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Décisions | Chambre pénale d'appel et de révision

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P/19237/2008

AARP/242/2025 du 27.06.2025 sur AARP/43/2013 ( REV ) , RETIRE

Descripteurs : RETRAIT(VOIE DE DROIT)
Normes : CPP.431; CPP.386
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

P/19237/2008 AARP/242/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale d'appel et de révision

Arrêt du 27 juin 2025

 

Entre

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, case postale 3565, 1211 Genève 3,

demandeur en révision,

 

contre le jugement AARP/43/2013 rendu le 8 février 2013 par la Chambre pénale d'appel et de révision,

 

et

A______, domicilié ______ [VD], comparant par Me B______, avocat,

cité.


EN FAIT :

A. a. Par jugement du 1er juin 2012 (JTCR/3/2012), le Tribunal criminel (TCR) a reconnu A______ coupable d'assassinat et l'a condamné à une peine privative de liberté de 16 ans. Par arrêt AARP/43/2013 rendu le 8 février 2013, la Chambre pénale d'appel et de révision (CPAR) a très partiellement admis l'appel formé par A______ contre ce jugement, a ordonné qu'une pièce lui soit restituée et a pour le surplus confirmé le jugement du TCR.

Le recours formé par A______ à l'encontre de cet arrêt a été rejeté par le Tribunal fédéral le 22 octobre 2014 (cause 6B_597/2013).

b. A______ avait été arrêté le 24 avril 2009 et incarcéré à la prison de Champ-Dollon. Il a été transféré dans divers établissements d'exécution de peine (cf. infra), où il a subi une partie de sa détention en milieu ouvert, avant de revenir à Genève en octobre 2024, date de son transfert à la prison de Champ-Dollon, à nouveau en milieu fermé.

La fin de la peine de 16 ans prononcée par le TCR est intervenue le 22 avril 2025.

B. a. Par requête du 16 avril 2025, le Ministère public (MP) a formé une demande en révision, tendant au prononcé de l'internement en cours d'exécution de la peine (art. 65 al. 2 CP), assortie d'une demande de mesures provisionnelles tendant au placement de A______ en détention pour des motifs de sûreté.

b. Par ordonnance du 23 avril 2025, il a été fait droit à cette seconde demande et A______ a été placé en détention pour des motifs de sûreté. A______ s'est opposé à la demande de mise en détention et s'est longuement exprimé lors de l'audience devant la Présidente de la CPAR.

c. A______ s'est opposé à la demande de révision et a conclu à son indemnisation pour la détention subie depuis le 22 avril 2025 ainsi qu'à l'octroi d'une indemnité pour tort moral supplémentaire de CHF 7'000.-.

d. Par arrêt du 19 juin 2025 (cause 7B_471/2025), le Tribunal fédéral a ordonné la mise en liberté de A______, considérant pour l'essentiel qu'il n'apparaissait pas possible d'établir que ce dernier doive s'attendre avec une vraisemblance suffisante au prononcé ultérieur de son internement, les conditions de l'art. 65 al. 2 CP ne semblant pas remplies. La Haute Cour a renvoyé la cause à la CPAR pour nouvelle décision sur les frais et dépens de la procédure cantonale.

À la suite de cet arrêt – reçu le 20 juin 2025 au greffe de la CPAR – A______ a été mis en liberté par la présidente de la CPAR le jour-même.

e. Le 25 juin 2025, le MP a retiré sa demande de révision. Les parties ont été avisées le même jour que la cause était gardée à juger sur les frais et indemnités de la procédure.

C. Me B______, défenseur d'office de A______, dépose un état de frais pour la procédure de révision, facturant, sous des libellés divers, huit heures et 17 minutes d'activité de chef d'étude pour la procédure de révision elle-même, ainsi que 12 heures et 43 minutes d'activité en lien avec la procédure de détention, hors audience, laquelle a duré trois heures et demi.

