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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/6205/2023

ACPR/182/2024 du 12.03.2024 sur ONMMP/2571/2023 ( MP ) , ADMIS/PARTIEL

Descripteurs : ORDONNANCE DE NON-ENTRÉE EN MATIÈRE;INSOUMISSION À UNE DÉCISION DE L'AUTORITÉ;ACTION RÉCURSOIRE
Normes : CPP.310; CP.292; CPP.420

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/6205/2023 ACPR/182/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mardi 12 mars 2024

 

Entre

A______, domicilié ______, France, agissant en personne,

recourant,

contre l'ordonnance de non-entrée en matière rendue le 26 juin 2023 par le Ministère public,

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. a. Par acte remis le 6 juillet 2013 au Consulat suisse de B______ (France), à l'attention de la Chambre de céans, A______ recourt contre l'ordonnance du 26 juin 2023, communiquée par pli simple, par laquelle le Ministère public a refusé d'entrer en matière sur sa plainte du 16 mars 2023 (chiffre 1 du dispositif querellé), dit que les frais de la procédure (CHF 510.-) étaient laissés à la charge de l'État
(ch. 2), octroyé une indemnité de CHF 1'005.21 à C______ pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits de procédure (art. 429 al. 1 let. a CPP; ch. 3) et condamné A______ à rembourser la somme de "CHF 1'525.21" en application de l'art. 420 CPP (ch. 4).

Le recourant conclut à l'annulation de l'ordonnance querellée. Il demande à la Chambre de céans de "reconnaitre" sa plainte, "réserver sa décision sur la plainte (…) jusqu'à épuisement de la démarche amiable tentée par le couple pour le règlement du droit de visite", condamner l'État au versement d'une indemnité pour tort moral et en couverture de ses frais d'avocat pour "un montant qui ne saurait être inférieur à deux fois le montant des frais de procédure (CHF 510.-)".

b. Le recourant a versé les sûretés en CHF 300.- qui lui étaient réclamées par la Direction de la procédure.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. Par pli du 16 mars 2023, A______ a déposé plainte contre son
ex-épouse, C______ pour "refus d'exécuter une décision de justice (art. 292 CP), refus de présentation d'enfant et actions en vue d'interrompre le lien père/enfant, sous réserve d'autres qualifications".

En substance, il reproche à cette dernière de s'opposer systématiquement à son droit de visite sur leurs filles D______ et E______, nées respectivement les ______ 2015 et ______ 2016, et de rejeter ses appels téléphoniques. Or, deux décisions avaient été rendues par le Tribunal d'arrondissement de F______ [VD] les 31 décembre 2020 et 10 août 2022, lesquelles organisaient le droit de visite durant les vacances et certains week-ends, et prévoyaient que les contacts téléphoniques avec ses enfants auraient lieu au moins une fois par semaine.

A______ formule d'autres reproches à l'encontre de C______, soit notamment d'avoir imposé l'usage de Whatsapp pour les contacts avec ses filles, ce qui empêchait un suivi de la durée et la fréquence des appels, d'avoir exigé que sa mère à lui soit présente à ses côtés pour s'occuper de ses enfants durant 18 jours – contre trois semaines octroyées par le Tribunal – en juillet 2022, d'ignorer ses demandes de vacances ou encore de ne pas l'informer de l'éducation et des loisirs des enfants, ce alors qu'il disposait de l'autorité parentale conjointe.

Son avocat avait interpellé C______ pour qu'elle respecte ces décisions. Cela étant, il avait renoncé à saisir les juridictions civiles, dès lors que celles-ci étaient "plutôt laxistes" pour faire respecter le droit de visite en faveur du père. L'"entrave fautive" à l'exercice du droit de visite devait être punie. C______ ne s'intéressait pas au bien-être des enfants ni à leur équilibre mais utilisait la justice pour les instrumentaliser et les séparer de lui.

Il se constituait partie plaignante et "réserv[ait] [s]es droits civils en vue de tenter de demander la garde des enfants". Il précisait avoir déposé plainte en France pour les mêmes faits.

