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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/4302/2024

JTAPI/646/2025 du 16.06.2025 ( ICC ) , ADMIS PARTIELLEMENT

REJETE par ATA/1241/2025

Descripteurs : SOUSTRACTION D'IMPÔT;AMENDE;FIXATION DE L'AMENDE
Normes : LIFD.175; LPFisc.69
En fait
En droit
Par ces motifs

 

république et

canton de genève

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4302/2024 ICC

JTAPI/646/2025

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 16 juin 2025

 

dans la cause

 

 

Madame A______ et Monsieur B______, représentés par Me Karin BAERTSCHI, avocate, avec élection de domicile

contre

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

 


 

EN FAIT

1.             Le litige concerne une procédure pour soustraction de l’ICC des années 2014 à 2018 ouverte à l’encontre de Madame A______ et de Monsieur B______.

2.             Par bordereaux datés respectivement des 22 février 2016, 28 août 2017, 26 février 2018, 18 février 2019, 16 décembre 2019 et 18 novembre 2020, l’administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE) a taxé les contribuables pour les années 2014 à 2019.

3.             Par lettre recommandée du 7 décembre 2020, l’AFC-GE a ouvert à l’encontre des précités des procédures de rappel d’impôt (années 2010 à 2018), de soustraction d’impôt (années 2010 à 2018), ainsi que pour tentative de soustraction (période 2019). Selon des informations qu’elle avait obtenues par le biais de l’échange automatique de renseignements, ils détiendraient des assurances-vie auprès d’une compagnie française. Elle leur a adressé une demande de renseignements à ce sujet.

4.             Un échange de lettres a eu lieu entre l’AFC-GE et les contribuables.

5.             Par pli du 16 octobre 2024, ces derniers ont expliqué qu’ils ignoraient l’obligation de déclarer la valeur de rachat de leurs assurances-vie, leur banque les ayant confortés dans cette idée. Ils pensaient qu’ils devaient les indiquer à l’échéance des contrats. En conséquence, aucune amende ne devait leur être infligée.

6.             Le 18 octobre 2024, l’AFC-GE a informé les contribuables de la clôture des procédures ouvertes le 7 décembre 2020. Elle leur a notifié des bordereaux de rappel d’impôt d’ICC 2010 à 2018 et un bordereau de taxation d’ICC 2019.

Elle a également remis à chacun d’eux des bordereaux d’amende pour soustraction intentionnelle (années 2014 à 2018) et pour tentative de soustraction (année 2019). La quotité de la peine avait été fixée à 0.75 fois les impôts éludés, réduite aux 2/3, soit 0.5 fois les droits soustraits pour la soustraction tentée. Par ailleurs, chacun des contribuables se voyait imputer 50 % de la responsabilité des soustractions, respectivement de la tentative de soustraction.

7.             Le 26 novembre 2024, les contribuables ont élevé réclamation à l’encontre des bordereaux d’amende des années 2014 à 2019.

Depuis la conclusion des contrats d’assurance-vie, les gestionnaires de C______ (ci-après : C______) leur avaient toujours affirmé que ceux-ci étaient soumis à l’imposition fiscale en France. Ils produisaient des courriels de collaborateurs travaillant auprès de cet établissement. Sur la base de ces indications et en toute bonne foi, ils n’avaient pas déclaré ces contrats. En conséquence, aucune amende ne devait être prononcée à leur encontre.

8.             Par décision du 10 décembre 2024, l’AFC-GE a admis partiellement la réclamation en ce sens qu’elle a ramené la quotité des amendes de 0.75 à 0.5 fois les droits soustraits, considérant que les contribuables avaient agi par négligence. Elle a notifié à chacun d’eux des bordereaux d’amende pour soustraction d’impôt (années 2014 à 2018) et pour tentative de soustraction (année 2019).

9.             Par acte du 30 décembre 2024, les contribuables, sous la plume de Mme A______, ont interjeté recours devant le Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) en concluant à l’annulation des bordereaux du 10 décembre précédent, sous suite de dépens.

