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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/17791/2023

ACPR/689/2023 du 05.09.2023 sur OTMC/2378/2023 ( TMC ) , REFUS

Recours TF déposé le 29.09.2023, rendu le 31.10.2023, REJETE, 7B_577/2023, 7B_679/2023
Descripteurs : ÉGALITÉ DE TRAITEMENT;PROPORTIONNALITÉ;DÉTENTION PROVISOIRE
Normes : Cst.8; CPP.212; CPP.221

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/17791/2023 ACPR/689/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mardi 5 septembre 2023

 

Entre

A______, actuellement détenu à la prison de B______, représenté par Me C______, avocat,

recourant,

contre l'ordonnance de mise en détention provisoire rendue le 16 août 2023 par le Tribunal des mesures de contrainte,

et

LE TRIBUNAL DES MESURES DE CONTRAINTE, rue des Chaudronniers 9, 1204 Genève,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés.


EN FAIT :

A. a. Par acte expédié le 21 août 2023, A______ recourt contre l'ordonnance du 16 août 2023, notifiée le lendemain, par laquelle le Tribunal des mesures de contrainte (ci-après, TMC) a ordonné sa mise en détention provisoire jusqu'au 14 novembre 2023.

Le recourant conclut, sous suite de frais et dépens, à l'annulation de cette ordonnance et au renvoi de la cause au TMC pour nouvelle décision, subsidiairement à ce que la durée de la détention provisoire soit fixée à un mois.

b. Parallèlement, le recourant a sollicité la récusation des juges de la Chambre de céans. Cette requête a été déclarée irrecevable (ACPR/684/2023).

B. Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :

a. Le 14 août 2023 à 10h20, le véhicule – dans lequel se trouvaient A______, D______ et E______, ressortissants géorgiens –, a été contrôlé au passage frontière de F______, à l'entrée en Suisse. Lors de la fouille dudit véhicule, divers outils pouvant servir à commettre des cambriolages ont été découverts ainsi que des bijoux et parfums de provenance douteuse.

b. A______ est prévenu de vol, tentative de vol et entrée illégale pour avoir, de concert avec les deux prénommés, entre le 11 et le 14 août 2023, pénétré en Suisse dans le but d'y commettre des cambriolages, cambriolé deux appartements à Genève et tenté d'en cambrioler un autre.

Il a été placé en détention provisoire par le TMC le 16 août 2023 pour une durée de trois mois.

c. Entendu à la police, il a contesté son implication dans les cambriolages. Il s'était trompé de route et était entré en Suisse "par hasard". Il ne savait pas à qui appartenaient les objets et valeurs retrouvés dans la voiture. Il s'était rendu en Suisse une semaine auparavant pour se procurer de la méthadone.

d. Au Ministère public, A______ a admis les faits reprochés. Il n'avait toutefois rien volé et avait "juste pris un t-shirt car [il] transpirai[t]". Il était venu en Suisse parce qu'il "n'avai[t] pas d'argent, pas de méthadone, rien à manger. C'[était] pour ces raisons [qu'il] avait décidé de commettre les cambriolages".

e. S'agissant de sa situation personnelle, A______, est marié, père de deux enfants et sans aucune attache avec la Suisse. Sa famille vit en Géorgie et en Italie, pays dans lequel il a aussi vécu. Aucune inscription ne figure à son casier judiciaire suisse.

