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Décisions | Chambre pénale d'appel et de révision

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P/9505/2022

AARP/129/2024 du 16.04.2024 sur OPMP/3680/2022 ( REV )

Descripteurs : RÉVISION(DÉCISION);ORDONNANCE PÉNALE;DÉCISION D'IRRECEVABILITÉ
Normes : CPP.410.al1.leta
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

P/9505/2022 AARP/129/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale d'appel et de révision

Arrêt du 16 avril 2024

 

Entre

A______, domiciliée ______, comparant en personne,

demanderesse en révision,

 

contre l'ordonnance pénale et de non-entrée en matière OPMP/3680/2022 rendue le 4 mai 2022 par le Ministère public,

 

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, case postale 3565, 1211 Genève 3,

défendeur en révision.


EN FAIT :

A. a.a. Par ordonnance OPMP/3680/2022 du 4 mai 2022, le Ministère public (MP) a reconnu A______ coupable de lésions corporelles simples (art. 123 ch. 1 et 2 al. 1 et 6 CP) et l'a condamnée à une peine pécuniaire de 50 jours-amende, à CHF 90.- l'unité, sous déduction d'un jour-amende correspondant à un jour de détention avant jugement, avec sursis et délai d'épreuve de trois ans, frais de la procédure en CHF 510.- à sa charge.

a.b. Il était reproché à A______ d'avoir, à Genève, le 27 avril 2022, à la rue 1______ no. ______, violenté son compagnon, B______, en le mordant au niveau du bras droit et de la main, rendant ainsi nécessaire la pose d'un pansement.

Il lui était également reproché d'avoir, dans les circonstances précitées, brisé le téléphone portable et l'ordinateur portable de B______, faits pour lesquels le MP n'est pas entré en matière, faute de plainte pénale.

a.c. L'ordonnance n'a pas été frappée d'opposition dans le délai légal, de sorte qu'elle est entrée en force (art. 354 al. 1 du Code de procédure pénale suisse [CPP]).

B. Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :

a. Suite à l'intervention le 27 avril 2022 d'une patrouille de police à la rue 1______ no. ______ à Genève pour un conflit entre A______ et B______, la précitée a déposé plainte pénale contre son compagnon pour lésions corporelles simples, dommages à la propriété et menace de mort.

Son compagnon avait tenté de lui arracher son téléphone portable des mains en lui tordant le poignet puis avait cassé ledit téléphone en le jetant par terre. Celui-ci l'avait frappée plusieurs fois à la tête avec le poing, lui avait asséné plusieurs claques et des coups au niveau de la poitrine puis avait tenté de l'étrangler à deux mains. Depuis plus d'un an, elle se faisait frapper occasionnellement par son compagnon, qui la menaçait régulièrement de mort. Elle avait fait constater ses blessures à de nombreuses occasions auprès de médecins et disposait de certificats qu'elle pouvait produire. Elle reconnaissait l'avoir mordu à trois reprises à la main et au bras le jour des faits.

b. B______ a expliqué que A______ lui avait mordu le bras droit alors qu'il essayait de prendre le téléphone de celle-ci, avait jeté au sol son ordinateur et cassé son téléphone ainsi qu'une assiette sur sa tête, faits pour lesquels il n'a pas souhaité déposer plainte pénale.

c. Tous deux ont fait l’objet d’une ordonnance pénale entrée en force.

C. a. Par demande en révision du 12 février 2024, A______ conclut à la révision et à l'annulation de l'ordonnance en cause, à son acquittement complet, sous suite de frais et dépens, subsidiairement au renvoi de la cause au MP pour nouvelle décision de non-entrée en matière totale, avec modification en ce sens de l'inscription à son casier judiciaire.

À l'heure de rendre son ordonnance, le MP n'avait pas connaissance des traumatismes subis et de la dépression sévère qu'elle traversait et qui auraient dû conduire à retenir son irresponsabilité au moment des faits reprochés et, ainsi, au prononcé d'une ordonnance de non-entrée en matière totale. Elle se prévalait de nouveaux moyens de preuve, soit notamment des certificats médicaux attestant de sa prise en charge psychiatrique et psychothérapeutique de manière régulière durant les deux années précédant les faits et d'hospitalisations ainsi qu'une attestation de suivi depuis le 18 octobre 2021 par l'association d'aide aux victimes de violence en couple décrivant son état dépressif, sa vulnérabilité aux violences et ses troubles du sommeil et de la mémoire. Ces faits et moyens de preuve nouveaux n'avaient pas été invoqués devant le MP car elle ne disposait alors pas du discernement et de la lucidité nécessaires pour se défendre efficacement, étant précisé qu'elle n'était pas représentée par un avocat. En raison de l'inscription de sa condamnation sur l'extrait de son casier judiciaire suisse, elle rencontrait des difficultés à trouver un emploi.

