Décisions | Chambre pénale d'appel et de révision
AARP/431/2024 du 29.11.2024 sur JTDP/31/2024 ( PENAL ) , PARTIELMNT ADMIS
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||
POUVOIR JUDICIAIRE P/18871/2019 AARP/431/2024 COUR DE JUSTICE Chambre pénale d'appel et de révision Arrêt du 29 novembre 2024 |
Entre
A______, domicilié ______ [VD], par Me B______, avocat, ,
appelant et intimé sur appel joint,
contre le jugement JTDP/31/2024 rendu le 12 janvier 2024 par le Tribunal de police,
et
LE SERVICE DES PRESTATIONS COMPLEMENTAIRES, route de Chêne 54, case postale 6375, 1211 Genève 6,
LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, case postale 3565, 1211 Genève 3,
intimés et appelants joints.
EN FAIT :
A. a. En temps utile, A______ appelle du jugement JTDP/31/2024 du 12 janvier 2024, par lequel le Tribunal de police (TP) l'a, notamment, reconnu coupable d'obtention illicite de prestations d'une assurance sociale (art. 148a ch. 1 du Code pénal [CP]) pour la période courant du 13 janvier 2017 au 31 juillet 2019, l'a condamné à une peine pécuniaire de 180 jours-amende à CHF 30.-, avec sursis (délai d'épreuve : trois ans), et a ordonné son expulsion de Suisse pour une durée de cinq ans, sans inscription dans le système d'information Schengen (SIS), frais de la procédure en CHF 1'652.-, émolument de jugement de CHF 600.- compris, à sa charge.
A______ entreprend intégralement ce jugement, concluant à son acquittement et à l'annulation de son expulsion.
b. En temps utile, le Ministère public (MP) forme appel joint, concluant au prononcé d'une peine privative de liberté de neuf mois, assortie du sursis (délai d'épreuve : trois ans).
c. En temps utile, le Service des prestations complémentaires (ci-après : SPC) forme également appel joint, concluant à la confirmation du jugement entrepris.
d. Selon l'acte d'accusation du 19 septembre 2023, il est notamment reproché à A______ d'avoir, durant des années, caché au SPC qu'il séjournait plus de trois mois par année hors de Genève, essentiellement en Bosnie-Herzégovine et en Serbie, bien qu'il ait reçu la communication annuelle invitant les bénéficiaires de prestations à annoncer tout changement de situation, y compris une absence du canton de Genève de plus de trois mois, ainsi qu'un courrier du Conseiller d'État C______ du 7 octobre 2016, rappelant que tout bénéficiaire séjournant plus de trois mois par année hors du canton perdait son droit aux prestations.
Plus particulièrement, il aurait séjourné à l'étranger, à tout le moins :
- du 1er au 20 janvier 2017, du 30 janvier au 20 mars 2017, du 27 mars au 6 novembre 2017 et du 17 novembre au 31 décembre 2017 ;
- du 1er janvier au 28 février 2018, du 9 mars au 28 septembre 2018 et du 17 au 31 décembre 2018 ;
- du 1er janvier au 22 mars 2019, du 25 mars au 15 mai 2019 et du 27 mai au 15 juin 2019.
B. Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :
a. Le 13 novembre 1995, A______ et son épouse D______ ont déposé une demande de prestations d'assistance – y compris pour leurs enfants alors mineurs, soit E______, né le ______ 1984, et F______, née le ______ 1986 – en indiquant être domiciliés au no. ______, avenue 1______ à G______ [GE]. Ils ont précisé à cette occasion que leurs charges d'électricité s'élevaient à environ CHF 1'440.- par an.
Sur cette base, ils ont été mis au bénéfice de prestations d'assistance du 1er mars 1996 au 30 novembre 2004, puis de prestations complémentaires à compter du 1er décembre 2004.
Ils ont régulièrement été informés, par courrier, de leur obligation d'annoncer toute modification de leur situation personnelle ou économique, notamment de tout changement de domicile ou séjour hors du canton dépassant trois mois par année civile.
b. À la suite de leur divorce, prononcé sur requête commune le 6 juillet 2011 en Bosnie-Herzégovine, le SPC a scindé leurs dossiers.
c. En février 2020, le SPC a reçu une dénonciation anonyme à teneur de laquelle il était exposé que D______ et A______ vivraient depuis plusieurs années en Bosnie-Herzégovine, pays dans lequel ils posséderaient des hôtels, une maison avec piscine, ainsi qu'une cave à vin.
Étaient jointes à ces allégations des photographies, non-datées, issues du compte Facebook de D______, montrant entre autres cette dernière, entre deux militaires, devant une cheminée surmontée d'une enseigne "H______ Hostel", dans une grande piscine devant une villa avec terrasse, cuisinant en compagnie de A______ sur la même terrasse, ou encore ce dernier sur une motocyclette devant une maison, arborant des habits estampillés d'un logo "H______".
Présentés comme les coordonnées du vignoble enregistré à son nom, figuraient notamment les renseignements suivants, issus d'un site privé de renseignements sur les entreprises (i.e. I______) : Long name : ______-hostel "H______" A______ s.p. H______ ; Address : [rue] 2______ no. ______, [code postal] J______ [Bosnie-Herzégovine]; Legal form : Limited liability company (d.o.o.) ; date founded : ______/2013 ; Activity : Manufacture of wine from grape (cf. pce C-397ss).
d. Les relevés de consommation d'électricité des époux A______/D______ ont alors été sollicités auprès des Services Industriels de Genève (SIG), lesquels ont précisé qu'en moyenne, un appartement de cinq pièces occupé par deux personnes consommait entre 3'000 et 3'500 kWh/an, pour autant que soient utilisés des appareils électroménagers (lave-vaisselle, lave-linge) et des appareils électroniques (ordinateurs, tablettes, etc., cf. pces B-13 et B-272).
Par comparaison, celle des époux s'est élevée à 2'295 kWh du 20 juillet 2011 au 18 juillet 2012 ; 1'549 kWh du 19 juillet 2012 au 18 mars 2013 (pour un coût annuel de CHF 291.-) ; 1'070 kWh du 19 mars 2013 au 21 juillet 2014 (coût annuel : CHF 199.72) ; 816 kWh du 22 juillet 2014 au 21 juillet 2015 (coût annuel : CHF 165.30) ; 1'267 kWh du 22 juillet 2015 au 15 juillet 2016 (coût annuel : CHF 286.30) ; 917 kWh du 16 juillet 2016 au 18 juillet 2017 (coût annuel : CHF 187.-), 896 kWh du 19 juillet 2017 au 18 juillet 2018 (coût annuel : CHF 198.45) ; 1'159 kWh du 19 juillet 2018 au 17 juillet 2019 (coût annuel : CHF 257.70) et 1'592 kWh du 18 juillet 2019 au 1er juillet 2020 (coût annuel : CHF 334.75).
e. Selon les rapports d'enquête administrative rédigés par l'Office cantonal de la population et des migrations (OCPM) les 14 et 27 mai 2019, malgré leur divorce, les époux A______/D______ avaient continué de partager leur domicile à G______ (cf. pce C-210).
Le 9 avril 2019, à 15h50, l'enquêteur s'est rendu à cette adresse. Personne n'était présent mais, à la suite de son avis de passage, D______ a pris contact avec lui pour lui dire qu'elle se trouvait en Bosnie-Herzégovine et rentrerait début mai.
Le 10 mai 2019, à 10h00, lorsque l'enquêteur est revenu, D______ lui a indiqué que son époux n'était pas présent et qu'elle ne savait pas où il se trouvait, ne le croisant que de manière épisodique au domicile conjugal et n'ayant pas eu de contact avec lui depuis son retour. Le contrôle de son passeport a révélé de nombreuses absences entre 2016 et 2018, pour des durées supérieures à trois mois (C-210 verso).
Le 13 mai 2019, à 10h15, l'enquêteur a appelé A______, qui n'a pas répondu.
Le 16 mai 2019, à 11h40, l'enquêteur l'a à nouveau appelé : A______ lui a répondu qu'il ne se trouvait "pas là" actuellement et ne savait pas quand il serait chez lui.
Le 21 mai 2019, à 10h00, l'enquêteur a trouvé A______ chez lui. En contrôlant son passeport, il a constaté qu'il avait été refait en Bosnie-Herzégovine le 13 mai 2019, alors que le précédent document d'identité, établi en janvier 2015, était encore valable jusqu'en janvier 2025 ; sur la première page, seule encore disponible, étaient apposés de nombreux tampons d'entrées et de sorties. Interrogé à ce sujet, A______ a affirmé qu'il devait renouveler ce document, sans autre précision. Il a montré à l'enquêteur l'ancienne chambre des enfants, où il disait dormir et où des vêtements se trouvaient dans une armoire. Il a expliqué la très faible consommation d'électricité relative à l'appartement par le fait qu'il ne regardait jamais la télévision, ne cuisinait pas et se rendait souvent chez son fils à K______ [VD]. Il recherchait activement un logement dans cette localité, mais restait domicilié à G______ [GE] en attendant, n'ayant pas d'autre solution.
Il ressortait de l'enquête de voisinage que A______ n'y avait pas été vu depuis très longtemps.
f. Par courrier du 13 septembre 2019, le SPC a déposé plainte contre A______ pour obtention illicite de prestations d'une assurance sociale, chiffrées à hauteur de CHF 57'821.35 entre le 1er août 2012 et le 31 juillet 2019, soit CHF 5'834.- au titre de prestations complémentaires cantonales, CHF 40'219.40 de subsides de l'assurance-maladie et CHF 11'787.95 de frais médicaux, selon décisions de restitution des 17 et 22 juillet 2019, dont respectivement CHF 1'330.-, CHF 16'285.20 et CHF 1'943.10 entre janvier 2017 et juillet 2019 (pces A-19 à A-21).
Une plainte a été déposée par courrier séparé contre D______, laquelle a donné lieu à l'ouverture d'une procédure pénale sous la référence P/3______/2019 (cf. infra let. o).
g. Le 19 juin 2020, D______ et A______ ont annoncé leurs départs de Genève, avec effet au 30 juin 2020, la première pour le chemin 4______ no. ______ à L______ [VD], le second pour le chemin 5______ à K______ (pce B-2).
