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Décisions | Chambre pénale d'appel et de révision

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P/24832/2021

AARP/288/2023 du 31.07.2023 sur JTDP/47/2023 ( PENAL ) , PARTIELMNT ADMIS

Descripteurs : AGGRAVATION DE LA PEINE
Normes : LD.118.al1; LD.118.al3; LAlc.54.al2; OVA.96.al1; LIB.35.al1; LIB.35.al2.letb; DPA.9; CP.48.lete; CP.66a.al1.letf
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

P/24832/2021 AARP/288/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale d'appel et de révision

Arrêt du 31 juillet 2023

 

Entre

OFFICE FEDERAL DE LA DOUANE ET DE LA SECURITE DES FRONTIERES, Taubenstrasse 16, 3003 Berne

appelant,

 

contre le jugement JTDP/47/2023 rendu le 17 janvier 2023 par le Tribunal de police,

 

et

A______, domicilié ______, comparant par Me Michael LAVERGNAT, avocat, rue de l'Arquebuse 14, 1204 Genève,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés.


EN FAIT :

A. a. En temps utile, l'Office fédéral de la douane et de la sécurité des frontières (ci-après l'OFDF) appelle du jugement JTDP/47/2023 du 17 janvier 2023, par lequel le Tribunal de police (TP) a reconnu A______ coupable de soustraction douanière intentionnelle qualifiée (art. 118 al. 1 et 3 de la loi sur les douanes [LD]), de soustraction de l'impôt intentionnelle (art. 96 al. 1 de la loi fédérale régissant la taxe sur la valeur ajoutée [LTVA]), de soustraction de charges fiscales qualifiées (art. 54 al. 2 de la loi fédérale sur l'alcool [LAlc]) et de soustraction qualifiée de l'impôt sur la bière (art. 35 al. 1 et 2 lit. b de la loi fédérale sur l'imposition de la bière [LIB]). Le TP a condamné A______ à une amende de CHF 17'000.-, a prononcé une peine privative de liberté de substitution de 3 mois, a renoncé à ordonner son expulsion de Suisse et l'a condamné aux frais de la procédure en CHF 2'566.-.

L'OFDF entreprend partiellement ce jugement, concluant au prononcé d'une amende de CHF 65'000.-, au prononcé d'une mesure d'expulsion d'une durée de cinq ans à l'encontre de A______, à sa condamnation au paiement des frais de la procédure administrative en CHF 2'566.- dont CHF 2'000.- sont dévolus à l'OFDF ainsi qu'aux frais de la procédure judiciaire.

b. Selon l'acte d'accusation de l'Administration fédérale des douanes (AFD devenue OFDF) du 21 décembre 2021, il était reproché à A______ de s'être rendu, à 163 reprises entre le 30 septembre 2016 et le 24 août 2018, au supermarché C______, sis 1______, à B______ (France – 74) et d'avoir effectué divers achats de marchandises de bouche pour le compte de la société D______ Sàrl, exploitante du restaurant D______, dont il était associé gérant président, puis d'avoir importé en Suisse ces marchandises sans les déclarer lors du passage du poste frontière. Les achats précités ont représenté, pour les denrées alimentaires, un montant de CHF 237'144.90 de droits de douane impayés, de même que de CHF 11'584.05 de taxe sur la valeur ajoutée ainsi que d'impayés de CHF 4'518.75 de droits de monopole sur les boissons alcoolisées et de CHF 1.90 d'impôt sur la bière.

B. Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure, étant très largement renvoyé à l'état de fait tel qu'exposé par le premier juge (art. 82 al. 4 du Code de procédure pénale [CPP]) et rappelé ce qui suit :

a. Le 3 mai 2018, A______ a été intercepté au volant de son véhicule automobile, par une patrouille de gardes-frontières, à la route d'Ambilly ______, 1226 Thônex, peu après son entrée en Suisse par la route de Pierre-à-Bochet, interdite en matière douanière. La vérification du véhicule a permis de découvrir un total de 148.7 kg brut de denrées alimentaires diverses, dont, notamment, 68 kg de viandes diverses, 10.5 kg de frites et 28.2 kg de légumes, d'une valeur totale de EUR 755.86. Selon la facture retrouvée dans le véhicule, ces marchandises, payées en espèces, provenaient du magasin C______, sis à B______ en France, achetées le même jour, avec la carte du magasin C______ établie au nom du restaurant D______ sis rue 2______ no. ______ à Genève. Le dédouanement de ces marchandises a été effectué par le bureau de douane de Thônex-Vallard.

b. Lors de l'enquête administrative qui a suivi, comprenant une assistance administrative internationale avec la France, C______ a fourni la liste intégrale des achats effectués au moyen de la carte précitée. Ont ainsi été identifiés 167 jours d'achats intervenus entre le 30 septembre 2016 et le 24 août 2018, certains le même jour. Les factures de C______ ont été payées en espèces ou par carte bancaire, le plus souvent au moyen d'une carte bancaire J______ se terminant par les numéros 3______, étant précisé que celle-ci a également été utilisée comme moyen de paiement après le 3 mai 2018. Fréquemment les factures ont été réglées partiellement en espèces, et le reste par carte bancaire. Les marchandises achetées, toujours en grande quantité, ont compris, notamment, de la viande, des frites et des spiritueux.

c. Entendu sur les faits, A______ a déclaré être associé de la société D______ Sàrl et qu'il exploitait le restaurant à l'enseigne D______ depuis le 1er mai 2015. Lors de ses premières déclarations, il a soutenu avoir effectué des achats car il voulait fêter ses 40 ans et consommer les denrées achetées dans un but privé. Il avait donné le nom de son restaurant car le magasin C______ n'acceptait que les achats professionnels. Il savait que l'importation de viande était interdite, les marchandises devant être déclarées lors du passage de la frontière mais il ne connaissait pas les quantités des marchandises accordées en franchises, bien que sachant qu'elles étaient restreintes.