C. Dans son ordonnance, le TMC retient l'existence de charges graves et suffisantes pour justifier la mise en détention provisoire de A______. L'instruction ne faisait que commencer, le Ministère public devant recevoir les plaintes des lésés, déterminer les préjudices subis par chacun, obtenir de la police un rapport concernant la provenance des bijoux et objets saisis, faire analyser le contenu des téléphones des prévenus et déterminer leur éventuelle implication dans d'autres cas de cambriolages en comparant l'ADN et les empreintes des prévenus avec les bases de données de la police. Il existait un risque de fuite concret et élevé, au vu de la nationalité étrangère du prévenu, domicilié à l'étranger et sans aucune attache avec la Suisse. Ce risque était renforcé par la peine-menace et concrètement encourue ainsi que par la perspective d'une expulsion de Suisse (art. 66a ss CP). Le risque de collusion devait être retenu au vu des actes d'enquête en cours et du fait que le prévenu était soupçonné d'avoir agi de concert avec ses comparses. Il y avait aussi un risque de réitération, considérant la situation personnelle et financière précaire du prévenu et son interpellation dans un véhicule contenant du matériel susceptible de servir à la commission de cambriolages. Aucune mesure de substitution ne permettait d'atteindre les mêmes buts que la détention, au vu des risques retenus. Une durée de trois mois était proportionnée à la gravité des faits et à la sanction encourue.

D. a. À l'appui de son recours, A______ reproche au TMC d'avoir motivé de manière "stéréotypée" sa décision et omis de se prononcer sur ses déterminations, en particulier sur la violation du principe d'égalité qui empêchait d'ordonner, dans son cas, une détention provisoire de la durée légale maximale alors qu'il avait reconnu les faits, collaboré à l'enquête (en donnant le code de son téléphone). En outre, son identité était établie et les infractions reprochées semblaient être d'une importance relative et le butin de peu de valeur. Dans de telles circonstances, cela revenait "à traiter de manière identique des infractions graves avec des infractions moins graves, des prévenus ayant reconnu les faits avec des prévenus les contestant et des prévenus collaborant à l'instruction avec des prévenus non collaborant". La détention ordonnée était ainsi disproportionnée.

b. Le TMC maintient les termes de son ordonnance.

c. Le Ministère public conclut au rejet du recours. Il n'était pas nécessaire au TMC de se prononcer spécifiquement sur la violation du principe d'égalité soulevée par le recourant, la motivation de la décision querellée étant suffisante pour que celui-ci puisse la contester, ce qu'il avait fait. La durée de la détention était justifiée par les actes d'enquête en cours et ceux à effectuer. Elle ne violait pas le principe d'égalité, étant relevé que la même durée avait été ordonnée pour les trois prévenus et était fondée sur les circonstances particulières du cas d'espèce.

d. Le recourant a répliqué.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. c CPP) et émaner du prévenu qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             Le recourant ne conteste pas les charges retenues contre lui, ni les risques de fuite, collusion et réitération, pas plus que l'absence de mesures de substitution pouvant les pallier. Il n'y a donc pas à s'y attarder, mais à renvoyer, en tant que de besoin, à la motivation adoptée par le premier juge (art 82 al. 4 CPP; ACPR/747/2020 du 22 octobre 2020 consid. 2 et les références).

3.             Le recourant reproche au TMC d'avoir violé son droit d'être entendu au motif que l'ordonnance querellée serait insuffisamment motivée.

3.1. La garantie du droit d'être entendu, déduite de l'art. 29 al. 2 Cst., impose à l'autorité de motiver ses décisions, afin que les parties puissent les comprendre et apprécier l'opportunité de les attaquer, et que les autorités de recours soient en mesure d'exercer leur contrôle (ATF 136 I 229 consid. 5.2; 135 I 265 consid. 4.3; 126 I 97 consid. 2b). Il suffit que l'autorité mentionne au moins brièvement les motifs fondant sa décision, de manière à ce que l'intéressé puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et l'attaquer en connaissance de cause; l'autorité peut se limiter à ne discuter que les moyens pertinents, sans être tenue de répondre à tous les arguments qui lui sont présentés (ATF 139 IV 179 consid. 2.2 p. 183 ; 138 I 232 consid. 5.1; arrêts du Tribunal fédéral 1B_74/2014 du 7 avril 2014 consid. 2.1; 1B_62/2014 du 4 avril 2014 consid. 2.2).