L’AFC-GE avait retenu qu’ils avaient commis des soustractions par négligence en ne déclarant pas leurs assurances-vie. Ce faisant, elle avait occulté les courriels envoyés par les gestionnaires de C______, desquels il ressortait que ces contrats étaient français et soumis à l’imposition en France. En toute bonne foi, ils ne les avaient pas mentionnés dans leurs déclarations fiscales. Ainsi, aucun comportement ou imprévoyance coupable ne pouvait leur être reprochée.

Ils n’avaient pas agi contrairement à leurs obligations, sachant qu’ils seraient imposés plus lourdement en France lors du rachat de leurs assurances-vie et que de ce fait, ils n’avaient pas à les déclarer au fisc genevois. Enfin, il ne pouvait y avoir simultanément une taxation en Suisse et en France, en raison de l’interdiction de la double imposition.

10.         Dans sa réponse du 10 mars 2025, l’AFC-GE s’est engagée à annuler, à bien plaire, le bordereau d’ICC 2019, quoiqu’entré en force, dès lors que les conditions du rappel d’impôt n’étaient pas réunies. Elle a également accepté d’annuler l’amende pour cette même période fiscale, étant donné qu’une tentative de soustraction ne pouvait être commise par négligence. Pour le surplus, l’autorité intimée a conclu au rejet du recours.

Les conditions d’une soustraction d’impôt étaient remplies. Notamment, les intéressés s’étaient laissés délibérément taxer sur une fortune imposable nettement inférieure à leur réelle capacité contributive. Ils n’avaient ainsi pas tout entrepris pour s’assurer que leurs taxations initiales fussent complètes et exactes. En fixant la quotité des amendes à 0.5 fois les impôts éludés, elle n’avait pas outrepassé son pouvoir d’appréciation. En effet, il existait une disproportion manifeste entre les taxations initiales et la fortune réelle des recourants.

11.         Par réplique du 2 avril 2025, les contribuables ont maintenu leur recours. Ils ne s’étaient pas laissés délibérément taxer sur une fortune insuffisante, mais s’étaient fiés aux affirmations des gestionnaires de C______.

12.         Dans sa duplique du 22 avril 2025, l’AFC-GE a persisté dans les termes et les conclusions de sa réponse. Les courriels produits par les recourants avaient été établis les 2 février et 19 novembre 2024, soit au cours de la procédure de contrôle. En outre, ces documents ne se prononçaient pas sur le traitement des assurances-vie en Suisse.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions sur réclamation de l’administration fiscale cantonale (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 49 de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 - LPFisc - D 3 17).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens de l'art. 49 LPFisc.

3.             Dans sa réponse, l’AFC-GE s’est engagée à annuler le bordereau d’ICC 2019, ainsi que l’amende pour cette même période fiscale, étant donné qu’une tentative de soustraction ne peut être commise par négligence. Le tribunal lui en donnera acte. Le recours doit dès lors être admis sur ce point.

4.             Les recourants concluent à l’annulation des bordereaux d’amende des années 2014 à 2018.

5.             Le contribuable qui, intentionnellement ou par négligence, fait en sorte qu’une taxation ne soit pas effectuée alors qu’elle aurait dû l’être, ou qu’une taxation entrée en force soit incomplète est puni d’une amende (art. 175 al. 1 de la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 - LIFD - RS 642.11 ; art. 69 LPFisc).

6.             Selon la jurisprudence (arrêt du Tribunal fédéral 9C_583/2023 du 12 août 2024 consid. 4.1 et les réf.), pour qu'il y ait soustraction d'impôt au sens de l'art. 175 al. 1 LIFD, il faut qu'il y ait soustraction d'un montant d'impôt en violation d'une obligation légale incombant au contribuable (condition objective) et une faute de ce dernier (condition subjective), ainsi qu'un lien de causalité entre le comportement illicite et la perte fiscale subie par la collectivité. Les notions d'intention et de négligence de l'art. 175 LIFD sont identiques à celles de l'art. 12 al. 2 et 3 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0).