EN DROIT :

1. 1.1. À teneur de l'art. 386 al. 2 let. b du code de procédure pénale (CPP), quiconque a interjeté un recours peut le retirer, s'agissant d'une procédure écrite, avant la clôture de l'échange de mémoires et le terme fixé pour apporter des compléments de preuves ou compléter le dossier, puisqu'il s'agit de la dernière phase pendant laquelle les parties ont encore une maîtrise sur la conduite de la procédure (A. KUHN / Y. JEANNERET (éds), Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 5 ad art. 386 ; ACPR/96/2012 du 7 mars 2012).

1.2. A teneur de l'art. 388 al. 2 CPP, la présidente de la CPAR statue seule, en qualité de direction de la procédure, sur les recours (au sens voie de droit) manifestement irrecevables. Tel est notamment le cas d'un recours retiré.

1.3. En l'occurrence, le retrait de la demande de révision du MP est intervenu en temps utile dans la mesure où l'instruction de la procédure avait été reprise par courrier du 19 juin 2025. Il sera dès lors pris acte de ce retrait.

2. Compte tenu de la qualité du demandeur en révision, les frais de la procédure seront laissés à la charge de l'État.

3. L'arrêt du Tribunal fédéral du 19 juin 2025 a renvoyé la cause à la CPAR pour nouvelle décision sur les frais et indemnités. L'ordonnance de mise en détention du 23 avril 2025 n'a toutefois prononcé aucun frais ni statué sur l'indemnisation du défenseur d'office du cité. Il n'y a donc pas de frais à réexaminer pour cette procédure, et l'indemnisation du défenseur d'office sera arrêtée ci-après.

4. 4.1. Selon l'art. 429 al. 1 CPP, le prévenu acquitté totalement ou partiellement a droit à une indemnité pour les dépenses occasionnées par l’exercice raisonnable de ses droits de procédure (let. a), une indemnité pour le dommage économique subi au titre de sa participation obligatoire à la procédure pénale (let. b) et une réparation du tort moral subi en raison d’une atteinte particulièrement grave à sa personnalité, notamment en cas de privation de liberté (let.c).

4.2. L'art. 431 CPP garantit une indemnité et une réparation pour tort moral en cas de mesures de contrainte (al. 1) ou de détention illicite (al. 2). Il y a détention excessive (Überhaft) lorsque la détention provisoire et la détention pour des motifs de sûreté ont été ordonnées de manière licite dans le respect des conditions formelles et matérielles, mais que cette détention dépasse la durée de la privation de liberté prononcée dans le jugement, c'est-à-dire dure plus longtemps que la sanction finalement prononcée. En cas de détention excessive selon l'art. 431 al. 2 CPP, ce n'est pas la détention en soi, mais seulement la durée de celle-ci qui est injustifiée. La détention ne sera qualifiée d'excessive qu'après le prononcé du jugement (ATF 141 IV 236 consid. 3.2 p. 238 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_343/2015 du 2 février 2016 consid. 1.2.4).

L'ampleur de la réparation morale dépend avant tout de la gravité des souffrances physiques ou psychiques consécutives à l'atteinte subie par l'intéressé et de la possibilité d'adoucir sensiblement, par le versement d'une somme d'argent, la douleur morale qui en résulte. Le Tribunal fédéral considère en principe qu'un montant de CHF 200 .- par jour en cas de détention injustifiée de courte durée constitue une indemnité appropriée, dans la mesure où il n'existe pas de circonstances particulières qui pourraient fonder le versement d'un montant inférieur ou supérieur. Le taux journalier n'est qu'un critère qui permet de déterminer un ordre de grandeur pour le tort moral. Il convient ensuite de corriger ce montant compte tenu des particularités du cas (durée de la détention, retentissement de la procédure sur l'environnement de la personne acquittée, gravité des faits reprochés, etc.). Lorsque la détention injustifiée s'étend sur une longue période, une augmentation linéaire du montant accordé dans les cas de détention plus courte n'est pas adaptée, car le fait de l'arrestation et de la détention pèse d'un poids en tout cas aussi important que l'élément de durée pour apprécier l'atteinte que subit la personne incarcérée. Aussi, lorsque la durée de détention est de plusieurs mois, convient-il en règle générale de réduire le montant journalier de l'indemnité (ATF 143 IV 339 consid. 3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_984/2018 du 4 avril 2019 consid. 5.1).

