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Décisions | Chambre pénale d'appel et de révision

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P/11951/2023

AARP/126/2024 du 26.04.2024 sur JTCO/130/2023 ( PENAL ) , IRRECEVABLE

Descripteurs : DÉCISION D'IRRECEVABILITÉ;RESTITUTION DU DÉLAI;ANNONCE D'APPEL
Normes : CPP.399.al1; CPP.94; CPP.403.al1.leta
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

P/11951/2023 AARP/126/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale d'appel et de révision

Arrêt du 26 avril 2024

 

Entre

A______, actuellement détenu à l'établissement fermé de B______, ______, comparant par Me C______, avocate,

appelant,

 

contre le jugement JTCO/130/2023 rendu le 7 décembre 2023 par le Tribunal correctionnel,

 

et

D______, partie plaignante,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés.


EN FAIT :

A. a. Par courrier daté du 29 décembre 2023, A______ a annoncé appeler du jugement JTCO/130/2023 du Tribunal correctionnel (TCO), dont la motivation lui a été notifiée le 21 décembre 2023.

b. Cet acte n'a pas été précédé d'une annonce d'appel régulière dans le délai de dix jours suivant la notification du dispositif du jugement, laquelle a eu lieu en date du 7 décembre 2023, à l'issue des débats.

c. Par courrier du 17 janvier 2024, le Président de la Chambre pénale d'appel et de révision (CPAR) a imparti un délai de dix jours à A______ pour se déterminer sur l'apparente irrecevabilité de son appel.

d. Par courrier du 19 janvier 2024, reçu le 24 janvier 2024, et celui, non daté, reçu le 29 janvier 2024, A______ a contesté le jugement, exposant, en substance, avoir été condamné sans preuve. En outre, il s'est plaint de ce que son ancienne avocate avait « menti » et l'avait empêché de faire valoir ses réquisitions de preuves.

e. Par arrêt de la Chambre pénale de recours (CPR) du 1er février 2024, statuant sur le recours de A______ contre l'ordonnance de refus de remplacement du défenseur d'office rendue le 17 novembre 2023, Me C______ a été désignée à sa défense en lieu et place de Me E______. En effet, quand bien même aucun élément du dossier ne permettait de retenir que la défense de A______ n'aurait pas été assurée de manière efficace, il existait une grave rupture du lien de confiance et une absence de communication, le précité allant jusqu'à refuser les visites en prison de son avocate, ce qui rendait impossible la poursuite du mandat.

f. Par courrier du 20 février 2024, Me C______ a indiqué que A______ l’avait assurée avoir clairement informé son précédent conseil de sa volonté de former appel contre le jugement du TCO.

g. Interpellée par le Président de la CPAR, Me E______ a exposé que A______ avait renoncé de manière éclairée et sans équivoque à annoncer appel lorsqu'elle lui avait détaillé les options qui s'offraient à lui, détermination qu'il avait confirmée par écrit à l'issue de leur parloir du 14 décembre 2023. Elle a produit à l'appui de ses dires le texte manuscrit apposé sur la page du dispositif du 7 décembre 2023, daté et signé par son mandant, aux termes duquel il déclare "je ne veux pas recourir à la Cour de Justice contre la décision du Tribunal correctionnel du 7 décembre".

h. Confronté à cette pièce, A______ a, sous la plume de son nouveau conseil, expliqué s'être senti contraint de rédiger cette phrase qui lui avait été dictée par Me E______, laquelle lui avait déconseillé de contester sa condamnation sous peine de la voir aggravée. Ses codétenus l’avaient assuré, à tort, qu'il disposait d'un délai de dix jours à compter de la motivation pour annoncer son appel, cas échéant. Il a sollicité un ultime délai pour se déterminer quant à la recevabilité de son appel, arguant que sa nouvelle avocate n'avait pas encore eu accès au dossier.

i. La copie intégrale de la procédure a été communiquée à Me C______ le 19 mars 2024.