Confronté à certains des résultats de l'enquête administrative, A______ a admis avoir effectué des achats auprès du magasin C______ au maximum à une trentaine de reprises. Il transportait les marchandises au moyen de son véhicule privé, sans annonce lors du passage à la frontière et sans acquittement des redevances douanières. Les factures n'apparaissaient pas dans la comptabilité de son établissement car il ne les remettait pas à son fiduciaire. Il avait effectué des achats en France car c'était moins cher. Il avait conscience que les marchandises achetées en France devaient être dédouanées à l'importation en Suisse et voulait éviter les ennuis.

Lors de sa seconde audition, le 11 février 2020 par l'AFD, A______ a reconnu avoir procédé à tous les achats effectués en utilisant la carte C______ au nom du restaurant D______, à l'exception de ceux effectués entre le 15 juillet et le 16 août 2018, dates où il était en vacances. En substance, il a admis s'être rendu à 163 reprises au magasin C______ et être passé en caisse à 227 reprises, et avoir payé les 227 factures y relatives produites par le magasin C______, soit en espèces, soit par carte bancaire. Il avait ensuite importé les marchandises en Suisse par la douane de Mon-Idée puis les avait utilisées pour l'exploitation de son restaurant. Il avait effectué ses achats, qu'il regrettait, à cause des difficultés financières de son restaurant. Sa société D______ Sàrl, exploitante du restaurant D______ avait été mise en faillite depuis le mois de juin 2019.

Devant le premier juge, A______ a souligné qu'il reconnaissait les faits et ne contestait pas les montants arrêtés par l'AFD. Lors de la reprise du restaurant en 2016, ce dernier ne tournait pas alors que le fermage mensuel était de CHF 10'200.-. Il fallait faire des économies ce qui l'avait conduit à effectuer ses courses en France. Postérieurement à son interpellation du 3 mai 2018, il avait fait à une reprise des courses en France et les avaient déclarées. Il ignorait qui avait procédé à des achats pour le restaurant entre le 11 mai et le 24 août 2018. Des courses avaient été faites avec la carte du restaurant mais n'avaient pas été destinées à ce dernier. Il suffisait d'annoncer le nom du restaurant à la caisse. Il avait admis l'intégralité des faits parce que l'AFD lui avait dit de le faire et lui-même souhaitait en finir. Il s'est opposé à son expulsion ayant toutes ses attaches en Suisse.

d. Selon le procès-verbal final du 5 mars 2020 établi par la Section antifraude douanière de la Direction d'arrondissement de Genève, les redevances douanières dues par A______ pour la période entre le 30 septembre 2016 et le 24 août 2018 – à l'exclusion de celle allant du 15 juillet au 16 août 2018 – sont celles telles que retenues à l'acte d'accusation (cf. A.b. supra).

Il ressort du dossier que, sur une période d'environ 2 ans, c'est à 163 reprises que des marchandises tombant sous le coup de la loi fédérale sur les douanes ont été importées en Suisse, respectivement à 95 reprises pour celles tombant sous celui de la loi fédérale sur l'alcool.

À teneur de la décision de perception du 5 mars 2020 de l'AFD, le montant total des redevances à percevoir se montait à CHF 268'557.25, somme comprenant des intérêts moratoires de CHF 15'307.65.

L'AFD a refusé à deux reprises une proposition d'arrangement de paiement formulée par A______ à hauteur de CHF 500.- par mois.

Le 3 mai 2018, A______ a versé à l'AFD, en espèces, un dépôt de CHF 1'730.- en dépôt en prévision d'une amende.

C. a. La juridiction d'appel a ordonné l'instruction de la cause par la voie écrite avec l'accord des parties.

b. Selon son mémoire d'appel, l'OFDF persiste dans ses conclusions.

L'amende prononcée par le TP l'avait été en violation du droit fédéral. La peine encourue était une amende dont le montant se situait en l'espèce dans le cadre légal de CHF 1.- à CHF 1'791'331.90.-. Vu la faute globale moyennement grave de A______ et de la gravité relative des infractions commises en comparaison avec d'autres infractions connues et poursuivies par l'OFDF, une peine d'ensemble de CHF 516'729.80 était appropriée. Il fallait toutefois prendre en compte les antécédents et la situation personnelle du prévenu et, compte tenu de sa situation financière délicate, de sa bonne collaboration, de sa volonté de réparer le dommage causé, de l'écoulement du temps, mais tout en préservant un effet dissuasif particulier et général, l'amende devait être arrêtée à CHF 65'000.-.