À l'appui, A______ a produit ses échanges avec C______ (SMS et courriels) ainsi que des captures d'écran des "infos du contact" sur lesquelles figurent, par jour, les appels refusés et manqués par la prénommée.

b. Par pli du 21 mars 2023, le Ministère public a demandé à A______ de lui faire parvenir les décisions mentionnées dans sa plainte.

c. Ce dernier s'est exécuté le 27 suivant, transmettant:

- une ordonnance de mesures provisionnelles rendue le 31 décembre 2020 par le Tribunal d'arrondissement de F______, fixant le montant de la contribution due par l'intéressé pour l'entretien de ses enfants;

- un jugement du 10 août 2022, par lequel le Tribunal d'arrondissement de F______ a prononcé le divorce des parties et ratifié la convention partielle sur les effets du divorce. Il ressort notamment de celle-ci que l'autorité parentale sur les enfants était attribuée conjointement aux deux parents, A______ jouissant d'un large droit de visite à fixer d'entente la mère des enfants ou, à défaut, à raison d'un week-end par mois hors vacances scolaires et neuf semaines durant les vacances scolaires. En outre, les parties s'engageaient à se joindre par appel vidéo une fois par semaine afin que A______ puisse échanger avec ses filles.

d. Par pli du 21 avril 2023, le Ministère public a demandé à C______ de se déterminer sur la plainte.

e. Dans sa réponse du 1er mai 2023, C______ a contesté les faits reprochés. Elle précise que l'ordonnance de mesures provisionnelles partielle rendue par le Tribunal d'arrondissement de F______ le 16 septembre 2020 – qu'elle produit –, et non celle du 31 décembre 2020 mentionnée par A______ dans sa plainte, avait réglé le droit de visite, avant le divorce. En tout état, aucune de ces décisions ne contenait d'injonction à son attention sous la menace de la peine prévue par l'art. 292 CP. En réalité, seul A______ s'était vu notifier une interdiction assortie d'une telle menace. Les conditions de l'infraction précitée n'étaient ainsi pas remplies et la plainte de A______ avait pour but de lui nuire.

f. Par avis de prochaine clôture de l'instruction, le Ministère public a annoncé aux parties son intention de ne pas entrer en matière sur les faits dénoncés.

f.a. Dans le délai imparti, C______ a sollicité une indemnité de
CHF 1'005.21 pour ses frais de défense.

f.b. A______ a demandé au Ministère public la transmission, par courriel, des "déclarations" de C______ ainsi qu'un délai pour lui faire parvenir ses "remarques".

f.c. Sur ledit courrier figure le n'empêche du Procureur du "19.06.23" ainsi que l'inscription manuscrite : "pour copie contre paiement ou consultation au Ministère public. Délai prolongé au 9.06.23".

C. Dans l'ordonnance querellée, le Ministère public a refusé d'entrer en matière sur la plainte de A______, au motif que les décisions civiles relatives au droit de visite des enfants ne précisaient pas que C______ serait punie, conformément à l'art. 292 CP, d'une amende, en cas de non-respect de celles-ci.

Dans la mesure où A______ avait uniquement déposé plainte pour ladite infraction, laquelle est poursuivie d'office, les frais de la procédure étaient laissés à la charge de l'État.

A______ devait toutefois être condamné à rembourser à l'État les frais de la procédure, arrêtés à CHF 510.-, ainsi que l'indemnité de CHF 1'005.21 octroyée à C______ pour ses frais de défense (art. 429 al. 1 let. a CPP), en application de l'art. 420 let. a CPP. Il avait en effet déposé plainte contre la prénommée pour insoumission à une décision de l'autorité au sens de l'art. 292 CP, l'accusant de ne pas avoir respecté un jugement et une ordonnance rendus par le Tribunal d'arrondissement de F______. Or, il connaissait le contenu de ces décisions, qu'il avait produites seulement sur demande du Ministère public, et savait qu'elles ne contenaient pas de menace de la peine prévue à cet article. Comme il s'était lui-même vu notifier une interdiction assortie d'une telle menace, il savait d'autant plus sous quelle forme celle-ci se présentait. Les accusations portées contre C______ s'étaient révélées infondées. En déposant plainte le 16 mars 2023, A______ avait, par négligence grave à tout le moins, provoqué l'ouverture de la procédure contre C______.

