Décisions | Tribunal administratif de première instance
JTAPI/173/2025 du 13.02.2025 ( LVD ) , REJETE
En droit
Par ces motifs
| RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||||
| POUVOIR JUDICIAIRE
JUGEMENT DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE PREMIÈRE INSTANCE du 13 février 2025
| ||||
dans la cause
Monsieur A______
contre
Madame B______
COMMISSAIRE DE POLICE
1. Le 2 février 2025, vers 17h40, la police est intervenue au C______[GE] suite à un conflit de couple.
À son arrivée, elle a été mise en présence du couple composé de Monsieur A______ et de Madame B______, lesquels ont expliqué qu’un conflit était survenu et que des coups avaient été donnés. Une ambulance se trouvait également sur place et B______ avait été prise en charge et acheminée au service des urgences.
2. La police a procédé à l’audition de A______ le 2 février 2025 à 20h20.
Il a expliqué avoir rencontré B______ en octobre 2021, avoir emménagé avec elle en février 2022 et s’être marié le 12 décembre de la même année. Ils avaient déménagé à ______[GE] en avril 2023, depuis ______[BE]. Ils avaient eu un fils qui était né le ______ 2024.
Leur relation était compliquée depuis le début, sa femme présentant des troubles psychologiques dus à des événements traumatisants de son enfance. Elle était suivie par un psychologue. Durant sa grossesse, la situation s’était compliquée et la police était intervenue à ses sept mois de grossesse : elle faisait des crises de colère et devenait ingérable, lui jetant des objets dessus et cassant des choses.
Ce jour, sa femme n’avait pas bien dormi, s’étant réveillée pour allaiter leur enfant. Elle était en colère. Vers 17h30, il lui avait proposé d’aller au Maroc ces prochaines semaines pour que son fils puisse rencontrer sa famille : elle avait dit qu’elle ne voulait pas aller à Marrakech dans « ce pays de pervers » et avait continué à crier, à l’injurier et à le menacer. Il était assis sur le canapé tenant le bébé dans ses bras lorsqu’elle était venue vers lui, lui avait tiré les cheveux et lui avait donné une claque sur la joue gauche avec sa main droite. Il lui avait dit qu’il ne fallait pas qu’elle fasse cela car il tenait son fils et ce que c’était dangereux. Il s’était alors levé et avait posé la main gauche sur son épaule droite pour l’écarter de lui, tenant toujours son fils avec son bras droit. À ce moment-là, elle s’était jetée par terre. Il n’avait pas vu si sa tête avait touché le sol ou non. Il lui avait alors dit que si elle ne se calmait pas, il allait contacter la police, mais c’était elle qu’il l’avait fait et la police était arrivée.
Il n’avait pas donné de coup sur la tête de sa femme mais avait juste posé sa main sur son épaule pour la repousser. Il était une personne très calme et n’avait jamais frappé sa femme. Il avait essayé de la maîtriser et de la calmer pour ne pas qu’elle lui fasse de mal ou qu’elle se fasse du mal à elle-même. Il n’avait pas non plus menacé sa femme mais lui avait dit qu’il allait appeler la police et les services sociaux pour protéger son fils. Il ne l’avait pas non plus injuriée.
Par contre, sa femme avait dit que sa mère était une pute, « va fan culo » et « PD », et d’autres injures dont il ne se rappelait pas. Elle lui avait tiré les cheveux et donné une gifle sur la joue gauche avec sa main droite. Elle lui avait dit qu’elle allait l’envoyer en prison et en enfer : c’était devenu tellement récurrent que cela était habituel et il ne faisait plus attention.
Il y avait eu régulièrement des épisodes de violence ; sa femme parvenait à rester calme une semaine puis, après, il y avait un conflit.