L'appelant devait faire l'objet d'une expulsion obligatoire car, contrairement à ce qui avait été retenu par le TP, il ne pouvait pas bénéficier de l'application de la clause de rigueur. Les infractions commises étaient graves, représentaient une atteinte importante à l'intérêt public et la culpabilité de A______ était importante. Ce dernier avait justifié son comportement en raison de difficultés financières, ayant pour but de sauver son commerce. Le risque de récidive n'était ainsi pas exclu, s'il devait se trouver professionnellement à nouveau dans une situation financière similaire. Il n'avait pas développé des liens sociaux et professionnels en Suisse notablement supérieurs à ceux résultant d'une intégration ordinaire, notamment professionnellement, travaillant entouré de sa femme et sa belle-sœur. Bien qu'il fut en Suisse depuis l'âge de 14 ans, soit depuis 30 ans, il avait gardé des liens forts avec le Portugal, pays dans lequel il se rendait régulièrement, possédait des cartes de crédit et des documents d'identité au moyen desquels il se légitimait en Suisse. Il était au bénéfice d'une expérience professionnelle reconnue dans le domaine de la restauration, avait effectué sa scolarité obligatoire au Portugal, en parlait la langue et était familier du pays et de ses coutumes. Ses possibilités de réinsertion étaient ainsi bonnes et son expulsion ne le placerait pas dans une situation financière plus difficile que celle dans laquelle il se trouvait actuellement. Sur le plan familial, la situation serait plus délicate, dans la mesure où il était marié et entretenait une relation étroite et affective avec ses deux enfants, dont le dernier, mineur, vivait avec lui. Toutefois, la mesure d'expulsion était d'une durée mesurée, ses enfants suffisamment grands pour voyager jusqu'à lui et une relation pouvait être maintenue à distance via les réseaux de télécommunication.

c. A______ conclut au rejet de l'appel.

Il avait agi durant deux ans, alors qu'il se trouvait en détresse financière. Son mobile n'était dès lors pas l'appât du gain facile et la volonté de se dégager un bénéfice mais le besoin de limiter les pertes et de sortir d'une situation extrêmement difficile. Comme l'OFDF l'avait relevé, sa faute globale était moyennement grave, il avait pleinement collaboré durant l'instruction, s'était auto-incriminé et avait offert de réparer le dommage causé, dans la mesure de ses faibles revenus. L'amende de CHF 17'000.- prononcée par le TP, qui ne pouvait être qualifiée de "mesure bagatelle", associée à la crainte de l'expulsion durant plus de quatre années d'une procédure angoissante atteignait le but visé de prévention spéciale et générale.

Il résidait légalement en Suisse depuis plus de 30 ans. Il était arrivé dans notre pays à 14 ans, soit à un âge où les liens sociaux se forgeaient. Il avait toujours travaillé en Suisse, y avait passé plus de temps que dans son pays, y possédait sa famille, dont un fils mineur de nationalité Suisse, et ses amis. Son centre d'intérêt se trouvait ainsi en Suisse. Son épouse était de nationalité brésilienne et ne pouvait pas prétendre à un titre de séjour dans un pays européen. Son fils avait le projet d'étudier à Genève, ce que des revenus portugais ne lui permettraient pas d'assumer. Une expulsion condamnerait en outre son fils à être privé jusqu'à sa majorité de la présence et du soutien de son père. Il avait travaillé depuis ses 14 ans et jusqu'à la faillite de son établissement dans la restauration et n'avait jamais dépendu de la collectivité, n'ayant touché ni aide sociale ni chômage. Les risques de récidives étaient nuls ; en devenant indépendant, il avait tout perdu et n'était pas prêt de retenter l'expérience.

D. a. A______ est né le ______ 1978 à E______, au Portugal, pays dont il est originaire. Il a effectué toute sa scolarité obligatoire au Portugal. Il est arrivé en Suisse en 1992, soit à l'âge de 14 ans, en compagnie de ses parents et a tout de suite commencé à travailler dans la restauration. Il est au bénéfice d'un permis d'établissement de catégorie C. Il est marié à F______ et est père de deux enfants, nés en 1998, respectivement 2006. Son fils cadet possède la nationalité suisse.

Il a suivi une formation de sommelier, pour laquelle il a reçu un diplôme professionnel. De juin 2015 jusqu'au 8 octobre 2019, il a exploité le restaurant D______. Il travaille dorénavant en qualité de serveur au restaurant G______ et perçoit un revenu mensuel s'élevant à CHF 4'400.- brut, versé 13 fois l'an. En sus, s'y ajoutent CHF 250.- à CHF 300.- de pourboires.

Son épouse, de nationalité brésilienne, travaille depuis le 1er décembre 2022 en qualité d'aide-cuisinière. Elle perçoit CHF 4'200.- bruts par mois, versés 13 fois l'an.

A______ a encore un enfant à charge, scolarisé au collège. Son loyer s'élève à CHF 1'650.- par mois et son assurance maladie à CHF 353.55, celle de son fils à CHF 140.15 et CHF 465.15 par mois pour son épouse. En 2021, ses impôts s'élevaient à CHF 275.- par mois, étant précisé que sa femme ne travaillait pas.

Selon ses dires, il n'a pas de fortune et a des dettes à hauteur de CHF 350'000.-, ce qui inclut les montants dus à l'AFD.

b. À teneur de l'extrait de son casier judiciaire suisse, il a été condamné par le Ministère public du canton de Genève à deux reprises, soit :

- le 15 octobre 2019, à une peine pécuniaire de 60 jours-amende à CHF 50.- le jour, avec sursis de trois ans, pour détournement de retenues sur les salaires (art. 159 CP) ;

- le 18 décembre 2020, à une peine pécuniaire de 10 jours-amende à CHF 60.- le jour, avec sursis de trois ans, ainsi qu'à des amendes de CHF 300.-, respectivement CHF 400.-, pour détournement de valeurs patrimoniales mises sous main de justice (art. 169 CP) et inobservation par un tiers des règles de la procédure de poursuite pour dettes et faillite (art. 324 CP).

