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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/1841/2024

JTAPI/329/2025 du 31.03.2025 ( ICCIFD ) , REJETE

Descripteurs : IMPÔT À LA SOURCE;DÉCISION SUR OPPOSITION;RETARD;MOTIF DE RÉVISION
Normes : LIFD.41.al3
En fait
En droit
Par ces motifs

république et

canton de genève

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1841/2024 ICCIFD

JTAPI/329/2025

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 31 mars 2025

 

dans la cause

 

 

Madame A______ et Monsieur B______

contre

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS

 


 

EN FAIT

1.             Le litige concerne la taxation 2022 de Madame A______ et Monsieur B______, alors domiciliés en France voisine et soumis à l’impôt à la source.

2.             Après avoir déposé une demande de taxation ordinaire ultérieure le 27 mars 2023, les contribuables ont rempli une déclaration fiscale et, par bordereaux datés du 24 janvier 2024, l’administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE) les a taxés pour l’année 2022. 

3.             Par lettre datée du 19 février 2024, les contribuables ont élevé réclamation à l’encontre de ces taxations qui leur avaient été notifiées le 24 janvier précédent.

Une erreur s’était produite lorsqu’ils avaient rempli leur déclaration fiscale 2022. Ils avaient, en effet, omis de déclarer les frais de garde. A cet effet, ils produisaient une déclaration modifiée.

4.             Par décisions du 30 avril 2024, l’AFC-GE a déclaré la réclamation irrecevable pour cause de tardiveté la réclamation formée le 5 avril précédent.

5.             Par acte du 29 mai 2024, les contribuables, sous la plume de leur conseil, ont interjeté recours devant le Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) en demandant la prise en considération des frais de garde, qui n’avaient pas été admis en déduction.

6.             Dans sa réponse du 12 juillet 2024, l’AFC-GE a conclu au rejet du recours.

Certains éléments permettaient de douter que la réclamation ait été formée le 19 février 2024. En effet, la déclaration fiscale avait été reçue le 28 mars suivant, comme l’attestait le tampon apposé sur celle-ci. En outre, elle avait été téléversée le 18 mars 2024. Enfin, le tampon figurant sur la page de synthèse fixait le moment de la réception au 5 avril suivant. Dès lors, même si la réclamation portait la date du 19 février 2024, il ressortait des éléments susmentionnés qu’elle avait été déposée après ce jour. La date de sa réception, soit le 28 mars 2024, apparaissait comme la véritable date de la réclamation.

Au surplus, les conditions de la révision n’étaient manifestement pas remplies. En effet, les recourants auraient pu faire valoir leurs arguments au cours de la procédure ordinaire.

7.             Les contribuables n’ont pas produit d’écriture de réplique.

 

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions sur réclamation de l’administration fiscale cantonale (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 49 de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 - LPFisc - D 3 17 ; art. 140 de la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 - LIFD - RS 642.11).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 49 LPFisc et 140 LIFD.

3.             Étant donné que les décisions attaquées sont des décisions d’irrecevabilité, seule la question de l’irrecevabilité peut faire l’objet du présent recours et non les taxations en tant que telles. En conséquence, le tribunal doit d’abord examiner si les conditions formelles de la recevabilité (forme écrite, délai, motivation, moyen de preuve, etc.) sont ou non remplies et, si tel n’est pas le cas, il doit rejeter le recours déposé devant elle sans examiner lui-même le détail des taxations (arrêt du Tribunal fédéral 2C_930/2018 du 25 octobre 2018 consid. 3).

4.             Au vu de cette jurisprudence, il convient uniquement de déterminer si c’est à bon droit que l’AFC-GE a estimé que la réclamation a été déposée tardivement. Le tribunal ne peut, en revanche, examiner les griefs des recourants relatifs à l’octroi d’une déduction pour frais de garde.

5.             À teneur des art. 39 al. 1 LPFisc et 132 al. 1 LIFD, le contribuable peut adresser à l'autorité de taxation une réclamation écrite contre la décision de taxation dans les 30 jours qui suivent sa notification.