D. a. À l'appui de son recours, A______, reprenant les considérations en droit sur l'art. 292 CP contenu dans l'ordonnance querellée, expose que celles-ci ne "saurai[en]t donc s'appliquer à [lui] qui s'[était] contenté de déposer une plainte dont la forme [était] libre".

Le Ministère public s'était limité à examiner l'infraction à l'art. 292 CP, ce alors que la plainte était plus "large". Sa démarche avait pour but de faire prendre conscience à C______ de la "gravité de la situation pour le[urs] deux enfants". Il ne sollicitait aucune "sanction" contre elle mais souhaitait que le Ministère public l'"interpelle" et lui "rappelle les obligations et l'informe que sa désobéissance sera[it] punie d'une amende conformément à l'article 292 CP". Il résultait de ce qui précède que l'ordonnance n'était pas "motivée" et qu'elle violait l'art. 6 CEDH, ce qui devait entrainer "la nullité de la décision".

En outre, il contestait ne pas avoir donné suite au délai supplémentaire qui lui avait été accordé par le Ministère public, dans la mesure où il n'avait jamais reçu de réponse à sa demande. Par cette "inaction", l'autorité avait violé "le principe de tout État de droit qui base le rendu de la justice sur le débat contradictoire entre les parties" prévu par l'art. 6 CEDH et la Constitution fédérale, ce qui devait entrainer "la nullité de la décision".

Enfin, la décision entreprise était "incompréhensible" puisque les frais de la procédure avaient été laissés à la charge de l'État mais qu'il avait tout de même été condamné auxdits frais dans le cadre de l'action récursoire. "L'incompréhension générée dans les sections "dispositif" et "action récursoire" f[aisaient] que la décision de le condamner financièrement n'[était] pas motivée". Ceci devait aussi conduire à la nullité de la décision en vertu de l'art. 6 CEDH. "En tout état de cause, [s]a condamnation financière constitu[ait] un déni de justice", la plainte et les annexes démontrant le caractère délictueux du comportement de C______.

b. Le Ministère public conclut au rejet du recours et à la confirmation de l'ordonnance querellée, sous suite de frais.

c. A______ réplique. Le Procureur français avait déclaré sa plainte recevable s'agissant du "refus de présentation d'enfant et tentative de rupture du lien père-enfant" et l'avait invité à formaliser sa plainte pour chaque manquement du droit de visite ou des appels auprès de la police. Il apparaissait toutefois "extraordinaire" qu'il doive saisir les juridictions françaises pour faire appliquer une décision suisse. La médiation amorcée ensuite du dépôt de sa plainte était au point mort.

 

 

EN DROIT :

1.             Le recours a été déposé selon la forme et – faute de notification conforme à l'art. 85 al. 2 CPP – dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), remis à une représentation compétente pour le recevoir (art. 91 al. 2 CPP), concerne une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émane du plaignant qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. b CPP), a un intérêt juridiquement protégé à la modification ou l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             Le recourant reproche au Ministère public de ne pas lui avoir transmis les écritures de la mise en cause, respectivement de ne pas avoir recueilli sa détermination, avant de rendre l'ordonnance querellée. En outre, il était inexact de retenir qu'il n'avait pas donné suite au délai qui lui avait été accordé par le Ministère public puisqu'il n'en avait pas eu connaissance.

2.1. Le ministère public peut procéder à certaines vérifications avant de refuser d'entrer en matière. Il peut demander des compléments d'enquête à la police, non seulement lorsqu'il s'agit de compléter un précédent rapport au sens de l'art. 307 CPP, mais aussi lorsque la dénonciation elle-même apparaît insuffisante (art. 309 al. 2 CPP). Il ressort également de l'art. 309 al. 1 let. a CPP que le ministère public peut procéder à ses propres constatations. Cela comprend le droit de consulter les fichiers, dossiers et renseignements disponibles. Il en va de même lorsque le ministère public demande à la personne mise en cause une simple prise de position (arrêts du Tribunal fédéral 6B_496/2018 du 6 septembre 2018 consid. 1.3; 6B_1365/2017 du 27 juin 2018 consid. 3.3). 

