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Décisions | Chambre pénale d'appel et de révision

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P/9687/2011

AARP/287/2025 du 08.08.2025 sur JTDP/1509/2020 ( PENAL ) , ADMIS

Descripteurs : DÉCISION DE RENVOI;ABUS DE CONFIANCE;DÉPENS;ACQUITTEMENT
Normes : CP.138.al2.ch1; CPP.429.al1.leta; CPP.429.al2
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

P/9687/2011 AARP/287/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale d'appel et de révision

Arrêt du 8 août 2025

 

Entre

A______, domiciliée ______, Russie, comparant par Me B______, avocat,

appelante,

 

contre le jugement JTDP/1509/2020 rendu le 15 décembre 2020 par le Tribunal de police,

 

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé

statuant à la suite de l'arrêt du Tribunal fédéral 6B_240/2024 du 9 janvier 2025 admettant le recours de A______ contre l'arrêt AARP/48/2024 rendu le 29 janvier 2024 par la Chambre pénale d'appel et de révision.


EN FAIT :

A. a. Par arrêt AARP/48/2024 du 29 janvier 2024, la Chambre pénale d'appel et de révision (CPAR) a rejeté l'appel formé par A______ contre le jugement JTDP/1509/2020 du 15 décembre 2020 rendu par le Tribunal de police (TP), reconnaissant la précitée coupable d'abus de confiance (art. 138 ch. 1 du Code pénal [CP]) et la condamnant à une peine pécuniaire de 100 jours-amende à CHF 2'000.- l'unité, assortie du sursis et d'un délai d'épreuve de trois ans.

Cet arrêt faisait suite à un premier arrêt du Tribunal fédéral (TF – cause 6B_1443/2021 du 13 février 2023) annulant un premier arrêt de la CPAR (AARP/337/2021 du 1er novembre 2021).

b. A______ a formé recours auprès du TF à l'encontre de l'arrêt AARP/48/2024, concluant principalement à son acquittement du chef d'abus de confiance, subsidiairement au renvoi de la cause devant l'autorité d'appel pour nouvelle décision.

c. Dans son arrêt 6B_240/2024 du 9 janvier 2025, le TF a admis le recours de A______, annulé l'arrêt attaqué et renvoyé la cause à la CPAR pour nouvelle décision.

La Haute Cour a retenu un établissement arbitraire des faits, en ce que la CPAR s'était fondée exclusivement sur des déclarations postérieures aux faits pour retenir l'existence de valeurs confiées.

d. Selon l'ordonnance pénale du 19 septembre 2019, le Ministère public (MP) reprochait à A______ d'avoir, à Genève, de concert avec C______, au printemps 2006, amené D______ INC. (ci-après : D______ INC. ou le prêteur), soit pour elle F______, à leur accorder le financement à court terme d'une opération spécifique sur métaux précieux, obtenant de la sorte que D______ INC. verse USD 300'000.- en faveur de la société G______ SA, montant qu'ils ont utilisé à d'autres fins et qu'ils n'ont pas été en mesure de représenter à l'échéance convenue, le 15 juillet 2006, puis le 25 août 2006, sous réserve des montants de CHF 55'000.- et USD 60'000.-.

B. Les faits pertinents peuvent être résumés comme suit.

a.a. Le 22 mai 2006, un contrat intitulé "Loan Agreement" a été conclu, entre D______ INC., représentée par F______, et G______ SA, représentée par A______, directrice, et C______, administrateur, tous deux au bénéfice d'un pouvoir de signature individuelle pour le compte de la société.

a.b. Ce contrat portait sur un prêt à court terme ("short-term loan") de USD 300'000.- accordé par D______ INC. ("the Lender") à G______ SA ("the Borrower"), somme qui devait être versée en une seule fois, dès que possible après la signature de l'accord. Aux termes de ce dernier, le virement bancaire devait être effectué sur le compte indiqué par G______ SA dans l'annexe 1 du contrat, à savoir auprès de la société H______ SA. Le remboursement devait intervenir au plus tard le 15 juillet 2006, étant précisé que G______ SA, A______ et C______ s'en portaient garants. Le montant du prêt était assorti d'un taux d'intérêt mensuel de 20%.

a.c. Le contrat ne prévoyait rien quant à la destination des fonds.

b.a. G______ SA, dont le siège se trouve à Genève, est active dans le domaine de l'achat et de la vente d'or, de tous métaux et minéraux précieux ou non, ainsi que de toutes valeurs matérielles et immatérielles.