La Poste a toutefois ultérieurement informé le MP que le nom de A______ ne figurait plus sur la boîte aux lettres depuis le 21 août 2021, mais qu'il était réapparu, à la même époque, sur une boîte aux lettres à l'adresse 6______ no. ______ à L______, aux côtés de celui de D______ (pce B-270).
h. Dans le cadre de l'enquête (B-242ss), la compagnie aérienne M______ SA a expliqué qu'elle ne conservait pas les données au-delà de sept ans et demi (cf. pce B-266), mais pouvait confirmer l'existence de réservations au nom de A______ pour neuf vols entre le 20 octobre 2015 et le 26 février 2019 (cf. pces B-252ss), soit :
- une réservation effectuée le 2 octobre 2015, pour un vol N______ (N______)-Genève (GVA) le 20 novembre 2015 et un vol GVA-N______ le 30 novembre suivant ;
- une réservation effectuée le 23 novembre 2015 pour un vol GVA-N______ le 4 décembre suivant ;
- une réservation effectuée le 2 mars 2016 pour des vols N______-GVA le 6 avril 2016 et GVA-N______ le 20 avril suivant ;
- une réservation effectuée le 3 janvier 2017 pour un vol N______-GVA le 20 janvier suivant ;
- une réservation effectuée le 25 janvier 2017 pour un vol GVA-N______ le 30 janvier suivant ;
- une réservation effectuée le 31 janvier 2017 pour des vols N______-GVA le 20 mars 2017 et GVA-N______ le 27 mars suivant ;
- une réservation effectuée le 23 octobre 2017 pour des vols N______-GVA le 6 novembre 2017 et GVA-N______ le 17 novembre suivant ;
- une réservation effectuée le 31 janvier 2018 pour des vols N______-GVA le 28 février 2018 et GVA-N______ le 9 mars suivant ;
- une réservation effectuée le 26 février 2019 pour des vols N______-GVA le 22 mars 2019 et GVA-N______ le 25 mars suivant.
i. Des tampons d'entrée et de sortie en voiture à des passages frontières ont à tout le moins été apposés dans le passeport de A______ les 6 avril 2016 (sortie), 21 avril 2016 (entrée), 20 janvier 2017, 20 mars 2017, 27 mars 2017 (entrée), 15 mai 2019 (entrée, sortie et vol en avion), 27 mai 2019 (entrée), 28 mai 2019 (sortie), 15 juin 2019 (entrée ; cf. pces A-15 et B-16 à B-19).
j. Un relevé des prestations médicales enregistrées par l'assurance-maladie de A______ entre le 1er janvier 2012 et le 30 septembre 2019 a été versé au dossier (pces B-104ss). Le MP a également interrogé les huit médecins dont les noms ressortaient de ces relevés entre février 2014 et mai 2019, sur la réalité de leurs prestations et la manière dont elles avaient été dispensées (en présentiel ou par téléphone).
Il ressort des documents de l'assurance-maladie que des prestations ont été dispensées à A______, en 2014 : les 10 et 28 février ainsi que le 13 juin ; en 2015 : les 9 et 20 février, 19 juin, 23 et 24 novembre et 1er décembre ; en 2016 : les 15 mars, 11 avril et 14 juillet ; en 2017 : les 21 mars, 7, 8 et 9 novembre et 14 novembre 2017 ; en 2018 : les 18 avril, 3 août, ainsi que les 28 et 29 octobre ; en 2019 : les 16, 17 et 22 mai, ainsi que le 25 août.
Des achats en pharmacie ont par ailleurs été effectués, en 2014 : les 13 février, 16 et 24 juin, 3 juillet et 21 novembre ; en 2015 : les 9 février, 14 mars, 19 juin, 20 octobre, 24 et 25 novembre ainsi que le 3 décembre ; en 2016 : les 24 mars, 12 avril, 14 et 19 juillet et 1er décembre ; en 2017 : le 21 septembre ainsi que les 10 et 16 novembre ; en 2018 : les 21 avril, 3 août, 27 octobre et 3 novembre ; en 2019, les 28 février, 27 mai et 22 juin.
Si certains médecins ont confirmé des rendez-vous et analyses en cabinet (le 10 février 2014, pce C-44 ; le 9 février 2015, pce C-47 ; le 20 février 2015, pce C-66 ; le 23 novembre 2015, pce C-36 ; le 21 mars 2017, pce C-63 ; le 7 novembre 2017, pce C-24 ; le 8 novembre 2017, pce C-34 ; les 29 octobre et 3 novembre 2018, pce C-134 ; le 22 mai 2019, pces C-32 et C-36), d'autres ont déclaré que les contacts avaient été uniquement téléphoniques (avec D______, en vue d'un renouvellement d'ordonnance, les 28 février 2014 et 15 mars 2016, pce C-31 ; le 3 août 2018, pce C-38 ; les 18 avril et 28 octobre 2018, pce C-134), ou postal (19 juin 2015 et 14 juillet 2016, par l'envoi d'ordonnances, pce C-66).
k.a. A______ était titulaire d'un unique compte (n° 7______) auprès de la Banque O______, ouvert en avril 1993 (pce B-22), alimenté par les versements de la caisse de compensation P______ et les prestations complémentaires (pces B-30ss), de même que par des remboursements en faveur des deux époux (cf. entre autres, s'agissant de D______, pces B-66, B-67, B-70, B-71, B-78, B-196).
D______ disposait, depuis son ouverture, d'un pouvoir de signature individuelle sur ce compte (pce B-26).
Selon le rapport de renseignements de la police du 31 octobre 2020, deux cartes Q______ liées à ce compte ont été délivrées, l'une au nom de A______, l'autre à celui de son ex-épouse.
k.b. Il ressort de l'analyse des extraits de ce compte entre août 2009 et juin 2020 que, jusqu'en mars 2012, à l'exception d'achats dans des stations-services, les 17 septembre 2010 (pce B-154) et 24 juin 2011 (pce B-148), dans un garage, le 26 octobre 2011 (pce B-145) et chez R______, le 10 décembre 2011 (pce B-144), avec la carte n° 8______, seule une carte n° 9______ a été utilisée, essentiellement pour d'importants retraits au bancomat (entre CHF 2'500.- et CHF 4'500.- par mois), parfois pour des achats dans des commerces (principalement alimentaires ou de vêtements), à Genève ou en France voisine, ou encore dans des stations-services (cf. pces B-161 et précédentes). Le compte faisait également l'objet d'un recouvrement mensuel par le biais d'un ordre de paiement automatique (LSV) en faveur de S______.
k.c. Le 29 février 2012, une nouvelle carte Q______, n° 10_____, a été utilisée pour des retraits de CHF 2'100.- le 7 mars et CHF 400.- le 14 mars 2012 (pce B-142).
Le 5 avril 2012, des frais de blocage de carte ont été facturés et une nouvelle carte n° 11_____ a été émise, selon le rapport de police au nom de D______, la carte n° 8______ demeurant à celui de A______ (pces B-12 et B-140).
En janvier 2019, la carte Q______ n° 8______ a été supprimée, seule demeurant liée au compte une carte n° 11_____ délivrée au nom de A______ (pces B-12 et B-73).
k.d. À partir d'avril 2012, à l'exception d'une somme de CHF 4'200.- débitée le 16 avril 2012 à G______ avec la carte n° 11_____ (pce B-141) et une autre de BAM 500.- (soit CHF 326.45) débitée le 26 janvier 2013 à J______ avec la même carte (pce B-131), le compte n'a plus fait l'objet de retraits en espèces jusqu'en juin 2014.
En revanche, à dater de mars 2013, le loyer a commencé à être acquitté par le biais d'un ordre de paiement automatique (pce B-130), en sus des versements en faveur de S______ (jusqu'en juillet 2014), et de versements mensuels compris entre CHF 100.- et CHF 200.- chacun en faveur de cartes de crédit (principalement T______, U______ et V______). D'autres frais réguliers (télécommunications, assurances, impôts, frais médicaux, y compris de D______, etc.) ont également commencé à être effectués par le biais d'ordres de paiement (pces B-141 et avant).
k.e. À partir de juin 2014, seule la carte Q______ n° 11_____ délivrée au nom de D______ a été utilisée en lien avec le compte, soit :
- pour des retraits au bancomat, de faible importance (moins de CHF 500.- ; cf. les 15 juin et 19 septembre 2014, 23 octobre 2015, 4 avril et 17 novembre 2016, 31 janvier, 8 avril, 15 juin 2017, 31 janvier, 3 février, 3 et 9 décembre 2018, les 8, 16 et 19 mars 2019, les 7 et 27 septembre 2019, le 15 novembre 2019, le 16 décembre 2019, le 13 janvier 2020, le 6 mars 2020, le 30 mai 2020) ;
- ou au contraire importants (CHF 7000.- le 20 novembre 2014, CHF 2'109.- en deux fois, le 16 septembre 2016, CHF 2'000.- le 14 février 2017, EUR 500.- le 21 septembre 2017, CHF 3'000.- le 4 décembre 2017, EUR 500.- le 5 mars et EUR 100.- le 21 mars 2018, EUR 500.- le 19 avril 2018, CHF 1'181.- le 5 juillet 2018, CHF 3'000.- le 1er octobre 2018, CHF 1'000.- le 29 novembre 2018, CHF 2'000.- le 17 décembre 2018, CHF 2'000.- le 25 mars 2019, CHF 1'000.- le 19 août 2019, CHF 1'000.- le 7 septembre 2019, CHF 2'000.- le 14 octobre 2019) ;
pour des paiements dans des commerces (sept achats le 30 janvier, un le 8 avril, deux le 15 juin, un le 21 septembre 2017 ; un le 2 février, un le 28 mars, un le 1er décembre 2018 et deux le lendemain ; deux le 16 mars, deux le 23 mars, un le 24 mars, un le 4 juin, deux le 14 juin, un le 16 juin, un le 22 juin, 11 entre les 5 et 12 septembre, trois le 19 septembre, deux le 23 septembre, un le 2 octobre, un le 7 octobre, un les 10, 13 et 22 octobre, un les 11, 12, 26, 27, 29 et 30 novembre, deux le 8 décembre, un les 15 et 16 décembre 2019 ; un les 8, 9 et 23 janvier, deux les 10 et 23 mars, les 16, 19, 20, 26 et 27 mai et les 4, 5 et 8 juin 2020) ;
- ou des stations-services (cf. le 19 juin 2014, le 1er février 2018, le 25 mai, le 15 juin, les 6 et 15 septembre, le 13 octobre, le 28 novembre 2019, les 13 et 21 janvier, les 20 et 27 février, le 5 mars, le 28 mai et les 3, 12 et 16 juin 2020).
À noter une dépense relative à des frais de parking en Bosnie-Herzégovine, le 5 mars 2018 (pce B-68), deux dépenses payées grâce à la carte dans ce pays, les 26 et 31 mars 2019 (pce B-75) et une le 31 décembre 2019 (pce B-79).
k.f. En mai 2016, un recouvrement par paiement automatique en faveur de W______ (pce B-186) a été mis en place. Des transferts de EUR 1'200.- chacun ont par ailleurs été effectués le 13 février 2017 et le 16 juin 2017 en faveur de X______, mère de A______, domiciliée à J______, avec la mention "uplata za dom za 6 mj.", soit, traduit librement, "paiement pour la maison pour 6 mois" (pces B-60 verso et B-63).
D'août 2017 à août 2019, des transferts, de faibles montants mais quasi mensuels, ont en outre été effectués en faveur du site Y______ (EUR 48.- le 14 août 2017, EUR 69.48 le 17 octobre 2018, EUR 12.66 le 6 novembre 2018, EUR 9.90 le 11 décembre 2018, EUR 27.72 le 14 février 2019, EUR 8.22 le 4 mars 2019, EUR 6.48 le 11 avril 2019, EUR 3.42 le 6 mai 2019, EUR 65.02 le 8 juillet 2019 et EUR 94.98 le 6 août 2019).
Les ordres de paiement en faveur des cartes de crédit T______, U______ et V______ ont cessé entre août 2018 et mai 2019. À partir de cette date, seule la carte V______ a été créditée (6 mai, 13 mai, 12 juin, 25 juin 2019, 14 avril 2020, date à laquelle les versements en faveur de la U______ ont repris).
l. Le 7 mars 2012, D______ a, de son côté, signé les documents d'ouverture d'un compte auprès de la [banque] O______, dont elle était seule titulaire (pces C-248ss), étant précisé que selon les relevés produits, ce compte existait déjà, à tout le moins depuis août 2011 (cf. pces C-254ss).