Lorsqu’elle s’énervait, elle le traitait de « merde », de « PD » et autres, lui tirait les cheveux mais lui essayait de rester à distance. Elle le griffait, le giflait et lui donnait des coups de poing. C’était arrivé quatre ou cinq fois depuis la venue de la police. Elle lançait et cassait tout ce qu’elle trouvait devant elle, retournait les chaises, cassait de la vaisselle, claquait les portes et cassait le mobilier. Les conflits avaient toujours ce modèle de base. Si elle ne se calmait pas, elle essayait de se faire du mal, ce qui était arrivé une fois depuis la dernière intervention de la police. Elle avait par deux fois essayé de sauter du balcon. Elle avait aussi fait une tentative de suicide lorsqu’ils habitaient à ______[BE] en mars 2022.
Il venait à se demander si ce n’était pas la seule manière qu’elle avait trouvé pour extérioriser sa colère et ses émotions.
Il pensait qu’ils allaient se séparer, la situation n’étant plus viable à l’heure actuelle. Il fallait qu’il arrête et qu’il avance dans sa vie sans finir au poste de police à chaque fois. Il était triste pour son fils qu’il vive dans cette situation. C’était un bébé très calme, très joyeux, et il souhaitait qu’il puisse s’épanouir correctement dans un cadre de vie plus sain.
Sa femme ne prenait pas de traitement, elle avait rendez-vous chez son psychologue.
Il craignait qu’en cas d’éloignement, sa femme n’arrive pas s’occuper de leur fils. La famille de sa femme n’avait jamais vu leur fils et n’était pas disponible pour les aider. Une séparation serait bénéfique pour tous les deux mais il fallait que les services sociaux viennent en aide à sa femme pour l’aider avec leur fils pendant cette période.
Il n’avait personnellement pas de famille en Suisse ; tous ses projets professionnels se situaient à ______[GE].
Il fumait du CBD et de temps en temps du haschisch quand son fils n’était pas là, à raison de trois à six joints par semaine.
3. B______ a été entendu par la police le même jour à 22h20.
Elle avait rencontré A______ sur une application de rencontres il y avait quatre ans. En mars 2023, ils avaient emménagé ensemble à ______[GE] et elle avait souhaité continuer à exercer son métier d’infirmière comme à ______[BE] mais son niveau de français n’était pas suffisant. Elle s’était par conséquent inscrite au chômage. De son côté, son mari était musicien dans un groupe de musiques traditionnelles marocaines.
Leur relation avait commencé à se détériorer peu après leur emménagement. Au départ, il s’agissait de petits conflits sans violences physiques mais avec des disputes et des tensions liées à l’honnêteté. Elle reconnaissait qu’elle était un peu jalouse, avait le sentiment que son mari n’était pas totalement transparent avec elle, qu’il lui cachait certaines choses, notamment des messages et des discussions téléphoniques. Cela la mettait mal à l’aise mais elle ne pensait pas qu’il l’avait physiquement trompée. Un autre sujet de dispute était son manque de sérieux. Son mari n’était pas quelqu’un d’organisé, ce qui était frustrant pour elle car elle était très rigoureuse. Lorsqu’elle le confrontait à ce sujet, il minimisait le problème ou adoptait une attitude défensive. Pourtant, quand il faisait l’objet de poursuites, il lui rejetait la faute dessus : cela avait été particulièrement difficile pendant sa grossesse.
Son mari était consommateur quotidien de haschisch.
En été 2024, ils avaient eu un conflit qui avait dégénéré en violences physiques. C’était la première fois. Son mari l’avait giflée au visage, ce qui lui avait fait heurter sa tête contre le mur. Elle avait alors appelé la police. Après cet incident, il était allé dormir chez un ami pendant deux semaines tandis que, de son côté, elle était retournée en Bosnie. Depuis, ils avaient eu quelques disputes concernant les sujets habituels mais rien d’aussi violent que les événements de ce jour.
