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Décisions | Chambre de surveillance en matière de poursuite et faillites

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A/1441/2024

DCSO/440/2024 du 12.09.2024 ( PLAINT ) , REJETE

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1441/2024-CS DCSO/440/2024

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance
des Offices des poursuites et faillites

DU JEUDI 12 SEPTEMBRE 2024

 

Plainte 17 LP (A/1441/2024-CS) formée en date du 29 avril 2024 par A______, représenté par Me Cédric THALER, avocat.

* * * * *

Décision communiquée par courrier A à l'Office concerné et par plis recommandés du greffier du 17 septembre 2024
à :

-       A______

c/o Me THALER Cédric

Rue Etraz 12

Case postale 6115

1002 Lausanne.

- B______ SA

c/o C______

Agent d'affaires breveté

______

______ [VD].

- Office cantonal des poursuites.

 


EN FAIT

A. a. B______ SA a requis le 15 mars 2024 la poursuite de A______, rue 1______ no. ______, [code postal] Genève, pour un montant de 7'500 fr. plus intérêts à 7 % l'an dès le 15 septembre 2023, à titre de loyers impayés août, septembre et octobre 2023 pour la location d'un appartement situé rue 2______ no. ______, à D______ (VD), et 800 fr. de frais au sens de l'art. 106 CO.

b. L'Office cantonal des poursuites (ci-après l'Office) a établi le 22 mars 2024 un commandement de payer, poursuite n° 3______, qui n'a pu être notifié au débiteur, ce dernier ayant donné à La Poste un ordre de redirection de son courrier à l'étranger.

c. Par convocation du 8 avril 2024, adressée par courrier A+, l'Office a invité le débiteur à se présenter à ses guichets pour y retirer des actes de poursuites qui lui étaient destinés. La convocation a atteint le débiteur le 18 avril 2024 à l'office postal à l'étranger auprès duquel il avait demandé la réexpédition de son courrier.

d. Le débiteur s'est présenté à l'Office le 18 avril 2024 et a pris possession du commandement de payer, poursuite n° 3______, auquel il a formé opposition.

B. a. Par acte expédié le lundi 29 avril 2024, A______ a formé une plainte contre la poursuite n° 3______ au motif qu'il n'était pas domicilié à Genève au moment du dépôt de la réquisition de poursuite et de la notification du commandement de payer. Il n'existait aucun for de poursuite dans le canton, de sorte que la poursuite devait être annulée.

Il a en substance exposé avoir été hébergé par sa mère en France, rue 4______ no. ______, [code postal] E______ [France], de décembre 2023 à mi-février 2024, en raison de problèmes familiaux et de l'impossibilité de retrouver un emploi en Suisse. Il avait annoncé son départ de Suisse le 11 janvier 2024 à l'Office cantonal de l'emploi de Genève, lequel en avait pris acte et avait mis fin à son inscription au chômage dès le 1er janvier 2024.

Le plaignant a également annoncé qu'il effectuait un séjour de courte durée en Suisse du 13 février au 30 avril 2024 pour un emploi de durée déterminée de 76 jours auprès de [l'entreprise] F______, annoncé auprès du Département fédéral de justice et police. Dans ce cadre, il était provisoirement logé c/o G______, rue 5______ no. ______, [code postal] Genève.

b. Dans ses observations du 3 mai 2024, B______ SA s'en est remise à justice.

Elle expliquait qu'elle s'était fiée, pour rédiger la réquisition de poursuite, à une attestation de départ que lui avait fournie l'Office du contrôle des habitants et police des étrangers de la Commune de D______ le 1er février 2024, à teneur de laquelle A______ avait été inscrit dans ses registres du 1er février 2022 au 31 juillet 2023, date à laquelle ce dernier s'était annoncé partant pour Genève, rue 1______ no. ______.

c. Dans ses déterminations du 16 mai 2024, l'Office s'en est également remis à la justice, expliquant que le commandement de payer avait pu être notifié au débiteur sur la base des informations fournies par la créancière et que le débiteur avait pu faire valoir ses droits en formant opposition.

Il travaillait en outre pour F______ à Genève au moment de la notification du commandement de payer et était résident dans le canton. Cela étant, le débiteur n'avait jamais été enregistré comme domicilié à Genève par l'Office cantonal de la population et des migrations (ci-après l'OCPM) de ce canton.

d. La Chambre de surveillance a informé les parties par avis du 22 mai 2024 que l'instruction de la cause était close sous réserve de mesures d'instruction.

EN DROIT

1. Déposée en temps utile (art. 17 al. 2 LP) et dans les formes prévues par la loi (art. 9 al. 1 et 2 LALP; art. 65 al. 1 et 2 LPA, applicables par renvoi de l'art. 9 al. 4 LALP), auprès de l'autorité compétente pour en connaître (art. 6 al. 1 et 3 LALP; art. 17 al. 1 LP), à l'encontre d'une mesure de l'Office pouvant être attaquée par cette voie (art. 17 al. 1 LP) et par une partie potentiellement lésée dans ses intérêts (ATF 138 III 219 consid. 2.3; 129 III 595 consid. 3; 120 III 42 consid. 3), la plainte est recevable.