Ce compte, qui était alimenté essentiellement par les prestations sociales versées à D______, a été crédité d'une somme de CHF 43'488.85 le 16 septembre 2011, qui a été rapidement débitée, par cinq retraits, entre les 5 et 18 octobre 2011, et par un transfert de CHF 30'000.- en faveur de la fille du couple, F______ (pce C-254).
Dans l'ensemble, il a été utilisé uniquement pour des retraits d'espèces ou des paiements par le biais de la carte Q______ attachée au compte, à l'exception d'ordres de paiements occasionnels (par exemple, des paiements familiaux du mois de juin 2012, quelques paiements médicaux, de cartes de crédit, etc., ou encore en faveur de la fille du couple en juillet 2013, avril 2014, janvier, avril, juillet 2015, octobre 2016). À partir de juillet 2018, il a également servi à alimenter les cartes de crédit T______ et U______, ainsi que V______ (jusqu'en juin 2019).
m. Selon les renseignements recueillis auprès du Service des automobiles genevois en 2019, A______ était titulaire d'une plaque d'immatriculation GE 12_____ correspondant à des Z______/13_____ [marque, modèle] et 14_____ [modèle]. Trois autres plaques d'immatriculation pour voiture n'ont pas été rendues (GE 15_____, GE 16_____ et GE 17_____), de même qu'une plaque d'immatriculation pour motocycle GE 18_____, une autre plaque d'immatriculation pour motocycle GE 19_____ ayant été déclarée volée (cf. pce A-16 verso).
n. Tout au long de la procédure, A______ a contesté toute infraction, soutenant n'avoir pas de fortune, que ce soit à l'étranger ou en Suisse, son seul et unique centre d'intérêts et de vie se trouvant à Genève (pce A-29).
Il avait toujours su qu'il ne pouvait quitter la Suisse plus de trois mois par année (pv TP, p. 4). Il ne l'avait d'ailleurs jamais fait et n'avait pas de raison de le faire, n'ayant au demeurant pas de lieu où séjourner (pv TP, p. 6). Il a pour le surplus fourni les explications suivantes :
Logement
n.a. Après le divorce, il était prévu qu'il aille habiter chez son fils, qui avait un appartement avec deux chambres, mais cela ne s'était pas fait, car son ex-épouse ne parvenait pas à trouver un appartement adapté à la rente qu'elle recevait (pv police du 15.10.2020, pce B-13). Il avait donc continué à habiter avec elle, car ils n'avaient pas les moyens financiers de se constituer des domiciles séparés ; ils ne partageaient toutefois ni leur chambre, ni les repas (pv TP, p. 5).
Il ne voyait aucun problème avec les relevés de leur consommation d'électricité : depuis le départ des enfants, huit à dix ans auparavant, ils ne faisaient quasiment jamais la cuisine, n'avaient plus de machine à laver (cf. pv TP, p. 6), n'avaient pas d'ordinateur, mais uniquement un petit aspirateur, une télévision et un réfrigérateur ; ils avaient également des ampoules écologiques ; le fait que l'immeuble bénéficiait de l'eau du AA_____ réchauffée par les réacteurs pouvait peut-être aussi expliquer cette faible consommation (pv police du 15.10.2020, pce B-13 et pv MP du 14.12.21, pce C-8). Comme il ne savait pas cuisiner, il se faisait souvent des sandwiches ou achetait des pizzas déjà cuites ; il lui arrivait également de griller un morceau de viande sur le grill à gaz qu'il possédait sur le balcon (pv MP du 14.12.21, pce C-8 et pv TP, p. 6). Les plantes disposées devant la porte d'entrée et dans le logement attestaient au demeurant d'une présence effective dans ce dernier. Il n'avait d'ailleurs aucune raison de vivre en Bosnie-Herzégovine, son centre de vie se trouvant en Suisse, où résidaient ses enfants et petits-enfants (courrier de son avocat du 18.12.2020, pce B-85).
Entendue par le TP en janvier 2024, sa fille a affirmé qu'elle entretenait des liens fusionnels avec lui et qu'il s'occupait beaucoup de ses trois petits-enfants, âgés alors de deux ans et demi, cinq et sept ans. Son père se rendait de temps en temps en Bosnie-Herzégovine, où vivaient encore sa grand-mère maternelle ainsi que des cousins lointains, soit en voiture avec son fils, soit en avion (pv TP, p. 10).
Séjours en Bosnie-Herzégovine
n.b. Il se rendait en Bosnie-Herzégovine par différents moyens, en voiture, parfois en avion ou encore en minibus. Il voyageait souvent seul, mais aussi avec des amis, lorsqu'il avait l'opportunité de "s'incruster" pour le trajet, ou encore, parfois, avec son fils. Il était arrivé une ou deux fois qu'il y aille avec son ex-épouse, mais même s'ils prenaient le même vol, cela ne signifiait pas qu'ils y allaient ensemble (MP, pv du 14.12.2021, pce C-3). Il lui était également arrivé, rarement, de réserver des billets et de ne pas les utiliser, par exemple lorsqu'il connaissait quelqu'un qui allait en Bosnie-Herzégovine ou en revenait en voiture, car vu les six ou sept heures de trajet entre chez lui et l'aéroport de N______, le trajet en avion était presque aussi long que par la route. L'avion l'obligeait par ailleurs à trouver un moyen de transport sur place et, enfin, modifier les dates de vols coûtait plus cher que de racheter un nouveau billet (pv MP du 14.12.21, pce C-5).
Dans un courrier du 18 décembre 2020, son avocat a par ailleurs expliqué que son client était un passionné de moto et que, dès que l'occasion s'en présentait ou que son état de santé le permettait, il se rendait pour quelques jours en Bosnie-Herzégovine avec des amis, le nombre de frontières à traverser pouvant impliquer l'apposition d'environ 15 tampons dans son passeport en un week-end (cf. pce B-84). Entendu par le MP, A______ a toutefois déclaré qu'il n'était jamais allé jusqu'en Bosnie-Herzégovine en moto, bien qu'il lui soit arrivé de la transporter sur une remorque. Il était par ailleurs tout à fait possible d'aller jusqu'en Bosnie-Herzégovine sans être contrôlé aux frontières, ou sans que des tampons soient apposés sur les documents d'identité. Avec des plaques suisses, c'était même rare (pv MP du 14.12.21, pce C-5).
Lorsqu'il se rendait en Bosnie-Herzégovine, il séjournait en divers endroits : du vivant de sa mère, il pouvait être chez elle ; lorsqu'il y allait pour faire de la moto avec des amis, il campait ; il avait également logé chez des amis chasseurs, surtout en hiver. Il n'y séjournait ni avec son ex-épouse, ni avec ses enfants, chacun étant indépendant et "vivant sa vie" (pv MP du 14.12.21, pce C-9).
Il n'avait jamais eu besoin de faire dévier son courrier, car il n'avait jamais quitté la Suisse que pour de courts séjours. Il n'avait pas d'abonnement de transports publics et partageait une voiture avec son ex-épouse (pv MP du 13.12.21, pce C-9).
Il avait fait renouveler son passeport avant la date d'échéance à la demande d'un douanier croate, qui lui avait fait remarquer qu'il n'y avait plus de page vierge pour y apposer des tampons. Cela n'avait aucun lien avec la procédure, dont il ignorait alors l'existence (pv police, pce B-12 ; pv MP du 14.12.21, pce C-9 ; pv TP, p. 5).
Compte bancaire
n.c. Il était le seul utilisateur du compte ouvert auprès de la [banque] O______, car son ex-épouse avait son propre compte depuis plusieurs années et n'avait depuis lors plus accès au sien (pv police du 15.10.2020, pce B-12).
Il ne pouvait expliquer les raisons pour lesquelles il avait payé durant des années pour deux cartes : il se rappelait avoir été une fois au guichet de la banque demander la suppression de la deuxième, mais avait peut-être mal compris la procédure à suivre (pv police du 15.10.2020, pce B-12). Ce n'était que lors de son audition par la police qu'il avait réalisé que son ex-épouse possédait une carte reliée à son compte et qu'il l'avait faite annuler, car, auparavant, il pensait qu'elle utilisait uniquement son propre compte (pv MP du 14.12.21, pce C-7).
Il ne pouvait pas non plus expliquer pourquoi la seule carte ayant été utilisée en lien avec son compte, soit la carte n° 11_____, avait été celle émise au nom de son ex-épouse, et que celle délivrée à son nom (n° 8______) n'était jamais apparue dans les relevés, si ce n'était par les cotisations annuelles perçues automatiquement par la banque (pv police du 15.10.2020, pce B-12 et pv MP du 14.12.21, pce C-5).
Il n'avait rien non plus à dire sur le fait que plusieurs achats avaient été effectués dans des boutiques pour femme avec la carte n° 11_____, si ce n'était que, habitant sous le même toit, ils allaient parfois faire les courses ensemble (pv police du 15.10.2020, pce B-13) ou alors qu'il lui était arrivé d'aller dans de tels magasins avec sa fille et de lui acheter des vêtements ; il était aussi possible que toute la famille y soit allée ensemble, ou encore que son ex-épouse ait utilisé la carte pour s'acheter des vêtements sans le lui dire, car ils ne se parlaient pas beaucoup (pv MP du 14.12.21, pce C-7).
Chaque mois, son ex-épouse ou lui se rendaient au guichet de la [banque] O______ afin d'effectuer leurs paiements. Ils utilisaient des bulletins de versement pour procéder à ceux des cartes de crédit, souvent en s'acquittant d'un montant minimum (CHF 100.- ou CHF 200.- ; pv MP du 14.12.21, pce C-8).
La carte de crédit S______ était la sienne, alors que la T______ et la U______ étaient utilisées par son ex-épouse ; il ignorait à quoi se rapportait la W______ (pv police du 15.10.2020, pce B-13). La carte V______ était la carte du magasin AB_____, avec laquelle il payait ses achats lorsqu'il s'y rendait (pv MP du 14.12.21, pce C-8).
Il a toutefois précisé qu'il était d'une génération qui n'utilisait pas de carte de crédit, même s'il en possédait (pv TP, p. 5 et 6). Les retraits de parfois plusieurs milliers de francs enregistrés sur son compte bancaire étaient liés à la couverture de ses besoins, qu'il payait en espèces (pv MP du 14.12.21, pce C-7, et pv TP, p. 5), ce qui expliquait que, parfois, il n'y avait plus de mouvements sur son compte bancaire pendant plusieurs semaines (pv TP, p. 6). Le plus souvent, il faisait presque quotidiennement des achats en France voisine, dont il s'acquittait en espèces, en euros, même s'il lui arrivait d'utiliser des francs suisses. Il y jouait également au tiercé et à d'autres jeux. Il prélevait les euros directement au bancomat (pv MP du 14.12.21, pce C-5). Il ne retirait pas forcément d'argent pour se rendre en Bosnie-Herzégovine, où la vie était bon marché et où il pouvait vivre une semaine à dix jours avec CHF 300.-. Il ne prenait par ailleurs pas d'euros dans ce pays et y allait avec des francs suisses, qu'il changeait sur place (pv MP du 14.12.21, pce C-7).