j. Par courrier du 2 avril 2024, Me C______ a indiqué que son client concluait à la recevabilité de son appel, le délai pour l'annoncer devant lui être restitué conformément à l'art. 94 al. 1 du Code de procédure pénale (CPP). En effet, il avait été empêché de respecter le délai légal, sans qu'aucune faute ne pût lui être reprochée, n'ayant aucune connaissance juridique et le lien de confiance avec sa précédente avocate étant irrémédiablement rompu. Son préjudice serait irréparable en ce qu'il était question de le priver de ses droits. Enfin, au terme de ces déterminations, il répétait les actes manqués.

k. Il ressort encore de la procédure, notamment, deux courriers de Me E______ rappelant à son mandant qu'il a renoncé à faire appel, soit :

-        le 19 décembre 2023 : "en ce qui concerne l'affaire principale, la procédure est en principe close suite à votre décision de ne pas appeler du jugement du tribunal" (traduction libre) ;

-        le 18 janvier 2024 : "je suis surprise d'apprendre que vous ayez décidé de vous opposer à la décision du tribunal après notre dernière conversation. Il semble que votre opposition ne soit pas valable puisque vous n'avez pas respecté la procédure pour ce faire" (traduction libre).

B. a. Me E______ a déposé son état de frais, facturant 1h30 d'entretien client le 26 janvier 2024, 15 minutes de prise de connaissance de l'arrêt de la CPR et 2h15 de correspondances diverses à compter du 6 février 2024, soit un total de 4h00 d'activité de cheffe d'étude.

En première instance, elle a été indemnisée pour plus de 30 heures d'activité.

b. Me C______ a déposé son état de frais, facturant 5h30 d'étude de dossier, deux parloirs de 1h30 chacun, 0h30 d'entretien téléphonique et 1h30 de rédaction des déterminations écrites, soit un total de 10h30 d'activité de cheffe d'étude.

 

 

EN DROIT :

1. 1.1. Peuvent faire l'objet d'un appel, les jugements des tribunaux de première instance qui ont clos tout ou partie de la procédure (art. 398 al. 1 CPP).

1.2. La partie annonce l'appel au tribunal de première instance par écrit ou oralement pour mention au procès-verbal dans le délai de dix jours à compter de la communication du jugement (art. 399 al. 1 CPP).

Fixé par la loi, ce délai ne peut être prolongé et n'est pas suspendu pendant les féries judiciaires (art. 89 al. 1 et 2 CPP). Il commence à courir le jour qui suit la remise ou la notification du dispositif écrit (art. 384 CPP). Son inobservation entraine la déchéance du droit d'appeler, sous réserve de la possibilité d'en obtenir la restitution, aux conditions strictes de l'art. 94 CPP (Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, 2ème éd., Bâle 2019, N 3 ad art. 399 CPP, p. 2547).

1.3. Selon l'art. 94 CPP, une partie peut demander la restitution d'un délai imparti pour accomplir un acte de procédure si elle a été empêchée de l'observer et si elle est de ce fait exposée à un préjudice important et irréparable. Elle doit toutefois rendre vraisemblable que le défaut n'est imputable à aucune faute de sa part (al. 1). Une telle demande, dûment motivée, doit être adressée par écrit dans les 30 jours à compter de celui où l'empêchement a cessé, à l'autorité auprès de laquelle l'acte de procédure aurait dû être accompli et l'acte de procédure omis doit être répété durant ce délai (al. 2).

Les conditions formelles consistent donc à déposer une demande de restitution ainsi qu'à entreprendre l'acte de procédure omis dans le délai légal, d'une part, et à justifier d'un préjudice important et irréparable d'autre part. Si les conditions de forme ne sont pas réalisées, l'autorité compétente n'entre pas en matière sur la demande de restitution (ATF 143 I 284 consid. 1.2).