Ce jour, la journée avait bien commencé car ils avaient prévu de partir en vacances au Maroc. Elle voulait également louer leur appartement à une jeune fille mais son mari n’avait pas été d’accord : cela avait rapidement tendu l’atmosphère. Son mari était allé faire une sieste et à son réveil, elle avait senti qu’il était contrarié. Un moment, elle s’était rendue dans la cuisine, près de l’évier, et une goutte d’huile provenant de la casserole qu’il utilisait lui avait brûlé le visage. Par réflexe, elle avait exprimé sa douleur et s’attendait à ce qu’il s’excuse. Son mari cuisinait souvent de manière brusque et elle le lui avait fait remarquer en lui disant : « Tu pourrais t’excuser ». Il avait immédiatement réagi en disant qu’elle lui faisait toujours des reproches et que, selon lui, tout était toujours de sa faute. Il lui avait ensuite reproché d’être entrée dans la cuisine alors qu’il était en train de cuisiner. C’était à partir de là que la dispute avait éclaté. Au bout d’un moment, il avait haussé la voix, ce qui ne lui avait pas plu et ils avaient alors commencé à se crier dessus. Pour se calmer, elle était sortie quelque minute prendre l’air. Bien que toujours contrariée, elle s’était légèrement apaisée. Lorsqu’elle était rentrée dans l’appartement, son mari avait immédiatement recommencé à la rabaisser en lui disant qu’elle était incapable de faire les choses correctement. Elle lui avait répondu que c’était lui qui était un bon à rien et qu’il était incapable de se comporter comme un véritable homme. La dispute alors avait pris de l’ampleur au point où ils s’étaient retrouvés face à face. À ce moment-là, son mari tenait leur enfant dans ses bras et était assis. Elle était debout devant lui. Il s’était levé brusquement et l’avait poussée avant de la griffer à deux reprises. Elle avait pris une gifle de chaque côté du visage. Elle était ensuite tombée au sol et il lui avait donné un coup de pied dans la hanche gauche. Elle ne savait plus avec quel pied il l’avait mis le coup à la hanche. Il tenait toujours leur fils dans les bras. Elle n’avait pas rendu de coups à son mari car elle avait peur qu’il la frappe en retour. Son mari l’avait menacée en lui disant « I will kill you » et qu’il allait faire de sa vie un enfer. Ils parlaient entre eux plus souvent en anglais qu’en français. Elle avait fait établir un constat médical.
Les plus grosses disputes avaient eu lieu avant l’accouchement et ce jour. Elle reconnaissait avoir poussé son mari notamment lors de leur grosse dispute en été 2024 mais il n’avait jamais été sérieusement blessé. Il était exact qu’il lui arrivait de le pousser. Elle ne l’avait par contre pas menacé. Elle l’avait insulté en réponse à ses insultes.
C’était la première fois que leur fils assistait à une dispute.
Elle pensait qu’ils devaient divorcer : son cœur ne le voulait pas mais son cerveau lui disait que c’était la meilleure chose à faire.
Elle était suivie par une psychologue depuis sa grossesse.
Elle n’avait jamais insulté la mère de son mari, ni n’avait insulté ce dernier sauf en lui ayant dit « va fa enculo ». Elle reconnaissait jeter des « trucs » par terre mais c’était des coussins et non des assiettes ou des chaises. Elle n’avait jamais lancé d’objets durs. Tous ce que son mari disait était faux. Elle n’avait jamais tenté de se suicider à ______[BE], ayant cependant eu des périodes de dépression. Elle savait que son mari détenait des enregistrements la montrant cassant des objets, ou nue, ou en train de pleurer, ou encore tenant un couteau sur la balcon – voulant juste le faire réagir ; il l’avait filmée à son insu.
4. Il ressortait ainsi du rapport de renseignements établi par la police le 3 février 2025 qu’aucun des époux ne reconnaissait les faits qui lui étaient reprochés.
5. Chacun des époux a déposé plainte pénale.
6. Par décision du 3 février 2025, le commissaire de police a prononcé une mesure d'éloignement s’étalant du 3 février 2025 à 5h00 au 14 février 2025 à 17h00 à l'encontre de A______, lui interdisant de s'approcher ou de pénétrer à l'adresse privée de B______, située C______[GE], et de contacter ou de s'approcher d’elle.