Ce délai commence à courir le lendemain de la notification. Il est considéré comme respecté si la réclamation est remise à l'autorité de taxation, à un office de poste suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse à l'étranger le dernier jour ouvrable du délai au plus tard (art. 41 al. 1 LPFisc et art. 133 al. 1 LIFD). Celui qui n'agit pas dans le délai prescrit est forclos et le jugement ou la décision en cause acquièrent force obligatoire (ATA/923/2018 du 11 novembre 2018 consid. 2c et les références citées).

6.             Le fardeau de la preuve du délai de dépôt de la réclamation (plus précisément de la date de dépôt de la réclamation) incombe au réclamant, tandis que l’autorité de taxation supporte la charge de la preuve de l’exécution et du moment de la notification (arrêt du Tribunal fédéral 2C_166/2018 du 12 novembre 2018 consid. 2.1 et 2.3).

Les règles relatives à ce type de délai nécessitent une stricte application, ceci pour des motifs d'égalité de traitement et d'intérêt public lié à une bonne administration de la justice et à la sécurité du droit. Ainsi, l'irrecevabilité qui sanctionne le non-respect d'un délai n'est en principe pas constitutive d'un formalisme excessif prohibé par l'art. 29 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) (ATF 125 V 65 consid. 1).

7.             Passé le délai de trente jours, une réclamation n’est recevable que si le contribuable établit que par suite de service militaire, de service civil, de maladie, d’absence du pays ou pour d’autres motifs sérieux, il a été empêché de présenter sa réclamation en temps utile et qu’il l’a déposée dans les trente jours après la fin de l’empêchement (art. 41 al. 3 LPFisc et 133 al. 3 LIFD).

8.             Les conditions pour admettre un empêchement sont très strictes. La restitution du délai suppose que le contribuable n’a pas respecté le délai légal en raison d’un empêchement imprévisible, dont la survenance ne lui est pas imputable à faute (arrêt du Tribunal fédéral 2C_40/2018 du 8 février 2018 consid. 5.1 et 5.2).

9.             En l’espèce, il convient tout d'abord de retenir que le délai de réclamation de 30 jours contre les bordereaux de taxation est échu le vendredi 23 février 2024, les recourants ayant eux-mêmes admis les avoir reçus le 24 janvier 2024. Alors que le fardeau de la preuve leur incombe, les contribuables ne démontrent pas qu’ils ont élevé réclamation le 19 février 2024, ou au plus tard le 23 février 2024, pas plus qu’ils ne fournissent d’explications ou d’offres de preuve qui laisseraient à penser que leur réclamation a été formée à cette date.

Dans sa réponse, l’AFC-GE soutient que la réclamation n’a pas été déposée à la date qu’elle porte – à savoir le 19 février 2024 – mais seulement le 28 mars 2024. Cette version ne tient toutefois pas compte de la seconde déclaration fiscale, téléversée le 18 mars 2024, à savoir la date la plus favorable pour les recourants. Cela étant, même si l’on admettait que la réclamation avait été déposée ce jour-là, elle devrait être déclarée irrecevable pour cause de tardiveté, puisqu'elle excéderait de plus de trois semaines l'échéance du délai de réclamation, survenue le 23 février 2024. Il convient de souligner qu'à la suite des explications de l'autorité intimée, les recourants n'ont offert aucun élément susceptible de les remettre en cause.

Au surplus, les contribuables ne se prévalent d’aucun empêchement au sens des art. 133 al. 3 LIFD et 41 al. 3 LPFisc en raison duquel ils n’auraient pas été en mesure, sans faute de leur part, de réclamer en temps utile.

Au vu de ce qui précède, c’est à juste titre que l’AFC-GE a déclaré la réclamation irrecevable pour cause de tardiveté.

10.         À plusieurs reprises, le tribunal a jugé que lorsqu’un contribuable demande à l’AFC-GE de réexaminer sa taxation, alors que le délai de réclamation a expiré depuis plusieurs mois, cette dernière doit envisager une telle requête comme une demande de reconsidération ou de révision (tout récemment, JTAPI/122/2025 du 3 février 2025).

