Décisions | Chambre de surveillance en matière de poursuite et faillites
DCSO/7/2025 du 16.01.2025 ( PLAINT ) , IRRECEVABLE
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||
POUVOIR JUDICIAIRE A/3435/2024-CS DCSO/7/25 DECISION DE LA COUR DE JUSTICE Chambre de surveillance DU JEUDI 16 JANVIER 2025 |
Plainte 17 LP (A/3435/2024-CS) formée en date du 17 octobre 2024 par A______.
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Décision communiquée par courrier A à l'Office concerné et par plis recommandés du greffier du ______ à :
- A______
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______.
- ETAT DE GENEVE, SERVICE CANTONAL D'AVANCE ET DE RECOUVREMENT DES PENSIONS ALIMENTAIRES (SCARPA)
Rue Ardutius-de-Faucigny 2
1204 Genève.
- B______
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______.
- Office cantonal des poursuites.
A. a. A______ fait l'objet de la poursuite N° 1______ engagée à son encontre par B______ dont la continuation a été requise le 20 décembre 2023 pour une créance de 12'100 fr..
b. Le 29 janvier 2024, l'Office cantonal des poursuites (ci-après: l'Office) a adressé à A______ un avis de saisie pour le 9 avril 2024.
Lors de son audition, A______ a indiqué qu'il réalisait en tant qu'indépendant un revenu mensuel net de 2'500 fr.; il était marié et ses frais de logement se montaient à 540 fr. par mois; il détenait trois véhicules, soit un fourgon C______/2______ [marque, modèle] immatriculé le 7 mars 2019 et avec 80'000 km, un véhicule D______/3______, immatriculé le 21 décembre 2001 avec 350'000 km et une moto E______/4______ immatriculée le 7 août 2009 avec 35'000 km.
c. Par avis du 22 avril 2024, l'Office a informé A______ de ce qu'il devait désormais retenir sur ses revenus un montant mensuel de 260 fr. dès le mois d'avril 2024.
d. Par avis du même jour, l'Office a informé A______ qu'il saisissait le véhicule C______/2______.
e. En date du 3 mai 2024, le SCARPA a sollicité la participation privilégiée à la saisie, de la poursuite N° 5______.
f. Par courriel du 7 mai 2024, A______ a informé l'Office qu'il allait déposer au bureau des automobiles les plaques d'immatriculation du camion D______ et de la moto.
g. Le 20 juin 2024, l'Office a établi un procès-verbal de saisie dans la série n° 81 6______, à laquelle participent les deux poursuites précitées. A______ exerçait l'activité de traiteur indépendant et n'avait pas d'emploi salarié. Son minimum vital était composé du montant de base pour un couple marié, de 1'700 fr., et de son loyer en 540 fr. Avec des revenus de 2'500 fr., la quotité mensuelle saisissable se montait à 260 fr. La saisie avait en outre porté sur l'un de ses véhicules, estimé à 11'500 fr., les deux autres n'ayant pas de valeur de réalisation.
h. Le procès-verbal de saisie a été communiqué par pli recommandé du 21 juin 2024 à A______. Il a été retourné par la Poste à l'Office, avec l'indication "refusé".
i. Le 27 juin 2024, le SCARPA a requis la vente du véhicule C______/2______.
j. Le 15 octobre 2024, l'Office a communiqué à A______, par pli recommandé et par pli simple, un avis d'enlèvement de ce véhicule pour le 30 octobre 2024 dans la journée.
B. a. Par acte posté le 17 octobre 2024, A______ a formé plainte auprès de la Chambre de surveillance contre l'avis d'enlèvement. Il s'oppose à la saisie du véhicule et de ses gains. Il a produit l'avis de saisie de gains du 22 avril 2024 et fait mention de l'avis de saisie du véhicule du même jour. Il a sollicité l'octroi de l'effet suspensif.
b. Dans sa détermination du 24 octobre 2024 sur effet suspensif et sur le fond, l'Office a exposé le déroulement de la procédure et relevé qu'en tant qu'elle était dirigée contre l'avis d'enlèvement, la plainte paraissait tardive, A______ ayant reçu l'avis de saisie du véhicule en avril 2024. De plus, ce dernier n'établissait pas que le véhicule saisi était absolument indispensable à son activité indépendante ni pour quelle raison il ne pouvait pas utiliser le second véhicule utilitaire qu'il détenait. La plainte devait donc être rejetée dans la mesure de sa recevabilité.
