Skip to main content

Décisions | Chambre pénale de recours

1 resultats
P/12215/2023

ACPR/23/2024 du 16.01.2024 sur ONMMP/3414/2023 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : ORDONNANCE DE NON-ENTRÉE EN MATIÈRE;QUALITÉ POUR AGIR ET RECOURIR;REPRÉSENTATION LÉGALE;DIFFAMATION;CALOMNIE
Normes : CPP.382; CPP.310; CP.219; CP.174; CP.173; CP.14

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/12215/2023 ACPR/23/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mardi 16 janvier 2024

 

Entre

A______, représenté par Me Ana KRISAFI REXHA, avocate, Avocats Associés, boulevard des Tranchées 36, 1206 Genève

recourant,

 

contre l'ordonnance de non-entrée en matière rendue le 29 août 2023 par le Ministère public,

 

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. a. Par acte expédié le 11 septembre 2023, A______ recourt contre l'ordonnance du 29 août 2023, communiquée par pli simple, par laquelle le Ministère public a refusé d'entrer en matière sur sa plainte.

Le recourant conclut, sous suite de frais et dépens, à l'annulation de la décision querellée et au renvoi de la cause au Ministère public pour instruction, plus particulièrement pour qu'il procède à l'audition de ses enfants majeurs et de la curatrice de ses enfants mineurs.

b. Le recourant a versé les sûretés en CHF 1'200.- qui lui étaient réclamées par la Direction de la procédure.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a.B______ et A______ se sont mariés le ______ 1998. De leur union sont nés cinq enfants : C______, née le ______ 2002, D______ et E______, nés le ______ 2005, F______, née le ______ 2009, et G______, né le ______ 2014.

b. Séparés depuis janvier 2017, ils ont introduit, le 2 octobre de la même année, une procédure de divorce auprès du Tribunal de première instance de Genève.

c.  Le 16 octobre 2020, le Tribunal de première instance a tenu une audience de comparution personnelle, lors de laquelle les parties sont parvenues à un accord global quant aux effets accessoires du divorce. Selon le dispositif de cet accord, A______ s'était engagé à verser à B______, d'ici au 30 novembre 2020, un montant de EUR 28.5 millions, en sus des sommes bloquées en mains du notaire, et à lui transférer la pleine propriété de toutes ses parts de la "SCI H______", libres de toute dette.

Au terme de cette audience, les parties ont sollicité et obtenu un délai, avant la ratification par le Tribunal du dispositif précité, pour mettre en œuvre certains aspects de la liquidation de leur régime matrimonial.

d.  Par jugement du 19 avril 2021 (JTPI/4956/2021), entré en force, le Tribunal de première instance a ratifié la convention des parties.

e.  Entre les mois de mai et octobre 2021, B______ a réclamé à A______ le versement du solde dû en sa faveur. En particulier, par missive du 20 juillet 2021, elle l'a formellement mis en demeure de s'exécuter d'ici au 30 suivant. Ces lettres n'ont suscité aucune réaction de la part de l'intéressé.

f. Le 29 novembre 2021, B______ a entamé, à Singapour, où le prénommé était parti s'installer depuis le mois de septembre 2018, une procédure en reconnaissance du jugement de divorce. Dans le cadre de celle-ci, A______ a admis l'existence de cette dernière décision, mais a nié devoir un quelconque montant à son ex-épouse. En outre, il reprochait à cette dernière d'interférer dans ses relations avec ses enfants. Il ressort, par ailleurs, de cette procédure que A______ avait quitté Singapour au mois de septembre 2021, mais refusait d'indiquer son nouveau lieu de résidence.

g.a.  Par courrier du 27 mai 2022, B______ a déposé plainte contre son ex-époux pour escroquerie (art. 146 CP), violation d'une obligation d'entretien (art. 217 CP) et violation du devoir d'assistance et d'éducation (art. 219 CP).