11.         Aux termes de l’art. 147 al. 1 LIFD, une décision ou un prononcé entré en force peut être révisé en faveur du contribuable, à sa demande ou d’office lorsque des faits importants ou des preuves concluantes sont découverts (let. a), lorsque l’autorité qui a statué n’a pas tenu compte de faits importants ou de preuves concluantes qu’elle connaissait ou devait connaître ou qu’elle a violé de quelque autre manière l’une des règles essentielles de la procédure (let. b) ou lorsqu’un crime ou un délit a influé sur la décision ou le prononcé (let. c). L’art. 147 al. 2 LIFD précise que la reconsidération est exclue lorsque le requérant invoque des motifs qu’il aurait déjà pu faire valoir au cours de la procédure ordinaire s’il avait fait preuve de toute la diligence qui pouvait raisonnablement être exigée de lui.

Le droit cantonal, à l’art. 55 LPFisc, comporte une teneur similaire

12.         Même en présence d’un motif de révision, si le contribuable ou son représentant omet, de manière négligente, de faire valoir celui-ci dans la procédure ordinaire, la révision n’est pas possible, la jurisprudence se montrant stricte à cet égard (arrêt du Tribunal fédéral 2C_245/2019 du 27 septembre 2019 consid. 5.3 et les références citées). Le seul facteur décisif est ainsi celui de savoir si le contribuable aurait déjà pu présenter les motifs de révision dans la procédure ordinaire, le but de la procédure extraordinaire et subsidiaire de la révision n’étant pas de réparer les omissions évitables du contribuable commises au cours de la procédure ordinaire (arrêt du Tribunal fédéral 2C_245/2019 du 27 septembre 2019 consid. 5.3 et les références citées). Il appartient en effet à ce dernier de contrôler la décision de taxation lorsqu’il la reçoit et de signaler en temps utile les vices dont elle serait affectée (arrêt du Tribunal fédéral 2C_212/2016 du 6 septembre 2016 consid. 5.2).

Il n’est ainsi pas possible de déroger aux principes régissant la révision, quand bien même le résultat de leur application est choquant et heurte le sentiment de l’équité (arrêt du Tribunal fédéral 2C_212/2016 du 6 septembre 2016 consid. 5.2 et 5.3).

13.         En l’espèce, dans sa réponse, l’AFC-GE fait valoir que les conditions de la révision ne sont manifestement pas remplies.

Ce point de vue doit être approuvé. Rien ne permet de conclure, à la lecture des écritures des recourants, qu’ils auraient sollicité la révision des bordereaux du 24 janvier 2024. Ils n’ont d’ailleurs pas allégué, et encore moins démontré, que les conditions de la révision ou d’une reconsidération seraient remplies. Enfin, ils ne font valoir aucun argument dont ils n’auraient pas été en mesure de se prévaloir au cours de la procédure ordinaire.

Ne reposant sur aucun motif valable, le recours doit être rejeté.

14.         En application des art. 144 al. 1 LIFD, 52 al. 1 LPFisc, 87 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10) et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), les recourants, qui succombent, sont condamnés, pris solidairement, au paiement d’un émolument qui s’élève à CHF 500.-. Il est couvert par l’avance de frais de CHF 700.- versée à la suite du dépôt du recours. Le solde de l'avance de frais, soit CHF 200.-, leur sera restitué. Aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 29 mai 2024 par Madame A______ et Monsieur B______ contre les décisions sur réclamation de l'administration fiscale cantonale du 30 avril 2024 ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge des recourants, pris conjointement et solidairement, un émolument de CHF 500.-, lequel est couvert par l'avance de frais ;

4.             ordonne la restitution aux recourants du solde de leur avance de frais, soit CHF 200.- ;

5.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

6.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 30 jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Siégeant: Olivier BINDSCHEDLER TORNARE, président, Laurence DEMATRAZ et Giedre LIDEIKYTE HUBER, juges assesseures.

 

Au nom du Tribunal :

Le président

Olivier BINDSCHEDLER TORNARE

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

Genève, le

 

La greffière