Il ne pouvait expliquer les raisons pour lesquelles son ex-épouse retirait également des sommes de plusieurs milliers de francs aux mêmes dates (pv TP, p. 5).
Chaque année, jusqu'à son décès en juillet 2017, il avait versé CHF 200.- par mois à sa mère, en Bosnie-Herzégovine, pour lui permettre de subvenir à ses besoins ; son frère, établi à K______, en avait fait de même. Il a justifié les importants transferts effectués en faveur de X______ en 2017 par le fait qu'il avait commencé à procéder par ordres permanents lorsque son frère avait ouvert un compte au nom de leur mère. Auparavant, il donnait cet argent en espèces, soit directement à cette dernière (pv MP du 14.12.21, pce C-7), soit par le biais de son frère. Ceci pouvait aussi expliquer les importants retraits d'argent en francs suisses (C-8), notamment celui du 20 novembre 2014 qui faisait suite à un crédit de même montant (CHF 7'000.-) consécutif à un emprunt bancaire contracté pour rembourser son frère, qui avançait sa part d'aide à leur mère lorsqu'il se rendait en Bosnie-Herzégovine et y apportait "l'argent de poche" (cf. courrier du 29.12.2023 au TP).
Prestations médicales
n.d. A______ a affirmé que, jamais, des prestations médicales ne lui avaient été délivrées par téléphone alors qu'il se trouvait en Bosnie-Herzégovine, car le téléphone coûtait trop cher et il n'avait aucune raison de le faire (pv MP du 14.12.21, pce C-9).
Procédure contre D______
o.a. Par jugement du 11 novembre 2021 (JTDP/1403/2021), le TP a reconnu D______ coupable d'obtention frauduleuse de prestations sociales pour la période du 11 novembre 2014 au 30 septembre 2016 et d'obtention illicite de prestations d'une assurance sociale ou de l'aide sociale pour la période du 1er octobre 2016 au 31 juillet 2019, sur la base d'éléments similaires à ceux faisant l'objet de la présente procédure. Elle a été condamnée à une peine privative de liberté de sept mois pour l'infraction à l'art. 148a CP et à une peine pécuniaire de 150 jours-amende pour celle à l'art. 31 LPC. Son expulsion de Suisse pour une durée de cinq ans a en outre été prononcée.
Par arrêt du 30 juin 2022 (AARP/204/2022), la Chambre de céans a très partiellement admis l'appel de D______, en l'acquittant pour la période courant du 11 novembre au 31 décembre 2014.
Par arrêt du 16 août 2023, le Tribunal fédéral a confirmé cet arrêt (6B_1089/2022), considérant que l'appelante se bornait à opposer sa propre version des faits à celle de l'autorité cantonale, sans démonstration à l'appui. Le prononcé de l'expulsion était pour le surplus obligatoire et ne plaçait pas l'intéressée dans une situation personnelle justifiant d'y renoncer.
o.b. Si l'on se réfère aux dates de séjour à l'étranger retenues dans cette procédure, D______ n'a été présente en Suisse, pendant la période pénale considérée, que du 1er mars au 14 avril, du 3 au 21 juin, du 5 octobre au 4 décembre 2015, du 9 mars au 8 juin, du 31 août au 16 septembre, du 4 novembre au 5 décembre 2016, du 20 janvier au 15 février, du 20 mars au 9 avril, du 26 mai au 1er juin, du 8 au 22 septembre, du 6 novembre au 12 décembre 2017, du 5 janvier au 22 avril, du 18 juin au 6 juillet, du 28 septembre au 17 décembre, du 6 février au 25 mars et du 8 mai au 28 juin 2019.
o.c. À l'époque, D______ avait expliqué à l'OCPM la faible consommation d'électricité du ménage par le fait qu'elle ne dormait pas souvent à G______, car elle se rendait très souvent chez ses enfants à K______, ou en Bosnie-Herzégovine, chez son frère et sa mère (pce C-210). Sachant qu'elle n'avait pas le droit de quitter Genève plus de trois mois par année, elle séjournait dans son pays d'origine deux mois à deux mois et demi par année au maximum. Elle y demeurait en général une semaine, sauf en été, où elle restait un mois environ, car ses enfants y passaient leurs vacances, et à Noël, où elle y demeurait deux semaines (MP, pce C-419 verso). Elle a néanmoins admis y avoir été du 25 mars au 8 mai 2019, puis du 25 juin au 31 juillet 2019, puis enfin en décembre 2019, environ deux semaines et demie (pce C-421 verso). Parfois, elle voyageait avec son époux, mais ils se rendaient à des endroits différents en Bosnie-Herzégovine (pce C-422, verso). D'ordinaire, elle partait fin juin, puis sa fille la rejoignait en juillet et son fils plutôt en août (pce C-423 verso).
L'appartement était équipé d'une machine à laver le linge et d'une cuisinière électrique, mais elle lavait son linge à la main et ne cuisinait pas toujours, voire très peu, lorsque les enfants venaient manger à la maison (pv MP, pce C-422). Ils possédaient aussi un aspirateur, une télévision et une tablette (pv police, pce C-237 verso et pv MP, pce C-422).
Les factures de l'appartement étaient déduites du compte de son époux ; elle-même lui donnait de l'argent en mains propres pour payer l'électricité, internet, etc., ce qui expliquait les importants retraits en espèces de son compte (pv MP, pce C-420).
C. a. Lors de l'audience d'appel, le SPC a d'entrée de cause déclaré ne pas maintenir son appel joint, mais persister dans ses conclusions en rejet de l'appel principal, en se référant au jugement entrepris et aux pièces produites à l'appui de ses écritures d'appel.
Au nombre de celles-ci figurent un extrait de la page Facebook de A______ du 4 mars 2022, sur laquelle l'on peut lire, sous la mention "J'aime", l'inscription "______ – Hostel H______" et un extrait de la base de données commerciales "AC_____ Business Directory" relative à la société "H______", A______, s.p. H______, sise [rue] 2______ no. ______, [code postal] J______, active depuis 2021 dans le domaine de la "Beverage Manufacturing Industry" et générant un chiffre d'affaires de USD 168'752.-.
b.a. A______ a réitéré n'avoir ni biens, ni famille en Bosnie-Herzégovine. Il n'avait en particulier aucun lien avec la société "H______", active dans la distillerie et la commercialisation de boissons. Les photographies de famille versées au dossier dataient de nombreuses années et il ne se rappelait pas de la maison où elles avaient été prises. Il ne pouvait non plus dire s'il s'agissait de la même demeure devant laquelle il avait été pris en photo sur une moto avec un ami, dès lors qu'ils se retrouvaient devant chez les uns ou les autres pour aller faire des tours, étant précisé qu'il était membre du club de moto de la ville. L'hôtel devant lequel son ex-épouse avait été prise en photo, encadrée par deux militaires, ne lui disait rien.
Les petits montants débités de son compte en faveur de Y______.com correspondaient à des nuitées réservées lors de tours à moto. Il confirmait que l'absence de dépenses au quotidien ressortant de son compte bancaire s'expliquait par le fait qu'il payait tout en espèces, après avoir retiré environ CHF 1'000.- à CHF 2'000.-, et n'utilisait sa carte que lorsqu'il n'avait plus de cash.
Son fils avait quitté l'appartement familial de G______ en 2009 environ. La faiblesse de la consommation électrique s'expliquait par son mode de vie, car il n'avait pas d'appareils électroménagers (lave-linge, lave-vaisselle), lavait son linge dans la baignoire, ne repassait pas et cuisinait sur un réchaud à gaz sur le balcon.
Il a confirmé les explications déjà fournies quant aux motifs l'ayant poussé à faire renouveler son passeport avant l'échéance. Il n'effectuait que de courts séjours de quelques jours en Bosnie-Herzégovine, parfois juste un week-end, et y dormait en auberges de jeunesse. Cela ne représentait pas plus de deux mois et demi par année.
En cas de condamnation, il ne savait pas comment il pourrait expliquer à ses enfants les raisons de son expulsion.
Il a précisé qu'il souffrait d'apnée du sommeil, l'obligeant à dormir avec un appareil depuis environ trois ans. Il suivait également, depuis l'année précédente, un traitement de désensibilisation au venin de guêpes, d'une durée de cinq ans, car il avait fait plusieurs chocs anaphylactiques à la suite de piqûres, dont l'une avait entraîné un coma de plusieurs heures.
Il a produit à l'appui de ces affirmations un certificat médical d'une médecin allergologue à K______ du 6 février 2024, mentionnant qu'il était suivi depuis le 6 novembre 2023 pour un traitement de désensibilisation sous cutané pérenne, ainsi qu'un certificat médical du 19 août 2024 attestant de l'existence d'apnées du sommeil et de la nécessité de porter un appareil ventilatoire nocturne.
b.b. Par la voix de son conseil, il persiste dans ses conclusions.
Il soutient que le jugement entrepris était fondé sur une présomption de culpabilité et s'appuyait en grande partie sur des faits liés à D______, dont il était divorcé depuis plus de dix ans, chacun des époux menant sa propre vie. Il n'existait pas de preuve au dossier d'un domicile en Bosnie-Herzégovine, n'importe quel quidam ayant pu inscrire une société à son nom dans ce pays, à son insu. De nombreux éléments témoignaient au contraire de son centre de vie à Genève, notamment l'absence de réexpédition du courrier et l'immatriculation de ses véhicules à Genève. Les réservations de vols M______ ne constituaient pas une preuve, dès lors qu'il voyageait au gré des opportunités, un minibus se rendant par exemple trois fois par semaine à N______ au départ de K______. Il avait d'ailleurs effectué des retraits au bancomat alors qu'il était supposé être en Bosnie-Herzégovine, étant précisé qu'il était le seul utilisateur de son compte, son ex-épouse ayant le sien. L'utilisation plus fréquente de sa carte depuis que la procédure était ouverte s'expliquait par sa volonté de conserver une preuve de sa présence en Suisse. Sa consommation électrique n'avait rien de particulier, pour une personne seule, bénéficiant de l'eau chaude des réacteurs du AA_____ et n'utilisant pas d'appareils ménagers.
Compte tenu des 44 années passées en Suisse, du fait qu'il avait perdu sa capacité de travail à la suite d'un accident dans ce pays, de la faible gravité du cas au vu des montants en jeu et du fait qu'il n'avait plus de famille en Bosnie-Herzégovine et ne pourrait y suivre son traitement médical, une expulsion était disproportionnée et violait toute une série de principes.
c. Le MP persiste dans ses conclusions.
Il relève que le recoupement des dates des vols M______ et des rendez-vous médicaux, de même que le fait que seule la carte de D______ ait été utilisée en lien avec son compte bancaire, constituaient des éléments suffisants pour retenir la culpabilité de A______, dont les explications n'étaient pas crédibles. Ainsi, alors qu'il déclarait une consommation annuelle d'électricité de CHF 1'440.- en 1995, il ne payait plus que CHF 187.- par an en 2017 ; son ex-épouse savait en outre depuis le 9 avril 2019 qu'ils faisaient l'objet d'une enquête, de sorte qu'il ne pouvait prétendre ignorer son existence lorsqu'il avait fait renouveler son passeport. La gravité des faits, l'organisation mise en place pour tromper les autorités (récupération du courrier, alerte en cas de contrôle), l'absence de remords et de scrupules, justifiaient le prononcé d'une peine privative de liberté, l'octroi du sursis n'étant pas remis en cause. Il n'y avait pas de motif pour déroger à l'expulsion obligatoire, vu le domicile que l'intéressé s'était constitué à l'étranger, où il ne démontrait pas qu'il ne pourrait bénéficier de soins médicaux adéquats.