EN DROIT :

1. L'appel est recevable pour avoir été interjeté et motivé selon la forme et dans les délais prescrits (art. 398 et 399 du Code de procédure pénale [CPP]).

La Chambre limite son examen aux violations décrites dans l'acte d'appel (art. 404 al. 1 CPP), sauf en cas de décisions illégales ou inéquitables (art. 404 al. 2 CPP).

2. 2.1.1. L'appelant a été reconnu coupable de soustraction douanière intentionnelle qualifiée (art. 118 al. 1 et 3 LD), de soustraction de l'impôt intentionnelle (art. 96 al. 1 LTVA), de soustraction de charges fiscales qualifiées (art. 54 al. 2 LAlc) et de soustraction de l'impôt sur la bière (art. 35 al. 1 LIB ; ndr : le dispositif du jugement de première instance mentionne une condamnation pour infraction à l'art. 35 al. 1 et 2 let. b LIB, ce qui résulte d'une erreur de plume et sera modifié d'office dans le présent arrêt), ce qui n'est pas contesté.

L'infraction de soustraction de l'impôt sur la bière est punie d'une amende pouvant atteindre le quintuple du montant d'impôt soustrait ou mis en péril, ou de l'avantage illicite. L'infraction de soustraction de l'impôt intentionnelle est passible d'une amende de CHF 400'000.- au plus. Enfin, les infractions de soustraction douanière intentionnelle qualifiée et de soustraction de charges fiscales qualifiées sont quant à elles punies d'une amende pouvant atteindre le quintuple du montant des droits de douane soustrait ou, respectivement, du montant des charges fiscales soustraites ou de l'avantage fiscal obtenu, et augmentée de moitié, une peine privative de liberté d'un an au plus pouvant également être prononcée.

2.1.2. Les art. 128 al. 1 LD, 103 al. 1 LTVA, 59 al. 1 LAlc et 42 al. 1 LIB prévoient que la Loi fédérale sur le droit pénal administratif (ci-après : DPA) s'applique à la poursuite et au jugement des infractions à la LD, LTVA, LAlc et LIB. Aux termes de l'art. 2 DPA, les dispositions générales du code pénal suisse sont applicables aux actes réprimés par la législation administrative fédérale, à moins que cette loi ou une loi administrative spéciale n'en dispose autrement.

2.1.3. Les nouvelles dispositions sur le droit des sanctions sont entrées en vigueur le 1er janvier 2018. En l'espèce, l'application de l'ancien ou du nouveau droit ne conduit pas à une solution différente, de sorte que le nouveau droit ne s'applique pas au titre de "lex mitior".

2.1.4. À l'instar de toute autre peine, l'amende (art. 106 CP) doit être fixée conformément à l'art. 47 CP (arrêts du Tribunal fédéral 6B_337/2015 du 5 juin 2015 consid. 4.1 ; 6B_988/2010 du 3 mars 2011 consid. 2.1 et 6B_264/2007 du 19 septembre 2007 consid. 4.5).

Le juge doit ensuite, en fonction de la situation financière de l'auteur, fixer la quotité de l'amende de manière qu'il soit frappé dans la mesure adéquate (ATF 129 IV 6 consid. 6.1 = JdT 2005 IV p. 215 ; 119 IV 330 consid. 3). La situation économique déterminante est celle de l'auteur au moment où l'amende est prononcée (arrêt du Tribunal fédéral 6B_547/2012 du 26 mars 2013 consid. 3.4).

2.1.5. Le juge prononce dans son jugement, pour le cas où, de manière fautive, le condamné ne paie pas l'amende, une peine privative de liberté de substitution d'un jour au moins et de trois mois au plus (art. 106 al. 2 CP).

Selon l'art. 10 al. 1 DPA, dans la mesure où l'amende ne peut être recouvrée, le juge la convertit en arrêts. Avec la révision du droit pénal des sanctions, les termes "arrêts" et "détention" doivent être compris comme aux art. 36 al. 1 CP et 106 al. 2 CP, soit dans le sens de "peine privative de liberté" (ACPR/760/2021 du 9 novembre 2021 consid. 4.1).

Selon l'art. 10 al. 3 DPA, en cas de conversion, un jour d'arrêts ou de détention sera compté pour CHF 30.- d'amende, mais la durée de la peine ne pourra dépasser trois mois.

2.1.6. L’art. 9 DPA exclut le principe d’aggravation inscrit à l’art. 49 CP pour les amendes.

L’art. 101 al.1 LTVA exclut l’application de l’art. 9 DPA, rendant à nouveau applicable le principe d’aggravation de l’art. 49 CP. Le champ d’application du principe d’aggravation en matière de TVA est toutefois limité. D’après l’art. 101 al. 4 LTVA, lorsqu’il s’agit d’infractions qui relèvent de la compétence de l’OFDF, comme c'est le cas en matière d'impôt sur les importations, il ne s’applique que si elles ont été commises en concours idéal. Dès lors, si un acte constitue à la fois une soustraction ou un recel de l'impôt sur les importations et une infraction à d'autres dispositions fédérales réprimées par l'AFD, le peine est celle qui sanctionne l'infraction la plus grave, et peut être augmentée de manière appropriée. Le cumul des peines s'applique en revanche aux infractions commises en concours réel, dans le domaine de compétence de l'OFDF, c'est-à-dire par la non-déclaration de marchandises lors de leur importation en Suisse à différents moments ou dans différents lieux (ATF 148 IV 96 consid. 4.5.2 et 4.7).