Ainsi, agit intentionnellement quiconque commet un crime ou un délit avec conscience et volonté. L'auteur agit déjà intentionnellement lorsqu'il tient pour possible la réalisation de l'infraction et l'accepte au cas où celle-ci se produirait (art. 12 al. 2 CP). La preuve d'un comportement intentionnel de la part du contribuable est considérée comme apportée lorsqu'il est établi avec une sécurité suffisante que celui-ci était conscient du caractère erroné ou incomplet des indications fournies. Si cette conscience est établie, il faut présumer qu'il a volontairement - du moins par dol éventuel - voulu tromper les autorités fiscales, afin d'obtenir une taxation plus favorable. Cette présomption ne se laisse pas facilement renverser, car l'on peine à imaginer quel autre motif pourrait conduire un contribuable à fournir au fisc des informations qu'il sait incorrectes ou incomplètes. En revanche, agit par négligence celui qui, par une imprévoyance coupable, ne se rend pas compte ou ne tient pas compte des conséquences de son acte. L'imprévoyance est coupable lorsque l'auteur n'a pas usé des précautions commandées par les circonstances et par sa situation personnelle, ce par quoi l'on entend sa formation, ses capacités intellectuelles et son expérience professionnelle (ibid.).

Si le contribuable a des doutes sur ses droits ou obligations, il doit faire en sorte de lever ce doute ou, au moins, en informer l'autorité fiscale (ATF 135 II 86 consid. 4.3).

7.             En l’espèce, les contribuables ne contestent pas la réalisation des éléments constitutifs objectifs de la soustraction. En revanche, ils nient avoir commis une faute par négligence, s'opposant à la thèse retenue par l’AFC-GE dans ses bordereaux d’amende du 10 décembre 2024. Ils se prévalent de deux courriels datés respectivement des 2 février et 19 novembre 2024 émanant de gestionnaires de C______, qui indiquent tous deux que leurs contrats d’assurances-vie sont des contrats français, soumis à imposition en France. Lors de leur rachat, un prélèvement forfaitaire obligatoire serait effectué et déduit du montant racheté.

Contrairement à ce qu’ils soutiennent, les recourants ne sauraient justifier leurs déclarations fiscales incomplètes et exciper de leur bonne foi en se fondant sur ces courriels. En effet, ceux-ci ont été rédigés postérieurement au dépôt des déclarations fiscales des années litigieuses. Hormis ces documents, ils ne produisent aucune pièce contemporaine de ces années, dont il résulterait que la valeur de rachat en question n’avait pas besoin d’être déclarée. Au surplus, le fait que, par hypothèse, leurs assurances-vie soient soumises à imposition en France ne les dispensait pas de les annoncer à l’AFC-GE, la Suisse pouvant en tous les cas tenir compte d'éléments de revenu ou de fortune rattachés à la France pour la détermination du taux d’imposition (art. 25 let. B ch. 1 de la Convention du 9 septembre 1966 entre la Suisse et la France en vue d’éliminer les doubles impositions en matière d’impôts sur le revenu et sur la fortune et de prévenir la fraude et l’évasion fiscale (avec prot. add.) (CDI‑F - RS 0.672.934.91). Par ailleurs, rien n'indique non plus de manière indubitable le risque d'une double imposition, ni le droit de l'Etat français d'imposer les assurances-vie en question, étant donné que les renseignements fournis à ce sujet par les recourants émanent d'une entreprise privée et non pas d'une autorité fiscale française. L’argumentation des recourants en lien avec la double imposition internationale tombe dès lors à faux.

Enfin, on ne voit pas non plus pourquoi il faudrait retenir que les recourants auraient fait preuve d'une diligence suffisante en se fondant sur des renseignements fournis par une société commerciale étrangère, plutôt que sur ceux qu'ils auraient parfaitement pu prendre auprès des autorités du pays où ils étaient fiscalement assujettis.

Il résulte de ce qui précède que c’est à bon droit que l’AFC-GE a retenu l’existence d’une faute commise par les contribuables, sous la forme d’une négligence.