b.b. A______ en était la directrice de juin 2005 à août 2010 ; elle était au bénéfice d'un pouvoir d’une signature individuelle sur le compte de la société, sauf entre juin 2008 et mai 2009 (signature collective à deux). C______ en était l’administrateur avec signature individuelle, de la fondation de la société jusqu’au prononcé de la faillite.

c. A______ est actionnaire, directrice et bénéficiaire économique de H______ SA, basée aux Îles Marshall. Elle est l'unique titulaire d'un pouvoir de signature sur les comptes bancaires de la société auprès de [la banque] I______.

d. Le 23 mai 2006, le compte USD de la société H______ SA auprès de I______ a été crédité de USD 300'000.- versés par D______ INC.

e.a. Aucun remboursement n'étant intervenu au 15 juillet 2006, G______ SA et D______ INC. ont convenu, par avenant du 17 juillet 2006, de reporter le terme de remboursement au 25 août 2006. G______ SA a également souscrit une lettre du change de USD 300'000.- en faveur du prêteur, payable à vue à la même échéance.

e.b. À l'exception d'un paiement de USD 60'000.- le 25 juillet 2006, G______ SA n'a pas payé les sommes dues dans le délai précité, ce malgré ses nombreuses promesses et les demandes répétées de D______ INC. en ce sens.

e.c. Le 20 avril 2007, les deux sociétés ont conclu une transaction extrajudiciaire ("out of court settlement"), par laquelle G______ SA s'est engagée à rembourser à D______ INC., au plus tard le 12 mai 2007, un montant de USD 279'812.80 avec intérêts à 18% l'an dès le 30 mars 2007. Cet accord n'a pas davantage été suivi d'effet.

f.a. Par courrier du 6 décembre 2006, G______ SA a indiqué à D______ INC. qu'elle n'avait jamais reçu les fonds concernés par le contrat du 22 mai 2006 et que ce dernier semblait avoir été conclu avec A______. Dans la suite de ses échanges avec D______ INC., G______ SA a finalement reconnu être la débitrice des fonds réclamés. Elle a alors fourni toutes sortes d'explications pour justifier le retard dans le paiement des sommes dues (blocage de I______ sur le compte de H______ SA, demandes de clarification par [la banque] X______ pour le transfert des fonds à G______ SA, transfert progressif des fonds à cette dernière, mariage, déplacements à l'étranger), sans toutefois donner suite aux demandes de D______ INC. de démontrer la réalité desdits blocages, ainsi que la disponibilité des fonds.

f.b. À la lecture des pièces bancaires pertinentes, les différentes excuses dont s'est prévalue G______ SA étaient dénuées de toute réalité. À titre d'exemple, cette dernière a affirmé, le 29 mars 2007, que l'argent se trouvait en compte auprès de H______ SA depuis plus de deux semaines et qu'elle était en attente que "la banque le relâche". En réalité, à cette date, la somme versée par D______ INC. avait déjà été épuisée du compte de H______ SA par des retraits en espèces, le compte bancaire CHF et EURO de la société affichant un solde nul et son compte US-Dollar un solde de 603.75.

g.a. Le 31 janvier 2008, un commandement de payer portant sur CHF 341'371.61 avec intérêts à 18% dès le 30 mars 2007 a été notifié à G______ SA. Cette poursuite, initiée par D______ INC., se fondait sur la reconnaissance de dette du 20 avril 2007.

g.b. Par jugement du 30 avril 2009, le Tribunal de première instance a débouté G______ SA de ses conclusions en libération de dette.

g.c. Le 16 avril 2010, D______ INC. a déposé une requête de faillite à l'encontre de G______ SA. La faillite de celle-ci a été prononcée par jugement du 11 novembre 2010, confirmé par arrêt de la Cour de justice du 13 janvier 2011.

h. D______ INC. a déposé plainte pénale le 5 juillet 2011.

i. A______ a expliqué ne pas se souvenir exactement pour quelle raison G______ SA avait besoin de ce prêt, si ce n'était qu'à l'époque, la société traitait d'affaires en Afrique et que, selon ce que C______ lui avait expliqué, celle-ci s'attendait à réaliser d'importants bénéfices. F______, qui souhaitait entrer en partenariat avec eux mais ne voulait pas risquer de perdre son investissement, avait demandé à signer un contrat de prêt en garantie. C______ lui avait toutefois bien dit qu'il ne s'agissait pas d'un prêt. Contrairement à ces déclarations, elle a par la suite précisé que le montant versé par D______ INC. ne correspondait pas à un investissement, mais à un crédit. Dans son esprit, si l'opération devait échouer, chacun récupérait son investissement initial. Cette affaire n'avait finalement rien rapporté et elle avait elle-même perdu plusieurs millions.