Elle lui reprochait, en substance, d'avoir usé de subterfuges et de mensonges pour la convaincre d'accepter une résolution amiable et rapide du litige, le tout en sachant qu'il n'exécuterait pas l'accord convenu. Il l'avait ainsi trompée et astucieusement spoliée de créances de plusieurs dizaines de millions découlant de la procédure de divorce, afin de s'enrichir illégalement à ses dépens. De plus, il interférerait auprès des enfants d'une manière qui "saperait" son autorité et favoriserait l'aliénation parentale. Leur fille D______ vivrait mal cette situation et sa santé s'en trouverait fragilisée, raison pour laquelle elle avait déposé, le 5 mai 2022, une requête de mesures de protection auprès du Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant.

g.b. Cette plainte a fait l’objet le 10 octobre 2022 d’une ordonnance de non-entrée en matière par le Ministère public, confirmée par la Chambre de céans (cf. P/11588/2022 ; ACPR/50/2023 du 19 janvier 2023). Le Tribunal fédéral a rejeté le recours dont il a été saisi contre cette décision (arrêt 7B_27/2023, du 12 septembre 2023).

h. Dans le cadre de la procédure devant le Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant (C/1______/2022), actuellement pendante, le Service de protection des mineurs (ci-après, SPMi) a rendu un rapport d'évaluation, le 28 février 2023, aux termes duquel il recommandait d'exhorter les ex-époux à initier un travail de coparentalité et encourageait D______ et E______ à entreprendre un travail de médiation avec leur mère. Par ordonnance du 16 mars 2023, le Tribunal a instauré une curatelle d'organisation et de surveillances des relations personnelles en faveur de F______ et de G______, mineurs, et ordonné aux parents de poursuivre la thérapie familiale.

i.a. Par courrier du 6 juin 2023, A______ a déposé plainte contre B______ des chefs de diffamation (art. 173 CP), voire calomnie (art. 174 CP), ainsi que de violation du devoir d'assistance et d'éducation (art. 219 CP).

Il lui reprochait, en substance, d'avoir porté atteinte à son honneur, en le dépeignant auprès de deux amies (à elle) résidant à Genève, comme un "violeur" et un "agresseur". En effet, il avait appris qu'elle s'était adressée à I______ et à J______ afin de leur demander de témoigner contre lui dans le cadre d'une plainte pénale pour viol en France.

Ces propos diffamatoires lui avaient été rapportés le 3 mai 2023 par sa fille C______, qui en avait elle-même pris connaissance par le biais de K______, fille de I______. Or, il contestait avoir jamais porté atteinte à l'intégrité physique de son ex-épouse, laquelle était en réalité animée par un esprit de vengeance et cherchait uniquement à obtenir de l'argent.

En outre, lors d'une audience du 16 mars 2023 par-devant le Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant, son ex-épouse avait déclaré avoir été "maltraitée" par lui durant de "nombreuses années". Ces propos calomnieux n'avaient toutefois pas été portés au procès-verbal.

À cela s'ajoutait qu'elle l'avait accusé auprès de ses nouveaux voisins à L______ [GE] d'avoir "abandonné" leurs enfants en déménageant à Singapour, insinuant par là qu'il serait un mauvais père, ce qu'il n'était pas, précisant entretenir de bonnes relations avec ces derniers et partager autant de temps que possible avec eux.

Par ailleurs, son ex-épouse mettait en danger le développement psychique et physique de leurs enfants. En décembre 2019, D______ et C______ leur avaient confié avoir subi des attouchements de la part de M______, fils du nouveau compagnon de leur mère. Lors de la révélation de ces faits, cette dernière s'était "empressée" de remettre en cause leurs dires et de défendre M______, considérant que les actes dénoncés étaient consentis. Si elle avait finalement déposé plainte contre ce dernier, elle n'avait pas su écouter, ni protéger leurs filles.

D'ailleurs, lorsque D______ leur avait révélé, en avril 2020, avoir été victime d'abus sexuels durant son enfance de la part de son grand-père maternel, B______ avait à nouveau remis sa parole en question. Si son ex-épouse avait finalement déposé plainte au nom de leur fille, elle avait néanmoins d'abord déclaré au juge français, chargé de l'enquête, que cette dernière ne souhaitait pas se constituer partie civile. De plus, au moment des révélations faites par cette dernière, elle avait admis avoir eu connaissance depuis deux ans d'un "geste malheureux" commis par son père sur sa nièce (à elle), mais n'avait pas jugé utile de lui en parler, mettant ainsi en "péril" le développement de leurs enfants, notamment en continuant à les emmener en vacances chez ses parents (à elle).

