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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/13592/2023

ACPR/94/2024 du 09.02.2024 sur OTMC/126/2024 ( TMC ) , REFUS

Descripteurs : INFRACTIONS CONTRE LE PATRIMOINE;RISQUE DE FUITE;SÛRETÉS
Normes : CPP.221

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/13592/2023 ACPR/94/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du vendredi 9 février 2024

 

Entre

A______, actuellement détenu à la prison de B______, représenté par Me C______, avocat,

recourant,

contre l'ordonnance de refus de mise en liberté rendue le 15 janvier 2024 par le Tribunal des mesures de contrainte,

et

LE TRIBUNAL DES MESURES DE CONTRAINTE, rue des Chaudronniers 9, 1204 Genève,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés.


EN FAIT :

A.           Par acte déposé le 23 janvier 2024, A______ recourt contre l'ordonnance du 15 précédent, par laquelle le Tribunal des mesures de contrainte (ci-après : TMC) a refusé sa mise en liberté.

Le recourant conclut, sous suite de frais, à l'annulation de ladite ordonnance et à sa libération immédiate, moyennant les mesures de substitution suivantes : versement de sûretés à hauteur d'EUR 3'500.-; obligation de déférer à toute convocation; et interdiction de tout contact avec les personnes concernées par la procédure, qu'il liste.

B.            Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :

a. A______ a été arrêté provisoirement le 22 juin 2023 et sa mise en détention provisoire ordonnée par le TMC, régulièrement prolongée depuis lors jusqu’au 22 février 2024.

b. Le prénommé est prévenu d'infractions aux art. 139 CP, 286 CP, 93 et 99 LCR, ainsi qu'à l'art. 19a ch. 1 LStup et à l'art. 115 al. 3 LEI, pour avoir, à Genève, en 2023, en agissant à certaines occasions de concert notamment avec les individus D______ et E______, dérobé à de très nombreuses reprises des motocycles de différentes marques et leurs accessoires, un jeu de plaques ainsi qu'un fourgon présentant des défauts au volant duquel il a circulé sans permis et sous l'emprise de cannabis. Le 22 juin 2023, il aurait également pris la fuite en courant malgré les injonctions "Stop police", empêchant les policiers de procéder à son contrôle et son interpellation.

c. Au fil de l'instruction et après avoir notamment été mis en cause par D______, le prévenu a reconnu certains vols, expliquant avoir perçu EUR 500.- à chaque fois qu'il ramenait les deux-roues volés jusqu'à F______ [France] et avoir procédé à des repérages. D______ et lui-même suivaient le camion conduit par "H______", chargeaient les motocyles dans le camion et repartaient en France, d'abord à G______ [France] pour reprendre le véhicule de D______, puis à F______.

d. Le 31 octobre 2023, le TMC a refusé sa demande de mise en liberté et, le 19 décembre 2023, il a prolongé sa détention provisoire jusqu'au 22 février 2024.

e. Dans l'intervalle, par mandat d'actes d'enquête du 15 décembre 2023, le Ministère public a demandé à la police de prendre connaissance du procès-verbal d'audience de I______ – soupçonné d'être impliqué notamment dans le vol d'un utilitaire J______/1______ [marque, modèle] ayant pu être utilisé pour commettre des vols de motocycles à Genève – du 23 novembre 2023 et d'analyser les pièces fournies par lui.

f. À l'issue de l'audience du 13 décembre 2023, le Ministère public a ordonné la mise en liberté de E______ moyennant notamment une interdiction de contact avec les autres personnes impliquées dans la procédure.

g. Le 10 janvier 2024, A______ a une nouvelle fois sollicité sa mise en liberté, moyennant le paiement d'une caution d'EUR 3'500.-, une interdiction de contact avec toute personne concernée par la procédure et une obligation de déférer à toute convocation judicaire. Le Ministère public s'y est opposé.

h. À teneur du rapport de renseignements de police du 12 janvier 2024, aucun lien formel n'avait pu être établi entre I______ et les prévenus A______, D______ et E______.

i. Le 26 janvier 2024, le Ministère public a rendu un avis de prochaine clôture de l'instruction. Un acte d'accusation serait dressé à l'encontre de A______. Une ordonnance de classement partiel serait rendue s'agissant de certains vols.

Un classement serait en outre rendu à l'égard de I______.

j. A______ est âgé de 22 ans, ressortissant français, domicilié à F______/France, célibataire et sans profession. Il n'a pas d'antécédents judiciaires connus.