Selon cette décision, en date du 2 février 2025 vers 17h30, A______ aurait menacé sa femme de mort et de faire de sa vie un enfer. Il l’aurait également giflée à deux reprises et lui aurait donné un coup de pied à la hanche. Précédemment, un conflit verbal et physique où des coups avaient été échangés entre sa femme et lui avait éclaté.
7. Le dossier transmis au tribunal par la police contient notamment un certificat médical établi aux Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG) le 2 février 2025 concernant B______, comprenant des photos de ses lésions.
8. A______ a fait opposition à cette décision par acte du 7 février 2025 reçu par le Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) le 10 février 2025.
Il n’adressait pas son courrier pour revenir à la maison mais plutôt pour réfuter toutes les allégations et accusations dont il faisait l’objet, tout en continuant de rester loin de sa maison et en faisant tout ce que le commissaire lui avait demandé, même s’il estimait qu’il était lui la victime de violences conjugales. Il tenait également à indiquer que ce n’était pas la première fois que sa femme l’attaquait. Sa femme souffrait de traumatismes dont la manifestation était des crises de colère aiguës qui la métamorphosaient au point de ne plus savoir ce qu’elle faisait. Il avait fourni des preuves de son comportement et, à cela, s’ajoutait que la police était venue plusieurs fois et avait vu les dégâts que sa femme lui avait causés.
Cela faisait cinq ans qu’il se trouvait en Suisse et il n’avait jamais eu de problème. Il n’était pas une personne violente, au contraire, il était artiste musicien et sillonnait le pays pour promouvoir l’amour et le vivre ensemble. Il adressait ce courrier car il ne pouvait pas être agressé.
9. A l'audience du 13 février 2025 devant le tribunal, A______ a déclaré qu'il confirmait son opposition à la mesure d'éloignement prise par le commissaire de police le 3 février 2025 pour une durée s'étalant du 3 février 2025 à 5h00 jusqu’au 14 février 2025 à 17h00. Il avait pris contact avec l'association VIRES et il avait rendez-vous ce jour à 13h00. Il maintenait cette opposition car cela faisait trois ans qu'il subissait de la violence de la part de sa femme. Il n'avait jamais fait mal à son épouse et n'avait jamais provoqué de conflits. Il n'avait pas tenté d'entrer en contact avec sa femme depuis le prononcé de la mesure. Il pensait que son épouse devrait prendre un traitement pour ses problèmes psychologiques, lesquels s'étaient accentués avec sa grossesse et son accouchement. Il avait contacté les parents de sa femme et ils envisageaient de se réunir tous ensemble afin de discuter de la situation. Il envisageait de rentrer au domicile conjugal et de reprendre une vie de famille tout en discutant avec ses beaux-parents. Les blessures indiquées dans le rapport médical des HUG du 2 février 2025 dernier ne provenaient que de l'automutilation de sa femme. Depuis sa rencontre avec sa femme, il essayait de l'aider par tous les moyens. Si elle souhaitait qu'il arrête de consommer du haschich, il le ferait. De même, s'il devait être mieux organisé, il pourrait le faire. Il était quelqu'un de calme et il avait de la peine de se voir accusé de violences.