En tout état, elle avait rendu une partie de l'argent à D______ INC., à savoir les sommes de CHF 55'000.- et USD 60'000.-. Par la suite, elle avait encore proposé de payer entre CHF 180'000.- et 200'000.- pour solde de tout compte, mais cette proposition avait été refusée.

j. En lien avec ces faits, C______ a été reconnu coupable d'abus de confiance par ordonnance pénale du 19 septembre 2019 et condamné à une peine pécuniaire de 100 jours-amende à CHF 3'000.- l'unité, assortie du sursis et d'un délai d'épreuve, ainsi qu'à une amende de CHF 10'000.- à titre de sanction immédiate. Faute d'opposition valable, cette condamnation est entrée en force.

k. Un volet de la procédure – consécutif aux plaintes déposées par J______ et K______, portant sur des contrats de prêts conclus en 2006 et en 2007, d'un montant de EUR 125'000.- chacun – a fait l'objet d'une ordonnance de classement partiel, le 9 septembre 2019. Cette ordonnance avait expressément refusé toute indemnisation à A______ et C______, au motif que " Il ne sera octroyé toutefois aucune indemnité aux prévenus en lien avec les faits classés, ceux-ci n'en ayant au demeurant pas sollicité". Cette ordonnance de classement est entrée en force sans avoir été contestée par les prévenus. L'un des plaignants l'a contestée, en vain, jusqu'au TF ; à teneur des décisions rendues, les prévenus n'ont pas non plus sollicité d'indemnisation devant la Chambre pénale des recours (CPR) ou le TF (pièces 70'001 et suivantes).

l. Dans le cadre de la procédure d'appel antérieure à l'arrêt du TF, les parties se sont déterminées par écrit et des débats d'appels se sont tenus à l'automne 2023, au cours desquels A______ a été entendue.

l.a. Le MP avait conclu à la confirmation du jugement du TP du 15 décembre 2020 et au traitement de la cause par la voie de la procédure écrite au sens de l'art. 406 al. 2 du code de procédure pénale (CPP).

l.b. A______ avait conclu à son acquittement et à son indemnisation à hauteur de CHF 183'385.20. Le détail de ces conclusions sera examiné, en tant que de besoin, ci-après.

m. Il est apparu dans le cadre de la seconde procédure d'appel que la partie plaignante avait été radiée.

C. a. Par courrier du 16 mai 2025, la CPAR a informé les parties de ce qu'elle considérait la cause suffisamment instruite et leur a imparti un délai pour indiquer si elles souhaitaient procéder à d'autres actes d'instruction ou échange d'écritures, à défaut de quoi la cause serait gardée à juger.

b. Le MP a confirmé ne pas solliciter d'autre acte d'instruction ou échange d'écriture.

c. L'appelante a fait de même et persisté dans ses conclusions en acquittement et en indemnisation.

D. A______, citoyenne russe, n'a jamais été domiciliée à Genève, ni en Suisse, mais en Russie, pendant toute la procédure (pièce 500'000).

EN DROIT :

1. 1.1. Un arrêt de renvoi du Tribunal fédéral lie l'autorité cantonale à laquelle la cause est renvoyée, laquelle voit sa cognition limitée par les motifs dudit arrêt, en ce sens qu'elle est liée par ce qui a déjà été définitivement tranché par le Tribunal fédéral (ATF 104 IV 276 consid. 3b et 103 IV 73 consid. 1) et par les constatations de fait qui n'ont pas été attaquées devant lui ou l'ont été sans succès (ATF 131 III 91 consid. 5.2). Il n'est pas possible de remettre en cause ce qui a été admis, même implicitement, par ce dernier. L'examen juridique se limite donc aux questions laissées ouvertes par l'arrêt de renvoi, ainsi qu'aux conséquences qui en découlent ou aux problèmes qui leur sont liés (ATF 135 III 334 consid. 2 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_588/2012 du 11 février 2013 consid. 3.1 et 6B_534/2011 du 5 janvier 2012 consid. 1.2).

La motivation de l'arrêt de renvoi détermine dans quelle mesure la cour cantonale est liée à la première décision, décision de renvoi qui fixe aussi bien le cadre du nouvel état de fait que celui de la nouvelle motivation juridique (ATF 135 III 334 consid. 2).