8.             En cas de soustraction d’impôt consommée, l’amende est, en règle générale, fixée au montant de l’impôt soustrait. Si la faute est légère, l’amende peut être réduite jusqu’au tiers de ce montant ; si la faute est grave, elle peut au plus être triplée (art. 175 al. 2 LIFD ; art). Le montant de l’impôt soustrait constitue donc le premier critère de fixation de l’amende, la faute intervenant seulement, mais de manière limitée, comme facteur de réduction ou d’augmentation de sa quotité. En présence d'une infraction intentionnelle sans circonstances particulières, l'amende équivaut en principe au montant de l'impôt soustrait (arrêt du Tribunal fédéral 2C_41/2020 du 24 juin 2020 consid. 9.1). Il convient de réduire ce montant lorsque le contribuable a agi par négligence, celle-ci devant être considérée comme un cas de faute légère au sens de l'art. 175 LIFD (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1007/2012 du 15 mars 2013 consid. 5.2). La bonne collaboration du contribuable dans le cadre la procédure en soustraction d'impôt constitue en principe un élément permettant de réduire la peine (arrêt du Tribunal fédéral 2C_875/2018 du 17 avril 2019 consid. 8.2.2). La quotité précise de l’amende doit par ailleurs être fixée en tenant compte des dispositions de la partie générale du CP, les principes de l’art. 47 CP régissant la fixation de la peine s’appliquant. En droit pénal fiscal, les éléments principaux à prendre en considération sont le montant de l’impôt éludé, la manière de procéder, les motivations, ainsi que les circonstances personnelles et économiques de l’auteur. Les circonstances atténuantes de l’art. 48 CP sont aussi applicables par analogie (ATF 144 IV 136 consid. 7.2.1).

9.             En l’espèce, dans sa décision sur réclamation, l’AFC-GE a réduit la quotité des amendes de 0.75 fois à 0.5 fois les droits soustraits. Il résulte des pièces du dossier que les recourants ont bien collaboré avec l’autorité intimée durant la procédure de soustraction d’impôt, puisqu’ils ont toujours donné suite à ses demandes de renseignements. Cette circonstance doit être prise en compte à leur avantage. En revanche, ils ont commis des soustractions de 2014 à 2018, soit durant cinq années fiscales, ce qui constitue une circonstance aggravante. En présence d’une circonstance atténuante et d’une circonstance aggravante, l’autorité intimée était fondée à s’écarter du minimum légal d’un tiers des impôts soustraits. La quotité arrêtée par l’AFC-GE sera ainsi confirmée.

10.         Au vu de ce qui précède, le recours doit être admis partiellement, dans le sens du considérant 3 ci-dessus.

11.         En application des art. 52 al. 1 LPFisc, 87 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10) et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), les recourants, qui obtiennent partiellement gain de cause, sont condamnés au paiement d’un émolument réduit s’élevant à CHF 500.-. Il est couvert par l’avance de frais de CHF 700.- versée à la suite du dépôt du recours. Le solde de l’avance de frais de CHF 200.- leur sera restitué. Aucune indemnité de procédure ne leur sera allouée, puisqu’ils comparaissent en personne et qu’ils n’ont pas exposé avoir engagé de frais pour leur défense (art. 87 al. 2 LPA ; ATA/595/2020 du 16 juin 2020 consid. 12).


 

PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 30 décembre 2024 par Madame A______ et Monsieur B______ contre la décision sur réclamation de l'administration fiscale cantonale du 10 décembre 2024 ;

2.             l’admet partiellement, dans le sens des considérants ;

3.             met à la charge des recourants, pris conjointement et solidairement, un émolument de CHF 500.-, lequel est couvert par l'avance de frais ;

4.             ordonne la restitution aux recourants du solde de l’avance de frais de CHF 200.- ;

5.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

6.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 30 jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Siégeant: Olivier BINDSCHEDLER TORNARE, président, Laurence DEMATRAZ et Giedre LIDEIKYTE HUBER, juges assesseures.

 

Au nom du Tribunal :

Le président

Olivier BINDSCHEDLER TORNARE

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

Genève, le

 

La greffière