4.3. En l'espèce, le cité forme des conclusions en indemnisation, fondées sur l'art. 429 CPP. Cette disposition ne trouve toutefois pas application en l'espèce, dans la mesure où il n'est pas question d'un acquittement. En revanche, dans la mesure où sa détention a été ordonnée pour la durée de la procédure de révision, il a subi une détention excessive, au sens de l'art. 431 CPP, qui doit donner lieu à indemnisation.

Cette détention a fait suite à une longue détention en exécution de peine, et le cité se trouve donc dans une situation où la détention injustifiée intervient en fin de peine ; dans un tel contexte, l'indemnisation devrait en principe être réduite, le choc de l'arrestation et de la détention ne devant pas donner lieu à indemnisation. Cela étant, le cité a été placé en détention le jour-même où, après 16 ans de détention, il devait recouvrer la liberté. Une telle situation justifie de lui allouer le plein montant de l'indemnité journalière, soit CHF 200.-.

Il n'y a en revanche pas matière à octroi d'une indemnité supplémentaire pour son tort moral. D'une part, l'art. 429 CPP ne trouve pas application aux circonstances de l'espèce ; d'autre part, la fixation d'une indemnité journalière au taux de CHF 200.- tient suffisamment compte de la souffrance subie du fait du choc de l'incarcération au moment où l'appelant devait être libéré et des difficultés inhérentes à cette incarcération, notamment en termes de liens avec sa famille et de réinsertion dans le monde du travail. Il n'y a pas lieu d'indemniser plus amplement une détention dans de telles circonstances par rapport à celle subie par une personne arrêtée à tort qui est ensuite acquittée. Enfin la perte de gain alléguée n'est pas suffisamment étayée.

Le montant de l'indemnité pour tort moral en lien avec la détention excessive sera donc arrêté à CHF 11'800.-, correspondant à 59 jours de détention (du 22 avril au 20 juin 2025, date de la mise en liberté).

5. 5.1. Selon l'art. 135 al. 1 CPP, le défenseur d'office ou le conseil juridique gratuit (cf. art. 138 al. 1 CPP) est indemnisé conformément au tarif des avocats de la Confédération ou du canton du for du procès. S'agissant d'une affaire soumise à la juridiction cantonale genevoise, l'art. 16 du règlement sur l'assistance juridique (RAJ) s'applique.

Cette dernière disposition prescrit que l'indemnité, en matière pénale, est calculée selon le tarif horaire suivant, débours de l'étude inclus : avocat stagiaire CHF 110.- (let. a) ; collaborateur CHF 150.- (let. b) ; chef d'étude CHF 200.- (let. c). En cas d'assujettissement – l'assujettissement du patron de l'avocat au statut de collaborateur n'entrant pas en considération (arrêts du Tribunal fédéral 6B_486/2013 du 16 juillet 2013 consid. 4 et 6B_638/2012 du 10 décembre 2012 consid. 3.7) – l'équivalent de la TVA est versé en sus.

Conformément à l'art. 16 al. 2 RAJ, seules les heures nécessaires sont retenues. Elles sont appréciées en fonction notamment de la nature, de l'importance et des difficultés de la cause, de la valeur litigieuse, de la qualité du travail fourni et du résultat obtenu.

On exige de l'avocat qu'il soit expéditif et efficace dans son travail et qu'il concentre son attention sur les points essentiels. Des démarches superflues ou excessives n'ont pas à être indemnisées (M. VALTICOS / C. M. REISER / B. CHAPPUIS / F. BOHNET (éds), Commentaire romand, Loi sur les avocats : commentaire de la loi fédérale sur la libre circulation des avocats (Loi sur les avocats, LLCA), 2ème éd. Bâle 2022, n. 257 ad art. 12). Dans le cadre des mandats d'office, l'État n'indemnise ainsi que les démarches nécessaires à la bonne conduite de la procédure pour la partie qui jouit d'une défense d'office ou de l'assistance judiciaire. Il ne saurait être question d'indemniser toutes les démarches souhaitables ou envisageables. Le mandataire d'office doit en effet gérer son mandat conformément au principe d'économie de procédure (décision de la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral BB.2013.22 du 31 octobre 2013 consid. 5.2.3). Par voie de conséquence, le temps consacré à la rédaction d'écritures inutiles ou reprenant une argumentation déjà développée, fût-ce devant une autorité précédente, ne saurait donner lieu à indemnisation ou à indemnisation supplémentaire (AARP/295/2015 du 12 juillet 2015 consid. 8.2.2.3, 8.2.2.6, 8.3.1.1 et 8.3.2.1).