1.2. En l'occurrence, le TF a renvoyé la cause à la CPAR pour nouvelle décision s'agissant de la culpabilité. Ce faisant, la Haute Cour a, en résumé, considéré qu'en l'absence de tout élément concomitant à la conclusion du contrat de prêt, la CPAR ne pouvait pas se fonder sur les déclarations des parties, largement postérieures aux faits de la cause, pour déterminer leur volonté au moment de cette conclusion. L'état de fait résumé ci-dessus est le résultat de la prise en compte de cette décision.

2. 2.1. Commet un abus de confiance au sens de l'art. 138 ch. 1 al. 2 CP quiconque, sans droit, emploie à son profit ou au profit d'un tiers des valeurs patrimoniales qui lui ont été confiées.

2.2. Sur le plan objectif, l'infraction suppose qu'une valeur ait été confiée, autrement dit que l'auteur ait acquis la possibilité d'en disposer, mais que, conformément à un accord (exprès ou tacite) ou un autre rapport juridique, il ne puisse en faire qu'un usage déterminé, en d'autres termes, qu'il l'ait reçue à charge pour lui d'en disposer au gré d'un tiers, notamment de la conserver, de la gérer ou de la remettre (ATF 143 IV 297 consid. 1.3 ; 133 IV 21 consid. 6.2 p. 27). Le comportement délictueux consiste à utiliser la valeur patrimoniale contrairement aux instructions reçues, en s'écartant de la destination fixée (ATF 129 IV 257 consid. 2.2.1 p. 259 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_164/2024 du 26 février 2025 consid. 3.1.1).

L'alinéa 2 de l'art. 138 ch. 1 CP ne protège pas la propriété, mais le droit de celui qui a confié la valeur patrimoniale à ce que celle-ci soit utilisée dans le but qu'il a assigné et conformément aux instructions qu'il a données ; est ainsi caractéristique de l'abus de confiance le comportement par lequel l'auteur démontre clairement sa volonté de ne pas respecter les droits de celui qui lui fait confiance (ATF 129 IV 257 consid. 2.2.1, p. 259 ; 121 IV 23 consid. 1c p. 25 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_1443/2021 du 13 février 2023 consid. 1.1.2).

2.3. La question de savoir si les prêts sont soumis à une obligation de maintien de la valeur doit être examinée au cas par cas. Dans le cas d'un prêt pour lequel aucune utilisation précise n'a été convenue, l'emprunteur n'est pas tenu de conserver la valeur du bien (arrêt du Tribunal fédéral 6B_339/2024 du 14 août 2024 consid. 3.1).

2.4. En l'espèce, comme l'a retenu la CPAR dans son arrêt du 29 janvier 2024 et le TF dans l'arrêt de renvoi, le contrat conclu le 22 mai 2006 ne précisait rien quant à l'utilisation des fonds. Dans la mesure où, à teneur de l'arrêt de renvoi, les déterminations des parties, postérieures à sa conclusion, ne peuvent être prises en compte pour déterminer leur réelle et commune intention, il faut constater que l'accusation n'a pas établi que les parties avaient limité l'utilisation du prêt à un usage particulier. À défaut d'une telle convention, il ne saurait être question de valeurs confiées et A______ sera acquittée d'abus de confiance.

Son appel est donc admis.

3. L'appel ayant été admis, il ne sera pas perçu de frais (art. 428 CPP a contrario), et ce quand bien même l'indemnisation de l'appelante a nécessité un travail important, qui justifierait de mettre un émolument de décision à sa charge.

Les frais de la procédure préliminaire et de première instance seront laissés à la charge de l'État.

4. Au vu de l'acquittement prononcé, il est inutile d'examiner la qualité de partie plaignante de D______ INC., qui semble aujourd'hui dénuée d'existence, et qui devra de toute manière être déboutée de ses conclusions.

5. 5.1. L'art. 429 al. 1 let. a CPP prévoit que si le prévenu est acquitté totalement ou en partie ou s'il bénéficie d'une ordonnance de classement, il a droit à une indemnité pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits de procédure. Cette indemnité est ainsi limitée aux dépenses effectivement engagées et rendues nécessaires par l'exercice raisonnable des droits de procédure du prévenu. L'art. 429 al. 1 let a CPP s'applique aux voies de recours (y inclus l'appel) en vertu de l'art. 436 al. 1 CPP (arrêt du Tribunal fédéral 6B_74/2017 du 21 avril 2017 consid. 2.1).

Le prévenu peut faire valoir tous les frais liés à la défense de ses intérêts, et pas uniquement les honoraires de son avocat. On pense en particulier aux débours (photocopies et frais de port), frais de traductions ou d'expertises privées, pour autant qu'ils se soient révélés nécessaires (arrêt du Tribunal fédéral 6B_691/2021 du 5 avril 2022 consid. 4.1 ; TC VD, Cour d'appel pénale, décision n. 85 du 7 juillet 2011).