La LD limite également le principe de l'aggravation au concours idéal en prévoyant que si une infraction constitue à la fois une infraction douanière et une infraction dont la poursuite incombe à l'OFDF, la peine encourue est celle qui est prévue pour l'infraction la plus grave et qu'elle peut être augmentée de façon appropriée (art. 126 al. 2 LD). L'art. 126 LD conduit de facto à une exclusion de l'art. 9 DPA dans le champ d'application de la disposition (ATF 148 IV 96 consid. 4.5.4).

2.1.7. Selon la jurisprudence, l'application de l'art. 49 al. 1 CP doit en principe être écartée en cas de condamnation pour une infraction par métier (ATF 76 IV 101), l'infraction devant être appréhendée comme un tout (arrêt du Tribunal fédéral 6B_516/2019 du 21 août 2019 consid. 2.3.3) sans qu'il ne faille fixer une peine pour chaque infraction. Lorsque le délinquant décide à plusieurs reprises, à des époques distinctes, de commettre une série d'infractions indépendantes les unes des autres, par métier, la volonté délictuelle est telle que le juge doit pouvoir, pour fixer la peine, faire application de l'art. 49 al. 1 CP, qui s'applique donc à ces séries successives d'infractions. Dans ce cas, en effet, la répétition dénote une propension à la délinquance justifiant, le cas échéant, une sanction supérieure au maximum de la peine prévue pour l'infraction par métier (ATF 116 IV 121 consid. 2b/aa ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_36/2019 du 2 juillet 2019 consid. 3.6.1).

2.1.8. L'art. 48 let. e CP conduit à l'atténuation de la peine à la double condition que l'intérêt à punir ait sensiblement diminué en raison du temps écoulé depuis l'infraction et que l'auteur se soit bien comporté dans l'intervalle. L'atténuation de la peine en raison du temps écoulé depuis l'infraction procède de la même idée que la prescription. L'effet guérisseur du temps écoulé, qui rend moindre la nécessité de punir, doit aussi pouvoir être pris en considération lorsque la prescription n'est pas encore acquise, si l'infraction est ancienne et si le délinquant s'est bien comporté dans l'intervalle. Cela suppose qu'un temps relativement long se soit écoulé depuis le jour de l'infraction jusqu'à celui où les faits sont définitivement constatés et que la prescription de l'action pénale est près d'être acquise. Cette condition est en tout cas réalisée lorsque les deux tiers du délai de prescription de l'action pénale sont écoulés. Le juge peut toutefois réduire ce délai pour tenir compte de la nature et de la gravité de l'infraction. Le juge doit se référer à la date à laquelle les faits ont été souverainement établis, et non au jugement de premier instance. Ainsi, lorsque le condamné a fait appel, il faut prendre en considération le moment où le jugement de seconde instance a été rendu dès lors que ce recours a un effet dévolutif
(ATF 140 IV 145 consid. 3.1). Les délais de prescription spéciaux, plus courts que les délais ordinaires, tel celui prévu par l'art. 109 CP pour les contraventions ou par l'art. 178 al. 1 CP pour les délits contre l'honneur, ne sont pas pris en considération (ATF 132 IV 1 consid. 6.1.1).

2.2. En l'espèce, la faute de l'intimé est globalement moyennement grave, comme l'a relevé l'OFDF qui a également qualifié la gravité des infractions commises de relative. Il a agi à 163 reprises sur une période pénale de presque deux ans. Il n'a en outre pas cessé spontanément son activité illicite et a même continué ses agissements délictuels pendant plus de trois mois après son arrestation par la patrouille de gardes-frontières, ce qui dénote une volonté délictuelle non négligeable.

Il a causé un dommage à la collectivité pour un mobile égoïste, relevant uniquement de l'appât du gain.

Sa collaboration a été bonne dans le sens où il a immédiatement admis les faits reprochés, bien qu'il soit revenu sur certaines de ses déclarations en audience de jugement concernant les achats effectués après son arrestation.

Sa prise de conscience est bonne, l'intimé ayant proposé de réparer le dommage causé en fonction de sa situation financière, soit à raison de CHF 500.- par mois, ce qui a été refusé par l'OFDF.

Sa situation personnelle, peu favorable à l'époque des faits, ne justifie pas ses agissements.

Sa situation financière actuelle est délicate.

Il a deux antécédents, non spécifiques.

Il y a concours d'infractions, facteur aggravant de la peine.

Au vu de ces éléments, comme retenu par le premier juge, une peine privative de liberté n'entre pas en considération.

S'agissant des art. 118 al. 1 et 3 LD et l'art. 54 al. 2 LAlc, soit les infractions commises par habitude, la Cour est d'avis qu'il convient de suivre le premier juge et de fixer une peine d'ensemble comme c'est le cas pour l'aggravante du métier, à l'exclusion d'un éventuel cumul des peines. En revanche, les différentes infractions commises entrent en concours entre elles.

Les faits datant de 2016 à 2018 et, en raison également du bon comportement du prévenu depuis environ cinq ans, l'amende devra être atténuée en application de l'art. 48 let. e CP.