Egalement entendue lors de cette audience, B______ a déclaré qu'elle n'était pas totalement d'accord avec les dires de son mari mais qu'elle était d'accord que la mesure prenne fin. Elle confirmait que son mari n'avait pas tenté d'entrer en contact avec elle depuis le prononcé de la mesure. Elle avait elle-même cependant contacté son mari pour lui donner des informations sur leur enfant. Son mari n'avait pas pu voir leur fils depuis le prononcé de la mesure. Elle a confirmé qu'ils rencontraient des difficultés dans leur couple et qu'elle voyait leur futur avec beaucoup de difficultés ; ils allaient devoir faire preuve de patience et son mari devrait arrêter sa consommation de haschich. Elle pensait, pour sa part, qu'ils devraient collaborer au maximum pour le bien de leur enfant, mais à terme, elle envisageait de divorcer. Elle admettait que, par le passé, elle s'était déjà automutilée et qu'elle avait eu des périodes de grandes anxiétés dans son adolescence, car elle n'avait pas eu une adolescence facile. Les blessures décrites dans le rapport des HUG provenaient des coups reçus de la part de son mari. Elle était suivie par une psychologue à raison d'une fois par semaine. Elle estimait qu'elle était capable d'admettre ce qui n'allait pas chez elle et il serait bénéfique que son mari puisse en faire de même, sans mettre toute la responsabilité de ses actes sur ses épaules.
Le représentant du commissaire de police a conclu à la confirmation de la décision.
1. Le Tribunal administratif de première instance connaît des oppositions aux mesures d'éloignement prononcées par le commissaire de police (art. 11 al. 1 de la loi sur les violences domestiques du 16 septembre 2005 - LVD - F 1 30), sur lesquelles il est tenu de statuer dans les quatre jours suivant réception de l'opposition, avec un pouvoir d'examen s'étendant à l'opportunité (art. 11 al. 3 LVD).
2. Déposée en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, l'opposition est recevable au sens de l'art. 11 al. 1 LVD.
3. La victime présumée doit se voir reconnaître la qualité de partie, dès lors qu'en tant que personne directement touchée par la mesure d'éloignement (art. 11 al. 2 LVD et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 - CEDH - RS 0.101), elle répond à la définition de partie au sens de l'art. 7 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).
4. La LVD a pour but de contribuer à la protection de la personnalité dans le cadre familial et domestique en soutenant et en renforçant les efforts de lutte contre les violences domestiques (art. 1 al. 1 LVD).
Par « violences domestiques », la loi désigne une situation dans laquelle une personne exerce des violences physiques, psychiques, sexuelles ou économiques sur une autre personne avec laquelle elle est liée par un rapport familial, conjugal, de partenariat ou d'union libre, existant ou rompu (art. 2 al. 1 LVD).
Par « personnes concernées par les violences domestiques », la loi vise notamment les victimes et les auteurs de violences domestiques, les proches de ces personnes ainsi que les professionnels du domaine (art. 2 al. 2 LVD).
Selon l'art. 8 al. 1 LVD, la police peut prononcer une mesure d'éloignement à l'encontre de l'auteur présumé d'actes de violence domestique, si la mesure paraît propre à empêcher la réitération de tels actes.
Selon l'art. 8 al. 2 LVD, une mesure d'éloignement consiste à interdire à l'auteur présumé de
a) pénétrer dans un secteur ou dans des lieux déterminés ;
b) contacter ou approcher une ou plusieurs personnes.
La mesure d'éloignement est prononcée pour une durée de dix jours au moins et de trente jours au plus (art. 8 al. 3 LVD).
Il ressort des travaux préparatoires relatifs à la révision de la LVD en 2010, que la volonté clairement exprimée par le législateur était de simplifier la loi, de manière à en favoriser une application plus régulière et effective. Dans ce sens, le nouvel art. 8 al. 1 LVD ne vise plus une mesure qui serait nécessaire pour écarter un danger relatif à des actes de violences domestiques, mais qui doit être simplement propre à empêcher la réitération de tels actes. En revanche, la loi continue à poser pour condition l'existence d'une présomption que des actes de violences domestiques ont été commis auparavant (rapport de la commission judiciaire et de la police chargée d'étudier le PL 10582, p. 11).
Ainsi que cela résulte des principes rappelés ci-dessus, les violences à l'origine de la mesure d'éloignement n'ont pas à être prouvées. Il suffit que l'on puisse présumer, sur la base de l'ensemble des circonstances, qu'elles ont eu lieu. La LVD est ainsi faite pour protéger la personne dont il paraît plausible qu'elle a été victime de telles violences, et constitue ainsi un cadre essentiellement préventif. Elle diffère sur ce point d'une procédure pénale, dont l'issue emporte des conséquences beaucoup plus sévères pour l'auteur, et qui est parallèlement soumise à des exigences de preuve plus strictes.