Si le ministère public considère ensuite qu'une ordonnance de non-entrée en matière doit être rendue, il n'a pas à informer les parties de son choix puisque l'art. 318 CPP n'est pas applicable dans une telle situation; le droit d'être entendu des parties sera assuré, le cas échéant, dans le cadre de la procédure de recours contre l'ordonnance de non-entrée en matière. Cette procédure permet aux parties de faire valoir tous leurs griefs – formels et matériels – auprès d'une autorité disposant d'une pleine cognition en fait et en droit. Inversement, faute d'ouverture d'instruction, le droit de participer à l'administration des preuves ne s'applique en principe pas, et ce y compris en cas d'investigations policières diligentées à titre de complément d'enquête requis par le ministère public en vertu de l'art. 309 al. 2 CPP (arrêt du Tribunal fédéral 6B_496/2018 précité consid. 1.3). 

2.2. En l'espèce, la procédure n'a pas dépassé la phase des premières investigations, de sorte que le Ministère public était dispensé d'entendre le recourant avant de prononcer sa décision querellée.

Que le Ministère public ait fait précéder sa décision d’un avis de prochaine clôture portait d’autant moins préjudice aux droits procéduraux du recourant qu’il invitait celui-ci à soumettre d’éventuelles réquisitions de preuve. Le fait que le recourant n'ait pas pu – ou voulu – saisir cette occasion, faute d'avoir été – ou s'être – informé auprès du Ministère public de la suite donnée à sa demande, ne lui porte aucun préjudice puisqu'il a pu faire valoir devant la Chambre de céans – qui dispose d'un plein pouvoir de cognition en fait et en droit (art. 391 al. 1 et 393 al. 2 CPP) – les arguments qu'il estimait pertinents. De même, les éventuelles constatations inexactes du Ministère public auront été corrigées dans l'état de fait établi ci-avant.

Partant, son droit d'être entendu a été pleinement respecté.

2.3. Le recourant se plaint d'une violation de son droit d'être entendu sous l'angle du défaut de motivation de l'ordonnance querellée.

2.3.1. La garantie du droit d'être entendu, déduite de l'art. 29 al. 2 Cst., impose à l'autorité de motiver ses décisions, afin que les parties puissent les comprendre et apprécier l'opportunité de les attaquer, et que les autorités de recours soient en mesure d'exercer leur contrôle (ATF 141 III 28 consid. 3.2.4 p. 41).

Une autorité se rend coupable d'un déni de justice formel également prohibé par l'art. 29 al. 2 Cst. si elle omet de se prononcer sur des griefs qui présentent une certaine pertinence ou de prendre en considération des allégués et arguments importants pour la décision à prendre (ATF 138 V 125 consid. 2.1 p. 127).

L'autorité n'a pas l'obligation d'exposer et de discuter tous les faits, moyens de preuve et griefs invoqués par les parties, mais elle peut au contraire se limiter à ceux qui lui paraissent pertinents. La motivation peut être implicite et résulter des différents considérants de la décision (ATF 143 III 65 consid. 5.3 p. 71; arrêt du Tribunal fédéral 6B_226/2019 du 29 mars 2019 consid. 2.1).

2.3.2. En l'espèce, le Ministère public a exposé les raisons qui l'ont guidé pour rendre la décision querellée, à savoir que les décisions civiles citées dans la plainte n'avaient pas été signifiées à la mise en cause sous la menace de la peine prévue par l'art. 292 CP. La motivation, claire et compréhensible, permettait au recourant de contester la décision dans le cadre de son recours, ce qu'il a fait.

En outre, il résulte des considérations de la décision entreprise que la condamnation du recourant aux frais de la procédure, ainsi qu'au paiement de l'indemnité due à la mise en cause pour ses frais de défense, découle de l'action récursoire intentée par l'État contre lui. Contrairement à ce que soutient le recourant, ces explications sont donc suffisamment motivées.