La preuve de l'existence du dommage, son ampleur et sa relation de causalité adéquate avec la poursuite pénale introduite à tort incombent au requérant (ATF 135 IV 43 consid. 4.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_596/2007 du 11 mars 2008 consid. 2.2). Son défenseur doit donc produire une liste d'opérations comportant le temps consacré et le montant de ses honoraires (arrêt du Tribunal pénal fédéral, SK.2010.27 du 12 mai 2011 ; ACPR/179/2012 du 2 mai 2012).

5.2. L'indemnité de l'art. 429 al. 1 let. a CPP est en principe due par l'État, en vertu de sa responsabilité causale dans la conduite des procédures pénales (ATF 142 IV 237 consid. 1.3.1 p. 239). En vertu de l'art. 429 al. 2 CPP, l'autorité pénale examine d'office les prétentions du prévenu et peut l'enjoindre de les chiffrer et de les justifier. S'il lui incombe, le cas échéant, d'interpeller le prévenu, elle n'en est pas pour autant tenue d'instruire d'office l'ensemble des faits pertinents concernant les prétentions en indemnisation. C'est au contraire au prévenu (totalement ou partiellement) acquitté qu'il appartient de prouver le bien-fondé de ses prétentions, conformément à la règle générale du droit de la responsabilité civile selon laquelle la preuve du dommage incombe au demandeur (art. 42 al. 1 du code des obligations CO ; ATF 146 IV 332 consid. 1.3 p. 335 ; 142 IV 237 consid. 1.3.1 p. 240). Il s'ensuit que si le requérant, sommé de coopérer, ne parvient pas à étayer et à quantifier ses prétentions, alors qu'il aurait été en mesure de le faire, on peut supposer une renonciation à l'indemnisation. Celle-ci ne peut alors plus être réclamée à un stade ultérieur de la procédure. Le fait qu'il soit en principe possible d'administrer des preuves complémentaires dans le cadre d'une procédure de recours n'y change rien (ATF 146 IV 332 consid. 1.4 p. 336; arrêt du Tribunal fédéral 6B_632/2017 du 22 février 2018 consid. 2.3).

Lorsque le montant exact du dommage ne peut être établi, le juge le détermine équitablement, en considération du cours ordinaire des choses et des mesures prises par le lésé (art. 42 al. 2 CO ; ATF 142 IV 237 consid. 1.3.1).

L'indemnité doit correspondre au tarif usuel du barreau applicable dans le canton où la procédure se déroule et englober la totalité des coûts de défense (ATF 142 IV 163 consid. 3 p. 162 ss ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1183/2017 du 24 avril 2018 consid. 3.1). Bien que le canton de Genève ne connaisse pas de tarif officiel des avocats, il n'en a pas moins posé, à l'art. 34 de la loi sur la profession d'avocat (LPAv), les principes généraux devant présider à la fixation des honoraires, qui doivent en particulier être arrêtés compte tenu du travail effectué, de la complexité et de l'importance de l'affaire, de la responsabilité assumée, du résultat obtenu et de la situation du client. Sur cette base, le Tribunal fédéral retient en principe qu'un tarif horaire de CHF 400.- pour un chef d'étude (ATF 135 III 259 consid. 2 p. 261 ss. ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_725/2010 du 31 octobre 2011 consid. 2.3 et 2C_25/2008 du 18 juin 2008 consid. 4.2.5) n'est pas arbitrairement bas pour le canton de Genève (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1078/2014 du 9 février 2016 consid. 4.3 et les références = SJ 2017 I 72).

La Cour de justice applique au chef d'étude un tarif horaire de CHF 450.- (arrêt du Tribunal fédéral 2C_725/2010 du 31 octobre 2011 = SJ 2012 I 172 ; ACPR/279/2014 du 27 mai 2014) ou de CHF 400.- (ACPR/282/2014 du 30 mai 2014), notamment si l'avocat concerné avait lui-même calculé sa prétention à ce taux-là (ACPR/377/2013 du 13 août 2013). Elle retient un taux horaire de CHF 350.- pour les collaborateurs (AARP/65/2017 du 23 février 2017) et de CHF 150.- pour les avocats stagiaires (ACPR/187/2017 du 22 mars 2017 consid 3.2 ; AARP/65/2017 du 23 février 2017).

L'avocat mandaté par un client domicilié à l'étranger ne peut pas facturer de montant au titre de la TVA (ATF 141 IV 344, a contrario).