L'infraction abstraitement la plus grave est celle prévue par l'art. 118 al. 1 et 3 LD. L'intimé a soustrait la somme de CHF 237'144.90 de droits de douane. En application de l'art. 118 al. 1 LD, la peine encourue est une amende pouvant atteindre le quintuple du montant des droits de douanes soustraits et s'élève donc à CHF 1'185'724.50. En sus, l'aggravante de l'art. 128 al. 3 LD étant réalisée, le montant maximal de l'amende peut être augmenté de moitié. Par conséquent, l'amende encourue s'élève au maximum à CHF 1'778'586.75, montant pouvant être augmenté de façon appropriée, en application de l'art. 126 al. 2 LD, pour tenir compte des autres infractions commises en concours idéal.

Au vu des éléments ci-dessus, la peine pour l'infraction de soustraction douanière intentionnelle qualifiée sera fixée à CHF 55'000.-. La peine sera augmentée de CHF 8'000.- (peine théorique de CHF 15'000.-) pour tenir compte de l'infraction à l'art. 54 al. 2 LAlc, et de CHF 1'000.- (peine théorique de CHF 3'000.-) pour tenir compte de l'infraction à l'art. 96 al. 1 LTVA.

Il sera renoncé à toute aggravation en raison de l'infraction à l'art. 35 al. 1 LIB vu le très faible montant (CHF 1.90) de l'impôt soustrait.

L'intimé sera donc condamné à une peine d'ensemble de CHF 64'000.-.

Au vu du taux de conversion et du maximum légal de la peine privative de liberté de substitution, celle-ci sera fixée à trois mois.

3. 3.1.1. En application de l'art. 66a al. 1 let. f CP, le juge expulse obligatoirement de Suisse l'étranger qui est condamné pour fraude fiscale, détournement de l'impôt à la source ou autre infraction en matière de contributions de droit public passible d'une peine privative de liberté maximale d'un an ou plus. La clause générale "ou une autre infraction en matière de contributions de droit public" englobe par exemple la soustraction d'impôt qualifiée selon l'art. 97 al. 2 LTVA, l'art. 35 al. 3 LTab, l'art. 54 al. 2 Lalc, l'art. 35 al. 2 LTF et les infractions douanières selon les art. 117 al. 3 et 118 al. 2 LD (S. SCHLEGEL, Schweizerisches Strafgesetzbuch Handkommentar, 4ème ed., 2020, n 5 ad art. 66a CP).

3.1.2. Le juge peut exceptionnellement renoncer à une expulsion lorsque celle-ci mettrait l'étranger dans une situation personnelle grave et que l'intérêt public à l'expulsion ne l'emporte pas sur l'intérêt privé de l'étranger à demeurer en Suisse (art. 66a al. 2 CP).

Les conditions énoncées à l'art. 66a al. 2 CP sont cumulatives. Afin de pouvoir renoncer à une expulsion prévue par l'art. 66a al. 1 CP, il faut, d'une part, que cette mesure mette l'étranger dans une situation personnelle grave et, d'autre part, que l'intérêt public à l'expulsion ne l'emporte pas sur l'intérêt privé de l'étranger à demeurer en Suisse (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1329/2018 du 14 février 2019 consid. 2.2).

3.1.3. La loi ne définit pas ce qu'il faut entendre par une "situation personnelle grave" (première condition cumulative) ni n'indique les critères à prendre en compte dans la pesée des intérêts (seconde condition cumulative). En recourant à la notion de cas de rigueur dans le cadre de l'art. 66a al. 2 CP, le législateur a fait usage d'un concept ancré depuis longtemps dans le droit des étrangers. Compte tenu également du lien étroit entre l'expulsion pénale et les mesures du droit des étrangers, il est justifié de s'inspirer, de manière générale, des critères prévus par l'art. 31 al. 1 de l'ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative (OASA) et de la jurisprudence y relative. L'art. 31 al. 1 OASA prévoit qu'une autorisation de séjour peut être octroyée dans les cas individuels d'extrême gravité. Elle commande de tenir compte notamment de l'intégration du requérant, du respect de l'ordre juridique suisse par le requérant, de la situation familiale, particulièrement de la période de scolarisation et de la durée de la scolarité des enfants, de la situation financière ainsi que de la volonté de prendre part à la vie économique et d'acquérir une formation, de la durée de la présence en Suisse, de l'état de santé ainsi que des possibilités de réintégration dans l'État de provenance. Comme la liste de l'art. 31 al. 1 OASA n'est pas exhaustive et que l'expulsion relève du droit pénal, le juge devra également, dans l'examen du cas de rigueur, tenir compte des perspectives de réinsertion sociale du condamné (ATF 144 IV 332 consid. 3.3.1 et 3.3.2).

3.1.4. L'expulsion d'un étranger qui séjourne depuis longtemps en Suisse doit se faire avec une retenue particulière. Elle n'est toutefois pas exclue en cas d'infractions graves ou répétées, même s'agissant d'un étranger né en Suisse et qui y a passé l'entier de sa vie, étant précisé qu'en droit des étrangers, une révocation de l'autorisation de séjour est prévue par l'art. 62 al. 1 let. b LEI en cas de "peine privative de liberté de longue durée", c'est-à-dire toute peine privative de liberté supérieure à un an (ATF 139 I 145 consid. 2.1 p. 147), résultant d'un seul jugement pénal, qu'elle ait été prononcée avec sursis ou sans sursis (ATF 139 I 16 consid. 2.1 p. 18). On tiendra alors particulièrement compte de l'intensité des liens de l'étranger avec la Suisse et des difficultés de réintégration dans son pays d'origine
(ATF 144 IV 332 consid. 3.3.3).