Quant à G______ et F______, leur développement physique et psychique était "constamment mis en danger", B______ ayant notamment imposé à cette dernière de skier aux O______ [France] avec M______ en janvier 2023. De plus, ses enfants mineurs semblaient pris dans un conflit de loyauté vis-à-vis de leur frère et sœurs, puisqu'ils ne pouvaient pas les voir régulièrement. À cela s'ajoutait que G______ n'était pas autorisé à communiquer avec lui librement, dans la mesure où B______ "entravait" leurs contacts et écoutait leurs conversations.

Enfin, E______ se trouvait dans un état de "déstresse psychologique". Il vivait chez B______, mais s'y sentait "profondément seul", au vu de ses rapports conflictuels avec sa mère, qui refusait toute discussion. S'il disposait des clés du domicile maternel, il ne connaissait toutefois pas le code de l'alarme, de sorte qu'il ne pouvait pas entrer dans la maison en l'absence de sa mère. Ainsi, il lui était régulièrement arrivé de se "retrouver à la porte" et d'être contraint de passer la nuit chez un ami ou chez sa sœur C______.

En définitive, les agissements de B______, constitutifs de diffamation, voire de calomnie, ainsi que de violation du devoir d'assistance et d'éducation, justifiaient l'ouverture d'une instruction.

A______ s'est constitué partie plaignante, tant sur le plan civil que pénal.

i.b. À l'appui de sa plainte, il a produit un bordereau de trente-huit pièces, comprenant notamment divers documents liés à la procédure pendante devant le Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant, parmi lesquels le procès-verbal de l'audience du 16 mars 2023, lors de laquelle son ex-épouse avait déclaré l'avoir quitté "à la suite de violences sexuelles" subies en janvier 2017.

j. Invitée par le Ministère public à se déterminer, B______ a, par courrier de son conseil du 24 juillet 2023, contesté l'ensemble des faits reprochés. A______, qui n'avait pas honoré ses engagements, persistait à instrumentaliser leurs enfants et à la faire passer pour une mauvaise mère, ce dans le but de se soustraire à ses obligations financières.

Elle avait déployé tous les efforts pouvant être attendus d'elle pour protéger ses enfants. Lorsqu'elle avait appris, en 2020, les attouchements sexuels que son propre père avait commis sur sa fille D______, elle avait rapidement déposé plainte et s'était longuement exprimée dans la procédure, en soutenant sans ambiguïté sa fille. Par ailleurs, une procédure pénale avait été ouverte en France contre M______, en lien avec les attouchements qu'il aurait fait subir à D______ et C______.

Il n'existait pas le moindre élément de preuve permettant de démontrer une quelconque mise en danger du développement physique et/ou psychique de ses enfants en lien avec le comportement qui lui était reproché. Le Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant partageait cet avis, puisqu'il n'avait jamais jugé nécessaire de saisir le Ministère public. Ni ses enfants majeurs, ni la curatrice des mineurs, ni le SPMi n'avaient jamais considéré utile de déposer plainte et/ou de signaler la situation aux autorités pénales. Les éléments constitutifs de l'infraction réprimée par l'art. 219 CP n'étaient, à l'évidence, pas réunis.

S'agissant de l'atteinte à l'honneur (art. 173 et 174 CP) qui lui était reprochée, les faits qu'elle avait dénoncés faisaient actuellement l'objet d'une procédure pénale en France. Elle avait déposé plainte contre son ex-époux pour viol, lui reprochant de l'avoir contrainte à subir un acte de sodomie, lui ayant causé un état de stress post-traumatique. Dans ce contexte, A______ avait été placé en garde à vue et une audience de confrontation avait eu lieu. L'enquête préliminaire ayant été transmise au Parquet pour avis ; le Procureur de la République devait prochainement se prononcer sur la suite de la procédure. C'était dans ce cadre-là qu'elle s'était adressée à des amies intimes afin de leur demander de témoigner dans la procédure. Dans la mesure où elle était en droit de réunir et présenter des preuves visant à démontrer la véracité de ses accusations, son acte n'était pas punissable (art. 14 CP). La plainte de son ex-époux était, à l'évidence, un acte de représailles, visant à l'intimider et à l'empêcher de réunir des preuves permettant d'étayer ses allégations.