Les démarches superflues, abusives ou excessives ne sont pas indemnisées (ATF 115 IV 156 consid. 2d p. 160). L'État ne prend en charge les frais de défense que si l'assistance d'un avocat était nécessaire compte tenu de la complexité de l'affaire en fait ou en droit et que le volume de travail et donc les honoraires étaient ainsi justifiés (ATF 142 IV 45 consid. 2.1; cf. également les développements détaillés du récent arrêt du Tribunal fédéral 7B_229/2024 du 24 juin 2025 consid. 3).

Le recours à plusieurs avocats peut, en cas de procédure volumineuse et complexe, procéder d'un exercice raisonnable des droits de procédure (ATF 138 IV 191 consid. 2.3.5 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_875/2013 du 7 avril 2014 consid. 4.3 et 4.5 = SJ 2014 I 424-425).

5.3. En l'espèce, l'appelante est acquittée et le principe d'une indemnisation de ses frais de défense lui est acquis. Il ressort toutefois des notes d'honoraires produites à l'appui de ses conclusions (et bien qu'elle affirme le contraire à l'appui de sa demande d'indemnisation) qu'elle ne fait aucune distinction entre les faits qui ont abouti à un classement – pour lesquels elle a définitivement renoncé à toute indemnité – et ceux qui ont conduit à la présente décision d'acquittement. La Cour de céans écartera donc tous les frais liés aux deux complexes de fait classés en 2019.

À plusieurs reprises (lors d'audiences d'instruction au MP, puis lors des débats de première instance auxquels elle n'était pas présente), l'appelante a été assistée ou représentée par deux conseils alors que la cause ne nécessitait pas l'assistance par deux avocats ; les notes d'honoraires produites ne permettent d'ailleurs pas toujours de déterminer quel avocat est intervenu (on peut comprendre par recoupement que "L______" [trigramme] est L______, "M______" M______ et "B______" B______, chefs d'étude, mais la Cour ignore qui sont "N______", "O______", "P______", "Q______", "R______", "S______" [trigrammes], et partant leur statut). Si la demande d'indemnité annonce un tarif horaire en fonction du statut de l'avocat (entre CHF 250.- et CHF 650.-), cette information ne permet pas d'y voir plus clair puisque les 27 notes d'honoraires qui y sont annexées ne s'y conforment pas : B______ a facturé la majorité de ses interventions au tarif annoncé pour un collaborateur, ensuite annoncé comme valant pour un associé.

Enfin, certaines activités mentionnées dans les notes d'honoraires produites ne concernent pas du tout la présente procédure. En effet, on cherche en vain à quoi correspond l'activité "audience police" en décembre 2019 : aucun procès-verbal d'audition à la police judiciaire ne figure au dossier de la cause (à l'exception de l'enquête préliminaire en 2012, pièces 400'000 ss, à laquelle les conseils des parties n'ont pas assisté). Des contacts avec la police en août 2020, période à laquelle la procédure était pendante au TP, ne s'expliquent pas non plus, et donnent à penser qu'il s'agit de faits étrangers à la présente cause. De même, les notes d'honoraires font état de nombreux contacts avec un "M. T______" qui n'apparaît a priori pas non plus dans la procédure.

En l'absence de tout détail permettant, dans les notes d'honoraires produites, de déterminer à quoi correspond l'activité facturée, il n'est pas possible d'établir si celle-ci se rapporte aux faits de la présente cause, à un autre volet de la procédure voire à une autre procédure (cf. activité police en 2019/2020). La CPAR doit donc procéder à une appréciation globale et équitable comme le prévoit l'art. 42 al. 1 et 2 CO.

5.3.1. Le MP a tenu en tout 13 audiences, dont deux (30.8.2012 et 19.10.2012) sans aucun avocat présent. Sur les 11 audiences restantes, quatre (3.12.2012, 13.2.2013, 13.11.2014 et 11.12.2014) ont été intégralement consacrées aux faits classés. Cinq des sept autres audiences ont porté sur l'ensemble des faits ou la situation de la prévenue : la première audience, du 6 juillet 2012 (2h25), celles du 6 mars 2014 (2h07 [étant relevé qu'un associé de l'étude était présent mais que cette audience n'apparaît pas dans les notes d'honoraires ; dans la mesure toutefois où la CPAR doit estimer l'activité effective, cette audience sera ce nonobstant prise en compte]), du 15 décembre 2015 (0h50), du 5 juillet 2018 (2h22 ; l'appelante n'était pas présente) et celle du 11 octobre 2018 (2h ; l'appelante n'était pas présente et son conseil n'a participé que pendant 1h41, étant arrivé après le début). Enfin, l'audience du 12 septembre 2013 (2h55), consacrée à l'audition de la partie plaignante, et celle du 12 décembre 2019 (0h35) consécutive à l'opposition formée par l'appelante à l'ordonnance pénale du MP, ont été uniquement consacrées aux faits donnant lieu à indemnisation.