Un séjour légal de dix années suppose en principe une bonne intégration de l'étranger (ATF 144 I 266 consid. 3.9 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1431/2019 du 12 février 2020 consid. 1.3.1). Selon ses directives, le MP renonce en principe à requérir l’expulsion de personnes résidant en Suisse depuis au moins 12 ans au bénéfice d’une autorisation de séjour valable, sans antécédent et qu’il n’entend pas requérir une peine importante (cf. Directive B-10 du MP-GE, art. 6).

La situation particulière des étrangers nés ou ayant grandi en Suisse est prise en compte en ce sens qu'une durée de séjour plus longue, associée à une bonne intégration – par exemple en raison d'un parcours scolaire effectué en Suisse – doit généralement être considérée comme une indication importante de l'existence d'intérêts privés suffisamment forts et donc tendre à retenir une situation personnelle grave. Lors de la pesée des intérêts qui devra éventuellement être effectuée par la suite, la personne concernée doit se voir accorder un intérêt privé plus important à rester en Suisse au fur et à mesure que la durée de sa présence augmente. On tiendra alors particulièrement compte de l'intensité des liens de l'étranger avec la Suisse et des difficultés de réintégration dans son pays d'origine (ATF 146 IV 105 consid. 3.4.4 p. 109 ; 144 IV 332 consid. 3.3.2 et 3.3.3 et les arrêts cités ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_153/2020 du 28 avril 2020 consid. 1.4.1).

3.1.5. En règle générale, il convient d'admettre l'existence d'un cas de rigueur au sens de l'art. 66a al. 2 CP lorsque l'expulsion constituerait, pour l'intéressé, une ingérence d'une certaine importance dans son droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par la Constitution fédérale (art. 13 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse [Cst.]) et par le droit international, en particulier l'art. 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CEDH) (arrêt du Tribunal fédéral 6B_364/2022 du 8 juin 2022 consid. 5.1).

Selon la jurisprudence, pour se prévaloir du droit au respect de sa vie privée au sens de l'art. 8 par. 1 CEDH, l'étranger doit établir l'existence de liens sociaux et professionnels spécialement intenses avec la Suisse, notablement supérieurs à ceux qui résultent d'une intégration ordinaire. Le Tribunal fédéral n'adopte pas une approche schématique qui consisterait à présumer, à partir d'une certaine durée de séjour en Suisse, que l'étranger y est enraciné et dispose de ce fait d'un droit de présence dans notre pays. Il procède bien plutôt à une pesée des intérêts en présence, en considérant la durée du séjour en Suisse comme un élément parmi d'autres et en n'accordant qu'un faible poids aux années passées en Suisse dans l'illégalité, en prison ou au bénéfice d'une simple tolérance (arrêt du Tribunal fédéral 6B_364/2022 du 8 juin 2022 consid. 5.1 ; cf. ATF 134 II 10 consid. 4.3).

Par ailleurs, un étranger peut se prévaloir de l'art. 8 par. 1 CEDH (et de l'art. 13 Cst.), qui garantit notamment le droit au respect de la vie familiale, pour s'opposer à l'éventuelle séparation de sa famille, pour autant qu'il entretienne une relation étroite et effective avec une personne de sa famille ayant le droit de résider durablement en Suisse (ATF 144 II 1 consid. 6.1). Les relations familiales visées par l'art. 8 § 1 CEDH sont avant tout celles qui concernent la famille dite nucléaire, soit celles qui existent entre époux ainsi qu'entre parents et enfants mineurs vivant en ménage commun (arrêt du Tribunal fédéral 6B_364/2022 du 8 juin 2022 consid. 5.1).

3.1.6. La reconnaissance d'un cas de rigueur ne se résume pas non plus à la simple constatation des potentielles conditions de vie dans le pays d'origine ou du moins la comparaison entre les conditions de vie en Suisse et dans le pays d'origine, mais aussi à la prise en considération des éléments de la culpabilité ou de l'acte (M. BUSSLINGER / P. UEBERSAX, Härtefallklausel und migrationsrechtliche Auswirkungen der Landesverweisung, cahier spécial, Plaidoyer 5/2016, p. 101 ; G. FIOLKA / L. VETTERLI, Die Landesverweisung in Art. 66a ff StGB als strafrechtliche Sanktion, cahier spécial, Plaidoyer 5/2016, p. 87 ; AARP/185/2017 du 2 juin 2017 consid. 2.2).

3.2. En l'espèce, les infractions de soustraction douanière (art. 118 al. 1 et 3 LD) et de soustraction d'alcool (art. 54 al. 2 LAlc) commises par habitude par l'appelant entrainent l'expulsion obligatoire, une peine privative de liberté d'un an au plus pouvant être prononcée. Il convient donc d'analyser si les conditions du cas de rigueur sont remplies.

Il ne peut être nié que les possibilités de réintégration de l'intimé dans son pays d'origine et ses perspectives de réinsertion sociale sont bonnes, celui-ci étant né au Portugal, pays avec lequel il a gardé des liens assez étroits. Il faut toutefois également tenir compte du fait que l'intimé, âgé de 45 ans, est arrivé en Suisse à l'âge de 14 ans et a donc vécu son adolescence dans notre pays. Il a rapidement travaillé dans la restauration et, en plus de 30 ans sur notre territoire, n'a jamais émergé à l'aide sociale. Il a effectué avec succès une formation de sommelier. Suite à son échec en tant qu'indépendant, il a trouvé un nouvel emploi comme salarié. Il a ainsi démontré sa volonté de prendre part à la vie économique locale, d'acquérir une formation et d'avoir une situation financière stable. Il est au bénéfice d'un permis de séjour C, délivré pour la première fois en 1998, et parle le français.