D. A______, né le ______ 1959, ressortissant de Bosnie-Herzégovine, est arrivé en Suisse en 1980 et bénéficie d'un permis C depuis 1990. Il a tout d'abord séjourné à AD_____ [VD], avant de s'installer à Genève en 1993.
Son frère, sa sœur, ses deux enfants et leurs familles vivent dans la région de K______, où il dit avoir désormais son centre de vie. Alors que pendant la procédure devant le TP il partageait l'appartement de son ex-épouse à L______, dont il acquittait seul le loyer, il explique vivre maintenant dans son propre appartement, toujours à L______, avec son fils, avec lequel il partage la charge du loyer.
Il perçoit mensuellement une rente AVS de CHF 1'918.- et une rente de son deuxième pilier de CHF 1'402.50. Ses primes d'assurance-maladie s'élèvent à CHF 383.40 et il possède deux véhicules, une AE_____/20______ [marque, modèle] et une moto de marque AF_____, étant précisé que celle-ci est stationnée dans son pays natal. Il annonce des actes de défaut de biens liés à l'activité professionnelle indépendante déployée entre 1985 et 1990 pour un montant de CHF 44'430.10.
Son casier judiciaire suisse ne fait pas état d'antécédents.
E. Me B______, défenseur d'office de A______, dépose un état de frais pour la procédure d'appel comprenant 2 heures 30 pour deux entretiens, 45 minutes pour la lecture et l'examen du jugement entrepris, 5 heures de préparation pour l'audience, plus la durée de celle-ci (1 heure 30) et un forfait de 20% pour les frais de correspondance et d'appel.
En première instance, il a été indemnisé à hauteur de plus de 30 heures d'activité.
EN DROIT :
1. 1.1. L'appel principal est recevable pour avoir été interjeté et motivé selon la forme et dans les délais prescrits (art. 398 et 399 du Code de procédure pénale [CPP]).
1.2. Il en va de même de l'appel joint formé par le MP (art. 400 al. 3 let. b et 401 CPP).
1.3. Il sera pris acte du retrait de l'appel joint du SPC.
1.4. La Chambre d'appel et de révision (CPAR) n'examine que les points attaqués du jugement de première instance (art. 404 al. 1 CPP), sauf en cas de décisions illégales ou inéquitables (art. 404 al. 2 CPP), sans être liée par les motifs invoqués par les parties ni par leurs conclusions, à moins qu'elle ne statue sur une action civile (art. 391 al. 1 CPP).
2. 2.1. Le premier juge a considéré que le comportement reproché au prévenu par l'acte d'accusation ne réalisait pas les éléments constitutifs de l'infraction d'escroquerie, au sens de l'art. 146 CP, faute d'astuce et de position de garant, point qui n'est pas remis en cause en appel.
Compte tenu de la peine menace prévue par l'art. 148a CP, invoqué subsidiairement par le MP, les faits antérieurs au 12 janvier 2017, examinés sous l'angle de cette disposition, étaient par ailleurs prescrits.
Seuls sont donc soumis à l'examen de la Chambre de céans les faits postérieurs à cette date, sous l'angle de l'art. 148a CP.
2.2. Le principe in dubio pro reo découle de la présomption d'innocence, garantie par l'art. 6 ch. 2 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CEDH) et, sur le plan interne, par les art. 32 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse (Cst.) et 10 al. 3 CPP. Il concerne tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves au sens large (ATF 144 IV 345 consid. 2.2.3.1 ; 127 I 28 consid. 2a).
Ce principe signifie, au stade du jugement, que le fardeau de la preuve incombe à l'accusation et que le doute doit profiter au prévenu. La présomption d'innocence est violée lorsque le juge rend un verdict de culpabilité au seul motif que le prévenu n'a pas prouvé son innocence ou encore lorsqu'une condamnation intervient au seul motif que sa culpabilité est plus vraisemblable que son innocence. En revanche, l'absence de doute à l'issue de l'appréciation des preuves exclut la violation de la présomption d'innocence en tant que règle sur le fardeau de la preuve. Le juge ne doit pas non plus se déclarer convaincu de l'existence d'un fait défavorable à l'accusé si, d'un point de vue objectif, il existe des doutes quant à l'existence de ce fait. Il importe peu qu'il subsiste des doutes seulement abstraits et théoriques, qui sont toujours possibles, une certitude absolue ne pouvant être exigée. Il doit s'agir de doutes sérieux et irréductibles, c'est-à-dire de doutes qui s'imposent à l'esprit en fonction de la situation objective (ATF 144 IV 345 consid. 2.2.3.3 ; 127 I 38 consid. 2a).
2.3. Conformément à l'art. 4 al. 1 let. c de la loi fédérale sur les prestations complémentaires (LPC), les personnes qui ont leur domicile et leur résidence habituelle en Suisse ont droit à des prestations complémentaires dès lors qu'elles ont droit à une rente ou à une allocation pour impotent de l'assurance-invalidité (AI).
Ce droit à des prestations complémentaires leur permet de bénéficier de subsides destinés à la couverture de leur assurance-maladie (art. 20 al. 1 let. b et 22 al. 7 de la loi cantonale d'application de la loi fédérale sur l'assurance-maladie (LaLAMal ;
J 3 05) et induit également la prise en charge des frais médicaux, pour autant qu'ils aient été dispensés en Suisse (cf. art. 14 al. 1 LPC cum 2 et 7 du règlement genevois relatif au remboursement des frais de maladie et des frais résultant de l'invalidité en matière de prestations complémentaires à l'assurance-vieillesse et survivants et à l'assurance-invalidité ([RFMPC ; J 4 20.04]).
L'art. 2 al. 1 let. a et b de la loi sur les prestations complémentaires cantonales (LPCC ; J 4 25) en vigueur à l'époque des faits reprenait les mêmes conditions d'octroi que les prestations fédérales, à savoir notamment l'exigence d'un domicile et d'une résidence habituelle sur le territoire de la République et canton de Genève (let. a).
L'art. 1 al. 1 du règlement d'application de cette loi (RPCC-AVS/AI ; J 4 25.03) précisait que le bénéficiaire qui séjournait hors du canton plus de trois mois au total par année perdait son droit aux prestations, à moins qu'il ne s'agisse d'une hospitalisation ou d'un placement dans un home ou dans un établissement médico-social pour personnes âgées ou invalides.
2.4.1. Le domicile se définit comme étant le lieu où une personne réside avec l'intention de s'y établir (art. 23 al. 1 du Code civil [CC], auquel renvoient les art. 4 al. 1 LPC et 13 al. 1 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales [LPGA]), et le reste aussi longtemps que la personne ne s'en est pas créé un nouveau (art. 24 al. 1 CC).
L'intention implique la volonté manifestée de faire d'un lieu le centre de ses relations personnelles et professionnelles. Le domicile d'une personne se trouve ainsi au lieu avec lequel elle a les relations les plus étroites, compte tenu de l'ensemble des circonstances (ATF 136 II 405 consid. 4.3). Le lieu où les papiers d'identité ont été déposés ou celui figurant dans des documents administratifs, comme des attestations de la police des étrangers, des autorités fiscales ou des assurances sociales constituent des indices qui ne sauraient toutefois l'emporter sur le lieu où se focalise un maximum d'éléments concernant la vie personnelle, sociale et professionnelle de l'intéressé. Lorsqu'une personne séjourne en deux endroits différents, il faut tenir compte de l'ensemble de ses conditions de vie, le centre de son existence se trouvant à l'endroit, lieu ou pays, où se focalise un maximum d'éléments concernant sa vie personnelle, sociale et professionnelle, de sorte que l'intensité des liens avec ce centre l'emporte sur les liens existant avec d'autres endroits ou pays (ATF 125 III 100 consid. 3). Cela vaut également en ce qui concerne les prestations complémentaires (ATF 127 V 237 consid. 1).
2.4.2. La résidence habituelle est l'endroit où une personne séjourne un certain temps, même si la durée de ce séjour est d'emblée limitée (art. 13 al. 2 LPGA).
Selon la jurisprudence, cette notion doit être comprise dans un sens objectif : la condition de la résidence effective en Suisse n'est en principe plus remplie à la suite d'un départ à l'étranger, mais il n'y a pas interruption de la résidence en Suisse lorsque le séjour à l'étranger, correspondant à ce qui est généralement habituel, est dû à des motifs tels qu'une visite, des vacances, une absence pour affaires, une cure ou une formation (arrêt du Tribunal fédéral 9C_345/2010 du 16 février 2020 consid. 5.1). La notion de résidence habituelle au sens de l'art. 13 al. 2 LPGA suppose néanmoins que le centre de toutes les relations de l'intéressé se situe en Suisse (ATF 141 V 530 consid. 5.3 ; 119 V 111 consid. 7b).
Depuis le 1er janvier 2021, l'art. 4 al. 3 LPC stipule que la résidence habituelle en Suisse au sens de l'al. 1 est considérée comme interrompue lorsqu'une personne séjourne à l'étranger pendant plus de trois mois de manière ininterrompue (let. a) ou pendant plus de trois mois au total au cours d'une même année civile (let. b).
Avant l'entrée en vigueur de cette disposition, cette question était réglée par les directives de l'Office fédéral des assurances sociales (OFAS) en matière de prestations complémentaires, qui précisaient notamment que, lorsqu'au cours d'une même année civile, une personne séjournait plus de six mois (183 jours) à l'étranger – plusieurs séjours au cours de la même année s'additionnant –, le droit à la prestation complémentaire tombait pour toute l'année civile en question, ces directives ne devant toutefois pas être appliquées de manière trop schématique (ATF 126 IV 64 consid. 3b ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_345/2010 du 16 février 2011 consid. 5.1 ; pour un récapitulatif de ces notions, cf. ATAS/673/2023 du 31 août 2023 consid. 9, confirmé par arrêt du Tribunal fédéral 8_662/2023 du 22 mars 2024 consid. 4).
2.5. L'art. 31 al. 1 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales (LPGA) dispose que l'ayant droit, ses proches ou les tiers auxquels une prestation est versée sont tenus de communiquer à l'assureur ou, selon le cas, à l'organe compétent toute modification importante des circonstances déterminantes pour l'octroi d'une prestation.
L'art. 11 al. 1 LPCC prévoit, de manière similaire, que le bénéficiaire ou son représentant légal doit déclarer au service tout fait nouveau de nature à entraîner la modification du montant des prestations qui lui sont allouées ou leur suppression.
2.6. L'art. 148a al. 1 CP, entré en vigueur le 1er octobre 2016, punit quiconque, par des déclarations fausses ou incomplètes, en passant des faits sous silence ou de toute autre façon, induit une personne en erreur ou la conforte dans son erreur, et obtient de la sorte pour lui-même ou pour un tiers des prestations indues d'une assurance sociale.