La violation du droit d'être entendu doit entraîner l'annulation de la décision, indépendamment des chances de succès du recours sur le fond (ATF 135 I 187 consid. 2.2; 122 II 464 consid. 4a). Une violation du droit d'être entendu, pour autant qu'elle ne soit pas particulièrement grave, peut être considérée comme réparée lorsque la partie concernée a la possibilité de s'exprimer devant une autorité de recours disposant d'un pouvoir d'examen complet quant aux faits et au droit. Par ailleurs, même si la violation du droit d'être entendu est grave, une réparation du vice procédural devant l'autorité de recours est également envisageable si le renvoi à l'autorité inférieure constituerait une vaine formalité et aboutirait à un allongement inutile de la procédure, ce qui serait incompatible avec l'intérêt de la partie concernée à ce que sa cause soit tranchée dans un délai raisonnable (ATF 142 II 218 consid. 2.8.1; ATF 137 I 195 consid 2.3.2 = SJ 2011 I 347 ; 136 V 117 consid. 4.2.2.2; 133 I 201 consid. 2.2).

3.2. En l'espèce, si le premier juge n'a pas spécifiquement répondu aux arguments invoqués, il n'apparaît pas que sa motivation sur les éléments topiques soit déficiente. La Chambre de céans disposant d'un plein pouvoir de cognition et le recourant ayant pu à nouveau faire valoir ses moyens ici, l'éventuelle violation du droit d'être entendu alléguée sera considérée comme réparée. Il n'y a donc pas lieu de renvoyer la cause au premier juge.

4. Le recourant soutient être victime d'une inégalité de traitement dans la mesure où il se retrouve en détention pour la même durée (trois mois) que des prévenus qui n'auraient pas – comme lui –, admis les faits, ni collaborés, la durée prononcée étant ainsi excessive.

4.1. Une décision viole le principe de l'égalité consacré à l'art. 8 al. 1 Cst. lorsqu'elle établit des distinctions juridiques qui ne se justifient par aucun motif raisonnable au regard de la situation de fait à réglementer ou qu'elle omet de faire des distinctions qui s'imposent au vu des circonstances, c'est-à-dire lorsque ce qui est semblable n'est pas traité de manière identique et ce qui est dissemblable ne l'est pas de manière différente; il faut que le traitement différent ou semblable injustifié se rapporte à une situation de fait importante (ATF 144 I 113 consid. 5.1.1 p. 115; 142 V 316 consid. 6.1.1 p. 323). Les situations comparées ne doivent pas nécessairement être identiques en tous points, mais leur similitude doit être établie en ce qui concerne les éléments de fait pertinents pour la décision à prendre (ATF 130 I 65 consid. 3.6 p. 70; 129 I 113 consid. 5.1 p. 125). Un prévenu détenu ne peut pas se prévaloir d'une inégalité de traitement avec un autre prévenu libéré si la loi a été correctement appliquée à son cas (arrêt du Tribunal fédéral 1B_298/2013 du 26 septembre 2013 consid. 4 in fine et les références).

4.2. À teneur des art. 197 al. 1 et 212 al. 3 CPP, les autorités pénales doivent respecter le principe de la proportionnalité lorsqu'elles appliquent des mesures de contrainte, afin que la détention provisoire ne dure pas plus longtemps que la peine privative de liberté prévisible.