À l'appui de son courrier, elle a notamment produit une attestation établie le 28 juin 2023 par son avocate française, confirmant qu'elle avait déposé plainte contre A______ pour un viol commis à N______ [France] en 2017 et qu'elle demeurait dans l'attente de la suite de la procédure.

C. Dans sa décision querellée, le Ministère public considère que les éléments constitutifs de l'infraction de violation du devoir d'assistance et d'éducation (art. 219 CP) n'étaient pas réalisés.

Le recourant faisait part de ses craintes pour le développement physique et psychique de ses enfants face aux comportements qu'il attribuait à B______. Cependant, hormis ces appréhensions, aucun indice concret ne permettait, en l'état, de soupçonner cette dernière de contrevenir à ses devoirs parentaux au sens de la disposition légale précitée.

La situation de D______ faisait figure d'exception, puisqu'une curatelle de soins en sa faveur avait été mise en place. Toutefois, la détérioration de sa santé semblait trouver sa source dans un évènement extérieur aux faits dénoncés, sans lien direct avec sa mère. L'établissement d'un rapport d'évaluation du SPMi s'expliquait aisément par le contexte hautement conflictuel qui opposait les ex-époux, sans pour autant que cela ne démontrât encore une responsabilité pénale de l'un ou l'autre. Plus généralement, un tel comportement était propice à faire naître un conflit de loyauté chez les enfants, lequel pouvait, selon les circonstances, parfois être plus ou moins nourri par les parents. Cependant, il n'existait pas d'éléments suffisants permettant de retenir une prévention d'infraction à l'art. 219 CP à l'encontre de la mise en cause.

Par conséquent, il était décidé de ne pas entrer en matière sur ces faits (art. 310 al. 1 let. a CPP).

S'agissant de l'atteinte à l'honneur (art. 173 et 174 CP) reprochée à la mise en cause, il convenait de prendre en compte le contexte dans lequel s'inscrivaient les propos dénoncés.

Les allégations de maltraitance avaient été tenues dans le cadre d'une audience devant le Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant. Quant aux accusations de viol, la mise en cause avait déposé plainte contre le plaignant, de sorte qu'elle avait le droit de s'enquérir auprès d'amis intimes de leur disponibilité à témoigner dans la procédure. Partant, il se justifiait de ne pas entrer en matière sur ces faits (art. 173 al. 2 CP, art. 8 al. 1 et art. 310 al. 1 let. a et c CPP).

D. a. Dans son recours, A______ reproche tout d'abord au Ministère public une constatation incomplète ou erronée des faits pour avoir consacré une "grande partie" de l'ordonnance querellée à son divorce et, partant, d'avoir établi une corrélation entre celui-ci et sa plainte. Par ailleurs, cette autorité avait fait fi des attouchements sexuels subis par C______ et D______ et du fait que la mise en cause ne leur avait apporté aucun soutien et avait remis leur parole en question. L'ordonnance querellée ne mentionnait pas non plus le fait que F______, encore mineure, avait été mise en danger, puisqu'elle avait été confrontée à M______ après les attouchements dénoncés par ses sœurs. Le fait que son fils E______ se soit régulièrement retrouvé à la porte, au motif que la mise en cause ne souhaitait pas lui donner le code de l'alarme de son domicile, et qu'elle refusait toute discussion avec lui, n'étaient pas non plus mentionnés dans l'ordonnance querellée. Enfin, le Ministère public ne s'était pas prononcé sur les propos tenus par la mise en cause, selon lesquels il aurait "abandonné" ses enfants.