b. Invité à se déterminer, le MP conclut à l'irrecevabilité de la demande en révision, frais à charge de A______. Cette dernière indiquait souffrir de dépression sévère lors des faits en 2022 et avoir été hospitalisée pour cette raison en 2021. Lors de son audition à la police le 27 avril 2022 et au moment du prononcé de l'ordonnance pénale elle savait dès lors avoir souffert de dépression un an auparavant et être toujours suivi médicalement. Aucun motif de révision n'entrait ainsi en considération.

EN DROIT :

1. 1.1. La Chambre pénale d'appel et de révision est l'autorité compétente en matière de révision (art. 21 al. 1 let. b CPP cum art. 130 al. 1 let. a de la Loi d'organisation judiciaire [LOJ]). La demande de révision a été déposée dans la forme prescrite par la loi, étant précisée qu'elle n’est soumise à aucun délai in casu (art. 411 al. 1 et al. 2 in fine cum 410 al. 1 let. a CPP).

1.2. L'art. 410 al. 1 let. a CPP permet à toute personne lésée par un jugement entré en force d'en demander la révision s'il existe des faits ou des moyens de preuve qui étaient inconnus de l'autorité inférieure et qui sont de nature à motiver l'acquittement ou une condamnation sensiblement moins sévère du condamné.

La révision est un moyen de droit instauré dans l'intérêt de la justice et la recherche de la vérité matérielle. Elle a pour fonction de ne pas laisser subsister un jugement entré en force de chose jugée qui constitue en réalité une erreur judiciaire résultant d'une erreur de fait (ATF 127 I 133 consid. 6 ; A. KUHN / Y. JEANNERET, Commentaire romand du code de procédure pénale, 2ème édition, Bâle, 2019, N 3 ad art. 410).

La révision ne sert toutefois pas à remédier aux erreurs ou omissions de l'intéressé dans la procédure précédente close par un jugement entré en force. Une révision ne doit pas servir à remettre sans cesse en cause une décision entrée en force, à détourner les dispositions légales sur les délais de recours ou celles sur la restitution desdits délais, voire à introduire des faits non présentés dans le premier procès en raison d'une négligence procédurale (arrêts du Tribunal fédéral 6B_22/2018 du 15 mars 2018 consid. 5 ; 6B_866/2014 du 26 février 2015 consid. 1.2 ; A. KUHN / Y. JEANNERET, op. cit., N 22 ad art. 410).

Celui qui invoque, à l'appui d'une demande de révision, un moyen de preuve qui existait déjà au moment de la procédure de condamnation et dont il avait connaissance doit justifier de manière détaillée de son abstention de produire le moyen de preuve lors du jugement de condamnation. À défaut, il doit se laisser opposer qu'il a renoncé sans raison valable à le faire, fondant ainsi le soupçon d'un comportement contraire au principe de la bonne foi, voire constitutif d'un abus de droit, excluant qu'il puisse se prévaloir du moyen de preuve invoqué dans la nouvelle procédure (arrêt du Tribunal fédéral 6B_866/2014 du 26 février 2015 consid. 1.2).

1.3. La juridiction d'appel n'entre pas en matière si la demande de révision est manifestement irrecevable ou non motivée ou si une demande de révision invoquant les mêmes motifs a déjà été rejetée par le passé (art. 412 al. 2 CPP). Cet examen préalable et sommaire porte principalement sur les conditions formelles de recevabilité de la demande de révision. L'autorité saisie peut toutefois également refuser d'entrer en matière lorsque les motifs de révision invoqués sont manifestement non vraisemblables ou infondés (ATF 144 IV 121 consid. 1.8 et 143 IV 122 consid. 3.5) ou encore lorsque la demande de révision apparaît abusive (arrêt du Tribunal fédéral 6B_662/2019 du 23 août 2019 consid. 1.1).