2. 2.1.1 Le for ordinaire de la poursuite est au domicile du débiteur (art. 46 al. 1 LP), au moment de la notification du commandement de payer (arrêt du Tribunal fédéral 5A_5/2009 du 9 juillet 2009 consid. 3).

Le domicile est déterminé selon les critères prévus par l'art. 23 al. 1 CC. Une personne physique a ainsi son domicile au lieu où elle réside avec l'intention de s'y établir, ce qui suppose qu'elle fasse du lieu en question le centre de ses intérêts personnels et professionnels. La notion de domicile comporte deux éléments: l'un objectif, la présence physique en un lieu donné; l'autre subjectif, l'intention d'y demeurer durablement (ATF 141 V 530 consid. 5.2; 137 II 122 consid. 3.6;
136 II 405 consid. 4.3; arrêts 5A_284/2020 du 23 décembre 2020 consid. 2.4.2; 5A_680/2020 du 8 décembre 2020 consid. 5.1.1 et l'autre arrêt cité). Ce dernier élément ne repose pas sur la seule volonté (interne) de l'intéressé, mais sur les circonstances objectives, reconnaissables pour les tiers, permettant d'en déduire une telle intention (ATF 141 V 530 consid. 5.2; 137 II 122 consid. 3.6; 120 III 7 consid. 2b). A cet égard, les documents administratifs tels que permis de circulation, permis de conduire, papiers d'identité, attestations de la police des étrangers, des autorités fiscales ou des assurances sociales, ou encore les indications figurant dans des décisions judiciaires ou des publications officielles ne sont pas déterminants à eux seuls. Ils constituent certes des indices sérieux de l'existence du domicile mais ne sauraient toutefois l'emporter sur le lieu où se focalise un maximum d'éléments concernant la vie personnelle, sociale et professionnelle de l'intéressé (ATF 141 V 530 consid. 5.2; 136 II 405 consid. 4.3; 125 III 100 consid. 3; arrêts du Tribunal fédéral 5A_539/2022 du 13 septembre 2022 consid. 4.1.15A_419/2020 du 16 avril 2021 consid. 2.2; 5A_680/2020 précité loc. cit.).

2.1.2 L'art. 24 al. 1 CC, selon lequel toute personne conserve son domicile aussi longtemps qu'elle ne s'en est pas créé un nouveau, n'est pas applicable en matière de poursuite pour dettes : le débiteur qui quitte son domicile suisse sans s'en créer un nouveau ne peut plus être poursuivi qu'à l'un des fors spéciaux prévus par les art. 48 à 52 LP (ATF 119 III 54 consid. 2a). Toutefois, si le débiteur n'a plus en Suisse ni domicile ni lieu de séjour et que son lieu de séjour étranger est inconnu, la poursuite doit être possible au lieu de son dernier domicile en Suisse. La loi connaît en effet la notion de "for fictif" au dernier domicile connu pour le cas où un débiteur se soustrait à la poursuite par la fuite (art. 54 LP); ce for, prévu pour la faillite, s’applique également au débiteur en fuite qui n’est pas soumis à la faillite. En effet, si le débiteur qui avait constitué un domicile en Suisse ne s'y trouve plus, sans avoir donné connaissance de son nouveau lieu de séjour, le créancier ne saurait se voir imposer l'obligation d'établir lui-même si le débiteur a vraiment constitué un nouveau domicile à l'étranger et où se trouve ce domicile : c'est au débiteur qu'il appartient de rapporter la preuve de son nouveau domicile. Ainsi, l'office doit donner suite à une réquisition de poursuite lorsqu'il n'existe aucune circonstance excluant la permanence du domicile suisse (ATF 120 III 110 consid. 1b; arrêt du Tribunal fédéral 7B.241/2005 du 6 mars 2006 consid. 3.1 et 3.2; DCSO/73/2019 du 8 février 2019; Stoffel, Chabloz, Poursuite pour dettes et exécution spéciale, 2016, p. 92, n° 112).

2.2 Le débiteur qui n'a pas de domicile fixe peut être poursuivi au lieu où il se trouve (art. 48 LP).

Le séjour de l'art. 48 n'est pas un domicile, mais un substitut subordonné à l'absence de domicile. L'absence de domicile s'entend en Suisse et à l'étranger; le domicile étranger rompt l'allégeance à l'exécution helvétique et exclut, autres fors spéciaux réservés, celui du séjour (ATF 119 III 51 consid. 2c, JdT 1995 II 120; Schüpbach, Commentaire Romand, Poursuite et faillite, 2005, n° 2 et 11 ad art. 48 LP).