c.a Par décision DCSO/507/2024 du 29 octobre 2024, la Chambre de céans a refusé l'effet suspensif à la plainte, dont la recevabilité était douteuse, dès lors qu'elle n'avait pas été formée dans les dix jours dès la connaissance de la saisie du véhicule; par ailleurs, au moment de l'exécution de la saisie, le plaignant détenait un autre véhicule utilitaire, de sorte qu'il ne rendait pas vraisemblable que le fourgon dont l'enlèvement était ordonné était absolument indispensable.
c.b Par courrier du 5 novembre 2024, A______ a requis la reconsidération de la décision sur effet suspensif, alléguant qu'il avait vendu l'autre véhicule utilitaire le 24 juin 2024 pour un montant de 500 fr., de sorte qu'il ne possédait plus de véhicule professionnel de remplacement; il était absolument indispensable pour lui de posséder un véhicule au vu de son activité sur le marché de détail de F______.
c.c Par décision DCSO/549/2024 du 13 novembre 2024, la Chambre de céans a refusé de reconsidérer sa précédente décision sur effet suspensif. La vente du second véhicule en juin 2024 n'était pas documentée et était par ailleurs postérieure à la saisie, de sorte qu'elle ne pouvait être prise en considération. Le plaignant ne rendait pas vraisemblable qu'au moment de la saisie, il ne pouvait, d'une manière ou d'une autre, continuer à exercer son activité professionnelle sans le véhicule saisi, ce d'autant qu'il possédait un second véhicule utilitaire immatriculé, dont le caractère insaisissable n'était appuyé par aucun élément concret.
c.d A______ s'est déterminé spontanément le 19 novembre 2024, contestant les décisions de la Chambre de céans sur effet suspensif.
c.e Le recours de A______ au Tribunal fédéral contre la décision DCSO/549/2024 a été déclaré irrecevable par arrêt du 27 novembre 2024 (5A_810/2024).
d. Le SCARPA a conclu au rejet de la plainte, dans la mesure de sa recevabilité.
e. Par courrier du 21 novembre 2024, la Chambre de céans a informé A______ de ce que l'instruction de la cause était close.
1. 1.1.1 La Chambre de surveillance est compétente pour statuer sur les plaintes formées en application de l'article 17 LP (art. 13 LP; art. 125 et 126 al. 2 let. c LOJ; art. 6 al. 1 et 3 et 7 al. 1 LaLP) contre les mesures de l'Office ne pouvant être contestées par la voie judiciaire (al. 1). L'autorité de surveillance doit par ailleurs constater, indépendamment de toute plainte et en tout temps (ATF 136 III 572 consid. 4), la nullité des mesures de l'Office contraires à des dispositions édictées dans l'intérêt public ou dans l'intérêt de personnes qui ne sont pas parties à la procédure (art. 22 al. 1 LP).
Le procès-verbal de saisie et les mesures d'exécution de la saisie, notamment l'avis d'enlèvement, sont, en tant que telles, des mesures au sens de l'art. 17 LP que le poursuivi a qualité pour attaquer par la voie de la plainte (décisions de la Chambre de surveillance DCSO/103/2022 du 17 mars 2022; DCSO/394/2015 du 17 décembre 2015).
1.1.2 La plainte doit être déposée, sous forme écrite et motivée (art. 9 al. 1 et 2 LaLP; art. 65 al. 1 et 2 LPA, applicable par renvoi de l'art. 9 al. 4 LaLP), dans les dix jours de celui où le plaignant a eu connaissance de la mesure (art. 17 al. 2 LP). Elle peut également être déposée en tout temps en cas de nullité de l'acte contesté (art. 22 al. 1 LP), de retard à statuer et de déni de justice (art. 17 al. 3 LP).