2.6.1. Cette disposition couvre les cas dans lesquels l'infraction d'escroquerie n'est pas réalisée, parce que l'auteur n'agit pas astucieusement. Sont ainsi comprises toutes les formes de tromperie, soit en principe lorsque l'auteur fournit des informations fausses ou incomplètes, dissimule sa situation financière ou personnelle réelle, ou passe certains faits sous silence (cf. Message du Conseil fédéral concernant une modification du code pénal et du code pénal militaire du 26 juin 2013, in
FF 2013 5432 ss.). Dans cette dernière hypothèse ("en passant sous silence"), l'art. 148a 2ème hyp. CP décrit une infraction d'omission proprement dite, ce qui écarte notamment l'interprétation établie en matière d'escroquerie concernant l'absence de position de garant du bénéficiaire de prestations à caractère social (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1015/2019 du 4 décembre 2019 consid. 4.5.2. et 4.5.6. ; Message du Conseil fédéral du 26 juin 2013, p. 5432).
Les termes "en passant sous silence" signifient bien que le comportement visé est aussi la simple omission, même en l'absence de demande d'information de l'aide sociale (arrêt du Tribunal fédéral 6B_688/2021 du 18 août 2022 consid. 2.4.1).
Pour que l'infraction d'obtention illicite de prestations d'une assurance sociale soit consommée, l'erreur dans laquelle la tromperie active ou passive a mis ou conforté l'aide sociale doit avoir déterminé celle-ci à verser des prestations indues à l'auteur ou à un tiers. La réalisation de l'infraction résulte de l'obtention de prestations d'une assurance sociale auxquelles la personne n'a pas droit. Les prestations doivent avoir été effectivement versées (Message du Conseil fédéral du 26 juin 2013, p. 5433).
2.6.2. Sur le plan subjectif, l'infraction est intentionnelle. Il faut, d'une part, que l'auteur sache, au moment des faits, qu'il induit l'aide sociale en erreur ou la conforte dans son erreur et, d'autre part, qu'il ait l'intention d'obtenir une prestation sociale à laquelle lui-même ou le tiers auquel il la destine n'a pas droit (Message du Conseil fédéral du 26 juin 2013, p. 5433).
2.7. En l'espèce, l'appelant est resté inscrit au contrôle de l'habitant à Genève, où il a conservé, à tout le moins jusqu'en 2020, un appartement, ses assurances, ses médecins et les plaques de ses véhicules. Une grande partie de sa famille proche habitait par ailleurs à faible distance. La question du maintien d'un domicile dans le canton durant la période pénale considérée peut cependant demeurer ouverte.
L'existence d'une résidence habituelle à Genève est en effet une condition supplémentaire posée tant pour l'octroi de prestations complémentaires fédérales que cantonales.
L'appelant prétend qu'il ne se rendait que de manière sporadique à l'étranger et que la durée de ses séjours était inférieure à trois mois par année.
Si l'on se réfère aux billets d'avion produits, force est toutefois de constater que ceux-ci correspondent à des allers-retours de N______ à Genève, et non le contraire, ce qui, comme l'a relevé le premier juge, ne se conçoit guère que si l'appelant résidait habituellement en Bosnie-Herzégovine. Les séjours à Genève dans l'intervalle de ces vols sont par ailleurs fort brefs, puisqu'ils n'ont jamais excédé deux semaines. L'on ne peut certes exclure que l'appelant ait, parfois, effectué d'autres trajets, notamment en voiture ou en minibus. Il n'a toutefois apporté aucun élément (par exemple des preuves d'achat de billets de transport ou le témoignage de personnes qui auraient pu faire la route avec lui) permettant de considérer que cela aurait été plus qu'occasionnel. Les tampons apposés dans son passeport coïncident pour le surplus pour l'essentiel avec la date des vols.
À cela s'ajoute que, à l'exception de deux rendez-vous les 29 octobre et 3 novembre 2018, tous les rendez-vous médicaux auxquels l'appelant s'est présenté ont été fixés durant les périodes durant lesquelles sa présence à Genève est corroborée par les dates des vols communiquées par M______. Or, une simple coïncidence n'est à cet égard pas plausible, au vu de la durée des séjours considérés. Il y a dès lors lieu d'en déduire que l'appelant regroupait ses rendez-vous lors de ses passages à Genève ; un vol de retour pour N______, prévu le 30 novembre 2015, a d'ailleurs été repoussé au 4 décembre 2015 le jour-même d'un rendez-vous médical, le 23 novembre 2015, pour permettre à l'appelant d'honorer un nouveau rendez-vous médical, fixé le 1er décembre 2015. Les dates auxquelles des prestations prises en charge par l'assurance-maladie de l'appelant ont été délivrées n'infirment pas ce raisonnement, puisqu'elles correspondent pour la plupart aux dates de présence de l'appelant en Suisse telles qu'elles ressortent des vols ou à celles de son ex-épouse telles que retenues dans la procédure concernant celle-ci.
Aucun élément probant ne corrobore pour le surplus la présence de l'appelant à Genève plus de neuf mois par année. Il affirme que son épouse n'utilisait pas son compte, dès lors qu'elle avait le sien depuis 2012, mais n'explique pas les raisons pour lesquelles, dans ces conditions, D______ continuait de recevoir des remboursements sur le compte de son ex-époux. Il ne fournit pas non plus d'explications sur les motifs pour lesquels, entre juin 2014 et janvier 2019, seule la carte Q______ n° 11_____ émise, selon la police, au nom de D______, a été utilisée, à l'exclusion de la carte n° 8______ délivrée à son propre nom. La plupart du temps, les dates d'utilisation coïncident au demeurant avec des périodes durant lesquelles la présence de D______ en Suisse a été admise, de sorte que l'argument de l'appelant, selon lequel des retraits auraient été effectués au bancomat lorsqu'il était supposé être en Bosnie-Herzégovine ne peut être considéré comme une preuve de sa propre présence en Suisse. L'on observe par ailleurs qu'à dater de mars 2013, le loyer de l'appartement genevois a été acquitté par le biais d'un ordre de paiement automatique et que les autres charges fixes de la famille ont également commencé à faire l'objet d'ordres de paiements. Cette époque correspond également à celle à partir de laquelle ont débuté les transferts mensuels en faveur des cartes de crédit du couple, ce qui contredit la déclaration de l'appelant selon laquelle il n'utilisait pas ce moyen de paiement et effectuait toutes ses dépenses en espèces. L'on notera à cet égard que l'appelant s'est gardé de produire les relevés de ses cartes, ce qui eût permis d'attester sa présence à Genève, si, comme il le prétend, tel était le cas.
En ce qui concerne la consommation d'électricité de l'appartement, sa diminution importante à partir de mars 2013 (elle passe de 2'295 kWh annuels en 2011-2012 à 1'070 kWh annuels entre en 2013-2014, et même à 816 kWh annuels en 2014-2015) ne peut s'expliquer que par l'absence de ses occupants. Les enfants du couple n'habitaient en effet plus avec eux depuis plusieurs années à cette époque et l'appelant, pas plus que son épouse, n'invoquent un changement drastique de leurs habitudes. Aucune des affirmations de l'appelant pour justifier de son mode de vie économique ne paraît pour le surplus crédible, notamment qu'il aurait lavé son linge à la main alors que, selon les dires de D______, l'appartement était équipé d'un lave-linge. Elles ne suffisent dans tous les cas pas à justifier une telle diminution.
Les dénégations de l'appelant quant à ses liens avec la Bosnie-Herzégovine, et plus précisément la bourgade de J______, n'emportent enfin pas la conviction. Certes, la valeur probante de bases de données commerciales est faible et d'anciennes photographies, non datées, ne permettent en soi pas de déductions quant à la durée d'éventuels séjours de l'appelant à l'étranger. Ces photographies contredisent néanmoins les affirmations péremptoires des époux quant au fait qu'ils ne séjournaient jamais au même endroit en Bosnie-Herzégovine.
Par ailleurs, l'appelant a lui-même reconnu son ancrage à J______, où sa mère vivait et où il a suffisamment de connaissances pour faire partie d'un club de moto (indice de présence dont on ne peut que souligner l'absence en Suisse). Dans ces conditions, il paraît curieux qu'il ne se soit pas enquis de la présence répertoriée d'un homonyme exploitant, à la même adresse, depuis le 25 juin 2013 une auberge "______-Hostel H______" et, depuis 2021, une "Beverage Manufacturing Industry". Cette absence de curiosité est d'autant plus suspecte qu'il a, sur sa page Facebook, commenté d'un "J'aime" l'inscription "______ – Hostel H______", tout en soutenant, lors de l'audience devant la Chambre de céans, que cet hôtel, dans lequel D______ pose entre deux militaires, ne lui disait rien. L'affirmation selon laquelle les montants débités en faveur de Y______.com correspondaient à des nuitées en auberge lors de ses tours à moto est quant à elle contredite tant par la régularité – mensuelle – de ces paiements, dont la faible quotité ne peut s'expliquer autrement que par le versement de commissions, que par sa propre affirmation selon laquelle il n'utilisait pas ses cartes de crédit.
Il y a dès lors tout lieu de croire que l'appelant est bel et bien l'exploitant de cet établissement, depuis à tout le moins 2014 (ce qui correspond à la diminution de la consommation électrique liée à son appartement genevois, à la période à partir de laquelle ses paiements courants en Suisse ont commencé à être faits par virements bancaires et à l'alimentation régulière des cartes de crédit au nom des deux ex-époux.
Au vu de ces éléments, il faut retenir que l'appelant n'a pas eu, durant la période pénale considérée, sa résidence habituelle à Genève, ayant séjourné largement plus de 90 jours par année à l'étranger.
Il ne remplissait dès lors pas les conditions d'octroi des prestations complémentaires et des prestations associées, ce qu'il n'ignorait pas, puisqu'il a admis avoir eu connaissance de l'interdiction qui lui était faite de ne pas passer plus de trois mois par année civile hors du canton et ne pouvait dès lors ignorer qu'en taisant ses absences, il bénéficiait indûment des versements étatiques.
Sa culpabilité du chef d'obtention illicite de prestations d'une assurance sociale pour la période courant du 13 janvier 2017 au 31 juillet 2019 sera dès lors confirmée et son appel rejeté sur ce point.
3. 3.1. L'art. 148a al. 1 CP punit l'obtention illicite de prestations d'une assurance sociale ou de l'aide sociale d'une peine privative de liberté d'un an au plus ou d'une peine pécuniaire.
L'alinéa 2 sanctionne d'une amende les cas de peu de gravité.
La loi ne définit pas ce qu'il faut entendre par cas de peu de gravité. Selon la jurisprudence, en deçà d'un montant de CHF 3'000.-, il y a toujours lieu de retenir un cas de peu de gravité. À l'inverse, lorsque ce montant est supérieur à CHF 36'000.-, le cas de peu de gravité est en général exclu (ATF 149 IV 273 consid. 1.5.9). Pour les montants intermédiaires, soit entre CHF 3'000.- et CHF 36'000.-, un examen approfondi des circonstances particulières du cas concret s'impose. En particulier, la culpabilité peut sembler moindre lorsque l'obtention illicite de la prestation a été de courte durée, que le comportement de l'auteur ne traduit pas une intention marquée d'enfreindre la loi ou que l'on peut comprendre ses motivations ou ses buts
(ATF 149 IV 273 consid. 1.5.7 et 1.5.9 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_993/2023 du 11 décembre 2023 consid. 1.1 ; 6B_104/2022 du 8 février 2023 consid. 2.1.4, 6B_1400/2021 du 20 décembre 2022 consid. 4.2 et 6B_797/2021 du 20 juillet 2022 consid. 2.2).