5.2. L'activité consacrée aux conférences, audiences et autres actes de la procédure est majorée de 20% jusqu'à 30 heures de travail, décomptées depuis l'ouverture de la procédure, et de 10% lorsque l'état de frais porte sur plus de 30 heures, pour couvrir les démarches diverses, telles la rédaction de courriers ou notes, les entretiens téléphoniques et la lecture de communications, pièces et décisions (arrêt du Tribunal fédéral 6B_838/2015 du 25 juillet 2016 consid. 3.5.2 ; voir aussi les décisions de la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral BB.2016.34 du 21 octobre 2016 consid. 4.1 et 4.2 et BB.2015.85 du 12 avril 2016 consid. 3.5.2 et 3.5.3). Des exceptions demeurent possibles, charge à l'avocat de justifier l'ampleur d'opérations dont la couverture ne serait pas assurée par le forfait.

5.3. Le temps de déplacement de l'avocat est considéré comme nécessaire pour la défense d'office au sens de l'art. 135 CPP (décision de la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral BB.2015.33 du 28 juillet 2015 consid. 4.3 et les références). Pour les déplacements hors du canton, il se justifie de tenir compte de la durée vraisemblable de la vacation dans le calcul de l'indemnité, le remboursement du billet de train étant toutefois limité au prix de la 2ème classe (ordonnance de la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral BB.2016.58 du 26 août 2016 consid. 6.5).

5.4. En l'occurrence le conseil de l'intimé a mentionné sur sa liste de frais en lien avec la procédure de révision en tant que telle une série d'opérations qui entrent dans la rubrique des démarches indemnisées forfaitairement ; les activités des 24 et 30 avril ainsi que des 2, 8, 16 et 20 mai ainsi que des 5, 6 et 8 juin, pour une durée totale d'une heure trois-quarts, seront dès lors soustraites. Il sera tenu compte des frais de taxi (CHF 90.-) et de trois billets aller-retour Fribourg-Genève au tarif de CHF 88.- chacun (prix du billet CFF 2ème classe), l'audience de mise en détention s'étant terminée le lendemain et le conseil étant venu à Genève rencontrer son client le 12 mai 2025 : même si ces derniers frais sont possiblement en lien avec la nouvelle procédure dirigée contre le détenu il est équitable de les indemniser ici, aucune nomination d'office n'ayant apparemment encore été faite dans cette autre cause. Le forfait de CHF 200.- réclamé en lien avec cette vacation sera également alloué. Il n'y a pas lieu d'allouer de TVA sur les débours (billets CFF, taxis).

En conclusion, la rémunération sera arrêtée à CHF 6'407.60 correspondant à 22h30 heures d'activité au tarif de CHF 200.-/heure plus la majoration forfaitaire de 20%, une vacation à CHF 200.- et l'équivalent de la TVA au taux de 8.1% en CHF 453.60 et les débours par CHF 354.-.

* * * * *

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

Prend acte du retrait de la demande en révision.

Raye la cause du rôle.

Laisse les frais de la procédure en révision à la charge de l'État.

Arrête à CHF 6'407.60, TVA comprise, le montant des frais et honoraires de Me B______, défenseur d'office de A______, pour la procédure de révision.

Alloue à A______ une indemnité, à la charge de l'État de Genève, de CHF 11'800.- en réparation de son tort moral en lien avec la détention subie dans le cadre de la procédure de révision.

Notifie le présent arrêt aux parties.

 

La greffière :

Linda TAGHARIST

 

La présidente :

Gaëlle VAN HOVE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 78 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral (LTF), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF), par-devant le Tribunal fédéral (1000 Lausanne 14), par la voie du recours en matière pénale.