Si le débiteur ou un membre de sa famille considère qu'un bien insaisissable au sens de l'art. 92 LP a été saisi à tort, il doit s'en prévaloir par la voie de la plainte dans les dix jours suivant l'exécution de la saisie, respectivement la réception du procès-verbal de saisie. Il ne peut attendre le dépôt d'une réquisition de vente ou la réception d'un avis d'enlèvement. S'il omet de former une plainte dans le délai susmentionné, il faut admettre une renonciation de sa part à invoquer l'insaisissabilité (ATF 97 III 7 consid. 2; arrêt du Tribunal fédéral 5A_40/2008 du 31 mars 2008 consid. 3; décisions de la Chambre de surveillance DCSO/103/2022 du 17 mars 2022; DCSO/331/2021 du 25 août 2021; vonder Mühll, BSK SchKG I, N° 64 ad art. 92 LP; Kren Kostkiewicz, Schuldbetreibungs- und Konkursrecht, 2024, N° 1036).
1.1.3 Lorsque la mesure contestée a fait l'objet d'une communication écrite (art. 34 LP), ce qui est le cas du procès-verbal de saisie (cf. arrêt du Tribunal fédéral 5A_383/2017 du 3 novembre 2017), le délai de dix jours pour déposer plainte commence à courir le lendemain de sa réception par le destinataire (art. 142 al. 1 CPC, applicable par renvoi de l'art. 31 LP).
L'acte est réputé notifié, en cas d’envoi recommandé, lorsque celui-ci n’a pas été retiré, à l’expiration d’un délai de sept jours à compter de l’échec de la remise, si le destinataire devait s’attendre à recevoir la notification ou, lorsque le destinataire à qui il doit être remis personnellement refuse de le réceptionner et que le refus est constaté par le porteur, le jour du refus de réceptionner (art. 31 LP cum art. 138 al. 3 let. let. a et b CPC).
1.2 Dans le cas d'espèce, quand bien même il a formé plainte dans les dix jours dès réception de l'avis d'enlèvement, le plaignant s'en prend en réalité à l'exécution de la saisie sur l'un de ses véhicules. Il devait ainsi déposer sa plainte dans les dix jours suivant la notification du procès-verbal de saisie, laquelle est intervenue le jour où il a refusé de réceptionner le pli recommandé lui communicant cette décision, voire au plus tard à l'expiration du délai de garde de sept jours. En effet, le plaignant pouvait s'attendre à recevoir le procès-verbal de saisie, dès lors qu'il connaissait l'existence de poursuites dirigées contre lui, qu'il avait été auditionné à ce sujet par l'Office le 10 avril 2024 et qu'il avait reçu l'avis d'enlèvement du véhicule du 22 avril 2024, auquel il a lui-même fait référence dans sa plainte.
La plainte, déposée en octobre 2024, doit par conséquent être déclarée irrecevable puisqu'elle intervient plus de dix jours après que le plaignant ait eu connaissance du procès-verbal de saisie qui portait notamment sur son véhicule.
2. 2.1. Il faut encore examiner si les griefs invoqués ne conduisent pas au constat de la nullité de la saisie.
2.1.1 Selon l'art. 92 al. 1 ch. 3 LP, sont insaisissables les outils, appareils, instruments et livres nécessaires au débiteur pour l'exercice de sa profession. Doit être qualifiée de profession, au sens de cette disposition, toute activité économique faisant appel de manière prépondérante au travail personnel et aux connaissances professionnelles de l'intéressé. Pour que l'insaisissabilité soit admise, l'objet considéré doit être indispensable – et non seulement utile ou adapté – à un exercice rationnel et concurrentiel de la profession envisagée. La réalisation de cette condition doit être examinée au regard de l'ensemble des circonstances concrètes du cas d'espèce, notamment de l'état de la technique et de la situation personnelle du débiteur. Selon les circonstances, un véhicule automobile peut ainsi constituer un outil indispensable à l'exercice d'une profession, ce qu'il appartient toutefois au débiteur de démontrer. L'ensemble des conditions d'application de l'art. 92 al. 1 ch. 3 LP doit être examiné au moment de la saisie (ATF 113 III 77 consid. 2b; 110 III 53 consid. 3b et 3c; 91 III 52 consid. 2;
87 III 62; 86 III 47 consid. 2; 84 III 20; arrêt du Tribunal fédéral 5A_799/2015 du 9 novembre 2015 consid. 2.1; décisions de la Chambre de surveillance DCSO/331/2021 du 25 août 2021; DCSO/730/2006 du 20 décembre 2006 consid. 3a; vonder Mühll, BSK - SchKG I, 2021, N° 21 ad art. 92 LP).
