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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/2818/2024

JTAPI/88/2025 du 27.01.2025 ( LCR ) , ADMIS

Descripteurs : DÉLIT DE CHAUFFARD;RETRAIT DU PERMIS À TITRE PRÉVENTIF;EXPERTISE
Normes : LCR.14; LCR.15d; LCR.90.al3; OAC.30.al1; OAC.30.al2
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2818/2024 LCR

JTAPI/88/2025

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 27 janvier 2025

 

dans la cause

 

Monsieur A______, représenté par Me Tony DONNET-MONAY, avocat, avec élection de domicile

 

contre

OFFICE CANTONAL DES VÉHICULES

 


EN FAIT

1.             Monsieur A______, né le ______ 2001, est titulaire du permis de conduire pour les véhicules de la catégorie B depuis le ______ 2020 et pour les véhicules de la catégorie A depuis le ______ 2021.

2.             Selon rapport de police établi par la gendarmerie vaudoise le 31 juillet 2024, M. A______ a été intercepté le 28 juillet 2024 après avoir fait l'objet, le même jour à 15 h 52, d'un constat de dépassement de la vitesse maximale autorisée alors qu'il était au guidon d'un motocycle, au lieu-dit la Grande Rolat, dans la commune de Le Chenit (Vaud). La vitesse maximale autorisée était de 80 km/h et la vitesse mesurée de 178 km/h, ce qui, marge de sécurité déduite de 5 km/h, représentait un dépassement de la vitesse maximale autorisée de 93 km/h. Son permis de conduire a fait immédiatement l'objet d'une saisie provisoire par la gendarmerie.

3.             Lors de son audition par la police le soir de ces faits, il a expliqué que la raison qui l'avait poussé à commettre ce dépassement de vitesse était qu'il avait vu la route droite et qu'il avait accéléré. Il avait voulu se faire un petit plaisir et n'avait pas regardé sa vitesse. Il faisait beau, il y avait du soleil et la route était sèche. Il ne se rappelait plus des conditions du trafic à ce moment-là. La veille (samedi), il s'était levé vers 12 h 00 après une période de sommeil de sept heures. Pendant la soirée, il était resté chez lui pour jouer à des jeux vidéo et s'était couché vers quatre ou cinq heures du matin le dimanche, avant de se réveiller vers 12 h 00. Il avait ensuite rejoint des amis vers 14 h 30 dans une station-service à Genève.

4.             Invité par l'office cantonal des véhicules (ci-après : OCV) à exercer son droit d'être entendu, M. A______ a expliqué notamment, par courrier du 14 août 2024, qu'il reconnaissait l'infraction, présentait toutes ses excuses et assurait que cela ne se reproduirait plus. Il avait déjà entamé plusieurs démarches personnelles pour éviter cela dans le futur. Le jour des faits, il avait passé une mauvaise matinée suite à une mauvaise nouvelle concernant sa grand-mère, tombée gravement malade, et dont il était resté très proche. Pour se détendre, il avait décidé d'aller tranquillement faire une balade à l'écart de Genève. Au moment de l'excès de vitesse, il avait vu la route dégagée et sans mouvement et avait accéléré un peu. Une moto sportive accélérait très vite et il n'avait pas remarqué à quelle vitesse il roulait. Il s'excusait d'avoir commis ce crime, ayant la tête ailleurs, pensant à sa grand-mère et à l'injustice de sa maladie. Il avait d'ailleurs vendu sa moto suite à cette situation, car il avait peur et était conscient des risques qu'il encourait ou faisait encourir à autrui. La perte de son permis de conduire était très gênante, car il reprenait des études après son service militaire et devait également assumer un emploi d'étudiant. Il finissait en réitérant ses excuses pour cette situation très grave.

5.             Par décision du 19 août 2024, l'OCV a prononcé le retrait préventif du permis de conduire et du permis d'élève conducteur catégorie A de M. A______ pour une durée indéterminée et avec effet immédiat, ordonnant pour le surplus une expertise visant à évaluer son aptitude caractérielle à la conduite. L'infraction constatée le 28 juillet 2024 constituait un délit de chauffard qui incitait à concevoir des doutes sérieux concernant son aptitude à la conduite de véhicules à moteur.

6.             Par courrier du 20 août 2024, sous la plume de son avocat nouvellement constitué, M. A______ a demandé à l'OCV la suspension de la procédure administrative. À la découverte du dossier, il apparaissait que de nombreux éléments nourrissaient un doute important quant à la vitesse dénoncée et à l'infraction prétendument commise. S'il regrettait naturellement d'avoir vraisemblablement commis un excès de vitesse, celle-ci devait encore être établie à satisfaction afin d'éviter toute qualification excessive de la faute commise.