La restitution de délai suppose ensuite que la partie ou son mandataire a été empêché d'agir sans faute dans le délai fixé. Elle n'entre pas en ligne de compte lorsque la partie ou son mandataire a renoncé à agir, que ce soit à la suite d'un choix délibéré, d'une erreur ou du conseil - peut-être erroné - d'un tiers (ATF 143 I 284 consid. 1.3). Une restitution au sens de l'art. 94 CPP ne peut intervenir que lorsqu'un événement, par exemple une maladie ou un accident, met la partie objectivement ou subjectivement dans l'impossibilité d'agir par elle-même ou de charger une tierce personne d'agir en son nom dans le délai (arrêt du Tribunal fédéral 6B_365/2016 du 29 juillet 2016 consid. 2.1). La faute de l'auxiliaire, notamment d'un parent, est imputable à la partie concernée (ATF 114 Ib 67 consid. 2 et 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1187/2016 du 6 juillet 2017 consid. 1.2).

1.4. La juridiction d'appel statue, après avoir entendu les parties, sur la recevabilité de l'appel lorsque la direction de la procédure ou une partie fait valoir (art. 403 al. 1 let. a et al. 2 CPP) que l'annonce ou la déclaration d'appel est tardive ou irrecevable.

1.5. En l'espèce, l'appel est irrecevable dès lors que le délai pour l'annoncer, de dix jours à compter de la communication du dispositif, laquelle est intervenue à l'issue des débats de première instance le 7 décembre 2023, échoyait le 18 décembre 2023.

Cela étant, aucune restitution du délai n'entre en considération, conformément aux principes jurisprudentiels susrappelés. En effet, l'appelant était dûment assisté d'un conseil, à savoir Me E______, avec laquelle il s'était notamment entretenu lors du parloir du 14 décembre 2023, au terme duquel il a certifié par écrit sa volonté de ne pas appeler du jugement, de manière claire et sans équivoque, ce que confirment également les deux courriers d'avocat figurant à la procédure. Il appert donc qu'il a bénéficié d'une défense régulière et que ses droits lui ont été exposés, l'appelant n'alléguant au surplus pas le contraire. Quand bien même celui-ci ne faisait plus confiance à son avocate, rien ne l'empêchait de revenir sur sa décision après leur dernière entrevue, en saisissant lui-même l'autorité d'un courrier rédigé dans ce sens en prison, démarche qu'il n'a d'ailleurs eu aucun mal à mettre en œuvre 15 jours plus tard. En ce sens, l'appelant ne peut se prévaloir d'aucun empêchement d'accomplir l'acte dans le délai. En outre, la CPR a relevé l'absence d'indices permettant de conclure que la sauvegarde des intérêts de l'appelant n'aurait pas été assurée de manière efficace et il n'est pas non plus établi que sa mandataire aurait manqué à ses devoirs. Au contraire, il ressort du dossier que l'appelant a refusé certaines de ses visites en prison et rompu unilatéralement la communication, entravant ainsi de manière fautive sa propre défense. Par surabondance, il sera encore relevé que l'appelant n'a pas immédiatement réagi à réception du courrier de son avocate lui indiquant la clôture de la procédure à la suite de sa renonciation à la voie de l'appel, mais qu'il s'est décidé à contester sa condamnation après avoir pris connaissance de la motivation du jugement, ce qui laisse penser que cet acte judicaire résulte essentiellement d'un changement d'avis.

2. La partie dont l'appel est irrecevable est considérée comme ayant succombé ; elle supporte en conséquence les frais de la procédure envers l'État (art. 428 CPP).

3. 3.1. Selon l'art. 135 al. 1 CPP, le défenseur d'office est indemnisé conformément au tarif des avocats du canton du for du procès. À Genève, l'art. 16 al. 1 du règlement sur l'assistance juridique et l'indemnisation des conseils juridiques et défenseurs d'office en matière civile, administrative et pénale (RAJ) prescrit que le tarif horaire est de CHF 200.- pour un avocat chef d'étude et de CHF 110.- pour un avocat-stagiaire, débours de l'étude inclus. Conformément à l'art. 16 al. 2 RAJ, seules les heures nécessaires sont retenues ; elles sont appréciées en fonction notamment de la nature, de l'importance et des difficultés de la cause, de la valeur litigieuse, de la qualité du travail fourni et du résultat obtenu (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1362/2021 du 26 janvier 2023 consid. 3.1.1).