5. En l'espèce, même si les déclarations des intéressés sont pour l’essentiel contradictoires, il ressort néanmoins clairement de ces dernières que la situation entre eux est conflictuelle et tendue, notamment depuis l’été 2024. En tout état, les faits tels que décrits par les deux époux correspondent à la notion de violence domestique, au sens défini plus haut. En particulier, il ressort du rapport médical établi par les HUG après les évènements du 2 février 2025 que B______ présentait des contusions qui peuvent clairement être mises en lien avec une altercation physique entre les époux. Dans ces circonstances, la question n'est pas de savoir lequel des intéressés est plus responsable que l'autre de la situation, ce qui est bien souvent impossible à établir. L'essentiel est de séparer les intéressés en étant au moins à peu près certain que celui qui est éloigné du domicile familial est lui aussi l'auteur de violences. Il sera au surplus tenu compte de la situation de plus grande vulnérabilité de B______, mère d’un jeune enfant de trois mois dont la famille ne semble pas pouvoir apporter un quelconque soutien, habitant au Tessin et en Bosnie.
Dans ces circonstances, vu en particulier le caractère récent des événements, de la situation visiblement conflictuelle et complexe dans laquelle les deux intéressés se trouvent, la mesure d’éloignement prononcée le 3 février 2025 apparait comme adéquate et justifiée et la perspective qu'ils se retrouvent immédiatement sous le même toit apparaît inopportune, quand bien même il est évident qu'une mesure d'éloignement administrative ne permettra pas, à elle seule, de régler la situation et que celle-ci sa terminera déjà le 14 février 2025 à 17h00.
Par conséquent, étant rappelé, comme précisé plus haut, que les mesures d'éloignement n'impliquent pas un degré de preuve, mais une présomption suffisante des violences et de la personne de leur auteur, le tribunal confirmera, en l'espèce, la mesure d'éloignement prononcée à l'égard de A______. Prise pour une durée de onze jours, soit proche de la durée la plus courte prévue par la loi, elle n'apparaît pas d'emblée disproportionnée, l’intéressé ayant expliqué qu’il avait déjà quitté à plusieurs reprises le domicile conjugal afin d’apaiser une situation conflictuelle et qu’il s’était opposé à la mesure non pas pour revenir au domicile mais pour contester les accusations de violence dont il faisait l’objet. Dans ces conditions, l'atteinte à sa liberté personnelle résultant de la décision entreprise, qui apparaît utile, nécessaire et opportune, demeure acceptable, étant observé qu'aucune autre mesure moins incisive ne serait envisageable pour atteindre le but fixé par la LVD.
6. Par conséquent, l'opposition rejetée et la mesure d'éloignement confirmée dans son principe et sa durée.
7. Il ne sera pas perçu d'émolument (art. 87 al. 1 LPA).
8. Un éventuel recours déposé contre le présent jugement n'aura pas d'effet suspensif (art. 11 al. 1 LVD ; rapport rendu le 1er juin 2010 par la commission judiciaire et de la police chargée d'étudier le PL 10582, p. 17).
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF
DE PREMIÈRE INSTANCE
1. déclare recevable l'opposition formée le 7 février 2025 par Monsieur A______ contre la mesure d’éloignement prise à son encontre par le commissaire de police le 3 février 2025 pour une durée s’étalant du 3 février 2025 à 5h00 au 14 février 2025 à 17h00 ;
2. la rejette ;
3. dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ;
4. dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 30 jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant ;
5. dit qu'un éventuel recours contre le présent jugement n'aura pas d'effet suspensif.
Au nom du Tribunal :
La présidente
Sophie CORNIOLEY BERGER
Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.
| Genève, le |
| La greffière |