2.1.2 Une saisie est nulle, lorsqu'elle porte une atteinte flagrante au minimum vital du débiteur et de ses proches ou si la mise sous mains de justice met le poursuivi ou ses proches dans une situation absolument intolérable, les privant des objets indispensables au vivre et au coucher (ATF 117 III 39; 114 III 78 consid. 3; décisions de la Chambre de surveillance DCSO/180/2018 du 15 mars 2018; DCSO/394/2015 du 17 décembre 2015; DCSO/513/2007 du 8 novembre 2007).
La nullité générée par le caractère insaisissable de l'objet saisi peut aussi concerner les outils indispensables à l'exercice d'une profession. Une telle nullité ne sera toutefois admise qu'avec retenue. Il ne suffit pas que l'exercice de la profession soit rendu plus difficile (vonder Mühll, BSK - SchKG I, 2021, N° 66 ad 92 LP).
La question de la nullité de la mesure en raison du caractère insaisissable des objets saisis se pose au moment de l'exécution de la saisie (ATF 83 III 31, 34; vonder Mühll, BSK - SchKG I, 2021, N. 64 ad 92 LP).
2.2 A cet égard, le plaignant n'a fourni aucun élément concret et étayé qui démontre que le véhicule saisi est absolument indispensable à l'exercice de sa profession de traiteur et qu'il ne peut, d’une manière ou d’une autre, continuer à exercer son activité professionnelle sans le véhicule saisi, ce d'autant qu'il détenait un autre véhicule utilitaire. Quand bien même cet autre véhicule est plus ancien et comptabilise 350'000 km, il était à teneur du dossier immatriculé et donc susceptible de circuler. L'allégation du plaignant selon laquelle il a vendu ce second véhicule le 24 juin 2024 n'est pas documentée. De plus, à cette date, le plaignant savait que l'autre fourgon avait été saisi, suite à la réception de l'avis de saisie du 22 avril 2024. A supposer qu'il ait effectivement vendu cet autre véhicule utilitaire, le plaignant se serait alors placé lui-même dans la situation de ne pas avoir un véhicule pour l'exercice de son activité.
Eu égard à ces considérations, la décision de l'Office de saisir le véhicule n'est pas nulle. La plainte est donc irrecevable à cet égard.
2.3 Le plaignant allègue de manière toute générale que la saisie de ses gains fixée par le procès-verbal de saisie porterait atteinte à son minimum vital. Il ne soutient pas et encore moins n'établit qu'une charge indispensable et effectivement payée aurait été à tort écartée par l'Office. Quant au montant des revenus pris en considération par l'Office, il correspond à celui qu'il a lui-même indiqué lors de son audition et n'est pas concrètement critiqué. Sur cette base, il y a lieu de retenir que la saisie de gains effectuée par l'Office ne porte pas une atteinte flagrante au minimum vital du plaignant et ne le place donc pas dans une situation intolérable.
La plainte est donc également irrecevable sous cet angle.
3. La procédure de plainte est gratuite (art. 20a al. 2 ch. 5 LP; art. 61 al. 2 let. a OELP).
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La Chambre de surveillance :
Déclare irrecevable la plainte formée le 17 octobre 2024 par A______ contre l'avis d'enlèvement de l'Office cantonal des poursuites du 15 octobre 2024 dans les poursuites Nos 1______ et 5______.
Siégeant :
Madame Verena PEDRAZZINI RIZZI, présidente; Messieurs Alexandre BÖHLER et Denis KELLER, juges assesseurs; Madame Elise CAIRUS, greffière.
La présidente : Verena PEDRAZZINI RIZZI |
| La greffière : Elise CAIRUS |
Voie de recours :
Le recours en matière civile au sens de l’art. 72 al. 2 let. a de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est ouvert contre les décisions prises par la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et des faillites, unique autorité cantonale de surveillance en matière de poursuite pour dettes et faillite (art. 126 LOJ). Il doit être déposé devant le Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, dans les dix jours qui suivent la notification de l'expédition complète de la présente décision (art. 100 al. 1 et 2 let. a LTF) ou dans les cinq jours en matière de poursuite pour effets de change (art. 100 al. 3 let. a LTF). L’art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire. Le recours doit être rédigé dans une langue officielle, indiquer les conclusions, en quoi l'acte attaqué viole le droit et les moyens de preuve, et être signé (art. 42 LTF).
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.