Le principe de la proportionnalité postule que toute personne qui est mise en détention préventive a le droit d'être jugée dans un délai raisonnable ou d'être libérée pendant la procédure pénale (art. 31 al. 3 Cst. et 5 par. 3 CEDH). Une durée excessive de la détention constitue une limitation disproportionnée du droit à la liberté personnelle, qui est notamment violée lorsque la durée de la détention avant jugement dépasse la durée probable de la peine privative de liberté à laquelle il faut s'attendre (cf. art. 212 al. 3 CPP). Dans l'examen de la proportionnalité de la durée de la détention, il y a lieu de prendre en compte la gravité des infractions faisant l'objet de l'instruction. Le juge peut maintenir la détention avant jugement aussi longtemps qu'elle n'est pas très proche de la durée de la peine privative de liberté à laquelle il faut s'attendre concrètement en cas de condamnation. Il convient d'accorder une attention particulière à cette limite, car il y a lieu de veiller à ce que les autorités de jugement ne prennent pas en considération dans la fixation de la peine la durée de la détention avant jugement à imputer selon l'art. 51 CP (ATF 145 IV 179 consid. 3.1; arrêt du Tribunal fédéral 7B_402/2023 du 22 août 2023 consid. 5.2).

4.3. On ne saurait – comme le fait le recourant – procéder à une comparaison abstraite de sa situation avec celle d'autres prévenus, étant souligné qu'il ne démontre aucunement en quoi la situation de ceux-ci serait de facto différente de la sienne. Seule se pose donc la question de savoir si la loi a été correctement appliquée à son cas.

En l'occurrence, les faits reprochés au prévenu – commis avec des comparses – sont graves, en tant qu'ils visent des infractions répétées contre le patrimoine de tiers. À ce stade, le montant du butin – qui doit encore être précisé – n'est pas déterminant.

Le Ministère public est dans l'attente des rapports de police sollicités et devra confronter trois détenus à leurs résultats, puis décider de la suite à donner à la procédure, voire la clôturer par un renvoi en jugement. Il n'y a ainsi pas lieu de revoir la détention ordonnée à la baisse, étant souligné que celle-ci ne parait pas avoir déjà atteint la peine concrètement encourue par le recourant (art. 212 al. 3 CPP), si les faits pour lesquels il a été mis en prévention devaient être retenus par l'autorité de jugement. Ni lui ni son conseil d’office ne prétendent le contraire.

C'est donc en vain que le recourant allègue une violation du principe de l’égalité et allègue une durée excessive de la détention.

5. Le recours s'avère infondé et doit être rejeté.

6. Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, fixés en totalité à
CHF 900.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03). En effet, l'autorité de recours est tenue de dresser un état de frais pour la procédure de deuxième instance, sans égard à l'obtention de l'assistance judiciaire (arrêts du Tribunal fédéral 1B_372/2014 du 8 avril 2015 consid. 4.6 et 1B_203/2011 du 18 mai 2011 consid. 4).

7. Le recourant plaide au bénéfice d'une défense d'office.

7.1. Selon la jurisprudence, le mandat de défense d'office conféré à l'avocat du prévenu pour la procédure principale ne s'étend pas aux procédures de recours contre les décisions prises par la direction de la procédure en matière de détention avant jugement, dans la mesure où l'exigence des chances de succès de telles démarches peut être opposée au détenu dans ce cadre, même si cette question ne peut être examinée qu'avec une certaine retenue. La désignation d'un conseil d'office pour la procédure pénale principale n'est pas un blanc-seing pour introduire des recours aux frais de l'État, notamment contre des décisions de détention provisoire (arrêt du Tribunal fédéral 1B_516/2020 du 3 novembre 2020 consid. 5.1).

7.2. En l'occurrence, quand bien même le recourant succombe, on peut admettre que l'exercice de ce premier recours ne procède pas d'un abus.

L'indemnité du défenseur d'office sera fixée à la fin de la procédure (art. 135 al. 2 CPP).

* * * * *


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 900.-.

Notifie le présent arrêt, en copie, au recourant (soit, pour lui son défenseur), au Ministère public et au Tribunal des mesures de contrainte.

Siégeant :

Monsieur Christian COQUOZ, président; Mesdames Alix FRANCOTTE CONUS et Françoise SAILLEN AGAD, juges; Madame Arbenita VESELI, greffière.

 

La greffière :

Arbenita VESELI

 

Le président :

Christian COQUOZ

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/17791/2023

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

815.00

-

CHF

Total

CHF

900.00