L'ordonnance querellée consacrait en outre une violation du droit, en lien avec les art. 173, 174 et 219 CP. En ce qui concernait la violation du devoir d'assistance et d'éducation, le Ministère public avait, sans instruire les faits dénoncés et sans entendre D______ et C______, considéré que les déclarations de la mise en cause étaient plus crédibles que les siennes. Il avait également considéré, de manière infondée, qu'il n'existait pas de lien de causalité entre le comportement adopté par la mise en cause et la détérioration de l'état de santé de D______. Pourtant, tous les éléments du dossier laissaient présager le contraire, ou, du moins, faisaient "naître un doute" à ce sujet. La mise en cause n'avait eu de cesse de remettre en cause la parole de C______ et de D______ et "d'invalider leurs émotions". Quant à E______, il s'était à plusieurs reprises "retrouvé à la rue" pour le motif susmentionné. De plus, la mise en cause isolait volontairement F______ et G______, lesquels avaient très peu de contacts avec le reste de la famille. Il s'ensuivait que les éléments constitutifs de l'infraction réprimée à l'art. 219 CP étaient réunis.

Enfin, son ex-épouse avait porté atteinte à son honneur (art. 173 et 174 CP), en le dépeignant, d'une part, comme "un violeur", et en déclarant, d'autre part, qu'il aurait abandonné ses enfants.

Or, elle connaissait la fausseté de ses allégations, étant précisé qu'il avait été libéré à l'issue de sa garde à vue et que les faits qui lui étaient reprochés devaient faire l'objet d'une ordonnance de classement. Le raisonnement du Ministère public, selon lequel une personne pouvait "sans autre commettre des infractions" en vue de préparer sa défense ne pouvait être suivi. En définitive, le prononcé d'une non-entrée en matière ne se justifiait pas.

À l'appui, le recourant produit notamment la copie d'une lettre envoyée par son avocat français au Tribunal judiciaire de N______, le 12 mai 2023, aux termes de laquelle il contestait les accusations de viol proférées à son encontre, relevant que la plainte de son ex-épouse – déposée le 17 février 2023 – intervenait dans un contexte hautement conflictuel.

Il a également versé à la procédure la copie d'une convocation à la Direction de la police judiciaire de la préfecture de N______ le 26 juin 2023.

b. Par pli de son conseil du 15 décembre 2023 à l'attention de la Chambre de céans, A______ a produit une capture d'écran d'un courriel adressé par le Parquet du Tribunal Judiciaire de N______ le 4 octobre 2023 à son avocate, l'informant que la procédure pénale dirigée contre lui avait été classée sans suite le 14 septembre 2023, en raison d'une "infraction insuffisamment caractérisée". Selon lui, il était dès lors manifeste que la décision de non-entrée en matière ne se justifiait pas.

c. À réception des sûretés, la cause a été gardée à juger sans échange d'écritures ni débats.

EN DROIT :

1.             La Chambre pénale de recours peut décider d'emblée de traiter sans échange d'écritures ni débats les recours manifestement irrecevables et mal fondés (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP). Tel est le cas en l'occurrence, au vu des considérations qui suivent.

2.             2.1. Le recours a été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP) – les formalités de notification (art. 85 al. 2 CPP) n'ayant pas été observées –, concerne une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émane du plaignant, qui est partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. b CPP).

2.2. Il convient cependant d'examiner si le recourant dispose de la qualité pour recourir en tant qu'il conteste le refus du Ministère public d'entrer en matière sur l'infraction visée à l'art. 219 CP.

2.2.1. La partie dont émane le recours doit pouvoir se prévaloir d'un intérêt juridiquement protégé à l'annulation ou à la modification de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

Revêt la qualité de partie, le lésé qui déclare expressément vouloir participer à la procédure comme demandeur au civil ou au pénal (art. 104 al. 1 let. b et 118 al. 1 CPP). Le lésé est celui dont les droits sont directement touchés par une infraction (115 al. 1 CPP). Pour déterminer si une personne revêt un tel statut, il convient d'interpréter le texte de la disposition pénale enfreinte afin de savoir quel est le titulaire du bien juridique protégé (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1185/2019 du 13 janvier 2020 consid. 2.1).