Un cas de peu de gravité a par exemple été admis alors que la somme indûment perçue s'élevait à CHF 13'735.30, que le prévenu avait passé sous silence, durant sept mois, aux services sociaux la réception d'un unique versement de ses avoirs de libre passage, qu'il avait agi par une simple omission, alors qu'il pouvait s'attendre à ce que le versement soit découvert dans la mesure où les services sociaux connaissaient l'existence de cet avoir et qu'ensuite, à l'occasion d'un contrôle, il avait présenté volontairement les justificatifs correspondants (ATF 149 IV 273 consid. 1.6). Il a été en revanche nié, s'agissant d'un montant passé sous silence de CHF 15'815.55, qui était largement supérieur au seuil de CHF 3'000.- discuté par la jurisprudence, la durée du comportement illicite s'étant prolongée durant deux ans et n'étant pas justifiée par la situation personnelle de l'auteur (arrêt du Tribunal fédéral 6B_797/2021 du 21 juillet 2022 consid. 2.3).
3.2. Selon l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).
Plus précisément, la culpabilité de l'auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l'acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l'acte et son mode d'exécution. Du point de vue subjectif, sont pris en compte l'intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l'auteur. À ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l'auteur lui-même, à savoir les antécédents (judiciaires et non judiciaires), la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l'acte et au cours de la procédure pénale (ATF 142 IV 137 consid. 9.1 ; 141 IV 61 consid. 6.1.1). L'art. 47 CP confère un large pouvoir d'appréciation au juge (ATF 144 IV 313 consid. 1.2).
3.3. La peine pécuniaire constitue la sanction principale dans le domaine de la petite et moyenne criminalité, les peines privatives de liberté ne devant être prononcées que lorsque l'État ne peut garantir d'une autre manière la sécurité publique. Lorsque tant une peine pécuniaire qu'une peine privative de liberté entrent en considération et que toutes deux apparaissent sanctionner de manière équivalente la faute commise, il y a en règle générale lieu, conformément au principe de la proportionnalité, d'accorder la priorité à la première, qui porte atteinte au patrimoine de l'intéressé et constitue donc une sanction plus clémente qu'une peine privative de liberté, qui l'atteint dans sa liberté personnelle. Le choix de la sanction doit être opéré en tenant compte au premier chef de l'adéquation de la peine, de ses effets sur l'auteur et sur sa situation sociale ainsi que de son efficacité du point de vue de la prévention. La faute de l'auteur n'est en revanche pas déterminante (ATF 144 IV 313 consid. 1.1.1).
3.4. Selon une jurisprudence rendue en matière d'octroi indu d'une prestation au sens de la LPC (art. 31 al. 1 LPC, correspondant à l'art. 16 aLPC), transposable mutatis mutandis à l'art. 148a CP, cette infraction est consommée du point de vue formel dès les premiers versements des prestations complémentaires, les éléments constitutifs objectifs et subjectifs étant réalisés. Le résultat de l'infraction ne dure pas mais est accompli à chaque nouveau versement. Il ne s'agit ainsi pas d'un délit continu, même si après l'admission d'une demande de prestations complémentaires, les versements sont effectués mensuellement et étalés dans le temps (ATF 131 IV 83 consid. 2.1.3 ; ATAS/326/2013 du 9 avril 2013 consid. 16).
En l'absence de délit continu, l'auteur encourt une peine pour chaque acte qui réalise les éléments constitutifs de l'infraction (cf. M. DUPUIS / L. MOREILLON / C. PIGUET / S. BERGER / M. MAZOU / V. RODIGARI (éds), Code pénal - Petit commentaire, 2e éd., Bâle 2017, n. 8 ad art. 49).
Conformément à l'art. 49 al. 1 CP, si, en raison d'un ou de plusieurs actes, l'auteur remplit les conditions de plusieurs peines de même genre, le juge le condamne à la peine de l'infraction la plus grave et l'augmente dans une juste proportion. Il ne peut toutefois excéder de plus de la moitié le maximum de la peine prévue pour cette infraction.
3.5. En l'occurrence, la faute de l'appelant est importante. Il a agi délibérément, par pur appât du gain, ce qui est d'autant moins justifiable qu'il n'avait plus ni épouse ni enfants à charge. Seule l'intervention de l'autorité et l'enquête à laquelle elle a procédé ont permis de mettre fin à ses agissements.
L'on ne se trouve ainsi manifestement pas dans un cas de peu de gravité, qui pourrait être qualifié de contravention, tant au vu de la situation personnelle de l'appelant que de la durée du comportement illicite adopté et des montants indûment perçus, qui s'élèvent, pour la seule période pénale, à CHF 19'558.30, soit bien davantage que le seuil de CHF 3'000.- fixé par la jurisprudence.
La collaboration de l'appelant ne peut être qualifiée que de mauvaise, puisqu'il a persisté à nier l'évidence, y compris lors de l'audience devant la Chambre de céans.
Sa prise de conscience est inexistante.
L'absence d'antécédent a un effet neutre sur la fixation de la peine. En revanche, chaque occurrence se trouve en concours réel avec les autres, dans la mesure où il ne s'agit pas d'un délit continu.
Il a montré une énergie criminelle à tout le moins identique, voire supérieure – si l'on se réfère à la durée bien plus longue de ses séjours à l'étranger – à celle de D______, qui a été condamnée pour l'infraction à l'art. 148a CP commise entre le 1er octobre 2016 et le 31 juillet 2019 à une peine privative de liberté de sept mois (avec sursis).
Dans ces conditions, c'est à juste titre que le MP critique le choix d'une peine pécuniaire, l'intérêt public à voir sévèrement sanctionnés les abus en matière d'assistance ne devant pas être négligé.
Le prononcé d'une peine privative de liberté de sept mois apparaît dès lors justifié, conformes aux critères rappelés ci-dessus et cohérent avec la sanction infligée à D______.
Le sursis, dont les conditions sont réalisées et qui n'est pas remis en cause, est acquis à l'appelant.
L'appel joint sera dès lors partiellement admis et le jugement entrepris modifié sur ce point.
4. 4.1. Conformément à l'art. 66a al. 1 CP, le juge expulse un étranger du territoire suisse pour une durée de cinq à quinze ans s'il est reconnu coupable de l'une des infractions énumérées aux let. a à o, et ce quelle que soit la quotité de la peine prononcée à son encontre. L'expulsion est donc en principe indépendante de la gravité des faits retenus (arrêt du Tribunal fédéral 6B_506/2017 du 14 février 2018 consid. 1.1).
Il peut néanmoins être renoncé à l'expulsion, exceptionnellement, lorsque celle-ci mettrait l'étranger dans une situation personnelle grave et que les intérêts publics à l'expulsion ne l'emportent pas sur son intérêt à demeurer en Suisse (art. 66a al. 2 CP).
4.2.1. La clause de rigueur permet de garantir le principe de la proportionnalité (art. 5 al. 2 Cst). Elle doit être appliquée de manière restrictive. La loi ne définit pas ce qu'il faut entendre par une "situation personnelle grave". Compte tenu du lien étroit entre l'expulsion pénale et les mesures du droit des étrangers, il est justifié de s'inspirer, de manière générale, des critères prévus par l'art. 31 al. 1 de l'ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative (OASA). L'art. 31 al. 1 OASA prévoit qu'une autorisation de séjour peut être octroyée dans les cas individuels d'extrême gravité. L'autorité doit tenir compte notamment de l'intégration du requérant selon les critères définis à l'art. 58a al. 1 de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration (LEI), de la situation familiale, particulièrement de la période de scolarisation et de la durée de la scolarité des enfants, de la situation financière, de la durée de la présence en Suisse, de l'état de santé ainsi que des possibilités de réintégration dans l'État de provenance. Comme la liste de l'art. 31 al. 1 OASA n'est pas exhaustive et que l'expulsion relève du droit pénal, le juge devra également, dans l'examen du cas de rigueur, tenir compte des perspectives de réinsertion sociale du condamné (ATF 146 IV 105 consid. 3.4.2 ; 144 IV 332 consid. 3.3 ss ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_1187/2022 du 23 août 2023 consid. 1.2 s et 6B_379/2021 du 30 juin 2021 consid. 1.1).
4.2.2. En règle générale, il convient d'admettre l'existence d'un cas de rigueur au sens de l'art. 66a al. 2 CP lorsque l'expulsion constituerait, pour l'intéressé, une ingérence d'une certaine importance dans son droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par la Constitution fédérale (art. 13 Cst.) et par le droit international, en particulier l'art. 8 CEDH (arrêt du Tribunal fédéral 6B_255/2020 du 6 mai 2020 consid. 1.2.1 et références citées). Pour se prévaloir d'un droit au respect de sa vie privée, l'étranger doit établir l'existence de liens sociaux et professionnels spécialement intenses avec la Suisse, notablement supérieurs à ceux qui résultent d'une intégration ordinaire. Une pesée des intérêts en présence, en considérant la durée du séjour en Suisse comme un élément parmi d'autres, doit être préférée à une approche schématique qui consisterait à présumer, à partir d'une certaine durée de séjour en Suisse, que l'étranger y est enraciné et dispose de ce fait d'un droit de présence dans notre pays (ATF 134 II 10 consid. 4.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_153/2020 du 28 avril 2020 consid. 1.3.2).
Les relations familiales visées par l'art. 8 par. 1 CEDH sont avant tout celles qui concernent la famille dite nucléaire, soit celles qui existent entre époux ainsi qu'entre parents et enfants mineurs vivant en ménage commun (arrêt du Tribunal fédéral 6B_379/2021 du 30 juin 2021 consid. 1.2.). Les relations entre enfants adultes et leurs parents ne bénéficient en revanche pas de la protection de l'art. 8 CEDH, sauf s'il existe entre eux une relation de dépendance qui va au-delà de liens affectifs normaux, par exemple en raison d'une maladie ou d'un handicap (ATF 137 I 154 consid. 3.4.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1116/2022 du 21 avril 2023 consid. 3.1.2).
L'expulsion d'un étranger qui séjourne depuis longtemps en Suisse doit se faire avec une retenue particulière. La personne concernée doit se voir accorder un intérêt privé plus important à rester en Suisse au fur et à mesure que la durée de sa présence augmente. On tiendra alors particulièrement compte de l'intensité des liens de l'étranger avec la Suisse et des difficultés de réintégration dans son pays d'origine (ATF 146 IV 105 consid. 3.4.4 ; 144 IV 332 consid. 3.3.2 et 3.3.3 et les arrêts cités ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_153/2020 du 28 avril 2020 consid. 1.4.1).
4.3. Selon l'état de santé de l'intéressé et les prestations de soins disponibles dans l'État d'origine, l'expulsion du territoire suisse peut par ailleurs placer l'étranger dans une situation personnelle grave au sens de l'art. 66a CP ou se révéler disproportionnée sous l'angle de l'art. 8 par. 2 CEDH. Lorsque l'intéressé souffre d'une maladie ou d'une infirmité, il sied donc d'examiner le niveau d'atteinte à la santé, les prestations médicales qui sont à disposition dans le pays d'origine ainsi que les conséquences négatives que cela peut engendrer pour la personne concernée (ATF 145 IV 455 consid. 9.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_1044/2023 du 20 mars 2024 consid. 4.1.4 ; 6B_244/2023 du 25 août 2023 consid. 6.4 ; 6B_86/2023 du 7 août 2023 consid. 5.2.3 ; 6B_745/2022 du 22 février 2023 consid. 3.2.3).