C. Dans son ordonnance querellée, le TMC constate que l'instruction se poursuit avec l'analyse en cours à la police des documents remis par I______. Le risque de fuite était toujours élevé, le prévenu étant de nationalité française, vivant en France et n'ayant aucune attache avec la Suisse. Il convenait de s'assurer de sa présence au procès. Si le paiement d'une caution pouvait contribuer à pallier ce risque, la provenance des EUR 3'500.- proposés, réunis semblait-il par la mère et l'oncle de l'intéressé, n'était pas documentée tout comme la situation financière des précités. Le risque de collusion demeurait concret notamment avec les comparses non identifiés à ce jour, tels que "K______" et "H______". Il existait encore un risque de réitération concret, vu la fréquence des agissements reprochés, la situation financière précaire du prévenu et son addiction au cannabis. Aucune mesure de substitution n'était à même de les pallier. Enfin, la détention restait proportionnée à la peine concrètement encourue en cas de condamnation.

D. a. À l'appui de son recours, A______ rappelle que les faits reprochés se rapportaient essentiellement à des infractions contre le patrimoine, de sorte que les conditions légales autorisant à retenir un risque de récidive – plus strictes depuis le 1er janvier 2024 – n'étaient pas remplies. S'agissant du risque de collusion, l'instruction était sur le point d'être clôturée, le seul acte d'enquête encore en cours consistant en l'analyse par la police de pièces produites par I______, de sorte qu'il ne saurait interférer. En outre, E______ avait été remis en liberté le 13 décembre 2023 moyennant des interdictions de contact. Retenir un risque de collusion en ce qui le concernait créait deux poids deux mesures. Le cas échéant, ce risque pouvait être pallié par l'interdiction de contact qu'il proposait. Il conteste enfin que le montant de la caution proposée, qui provenait pour EUR 3'000.- d'un prêt du mari de la soeur de sa mère et pour EUR 500.- de la vente de bijoux personnels de cette dernière, soit insuffisant pour pallier le risque de fuite. Il produit à l'appui différentes pièces (contrat de travail, fiches de salaire et relevés bancaires de sa mère) démontrant les moyens financiers modiques de la famille. À cela s'ajoutait que l'état de santé dégradé de sa génitrice nécessitait sa présence à ses côtés.

b. Dans ses observations du 26 janvier 2024, le Ministère public se réfère à sa prise de position devant le TMC et s'en rapporte à l'ordonnance querellée. À l'issue de l'avis de prochaine clôture de l'instruction, il renverrait immédiatement le recourant en jugement.

c. Le TMC maintient les termes de son ordonnance, sans autre commentaire.

d. Le recourant persiste dans les conclusions de son recours, ajoutant qu'à la lecture de l'avis de prochaine clôture, une ordonnance de classement partiel relative à certains vols serait rendue à son encontre, ce qui amoindrissait les charges.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 222 et 393 al. 1 let. c CPP) et émaner du prévenu qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             Le recourant ne conteste pas les charges, qui demeurent amplement suffisantes nonobstant le classement partiel de certains vols initialement imputés à l'intéressé, compte tenu des infractions qui feront l'objet d'un acte d'accusation et qui sont listées dans l'avis de prochaine clôture du 26 janvier 2024. Il n'y a ainsi pas lieu de s'y attarder.

3. Le risque de collusion avec les comparses du prévenu et autres protagonistes non identifiés à ce jour a perdu de son acuité. Les prévenus ont été confrontés et le Ministère public n'indique pas vouloir encore investiguer pour identifier par exemple le dénommé "H______". Quant au mandat d'actes d'enquête du 15 décembre 2023, il a été exécuté par la police. Sous réserve des actes d'instruction que les parties pourraient encore requérir, l'instruction apparaît ainsi terminée avec l'avis de prochaine clôture délivré le 26 janvier 2024 et l'annonce de la rédaction d'un acte d'accusation.

Ces constatations rendent sans objet le grief d'inégalité de traitement soulevé par le recourant en lien avec le prononcé de la mise en liberté de E______ assortie d'une interdiction de contacts.

4. Le recourant ne conteste pas le risque de fuite mais estime qu'il peut être pallié par le versement d'une caution d'EUR 3'500.-.

4.1. À teneur de l'art. 238 CPP, le tribunal peut, s'il y a danger de fuite, astreindre le prévenu au versement d'une somme d'argent afin de garantir qu'il se présentera aux actes de procédure et se soumettra à l'exécution d'une sanction privative de liberté (al.1). Le montant des sûretés dépend de la gravité des actes reprochés au prévenu et de sa situation personnelle (al. 2).