Seul un tiers de la durée des cinq audiences portant sur l'ensemble des faits sera prise en compte, puisque deux complexes de fait distinct traités lors de ces audiences ne donnent pas lieu à indemnisation. L'activité d'avocat pour ces audiences sera donc indemnisée à hauteur de 3h09. L'intégralité de la durée (3h30) des deux autres audiences sera indemnisée. Cette indemnisation n'est accordée que pour un avocat même si l'appelante a parfois été assistée ou représentée par deux conseils.

En lien avec chacune des sept audiences donnant lieu à indemnisation, et faute de pouvoir discerner, dans les notes d'honoraires, les activités en lien avec les faits de la présente cause des autres faits, il convient d'ajouter une heure de préparation et un entretien avec la mandante (de 45 minutes lorsque l'audience était consacrée exclusivement aux présents faits, de 30 minutes dans les autres cas ; aucun entretien ne sera ajouté pour les deux audiences auxquelles l'appelante n'a pas participé). Ce sont ainsi 10h d'activité de préparation d'audience qui seront indemnisées. Compte tenu de la durée de la procédure, huit heures d'activité seront ajoutées, pour tenir compte des recherches, de la (re)lecture de la procédure et de l'activité en lien avec la notification de l'ordonnance pénale et l'opposition à cette décision.

Pour la procédure préliminaire devant le MP, c'est ainsi une activité d'une durée totale de 24h39 qui doit être indemnisée.

5.3.2. La procédure devant le TP a porté exclusivement sur les faits donnant droit à une indemnisation. Toutefois, comme déjà relevé ci-dessus, les notes d'honoraires couvrant la période relative à la procédure de première instance font état d'activités manifestement étrangères à l'audience de jugement (contacts police, courriers TF, "M. T______", etc.). Les plus de 79 heures d'activité facturées pour la période du 1er juillet 2019 au 31 décembre 2020 (note d'honoraires no 19) sont sans proportion avec l'activité effective dans la présente cause.

Dans cette mesure, la CPAR retient qu'une durée de huit heures est suffisante pour la préparation des débats de première instance, en sus de la durée de ceux-ci (2h), qui se sont tenus le 15 décembre 2020 et auxquels l'appelante n'a pas participé, soit une durée d'activité de dix heures pour la procédure devant le TP, étant souligné que la procédure était connue de l'avocat qui avait assisté sa mandante devant le MP depuis son opposition.

5.3.3. L'activité facturée en lien avec la première procédure d'appel totalise plus de 40 heures, étant relevé qu'une partie a été facturée à double, les notes d'honoraires n°21 (du 21 septembre au 4 octobre 2021) et n°22 (du 1er septembre au 31 décembre 2021) se recoupant. La note n°21 (8h06 d'activité) sera donc purement et simplement écartée.

Par ailleurs, la note n°22 comprend en partie et la note n°23 en totalité l'activité en lien avec le recours au TF. La Haute Cour a toutefois alloué des dépens à l'appelante, et cette activité n'a donc pas à être indemnisée une seconde fois par la CPAR.

Il reste ainsi une activité totale de quelques 30 heures, manifestement exagérée, étant par exemple relevé que l'audience d'appel du 4 octobre 2021 (qui a duré 1h40 et à laquelle l'appelante n'a pas participé) est facturée à double le jour de l'audience (une fois comme "estimation" et une autre fois comme "audience et préparation") et à chaque fois pour une durée supérieure à sa durée effective. Le 29 septembre 2021 est noté un rendez-vous avec l'appelante d'une durée de six heures, alors qu'à teneur du certificat médical du 14 septembre 2021 produit le 4 octobre suivant, celle-ci était malade et alitée à son domicile russe, raison pour laquelle elle ne pouvait pas se présenter aux débats.

L'activité raisonnablement nécessaire à la préparation des premiers débats d'appel doit dès lors être indemnisée à la même hauteur que pour les débats de première instance, soit huit heures, auxquelles s'ajoutent la durée effective de ces débats et trois heures pour la lecture du jugement de première instance et celui d'appel ainsi que les démarches diverses (annonce et déclaration d'appel, demande d'indemnité, courriers), pour une durée totale de 12h40.