7.             Par acte du 30 août 2024, M. A______ a recouru auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) contre la décision rendue le 19 août 2024 par l'OCV, concluant à ce qu'elle soit réformée en ce sens qu'aucun retrait de permis préventif ne soit prononcé et que son permis de conduire lui soit immédiatement restitué. Une équitable indemnité de CHF 2'595.- devait lui être versée.

Hormis le fait qu'en l'occurrence, l'infraction était contestée pénalement, un délit de chauffard devait, selon la volonté claire du législateur, faire l'objet d'un retrait d'admonestation et non pas d'un retrait de sécurité de durée indéterminée.

En outre, le retrait préventif était contraire à la jurisprudence, qui ne retenait pas qu'un délit de chauffard puisse entraîner un doute suffisant sur l'aptitude à la conduite, au point de retirer immédiatement le permis de conduire, à moins de circonstances telles qu'antécédents ou en cas de danger immédiat, et non pas abstrait, pour les autres usagers de la route.

Enfin, le retrait préventif était illégal dans la mesure où il n'avait pas été prononcé dans les 10 jours à compter de la saisir du permis de conduire par la police.

8.             Par écritures du 19 septembre 2024, l'OCV a conclu au rejet du recours.

M. A______ avait reconnu lors de son audition par la police, puis dans son courrier du 14 août 2024, qu'il avait accéléré au guidon de son motocycle sans regarder à quelle vitesse il roulait. La vitesse maximale autorisée de 80 km/h avait été dépassée de plus du double, à 173 km/h, marge de sécurité déduite. Par ce comportement, il dénotait un réel manque d'égards envers les autres usagers de la route, même potentiels, qui n'avaient pas à compter avec des véhicules aussi rapides. Il avait pris le risque de ne pas pouvoir réagir suffisamment tôt en cas de survenance d'un danger, en cas de perte de maîtrise du véhicule ou d'obstacle sur la chaussée. L'importance de l'excès de vitesse commis constituait un délit de chauffard et incitait à concevoir des doutes sérieux quant à son aptitude caractérielle à la conduite des véhicules à moteur. La décision litigieuse était ainsi fondée.

Il résulte du dossier transmis au tribunal par l'OCV qu'avant les faits qui se sont déroulés le 28 juillet 2024, M. A______ n'a eu pour seul antécédent qu'un avertissement prononcé le 16 janvier 2024 pour une faute légère, soit pour avoir dépassé de 16 km/h, marge de sécurité déduite, la vitesse maximale autorisée sur le pont du Mont-Blanc, à Genève, le 6 septembre 2023.

9.             Par courrier du 26 septembre 2024, le tribunal a invité l'OCV à se déterminer expressément sur le bien-fondé de l'argument développé par le recourant concernant les conséquences du dépassement du délai de 10 jours à compter de la saisie de son permis de conduire par la police.

10.         Par écritures du 11 octobre 2024, l'OCV a souligné que ce délai de 10 jours devait s'entendre en tant que jours ouvrés. Dans le cas d'espèce, le permis de conduire avait été saisi le dimanche 28 juillet 2024 et n'était parvenu en main de l'OCV que le vendredi 2 août 2024. En attendant l'arrivée de ce document, cette autorité avait entamé le processus menant au prononcé de la décision de retrait préventif en accordant à M. A______ le droit d'être entendu dans les 15 jours. De ce fait, l'OCV était dans l'impossibilité formelle de prononcer la décision du retrait du permis de conduire à titre préventif dans les 10 jours ouvrés stipulés par la loi. En l'occurrence, cette décision n'avait été prononcée que le quinzième jour ouvré ayant suivi la saisie du permis de conduire, mais seulement le troisième jour ouvré suivant la réception des observations de l'intéressé. Au vu de ces circonstances, ainsi que de la gravité de l'infraction commise par l'intéressé, ce retard n'était pas blâmable.

11.         M. A______ a répliqué par écritures du 6 novembre 2024. La jurisprudence soulignait que, sauf graves antécédents, un unique délit de chauffard ne pouvait à lui seul entraîner des doutes justifiant un retrait de permis préventif. Par ailleurs, l'OCV reconnaissait expressément que le délai de 10 jours prévu par la loi pour prononcer le retrait préventif du permis de conduire suite à une saisie par la police n'avait pas été respecté en l'espèce. La loi ne prévoyait aucune exception pour des circonstances telles que celles avancées par l'OCV.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions de l'office cantonal des véhicules (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 17 de la loi d'application de la législation fédérale sur la circulation routière du 18 décembre 1987 - LaLCR - H 1 05).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.              S'agissant de l'objet du litige, il convient de souligner que le recourant ne conteste la décision litigieuse qu'en ce qu'elle ordonne le retrait préventif de son permis de conduire. Il ne conteste en revanche pas son obligation de se soumettre à une expertise visant à évaluer son aptitude caractérielle à la conduite.