4.5. En l'espèce, l'infraction d'obtention illicite de prestations d'une assurance sociale commises par l'appelant entre janvier 2017 et juillet 2019, soit après l'entrée en vigueur des dispositions sur l'expulsion, le 1er octobre 2016, entraînent l'expulsion obligatoire au sens de l'art. 66a al. 1 let. e CP.
Une renonciation à prononcer son expulsion ne peut dès lors intervenir qu'à des conditions restrictives.
Or, si l'appelant a passé plus de quarante ans en Suisse, soit presque toute sa vie d'adulte, il n'a jamais coupé les liens avec son pays d'origine, où il passe la majeure partie de son temps depuis près de dix ans. D______, dont il a divorcé en 2011 mais sans que cela n'emporte de changement notable dans leur situation, puisqu'ils ont continué à cohabiter, y compris après leur déménagement à K______, a également fait l'objet d'une expulsion, désormais entrée en force, et réside dès lors vraisemblablement déjà dans ce pays. Les enfants et petits-enfants de l'appelant habitent certes la Suisse, mais cela reste insuffisant pour que l'appelant puisse invoquer le respect de sa vie familiale, ce d'autant moins que ses proches, selon ses propres dires, se rendent souvent en Bosnie-Herzégovine, notamment à l'occasion des vacances d'été ou de Noël.
L'appelant invoque des problèmes de santé, mais ne démontre pas qu'il ne pourrait pas être suivi médicalement dans son pays d'origine, au vu de l'absence de gravité suffisante de ceux-ci au sens de la jurisprudence en la matière.
Force est dès lors de constater que rien ne s'oppose à son expulsion – au demeurant limitée à cinq ans, soit le minimum légal –, qui ne le placerait pas dans une situation personnelle particulièrement grave au sens de la jurisprudence.
Le jugement du TP sera dès lors également confirmé sur point.
5. 5.1. Selon l'art. 122 al. 1 CPP, en sa qualité de partie plaignante, le lésé peut déposer des conclusions civiles déduites de l'infraction, par adhésion à l'action pénale. Le tribunal saisi de la cause pénale statue sur les conclusions civiles lorsqu'il rend un verdict de culpabilité à l'encontre du prévenu (art. 126 al. 1 let. a CPP).
5.2. Sont considérées comme prétentions civiles au sens de l'art. 122 al. 1 CPP les prétentions qui ont leur fondement dans le droit civil et qui doivent donc être exécutées de manière ordinaire devant le tribunal civil. Les prétentions de droit public ne peuvent pas être invoquées par adhésion dans le cadre du procès pénal et ne font pas partie des prétentions civiles au sens de cette disposition (ATF 141 IV 380 consid. 2.3.1 ; 131 I 455 consid. 1.2.4).
5.3. En l'occurrence, le SPC a rendu des décisions de restitution de prestations qui trouvent leur fondement dans le droit public, dont l'examen du bien-fondé relève, en cas de contestation, des juridictions administratives.
C'est dès lors à juste titre que le premier juge a déclaré ses prétentions en paiement irrecevables.
Le jugement entrepris sera donc également confirmé sur ce point.
6. Conformément à l'art. 428 al. 1 CPP, les frais de la procédure de recours sont mis à la charge des parties dans la mesure où elles ont obtenu gain de cause ou succombé.
L'appelant principal, qui succombe pour l'essentiel, supportera les 9/10èmes des frais de la procédure d'appel, lesquels comprennent un émolument de CHF 1'500.- (art. 14 du règlement fixant le tarif des frais en matière pénale [RTFMP]).
Le SPC, qui a retiré son appel joint et est réputé avoir succombé dans cette mesure, supportera quant à lui le 1/10ème restant.
7. 7.1. Selon l'art. 135 al. 1 CPP, le défenseur d'office est indemnisé conformément au tarif des avocats de la Confédération ou du canton du for du procès. S'agissant d'une affaire soumise à la juridiction cantonale genevoise, l'art. 16 du règlement sur l'assistance juridique (RAJ) s'applique.
Cette dernière disposition prescrit que l'indemnité, en matière pénale, est calculée selon le tarif horaire de CHF 200.- (let. c) pour le chef d'étude. En cas d'assujettissement l'équivalent de la TVA est versé en sus.
Conformément à l'art. 16 al. 2 RAJ, seules les heures nécessaires sont retenues. Elles sont appréciées en fonction notamment de la nature, de l'importance et des difficultés de la cause, de la valeur litigieuse, de la qualité du travail fourni et du résultat obtenu.
On exige de l'avocat qu'il soit expéditif et efficace dans son travail et qu'il concentre son attention sur les points essentiels. Des démarches superflues ou excessives n'ont pas à être indemnisées (M. VALTICOS / C. M. REISER / B. CHAPPUIS / F. BOHNET (éds), Commentaire romand, Loi sur les avocats : commentaire de la loi fédérale sur la libre circulation des avocats (Loi sur les avocats, LLCA), 2ème éd. Bâle 2022, n. 257 ad art. 12). Dans le cadre des mandats d'office, l'État n'indemnise ainsi que les démarches nécessaires à la bonne conduite de la procédure pour la partie qui jouit d'une défense d'office ou de l'assistance judiciaire. Il ne saurait être question d'indemniser toutes les démarches souhaitables ou envisageables. Le mandataire d'office doit en effet gérer son mandat conformément au principe d'économie de procédure (décision de la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral BB.2013.22 du 31 octobre 2013 consid. 5.2.3).
7.2. L'activité consacrée aux conférences, audiences et autres actes de la procédure est majorée de 20% jusqu'à 30 heures de travail, décomptées depuis l'ouverture de la procédure, et de 10% lorsque l'état de frais porte sur plus de 30 heures, pour couvrir les démarches diverses, telles la rédaction de courriers ou notes, les entretiens téléphoniques et la lecture de communications, pièces et décisions (arrêt du Tribunal fédéral 6B_838/2015 du 25 juillet 2016 consid. 3.5.2 ; voir aussi les décisions de la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral BB.2016.34 du 21 octobre 2016 consid. 4.1 et 4.2 et BB.2015.85 du 12 avril 2016 consid. 3.5.2 et 3.5.3). Des exceptions demeurent possibles, charge à l'avocat de justifier l'ampleur d'opérations dont la couverture ne serait pas assurée par le forfait.
7.3. Le temps de déplacement de l'avocat est considéré comme nécessaire pour la défense d'office au sens de l'art. 135 CPP (décision de la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral BB.2015.33 du 28 juillet 2015 consid. 4.3 et les références). La rémunération forfaitaire de la vacation aller/retour au et du Palais de justice ou au et du bâtiment du Ministère public est arrêtée à CHF 100.- pour les chefs d'étude, dite rémunération étant allouée d'office par la juridiction d'appel pour les débats devant elle.
7.4. En l'occurrence, considéré globalement, l'état de frais produit par Me B______ répond à ces critères, sous réserve de la durée des entretiens, 60 minutes apparaissant suffisantes pour exposer à son mandant les tenants et aboutissants d'un appel, de la lecture et de l'examen du jugement entrepris (45 minutes), qui sont compris dans le forfait, et de la quotité de ce dernier, qui doit être limitée à 10%, vu l'ampleur de l'activité déployée durant la procédure de première instance.
Sa rémunération sera dès lors arrêtée à CHF 1'902.55 TTC, correspondant à 7 heures 30 minutes d'activité au tarif de CHF 200.-/heure (CHF 1'500.-), une vacation (CHF 100.-), plus la majoration forfaitaire de 10% (CHF 160.-) et l'équivalent de la TVA au taux de 8.1% (CHF 142.55).
* * * * *
PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Reçoit l'appel formé par A______ et l'appel joint formé par le Ministère public contre le jugement JTDP/31/2024 rendu le 12 janvier 2024 par le Tribunal de police dans la procédure P/18871/2019.
Prend acte du retrait de l'appel joint formé par le SERVICE DES PRESTATIONS COMPLEMENTAIRES.
Rejette l'appel principal et admet partiellement l'appel joint du Ministère public.
Annule ce jugement.
Et statuant à nouveau :
Classe la procédure du chef d'obtention illicite de prestations d'une assurance sociale ou de l'aide sociale (art. 148a ch. 1 CP) pour la période antérieure au 12 janvier 2017 (art. 329 al. 5 CPP et 97 al. 1 let. d CP).
Déclare A______ coupable d'obtention illicite de prestations d'une assurance sociale ou de l'aide sociale pour la période du 13 janvier 2017 au 31 juillet 2019 (art. 148a ch. 1 CP).
Condamne A______ à une peine privative de liberté de sept mois (art. 40 CP).
Met A______ au bénéfice du sursis et fixe la durée du délai d'épreuve à trois ans (art. 42 et 44 CP).
Avertit A______ que s'il devait commettre de nouvelles infractions durant le délai d'épreuve, le sursis pourrait être révoqué et la peine suspendue exécutée, cela sans préjudice d'une nouvelle peine (art. 44 al. 3 CP).
Ordonne l'expulsion de Suisse de A______ pour une durée de cinq ans (art. 66a al. 1 CP let. e CP).
Dit que la peine prononcée avec sursis n'empêche pas l'exécution de l'expulsion durant le délai d'épreuve.
Renonce à ordonner le signalement de l'expulsion dans le système d'information Schengen (SIS) (art. 20 de l'ordonnance M-SIS ; RS 362.0).
Déclare irrecevables les conclusions civiles du SERVICE DES PRESTATIONS COMPLEMENTAIRES.
Prend acte de ce que le Tribunal de police a arrêté les frais de la procédure préliminaire et de première instance à CHF 1'652.-, y compris un émolument de jugement complémentaire de CHF 600.-.
Prend acte de ce que ces frais ont été mis à la charge de A______ (art. 426 al. 1 CPP).
Prend acte de ce que le Tribunal de police a fixé à CHF 10'256.05 TTC la rémunération de Me B______, défenseur d'office de A______, pour la procédure préliminaire et de première instance (art. 135 CPP).
Arrête les frais de la procédure d'appel à CHF 1'835.-, lesquels comprennent un émolument de CHF 1'500.-.
Condamne A______ aux 9/10èmes des frais de la procédure d'appel, en CHF 1'651.50, le solde de 1/10ème étant laissé à la charge du SERVICE DES PRESTATIONS COMPLEMENTAIRES, soit pour lui l'État.
Arrête à CHF 1'902.55 TTC le montant des frais et honoraires de Me B______, défenseur d'office de A______, pour la procédure d'appel.
Notifie le présent arrêt aux parties.
Le communique, pour information, au Tribunal de police et à l'Office cantonal de la population et des migrations.
La greffière : Linda TAGHARIST |
| Le président : Vincent FOURNIER |
Indication des voies de recours :
Conformément aux art. 78 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral (LTF), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF), par-devant le Tribunal fédéral (1000 Lausanne 14), par la voie du recours en matière pénale.
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Selon les art. 4 et 14 du règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais et dépens en matière pénale (E 4 10.03).
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