Enfin, le recourant se plaint de "déni de justice" en lien avec sa "condamnation financière" dès lors qu'il considère avoir démontré, par sa plainte et les annexes produites, la réalisation de l'infraction dénoncée. Ce faisant, le recourant reproche en réalité à l'autorité précédente son appréciation des éléments du dossier, laquelle sera discutée ci-après.

Partant, ces griefs sont rejetés.

3.             3.1. À teneur de l'art. 310 al. 1 let. a CPP, le ministère public rend immédiatement une ordonnance de non-entrée en matière s'il ressort de la dénonciation ou du rapport de police que les éléments constitutifs de l'infraction ou les conditions à l'ouverture de l'action pénale ne sont manifestement pas réunis.

Au moment de statuer sur l'ouverture éventuelle de l'instruction, le ministère public doit examiner si les conditions d'exercice de l'action publique sont réunies, c'est-à-dire si les faits qui sont portés à sa connaissance sont constitutifs d'une infraction pénale et si la poursuite est recevable. Il suffit que l'un des éléments constitutifs de l'infraction ne soit manifestement pas réalisé pour que la non-entrée en matière se justifie (Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, 2ème éd., Bâle 2019, n. 8 ad art. 310).

3.2. Aux termes de l'art. 292 CP, quiconque ne se conformera pas à une décision à lui signifiée, sous la menace de l'amende prévue audit article, par une autorité ou un fonctionnaire compétent, sera puni de ladite peine.

L'insoumission à une décision de l'autorité n'est punissable que si la commination a été signifiée sous la menace de la peine prévue par l'article 292 CP. Une simple référence à cette disposition ou la mention de sanctions pénales ne suffit pas; il faut indiquer précisément la menace de l'amende (ATF 124 IV 297 consid. 4e ; ATF 105 IV 248 consid. 1 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_388/2018 du 13 septembre 2018 consid. 2).

3.3. En l'espèce, c'est à juste titre que le Ministère public a refusé d'entrer en matière sur la plainte pour insoumission de la mise en cause aux décisions rendues par le Tribunal d'arrondissement de F______, dès lors que les dispositifs des décisions en question ne font aucune mention de la peine prévue par l'art. 292 CP. Ainsi, contrairement à ce que semble penser le recourant, la décision du Ministère public n'est pas fondée sur une erreur formelle qu'il aurait commise lors du dépôt de plainte, mais sur l'absence d'un élément constitutif de l'infraction dénoncée.

Le recourant souhaite toutefois que la mise en cause se voie rappeler ses obligations et, le cas échéant, qu'elle soit informée qu'elle pourrait être punie d'une amende, conformément à l'art. 292 CP, si elle ne respectait pas lesdites décisions. Or, un tel rappel reviendrait à compléter le jugement civil, ce que ne peuvent faire les instances pénales.

Les autres griefs du recourant (droit aux relations personnelles, autorité parentale conjointe, modalités des appels, mise en place de la médiation etc.) se rapportent également à des questions civiles. Le recourant ne saurait donc se plaindre auprès des autorités pénales du fait que la mise en cause ne se conformerait pas à leurs accords ou n'obtempèrerait pas aux décisions rendues dans le cadre de la séparation et du divorce. Il reste libre, s'il s'y estime fondé, d'agir en exécution desdites décisions auprès des juridictions civiles (art. 338 ss CPC). En tout état, le fait qu'il considère, d'avance, que lesdites démarches seraient vaines ne fonde pas de compétence des juridictions pénales en la matière.

Pour le surplus, le recourant n'a pas démontré que la mise en cause se serait rendue coupable d'une autre infraction, étant précisé que la seule suspension unilatérale d'un droit de visite, pendant certaines périodes, ne suffirait pas à établir un prévention pénale suffisante de violation du devoir d'assistance et d'éducation (art. 219 CP; cf. ACPR/518/2016 c. 5.2.).

Enfin, le fait que le comportement reproché à la mise en cause serait constitutif d'une infraction pénale en droit français ne permet pas de modifier le raisonnement qui précède.

Le recours est donc infondé sur ce point.

4.             Le recourant conteste l'application de l'action récursoire.

4.1. L'art. 420 CPP permet à la Confédération ou au canton d'intenter une action récursoire contre les personnes qui, intentionnellement ou par négligence grave, ont provoqué l'ouverture de la procédure (let. a).