Selon la jurisprudence, le caractère approprié de la garantie doit être apprécié notamment "par rapport à l'intéressé, à ses ressources, à ses liens avec les personnes appelées à servir de cautions et pour tout dire à la confiance qu'on peut avoir que la perspective de perte du cautionnement ou de l'exécution des cautions en cas de non-comparution à l'audience agira sur lui comme un frein suffisant pour éviter toute velléité de fuite" (ATF 105 Ia 186 consid. 4a, citant l'arrêt CourEDH Neumeister c. Autriche du 27 juin 1968, Série A, vol. 7, par. 14; cf. arrêt du Tribunal fédéral 1P.165/2006 du 19 avril 2006 consid. 3.2.1, publié in SJ 2006 I p. 395). Si la caution doit être fournie par un tiers, il y a lieu de prendre en considération les relations personnelles et financières du prévenu avec cette personne (arrêt du Tribunal fédéral 1P.690/2004 du 14 décembre 2004 consid. 2.4.3 et les références).

4.2. En l'espèce, le risque de fuite est très concret, eu égard à la nationalité française du prévenu, à son domicile en France et à son absence d'attaches avec la Suisse, étant rappelé que la France n'extrade pas ses ressortissants.

Une faible caution d'EUR 3'500.-, qui plus est provenant majoritairement d'un "prêt" versé par le mari de la tante du prévenu à la mère de celui-ci, n'est pas de nature à inciter l'intéressé à se présenter aux convocations et jugement en Suisse. On ignore par ailleurs tout des modalités de remboursement dudit prêt alors que la situation financière de la mère est décrite comme obérée. La situation financière de l'oncle et la proximité des liens l'unissant au prévenu ne sont au demeurant pas connues. Partant, il ne saurait être admis que le montant proposé nécessiterait un effort financier important de la part de la famille du prévenu.

Aucune autre mesure de substitution ne saurait enfin entrer en ligne de compte, l'obligation de déférer à toute convocation, voire de se présenter régulièrement à une autorité, étant clairement insuffisantes.

5. L'admission du risque de fuite dispense d'examiner ce qui en serait du risque de réitération.

6. La durée de la détention provisoire à ce jour respecte le principe de la proportionnalité, eu égard à la peine concrètement encourue si le recourant devait être reconnu coupable des préventions finalement retenues contre lui.

7. Quant à l'état de santé péjoré de la mère de l'intéressé – déjà invoqué par lui sans succès à l'appui de sa précédente demande de mise en liberté –, on ne voit pas qu'il justifierait sa libération, la nécessité de sa présence à ses côtés n'étant nullement établie, compte tenu de surcroît de l'existence d'autres membres dans la famille.

8. Le recours s'avère ainsi infondé et doit être rejeté.

9. Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, qui comprendront un émolument de CHF 900.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03). En effet, l'autorité de recours est tenue de dresser un état de frais pour la procédure de deuxième instance, sans égard à l'obtention de l'assistance judiciaire (arrêts du Tribunal fédéral 1B_372/2014 du 8 avril 2015 consid. 4.6 et 1B_203/2011 du 18 mai 2011 consid. 4).

10. Le recourant plaide au bénéfice d'une défense d'office.

10.1. Selon la jurisprudence, le mandat de défense d'office conféré à l'avocat du prévenu pour la procédure principale ne s'étend pas aux procédures de recours contre les décisions prises par la direction de la procédure en matière de détention avant jugement, dans la mesure où l'exigence des chances de succès de telles démarches peut être opposée au détenu dans ce cadre, même si cette question ne peut être examinée qu'avec une certaine retenue. La désignation d'un conseil d'office pour la procédure pénale principale n'est pas un blanc-seing pour introduire des recours aux frais de l'État, notamment contre des décisions de détention provisoire (arrêt du Tribunal fédéral 1B_516/2020 du 3 novembre 2020 consid. 5.1).

10.2. En l'occurrence, quand bien même le recourant succombe, on peut admettre que l'exercice du présent recours ne procède pas d'un abus. L'indemnité du défenseur d'office sera fixée à la fin de la procédure (art. 135 al. 2 CPP).

* * * * *

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

Rejette le recours.

Accorde à A______ l'assistance judiciaire pour le recours.

Met à sa charge les frais de la procédure de recours, qui comprennent un émolument de CHF 900.-.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant (soit, pour lui, son défenseur), au Ministère public et au Tribunal des mesures de contrainte.

Siégeant :

Monsieur Christian COQUOZ, président; Mesdames Corinne CHAPPUIS BUGNON et Françoise SAILLEN AGAD, juges; Madame Séverine CONSTANS, greffière.

 

La greffière :

Séverine CONSTANS

 

Le président :

Christian COQUOZ

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.


 

P/13592/2023

ÉTAT DE FRAIS

 

ACPR/

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

 

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

 

- délivrance de copies (let. b)

CHF

 

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

 

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

900.00

 

 

Total

CHF

985.00