Il est marié et père de deux enfants, nés en Suisse. Il est vrai qu'en cas d'expulsion, il pourrait s'établir facilement en France, étant citoyen européen, et sa famille, y compris sa femme ressortissante brésilienne, pourrait le rejoindre au titre du regroupement familial (cf. www.service-public.fr). Toutefois, ses enfants sont nés en Suisse et son fils cadet, âgé de 17 ans et à sa charge, a suivi toute sa scolarité en Suisse et envisage des études supérieures dans notre pays, dont il possède la nationalité.

Il est ainsi retenu que l'intimé a développé des liens importants avec la Suisse où se trouve son centre de vie et d’intérêts et qu'il y bénéficie d'une bonne intégration. Partant, une expulsion le placerait dans une situation personnelle grave.

D'autre part, l'OFDF a elle-même considéré que, en comparaison avec d'autres infractions connues et poursuivies par ses soins, les actes commis par l'intimé étaient d'une gravité relative. Concernant le risque de récidive, elle ne saurait être suivie lorsqu'elle indique que celui-ci est présent, notamment si l'intimé se trouve à nouveau dans une situation professionnelle similaire à celle de l'époque des faits. En effet, vu la durée de la procédure, la bonne collaboration de ce dernier, sa situation professionnelle actuelle et le montant important de l'amende prononcée, la Cour est convaincue que l'intimé saura tirer leçon de cette condamnation et que le pronostic en matière de récidive n'est pas défavorable. Il ne représente dès lors pas un danger pour la collectivité si bien que l'intérêt public à l'expulsion ne l'emporte pas sur l'intérêt privé de l'intimé à demeurer en Suisse.

C'est ainsi à juste titre que le TP a renoncé à son expulsion.

Le jugement entrepris sera confirmé sur ce point.

4. 4.1. Il n'y a pas lieu de revoir les frais de la procédure de première instance, dès lors que l'intimé est reconnu coupable de tous les faits qui lui sont reprochés (art. 426 al. 1 et 428 al. 3 CPP).

4.2. L'OFDF obtient gain de cause sur la quotité de l'amende infligée mais succombe sur la question de l'expulsion. Par conséquent, l'intimé supportera la moitié des frais de la procédure d'appel, comprenant un émolument de CHF 1'500.- (art. 14 al. 1 let. e du règlement fixant le tarif des frais en matière pénale [RTFMP]).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Reçoit l'appel formé par l'Office fédéral de la douane et de la sécurité des frontières contre le jugement JTDP/47/2023 rendu le 17 janvier 2023 par le Tribunal de police dans la procédure P/24832/2021.

L'admet partiellement.

Annule ce jugement :

Et statuant à nouveau :

Déclare A______ coupable de soustraction douanière intentionnelle qualifiée (art. 118 al. 1 et 3 en relation avec l'art. 124 et 7 LD ainsi que l'art. 1 al. 1 LTaD), de soustraction de l'impôt intentionnelle (art. 96 al. 1 LTVA), de soustraction de charges fiscales qualifiées (art. 54 al. 2 LAlc) et de soustraction de l'impôt sur la bière (art. 35 al. 1 LIB).

Condamne A______ à une amende de CHF 64'000.- (art. 106 CP).

Prononce une peine privative de liberté de substitution de trois mois.

Dit que la peine privative de liberté de substitution sera mise à exécution si, de manière fautive, l'amende n'est pas payée.

Renonce à ordonner l'expulsion de Suisse de A______ (art. 66a al. 2 CP).

Ordonne la restitution à A______ du portable [de marque] H______ (pièce 50001), de la tablette I______ (pièce 50004) ainsi que des divers documents, relevés de compte et pièces comptables séquestrés (pièces 50009, 50014, 50071 et 50085).

Condamne A______ aux frais de la procédure de première instance, réduits à CHF 2'566.-, y compris un émolument de jugement de CHF 500.- (art. 426 al. 1 CPP).

Arrête les frais de la procédure d'appel à CHF 1'695.-, y compris un émolument de jugement de CHF 1'500.-.

Met la moitié de ces frais, soit CHF 847.50 à la charge de A______ et laisse le solde à la charge de l'État.

Notifie le présent arrêt aux parties.

Le communique, pour information, au Tribunal de police, au Secrétariat d'État aux migrations, à l'Office cantonal de la population et des migrations et au Service de l'application des peines et mesures.

La greffière :

Lylia BERTSCHY

 

Le président :

Pierre BUNGENER

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 78 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral (LTF), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF), par-devant le Tribunal fédéral (1000 Lausanne 14), par la voie du recours en matière pénale, sous la réserve qui suit.

 


 

 

ETAT DE FRAIS

 

 

 

COUR DE JUSTICE

 

 

Selon les art. 4 et 14 du règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais et dépens en matière pénale (E 4 10.03).

 

 

Total des frais de procédure du Tribunal de police :

CHF

2'566.00

Bordereau de frais de la Chambre pénale d'appel et de révision

 

 

Délivrance de copies et photocopies (let. a, b et c)

CHF

00.00

Mandats de comparution, avis d'audience et divers (let. i)

CHF

120.00

Procès-verbal (let. f)

CHF

00.00

Etat de frais

CHF

75.00

Emolument de décision

CHF

1'500.00

Total des frais de la procédure d'appel :

CHF

1'695.00

Total général (première instance + appel) :

CHF

4'261.00