2.2.2. L'infraction réprimée par l'art. 219 CP sanctionne quiconque viole son devoir d'assister ou d'élever une personne mineure dont il met en danger le développement physique ou psychique, ou qui manque à ce devoir.

Le bien juridique protégé par cette disposition est le développement physique ou psychique du mineur, soit d'une personne âgée de moins de 18 ans (arrêt du Tribunal fédéral 1B_500/2017 du 9 mars 2018 consid. 3.2 ; ATF 126 IV 136 consid. 1b p. 138). Son titulaire est par conséquent l'enfant et non ses parents (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1100/2016 du 25 octobre 2017 consid. 1.4).

2.2.3. L'art. 116 al. 2 CPP confère aux proches de la victime – soit notamment au père de la personne lésée qui, du fait d'une infraction, aurait subi une atteinte directe à son intégrité physique/psychique (art. 116 CPP) – un statut de victime indirecte. Le droit du proche de se constituer personnellement partie plaignante implique, ce que confirme la combinaison des art. 117 al. 3 et 122 al. 2 CPP, qu'il fasse valoir des prétentions civiles propres dans la procédure pénale (ATF 139 IV 89 consid. 2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1105/2016 du 14 juin 2017 consid. 2.1 et 2.2 ainsi que les références citées). À défaut, la qualité de partie lui est déniée (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1105/2016 précité). Ses prétentions doivent, en outre, apparaître fondées, sous l'angle de la vraisemblance (ATF 139 IV 89 précité). La jurisprudence est restrictive quant à l'allocation d'une indemnité pour tort moral (art. 49 CO) aux parents d'un enfant lésé, exigeant qu'ils soient touchés avec la même intensité qu'en cas de décès de ce dernier (ATF 139 IV 89 précité, consid. 2.4 ; ATF 125 III 412 consid. 2a).

2.2.4. En l'occurrence, le bien juridiquement protégé par la disposition pénale en cause appartient exclusivement à C______, D______, E______, F______ et G______ – âgés respectivement de 21, 18, 14 et 9 ans –, à l'exclusion de leur père.

Le recourant, qui recourt en son nom propre, ne détaille nullement, dans son recours, les motifs pour lesquels il s'estime fondé à recourir personnellement contre le refus de poursuivre l'infraction à l'art. 219 CP. Il ne prétend notamment pas que sa propre vie ou sa santé auraient été mis en danger par le comportement de la mise en cause.

À supposer que ce soit en raison de sa qualité de proche de la victime au sens de l’art. 116 al. 2 CPP, encore faudrait-il qu’il ait déposé des conclusions civiles dans le cadre de la procédure pénale, ce qu'il n'a pas fait. De plus, il n'a pas rendu vraisemblable avoir subi, du chef du comportement prêté à la mise en cause, des souffrances morales comparables à celles qui auraient été les siennes en cas de décès de ses enfants.

Ses développements ne permettent pas non plus de conclure qu'il agirait au nom de ses enfants mineurs (art. 106 al. 2 CPP). Au contraire, sa plainte et son recours ont été déposés en son nom personnel uniquement, sans qu'il soit possible d'en déduire qu'il entendait représenter F______ et G______.

En ce qui concerne C______, D______ et E______ – déjà majeurs au moment du dépôt de la plainte –, le recourant, qui n'est plus leur représentant légal depuis leur accès à la majorité, n'était pas habilité à agir en leur nom.

Partant, faute d'intérêt juridique personnel, le recourant n'a pas qualité pour agir s'agissant de l'infraction prévue à l'art. 219 CP. Il s'ensuit que son recours est irrecevable sur ce point.

Il est recevable pour le surplus.

2.3. Les pièces nouvelles sont également recevables (arrêt du Tribunal fédéral 1B_550/2022 du 17 novembre 2022 consid. 2.1).

3.             La Chambre de céans constate que le recourant ne revient pas sur les propos prétendument tenus par la mise en cause lors de l'audience du 16 mars 2023 devant le Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant, selon lesquels elle aurait été "maltraitée" par l'intéressé "durant de nombreuses années". Il n'y a dès lors pas lieu de les examiner ici (art. 385 al. 1 let. a CPP).