Cette action tend au remboursement des frais de la procédure et, le cas échéant, des indemnités et de la réparation morale allouées au prévenu acquitté. La collectivité ne doit user de l'action récursoire qu'avec retenue; elle est néanmoins autorisée à réclamer le remboursement des frais à celui qui a saisi l'autorité de poursuite pénale de manière infondée ou par malveillance (arrêts du Tribunal fédéral 6B_944/2015 du 25 mai 2016 consid. 5 ; 6B_620/2015 du 3 mars 2016 consid. 2.2 ; 6B_446/2015 du 10 juin 2015 consid. 2.1).

Une action récursoire entre ainsi en ligne de compte en cas de soupçons sans fondement, mais non lorsqu'une plainte est déposée de bonne foi. L'on songe plutôt à la dénonciation calomnieuse au sens de l'art. 303 CP (arrêt du Tribunal fédéral 6B_638 du 3 février 2021 consid. 2.2) commise sous la forme d'une machination astucieuse, au sens de l'art. 303 ch. 1 al. 2 CP ou d'une plainte pénale déposée à la légère ("leichtfertige Anzeige"; N. SCHMID / D. JOSITSCH, Schweizerischen Strafprozessordnung, Praxiskommentar, 4e éd., Zurich 2023, n. 5 ad art. 420). Selon la jurisprudence, le dénonciateur qui utilise le droit de dénoncer à des fins étrangères à celles pour lesquelles ce droit a été prévu agit par négligence grave (arrêt 6B_317/2018 précité, consid. 2.2).

4.2. En l'espèce, la mise à la charge du recourant des frais de la procédure
(CHF 510.-) par le biais de l'action récursoire ne prête pas le flanc à la critique. En effet, il ressort du dossier que le recourant a déposé plainte contre la mise en cause alors qu'il ressortait des décisions, citées dans sa plainte et qu'il n'a pas immédiatement produites, que celles-ci n'avaient pas été signifiées à la mise en cause sous la menace de la peine prévue à l'art. 292 CP. L'intéressé, qui s'était vu notifier une interdiction sous la menace de la peine prévue par ledit article, ne pouvait ignorer sous quelle forme celle-ci se présentait.

Il n'apparait cependant pas équitable de mettre l'indemnité due à la mise en cause pour ses frais de défense à la charge du recourant, dans la mesure où il ressortait des documents produits par ce dernier, sur lesquels la plainte était fondée, qu'un élément constitutif de l'infraction dénoncée faisait défaut; dès lors, la demande de détermination adressée à la mise en cause n'était pas nécessaire pour rendre l'ordonnance querellée.

Partant, le recours doit être partiellement admis.

5.             Le recourant succombe partiellement dans ses conclusions (art. 428 al. 1 CPP).

En conséquence, il supportera la moitié des frais de la procédure, qui seront fixés en totalité à CHF 600.-, soit à CHF 300.- (art. 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP; E 4 10.03).

6.             Bien qu'obtenant en partie gain de cause, le recourant, qui agit en personne, ne peut prétendre à des dépens (art. 429 al. 1 let. a CPP), étant relevé qu'il ne justifie pas de frais liés à sa défense.

* * * * *


 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Admet partiellement le recours.

Annule le chiffre 4 de l'ordonnance querellée.

Cela fait, condamne A______ à rembourser les frais de la procédure de première instance en CHF 510.-, en application de l'art. 420 CPP.

Dit que l'indemnité de CHF 1'005.21 allouée à C______ à titre de dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits de procédure est laissée à la charge de l'État.

Rejette le recours pour le surplus.

Condamne A______ à la moitié des frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 600.-, soit au paiement de CHF 300.-, le solde étant laissé à la charge de l'État.

Dit que le montant dû par le recourant (CHF 300.-) sera prélevé sur les sûretés versées.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Mesdames Corinne CHAPPUIS BUGNON et Alix FRANCOTTE CONUS, juges; Monsieur Xavier VALDES, greffier.

 

Le greffier :

Xavier VALDES

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/6205/2023

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

515.00

Total

CHF

600.00