4.             La question est donc uniquement de savoir si les circonstances du cas d'espèce sont de nature à nourrir des doutes sérieux sur l'aptitude du recourant à la conduite de véhicules à moteur et ainsi à légitimer un retrait préventif de son permis de conduire.

5.             Il convient encore de relever que les conclusions du recourant ne portent pas sur une éventuelle suspension de la présente procédure dans l'attente de l'issue de la procédure pénale en cours et qu'en tout état, ainsi qu'il en sera fait mention plus loin, une telle suspension ne se justifierait pas.

6.             Le recourant soutient tout d'abord que le délit de chauffard, réprimé par l'art. 90 al. 3 et 4 de la loi fédérale sur la circulation routière du 19 décembre 1958 (LCR - RS 741.01), ne doit entraîner qu'un retrait d'admonestation dans la mesure expressément prévue par l'art. 16c al. 2 let.abis LCR, soit un retrait punitif de deux ans au moins et non pas un retrait de sécurité de durée indéterminée. Ainsi, la décision litigieuse constituerait une violation de cette dernière disposition légale. Il se fonde à cet égard sur de la jurisprudence et un avis de doctrine dont il sera question plus loin et dont il tire la conclusion qu'un retrait préventif ne peut être prononcé dans un tel cas.

7.             Selon l'art. 90 al. 3 LCR, celui qui, par une violation intentionnelle des règles fondamentales de la circulation, accepte de courir un grand risque d’accident pouvant entraîner de graves blessures ou la mort, que ce soit en commettant des excès de vitesse particulièrement importants, en effectuant des dépassements téméraires ou en participant à des courses de vitesse illicites avec des véhicules automobiles est puni d’une peine privative de liberté d’un à quatre ans.

8.             A teneur de l'alinéa 4 de cette dispositions, l’excès de vitesse est particulièrement important lorsque la vitesse maximale autorisée a été dépassée:

a. d’au moins 40 km/h, là où la limite est fixée au plus à 30 km/h;

b. d’au moins 50 km/h, là où la limite est fixée au plus à 50 km/h;

c. d’au moins 60 km/h, là où la limite est fixée au plus à 80 km/h;

d. d’au moins 80 km/h, là où la limite est fixée à plus de 80 km/h.

9.             Le permis de conduire est retiré pour deux ans au moins si, par une violation intentionnelle des règles fondamentales de la circulation, la personne accepte de courir un grand risque d’accident pouvant entraîner de graves blessures ou la mort, que ce soit en commettant des excès de vitesse particulièrement importants au sens de l’art. 90, al. 4, en effectuant des dépassements téméraires ou en participant à des courses de vitesse illicites avec des véhicules automobiles (art. 16c al. 2 let.abis LCR).

10.         Dans le cas d'espèce, à teneur des éléments du dossier et sous réserve de l'issue de la procédure pénale en cours, dans le cadre de laquelle le recourant conteste, au moins dans une certaine mesure, les faits qui lui sont reprochés, force est de constater qu'avec une vitesse excédant de 93 km/h la vitesse maximale autorisée de 80 km/h, le recourant est supposé avoir commis l'infraction visée par l'art. 90 al. 3 LCR, à savoir un délit de chauffard, qui est en réalité un crime (Yvan JEANNERET, André KUHN, Cédric MIZEL, Olivier RISKE, Code suisse de la circulation routière commenté, 2024, p. 1115 et s. ch. 5.4).

11.         La jurisprudence sur laquelle le recourant appuie son argumentation, à savoir l'arrêt du Tribunal fédéral 1C_154/2018 du 4 juillet 2018, l'arrêt de la Cour administrative du Tribunal cantonal fribourgeois du 13 juillet 2021 (cause n° 603 2021 56) et l'arrêt de la Cour de droit administratif et public du Tribunal cantonal vaudois du 8 mars 2018 (cause n° CR. 2017. 00 23), se retourne en réalité contre l'argumentation qu'il développe à l'appui du grief de violation de l'art. 16c al. 2 let.abis LCR. En effet, ces différents arrêts, qui en citent d'ailleurs bien d'autres, démontrent précisément la possibilité, suivant les circonstances, de prononcer un retrait préventif du permis de conduire en cas de délit de chauffard, soulignant ainsi qu'il n'existe pas d'impossibilité de principe de prononcer un tel retrait. Quant à l'avis exprimé il y a plusieurs années par Cédric MIZEL in Droit et pratique illustré du retrait du permis de conduire, 2015, pp. 423-424, également cité par le recourant, il est en réalité encore plus défavorable à l'argumentation développée par ce dernier, dans la mesure où il exprime l'opinion (manifestement trop sévère au vu de la jurisprudence rendue depuis lors et mentionnée plus haut), selon laquelle un délit de chauffard devrait en principe faire l'objet d'une expertise psychologique assortie d'un retrait préventif du permis de conduire, seules des circonstances particulières permettant à l'autorité de renoncer à une telle mesure.