4.             Le recourant se plaint d'une constatation incomplète et erronée des faits.

Dès lors que la Chambre de céans jouit d'un plein pouvoir de cognition en droit et en fait (art. 393 al. 2 CPP) (ATF 137 I 195 consid. 2.3.2; arrêt du Tribunal fédéral 1B_524/2012 du 15 novembre 2012 consid. 2.1.), les éventuelles constatations incomplètes ou inexactes du Ministère public auront été corrigées dans l'état de fait établi ci-devant.

Partant, ce grief sera rejeté.

5.             Le recourant reproche au Ministère public d'avoir écarté les infractions de diffamation et calomnie.

5.1.  Selon l'art. 310 al. 1 let. a CPP, le ministère public rend immédiatement une ordonnance de non-entrée en matière s'il ressort de la dénonciation ou du rapport de police que les éléments constitutifs de l'infraction ou les conditions à l'ouverture de l'action pénale ne sont manifestement pas réunis. Cette disposition doit être appliquée conformément à l'adage "in dubio pro duriore". Celui-ci découle du principe de la légalité (art. 5 al. 1 Cst. et art. 2 al. 2 CPP en relation avec les art. 319 al. 1 et 324 al. 1 CPP) et signifie qu'en principe une non-entrée en matière ne peut être prononcée par le ministère public que lorsqu'il apparaît clairement que les faits ne sont pas punissables ou que les conditions à la poursuite pénale ne sont pas remplies (ATF 143 IV 241 consid. 2.2.1 p. 243 ss).

5.2.  L'art. 173 ch. 1 CP réprime le comportement de quiconque, en s'adressant à un tiers, accuse une personne ou jette sur elle le soupçon de tenir une conduite contraire à l'honneur, ou de tout autre fait propre à porter atteinte à sa considération, de même que quiconque propage une telle accusation ou un tel soupçon.

Cette disposition protège la réputation d'être une personne honorable, c'est-à-dire de se comporter comme une personne digne a coutume de le faire selon les conceptions généralement reçues. L'honneur protégé par le droit pénal est conçu de façon générale comme un droit au respect, qui est lésé par toute assertion propre à exposer la personne visée au mépris en sa qualité d'être humain (ATF 137 IV 313 consid. 2.1.1.). Le fait d'accuser une personne d'avoir commis un crime ou un délit intentionnel entre dans les prévisions de l'art. 173 ch. 1 CP (ATF 132 IV 112 consid. 2.2.).

Pour qu'il y ait diffamation ou calomnie, il faut que l'auteur s'adresse à un tiers. Est en principe considérée comme tiers toute personne autre que l'auteur et l'objet des propos qui portent atteinte à l'honneur (ATF 86 IV 209).

5.3.  La calomnie (art. 174 CP) est une forme qualifiée de diffamation, dont elle se distingue par le fait que les allégations propagées sont fausses (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1215/2020 du 22 avril 2021 consid. 3.1).

Des déclarations objectivement attentatoires à l'honneur peuvent être justifiées par le devoir d'alléguer des faits dans le cadre d'une procédure (art. 14 CP). Ce fait justificatif doit en principe être examiné avant la question des preuves libératoires prévues par l'art. 173 ch. 2 CP (ATF 135 IV 177 consid. 4 p. 179). L'art. 14 CP dispose que celui qui agit comme la loi l'ordonne ou l'autorise se comporte de manière licite, même si l'acte est punissable en vertu du code pénal ou d'une autre loi. La licéité de l'acte est, en tous les cas, subordonnée à la condition qu'il soit proportionné à son but (ATF 107 IV 84 consid. 4 p. 86; arrêts du Tribunal fédéral 6B_960/2017 du 2 mai 2018 consid. 3.2; 6B_507/2017 du 8 septembre 2017 consid. 3.4). Ainsi, tant la partie que son avocat peuvent se prévaloir de l'art. 14 CP à condition de s'être exprimé de bonne foi, de s'être limité à ce qui est nécessaire et pertinent et d'avoir présenté comme telles de simples suppositions (ATF 131 IV 154 consid. 1.3.1 p. 157; 123 IV 97 consid. 2c/aa p. 99; 118 IV 248 consid. 2c et d p. 252/253; 116 IV 211 consid. 4a p. 213 ss).