Le séjour implique une présence physique, mais qui ne suffit pas en dépit de la lettre de l'art. 48 LP. Le passage à l'hôtel ou chez des amis, la halte contrainte, de courtoisie ou d'affaire, l'enlèvement et la séquestration n'y satisfont pas. Il faut à la présence une certaine durée, déterminée ou non, procédant d'une volonté de rester, non de passer fortuitement. Plus que pour le domicile, il faut se baser sur l'apparence extérieure, soit des éléments tels que la présence d'effets personnels, plutôt que sur des éléments subjectifs tels que la volonté. Le mobile de la présence en Suisse est un critère permettant de constater objectivement un rapport étroit avec ce pays et en déduire un séjour au sens de l'art. 48 LP. Deux semaines de vacances en Suisse ne sont pas un séjour au sens de cette norme. Le fait qu'un acte de poursuite ait effectivement pu être remis au poursuivi à un endroit donné ne permet pas non plus, à lui seul, d'admettre l'existence du for prévu par l'art. 48 LP (ATF 119 III 51 consid. 2.c et d; ATF 119 III 54 consid. 2.d; Schüpbach, op. cit., n° 13-14 ad art. 48 LP).

Le poursuivant a la charge d'établir le domicile ou le séjour du poursuivi qui a celle de prouver le domicile ou le séjour ailleurs (ATF 120 III 110 consid. 1; Schüpbach, op. cit., n° 17 ad art. 48 LP).

2.3 En l'espèce, le débiteur n'a jamais été inscrit dans les registres de l'OCPM genevois comme domicilié dans le canton. Cette absence d'inscription n'est toutefois qu'un indice et n'est pas déterminante. L'inscription figurant dans les registres de l'Office du contrôle des habitants et police des étrangers de la Commune de D______ selon laquelle le débiteur avait quitté cette dernière commune pour s'installer à Genève, à la rue 1______ no. ______, ne constitue également qu'un indice. En revanche, le plaignant lui-même admet avoir eu un domicile à Genève, où il a bénéficié des prestations en cas de chômage de l'Office cantonal de l'emploi, avant d'être hébergé par sa mère à E______ pendant un mois et demi. Il est ensuite revenu à Genève pour un emploi de durée déterminée, sur la base d'une annonce de prise d'emploi de courte durée.

Ces circonstances permettent de retenir qu'après avoir constitué un domicile à Genève, le plaignant a provisoirement été hébergé chez sa mère en France, ce qui ne saurait emporter constitution de domicile, puis est revenu à Genève pour un emploi de courte durée et s'installer provisoirement chez quelqu'un, ce qui ne semble pas devoir non plus emporter constitution d'un domicile. Il en découle que le débiteur ne s'est pas reconstitué de domicile fixe suite à son départ de Genève fin 2023 et n'a plus qu'effectué des séjours provisoires en France, puis à Genève. Son dernier domicile fixe a donc été Genève et, faute de s'en être constitué un autre depuis lors et d'avoir annoncé un nouveau lieu de domicile, il peut y être poursuivi au titre de for "fictif". En outre, au moment du dépôt de la réquisition de poursuite et de la notification, il séjournait à Genève et n'avait pas de domicile à l'étranger de sorte qu'il pouvait également y être poursuivi au for du lieu de séjour en application de l'art. 48 LP.

Il existait par conséquent un for de poursuite à Genève au moment de la réquisition de poursuite et de la notification du commandement de payer, de sorte que ces actes sont intervenus valablement.

Il en découle que la plainte sera rejetée.

4. La procédure devant l'autorité de surveillance est gratuite (art. 20a al. 2 ch. 5 LP; art. 61 al. 2 let. a OELP) et ne donne pas lieu à l'allocation de dépens (art. 62 al. 2 OELP).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :


A la forme :

Déclare recevable la plainte formée le 29 avril 2024 par A______ contre le commandement de payer et la poursuite n° 3______.

Au fond :

La rejette.

Siégeant :

Monsieur Jean REYMOND, président; Messieurs Luca MINOTTI et
Anthony HUGUENIN, juges assesseurs; Madame Véronique AMAUDRY-PISCETTA, greffière.

 

Le président :

Jean REYMOND

 

La greffière :

Véronique AMAUDRY-PISCETTA

 

 

 

 

 

Voie de recours :

Le recours en matière civile au sens de l’art. 72 al. 2 let. a de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est ouvert contre les décisions prises par la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et des faillites, unique autorité cantonale de surveillance en matière de poursuite pour dettes et faillite (art. 126 LOJ). Il doit être déposé devant le Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, dans les dix jours qui suivent la notification de l'expédition complète de la présente décision (art. 100 al. 1 et 2 let. a LTF) ou dans les cinq jours en matière de poursuite pour effets de change (art. 100 al. 3 let. a LTF). L’art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire. Le recours doit être rédigé dans une langue officielle, indiquer les conclusions, en quoi l'acte attaqué viole le droit et les moyens de preuve, et être signé (art. 42 LTF).

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.