5.3.4. La seconde procédure d'appel a débuté, après réception de l'arrêt du TF le 22 février 2023, par le courrier de la CPAR du 6 mars 2023 invitant les parties à se déterminer sur la suite de la procédure d'appel.

La note d'honoraires n°24, qui couvre la période du 1er janvier au 31 mars 2023, comprend à nouveau, en partie, l'activité en lien avec le recours au TF et antérieure au courrier susmentionné du 6 mars 2023, activité qui n'a pas à être indemnisée par la CPAR et sera purement et simplement écartée. Le solde de l'activité facturée (notes n°24 à 27) s'élève à plus de 30 heures.

Il est à nouveau fait mention dans la note n°24 de "Monsieur T______" dans le contexte d'entretiens internes, qui seront donc écartés. Les 5h30 de recherches juridiques effectuées par le stagiaire (au vu du tarif pratiqué) seront ramenées à une heure, suffisante pour répondre à la seule problématique soulevée par la CPAR le 6 mars 2023.

La procédure a été initialement menée par écrit. La rédaction du mémoire d'appel (19 pages) sera indemnisée à raison de huit heures, ce qui correspond à l'activité facturée (note n°25), sous réserve de la vacation à la Cour (la poste faisant parfaitement l'affaire pour l'envoi d'une écriture) et de la demande d'indemnisation (qui reprend mot pour mot celles formulées antérieurement en adaptant seulement le montant) qui sont écartées.

L'activité couverte par la note n°26 correspond à la réplique du 24 juillet 2023, laquelle comporte six pages, dont le quart est constitué de citations (de pièces ou d'arrêts). Les 5h36 facturées en lien avec cette activité seront ramenées à trois heures, suffisantes pour prendre connaissance de la réponse du MP (trois pages de texte) et rédiger dite écriture.

L'activité couverte par la dernière note (n°27) sera ramenée à la durée des débats du 29 novembre 2023 (2h) à laquelle s'ajouteront une heure de préparation, suffisante à ce stade au vu de la connaissance du dossier par l'avocat, et une heure d'entretien avec la mandante avant l'audience. Les échanges relatifs au déplacement de l'heure d'audience, par convenance personnelle de l'avocat, ne donnent pas lieu à indemnisation, pas plus que l'entretien avec "Monsieur T______".

Ce sont ainsi 15 heures d'activité de chef d'étude et une heure d'activité de stagiaire qui seront allouées pour la seconde procédure d'appel.

5.3.5. En conclusion, l'indemnité due à l'appelante sera fixée sur la base de 62 heures et 19 minutes d'activité de chef d'étude et une heure d'activité de stagiaire.

Cette indemnité sera calculée au tarif usuel, soit CHF 450.- pour le chef d'étude, auquel l'appelante ne s'est pas opposée, et CHF 150.- pour le stagiaire, aucun motif ne justifiant d'allouer le tarif plus élevé facturé par certains conseils de l'appelante.

L'indemnité allouée à l'appelante sera donc arrêtée à CHF 28'192.50. Compte tenu de son domicile à l'étranger, il n'y a pas lieu d'allouer la TVA en sus.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

Reçoit l'appel formé par A______ contre le jugement JTDP/1509/2020 rendu le 15 décembre 2020 par le Tribunal de police dans la procédure P/9687/2011.

L'admet.

Annule ce jugement.

Et statuant à nouveau :

Acquitte A______ d'abus de confiance (art. 138 ch. 1 CP).

Ordonne la restitution à U______ SA, en liquidation des 2 classeurs rouges (FINMA Antrag et V______ SA 2010), du classeur bleu (Audit 2011 U______ SA) et du classeur vert (Pièces transmises par W______ à la BFIN) saisis le 23 août 2012 par le Ministère public, ainsi que des 3 classeurs gris saisis le 24 août 2012 par le Ministère public (art. 267 al. 1 et 3 CPP).

Déboute D______ INC. de toutes ses conclusions.

Laisse les frais de la procédure à la charge de l'État.

Alloue à A______, à la charge de l'État de Genève, une indemnité de CHF 28'192.50 pour les dépenses occasionnées par l’exercice raisonnable de ses droits de procédure.

Notifie le présent arrêt aux parties.

Le communique, pour information, au Tribunal de police et l'Office cantonal de la population et des migrations.

La greffière :

Sonia LARDI DEBIEUX

 

La présidente :

Gaëlle VAN HOVE

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 78 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral (LTF), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète
(art. 100 al. 1 LTF), par-devant le Tribunal fédéral (1000 Lausanne 14), par la voie du recours en matière pénale.