3.2. L'activité consacrée aux conférences, audiences et autres actes de la procédure est majorée de 20% jusqu'à trente heures de travail, décomptées depuis l'ouverture de la procédure, et de 10% lorsque l'état de frais porte sur plus de trente heures, pour couvrir les démarches diverses, telles la rédaction de courriers ou notes, les entretiens téléphoniques et la lecture de communications, pièces et décisions (arrêt du Tribunal fédéral 6B_838/2015 du 25 juillet 2016 consid. 3.5.2 ; AARP/51/2023 du 20 février 2023 consid. 8.1.2), de même que d'autres documents ne nécessitant pas ou peu de motivation ou autre investissement particulier en termes de travail juridique, telle l'annonce d'appel (AARP/184/2016 du 28 avril 2016 consid. 5.2.3.2 et 5.3.1 ; AARP/149/2016 du 20 avril 2016 consid. 5.3 et 5.4 ; AARP/146/2013 du 4 avril 2013).

3.3. En l'espèce, il convient de retrancher de l'état de frais déposé par Me E______ l'activité déployée après le relief de sa nomination. Sa rémunération sera ainsi arrêtée à CHF 432.40, soit 1h30 au tarif de cheffe d'étude (CHF 300.-), plus la majoration forfaire de 10% (CHF 30.-), la vacation en CHF 70.- et la TVA au taux de 8.1% (CHF 32.40).

3.4. En ce qui concerne l'état de frais déposé par Me C______, seront retranchées de celui-ci les deux conversations téléphoniques de 15 minutes, cette activité étant déjà comprise par le forfait. Sa rémunération sera ainsi arrêtée à CHF 2'745.75, soit 10h00 au tarif de chef d'étude (CHF 2'000.-), plus la majoration forfaitaire de 20% (CHF 400.-), les deux vacations en CHF 70.- (CHF 140.-) et la TVA au taux de 8.1% (CHF 205.75).

* * * * *

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

 

Déclare irrecevable l'appel formé par A______ contre le jugement JTCO/130/2023 rendu le 7 décembre 2023 par le Tribunal correctionnel dans la procédure P/11951/2023.

Condamne A______ aux frais de la procédure d'appel en CHF 1'015.-, lesquels comprennent un émolument de jugement de CHF 800.-.

Arrête à CHF 432.40 (TVA comprise) le montant des frais et honoraires de Me E______ pour la procédure d'appel.

Arrête à CHF 2'745.75 (TVA comprise) le montant des frais et honoraires de Me C______ pour la procédure d'appel.

Notifie le présent arrêt aux parties.

Le communique, pour information, au Tribunal correctionnel, à l'Office cantonal de la population et des migrations ainsi qu'au Service de l'application des peines et mesures.

 

La greffière :

Lylia BERTSCHY

 

La présidente :

Gaëlle VAN HOVE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 78 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral (LTF), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF), par-devant le Tribunal fédéral (1000 Lausanne 14), par la voie du recours en matière pénale.


 

 

ETAT DE FRAIS

 

 

 

COUR DE JUSTICE

 

 

Selon les art. 4 et 14 du règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais et dépens en matière pénale (E 4 10.03).

 

 

Bordereau de frais de la Chambre pénale d'appel et de révision

 

 

Délivrance de copies et photocopies (let. a, b et c)

CHF

00.00

Mandats de comparution, avis d'audience et divers (let. i)

CHF

140.00

Procès-verbal (let. f)

CHF

00.00

Etat de frais

CHF

75.00

Emolument de décision

CHF

800.00

Total des frais de la procédure d'appel :

CHF

1'015.00