Les conditions d'une révision visant une ordonnance pénale sont restrictives. L'ordonnance pénale est rendue dans le cadre d'une procédure spéciale. Elle a pour spécificité de contraindre le condamné à prendre position. Une absence de réaction de sa part s'interprète comme un acquiescement. Il doit s'opposer dans le délai prévu à cet effet s'il n'adhère pas à sa condamnation, par exemple parce qu'il entend se prévaloir de faits omis qu'il considère comme importants. Le système serait compromis si, une fois le délai d'opposition échu sans avoir été utilisé, le condamné pouvait revenir sur l'acquiescement ainsi donné et demander selon son bon vouloir la révision de l'ordonnance pénale pour des faits qu'il aurait déjà pu faire valoir dans une procédure ordinaire en manifestant son opposition. Il s'ensuit qu'une demande de révision dirigée contre une ordonnance pénale doit être qualifiée d'abusive si elle repose sur des faits que le condamné connaissait initialement, qu'il n'avait aucune raison légitime de taire et qu'il aurait pu révéler dans une procédure ordinaire mise en œuvre par une simple opposition (ATF 130 IV 72 consid. 2.3). Il s'agit dans chaque cas d'examiner au regard des circonstances de l'espèce, si la demande de révision tend à contourner les voies de droit ordinaires (arrêts du Tribunal fédéral 6B_1214/2015 du 30 août 2016 consid. 2 ; 6B_980/2015 du 13 juin 2016 consid. 1.3.2).

1.4. Il résulte de l'art. 354 al. 3 CPP qu'une ordonnance pénale qui n'est valablement pas frappée d'une opposition est assimilée à un jugement entré en force.

2. En l'espèce, la demande en révision apparaît d'emblée mal fondée.

Les moyens de preuve nouvellement produits par la demanderesse ne peuvent être considérés comme sérieux au sens où ils auraient amené le MP à prendre une décision différente s'il en avait eu connaissance. Ces éléments apportés en lien avec son état de santé permettent d'attester que la demanderesse traversait une période de dépression mais leur contenu ne permet en revanche pas de mettre en doute sa pleine responsabilité au moment des faits reprochés ni de retenir qu'elle n'avait pas l'intention de commettre les infractions en cause. Ces documents, en possession de la demanderesse le jour des faits, auraient par ailleurs tous pu être produits dans le cadre d'une opposition à l'ordonnance pénale concernée. Les explications de la demanderesse sur les raisons qui l'auraient empêchée de produire ces documents pendant l'instruction ou dans le délai légal de l'opposition, à savoir son état de santé, ne sauraient être suivies dans la mesure où elle a bien expliqué à la police subir des violences de la part de son compagnon depuis plusieurs mois et disposer de certificats qu'elle pouvait apporter, ce qu'elle n'a toutefois pas fait.

Ainsi, la demanderesse aurait été parfaitement à même de faire opposition à l'ordonnance pénale dans les délais selon la procédure ordinaire, en faisant valoir tous les arguments qu'elle connaissait déjà, et il n'existe aucun motif légitime pour ne pas l'avoir fait.

Dans ces conditions, sa demande en révision apparaît comme un moyen de contourner la voie de droit ordinaire, la demanderesse étant confrontée à des difficultés pour trouver un emploi en raison de sa condamnation. Elle doit être qualifiée d'abusive et partant d'irrecevable au sens de l'art. 412 al. 2 CPP.

3. Vu l'issue de la procédure, la demanderesse sera condamnée aux frais, lesquels comprennent un émolument minimum de CHF 300.- (art. 428 al. 1 CPP a contrario et art. 14 al. 1 let. e du règlement fixant le tarif des frais en matière pénale [RTFMP]).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Déclare irrecevable la demande de révision formée par A______ contre l'ordonnance pénale et de non-entrée en matière OPMP/3680/2022 rendue le 4 mai 2022 par le Ministère public, dans la procédure P/9505/2022.

Condamne A______ aux frais de la procédure de révision en CHF 435.-, lesquels comprennent un émolument de CHF 300.-.

Notifie le présent arrêt aux parties.

 

La greffière :

Anne-Sophie RICCI

 

La présidente :

Gaëlle VAN HOVE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 78 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral (LTF), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF), par-devant le Tribunal fédéral (1000 Lausanne 14), par la voie du recours en matière pénale.


 

 

ETAT DE FRAIS

 

 

 

COUR DE JUSTICE

 

 

Selon les art. 4 et 14 du règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais et dépens en matière pénale (E 4 10.03).

 

 

Bordereau de frais de la Chambre pénale d'appel et de révision

 

 

Délivrance de copies et photocopies (let. a, b et c)

CHF

00.00

Mandats de comparution, avis d'audience et divers (let. i)

CHF

60.00

Procès-verbal (let. f)

CHF

00.00

Etat de frais

CHF

75.00

Emolument de décision

CHF

300.00

Total des frais de la procédure de révision :

CHF

435.00