désignation d'un conseil d'office pour la procédure pénale principale n'est pas un blanc-seing pour introduire des recours aux frais de l'État, notamment contre des décisions de détention provisoire (arrêt du Tribunal fédéral 1B_516/2020 du 3 novembre 2020 consid. 5.1).

4.2. En l'occurrence, le recourant succombe et l'exercice de son recours procède d'un abus. Comme déjà relevé, il doit se voir opposer l'opacité de sa situation financière et les lacunes dans les éléments donnés sur ce plan tant à l'assistance juridique qu'au Ministère public. Son recours était dans ces conditions voué à l'échec.

Aucune indemnité pour cet acte ne sera, partant, allouée au défenseur d'office.

* * * * *


 


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours.

Refuse l'assistance judiciaire pour le recours.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, comprenant un émolument de CHF 900.-.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant, soit pour lui son conseil, et au Ministère public.

Siégeant :

Monsieur Christian COQUOZ, président; Mesdames Corinne CHAPPUIS BUGNON et Valérie LAUBER, juges; Madame Arbenita VESELI, greffière.

 

La greffière :

Arbenita VESELI

 

Le président :

Christian COQUOZ

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/26083/2022

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

900.00

-

CHF

Total

CHF

985.00