5.4.  En l'espèce, le recourant reproche à la mise en cause d'avoir porté atteinte à son honneur, en le dépeignant auprès de deux amies à elle, comme un "violeur".

Dans la mesure où elle a décrit le recourant comme l'auteur d'une infraction, ces propos étaient, objectivement, de nature à jeter sur lui le soupçon d'une conduite contraire à l'honneur et à porter atteinte à sa considération. Il s'ensuit que l'art. 173 ch. 1 CP est susceptible de trouver application.

Cela étant, replacés dans leur contexte, les propos litigieux paraissent justifiés sous l'angle de l'art. 14 CP. En effet, il ressort du dossier que la mise en cause accuse le recourant de l'avoir contrainte à subir un acte d'ordre sexuel au mois de janvier 2017 et qu'elle a déposé plainte pour ces faits à N______ le 17 février 2023. Elle soutient avoir, dans ce cadre-là, demandé à deux amies proches résidant à Genève si elles seraient disposées à témoigner dans la procédure, de sorte que sa démarche visait à démontrer et non simplement à diffuser des propos diffamatoires à l'endroit du recourant. Il s'ensuit que l'on ne saurait lui reprocher d'avoir tenté de rassembler des preuves aux fins d'étayer ses accusations, étant relevé qu'il n'est pas établi – ni même allégué – qu'elle les aurait communiquées à d'autres personnes.

Que sa plainte ait finalement fait l'objet d'une ordonnance de classement – faute de preuves suffisantes – ne permet pas encore de retenir qu'elle aurait agi dans le dessein de nuire au recourant, encore moins qu'elle avait conscience de la fausseté de ses allégations. Cela vaut d'autant plus au vu de la difficulté notoire à prouver le type d'infraction qu'elle a dénoncé – soit un délit commis entre "quatre yeux" –, pour lequel il n'existe souvent aucune preuve objective.

Quant aux autres propos dénoncés, selon lesquels le recourant aurait "abandonné" ses enfants en déménageant à Singapour, ils ont certes une portée dépréciative. Cela étant, ils relèvent davantage d'une appréciation personnelle et ne revêtent pas une intensité suffisante pour être qualifiés d'attentatoires à l'honneur. Le fait de soutenir, dans un contexte de séparation conflictuelle, que son ex-conjoint aurait "abandonné" ses enfants en s'installant à l'étranger – soit, en d'autres termes, qu'il n'exercerait pas son droit de visite sur ces derniers –, n'est en effet pas de nature à ternir la réputation de la personne visée au point de l'exposer au mépris en tant qu'être humain.

Des considérations qui précèdent, il résulte que les propos querellés ne peuvent être réprimés par l'art. 173 CP, ni a fortiori par l'art. 174 CP, cette infraction étant une forme qualifiée de diffamation. C'est donc à bon droit que le Ministère public n'est pas entré en matière sur la plainte et aucune mesure d'instruction ne paraît être à même de modifier ce constat. Le recourant n'en suggère d'ailleurs pas, étant précisé que les auditions de ses enfants majeurs et de la curatrice des mineurs sollicitées sont en lien exclusif avec les faits prétendument constitutifs de violation du devoir d'assistance et d'éducation, pour lesquels le recourant ne dispose pas, comme on l'a vu, de la qualité pour agir.

6.             Justifiée, l'ordonnance querellée sera donc confirmée.

7.             Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, qui seront fixés en totalité à CHF 1'200.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).

* * * * *


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours, dans la mesure de sa recevabilité.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 1'200.-.

Dit que ce montant sera prélevé sur les sûretés versées.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant, soit pour lui son conseil, et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Daniela CHIABUDINI, présidente; Monsieur Christian COQUOZ et Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, juges; Madame Olivia SOBRINO, greffière.

 

La greffière :

Olivia SOBRINO

 

La présidente :

Daniela CHIABUDINI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/12215/2023

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

1'115.00

Total

CHF

1'200.00