12.         Au vu de ce qui précède, le grief de violation de l'art. 16c al. 2 let.abis LCR devra être écarté.

13.         Le recourant se plaint ensuite d'une violation des art. 14 et 15d LCR, ainsi que de l'art. 30 al. 1 de l'ordonnance réglant l’admission des personnes et des véhicules à la circulation routière du 27 octobre 1976 (OAC - RS 741.51). Plus précisément, se fondant sur la jurisprudence rendue en la matière, le recourant souligne que son seul antécédent consiste en un simple avertissement et considère qu'en l'espèce, les circonstances dans lesquelles il a excédé la vitesse maximale autorisée ne permettraient pas de retenir, au sujet de son aptitude à la conduite de véhicules à moteur, des doutes suffisamment importants pour justifier un retrait préventif de son permis de conduire.

14.         Selon l'art. 14 al. 1 LCR, tout conducteur de véhicule automobile doit posséder l’aptitude et les qualifications nécessaires à la conduite. Est apte à la conduite, aux termes de l'art. 14 al. 2 LCR, celui qui remplit les conditions suivantes :

- il a atteint l’âge minimal requis (let. a) ;

- il a les aptitudes physiques et psychiques requises pour conduire un véhicule automobile en toute sécurité (let. b) ;

- il ne souffre d’aucune dépendance qui l’empêche de conduire un véhicule automobile en toute sécurité (let. c) ;

- ses antécédents attestent qu’il respecte les règles en vigueur ainsi que les autres usagers de la route (let. d).

15.         Si l'aptitude à la conduite soulève des doutes, la personne concernée fera l'objet d'une enquête dans les cas énumérés de manière non exhaustive à l'art. 15d al. 1 let. a à e LCR (cf. arrêt du Tribunal fédéral 1C_531/2016 du 22 février 2017 consid. 2.1.1), notamment en cas d'infractions aux règles de la circulation dénotant un manque d'égards envers les autres usagers de la route (art. 15d al. 1 let. c LCR). Selon l'art. 90 al. 3 LCR, celui qui, par une violation intentionnelle des règles fondamentales de la circulation, accepte de courir un grand risque d'accident pouvant entraîner de graves blessures ou la mort, notamment en commettant des excès de vitesse particulièrement importants, est puni d'une peine privative de liberté d'un à quatre ans. L'alinéa 3 est toujours applicable lorsque la vitesse maximale autorisée a été dépassée d'au moins 60 km/h, là où la limite était fixée à 80 km/h (art. 90 al. 4 let. c LCR; ATF 140 IV 133 consid. 3.2 p. 136).

En pareil cas, le permis de conduire est généralement retiré à titre provisionnel (retrait préventif selon l'art. 30 OAC de l'ordonnance réglant l'admission des personnes et des véhicules à la circulation routière du 27 octobre 1976 (OAC - RS 741.51) jusqu'à ce que les clarifications soient exécutées (cf. arrêt du Tribunal fédéral 1C_531/2016 du 22 février 2017 consid. 2.1.1 ; ATA/1138/2017 du 2 août 2017 consid. 5d et la référence).

16.         Selon l'art. 30 OAC, le permis de conduire peut-être retiré à titre préventif en cas de doutes sérieux quant à l'aptitude à la conduite d'une personne. Cette disposition institue une mesure provisoire destinée à protéger les intérêts menacés jusqu'à l'issue de la procédure principale portant sur un retrait de sécurité. Vu l'importance du risque inhérent à la conduite des véhicules automobiles, il s'impose qu'un conducteur puisse se voir retirer son permis, à titre préventif, dès que des indices autorisent à penser qu'il représente un risque particulier pour les autres usagers de la route et font douter sérieusement de sa capacité à conduire. Une preuve stricte n'est pas nécessaire. En effet, si une telle preuve était apportée, c'est un retrait de sécurité qu'il y aurait lieu d'ordonner sans plus attendre. Au contraire, le retrait préventif intervient, par définition, avant que tous les éclaircissements nécessaires pour juger de la nécessité d'un retrait de sécurité aient été obtenus. Pour décider d'un retrait préventif, l'autorité doit donc se fonder sur les éléments dont elle dispose en l'état. La prise en considération de tous les éléments plaidant en faveur ou en défaveur de l'aptitude de l'intéressé à la conduite de véhicules automobiles interviendra à l'issue de la procédure au fond (cf. ATF 125 II 492 consid. 2b p. 495; arrêt 1C_514/2016 du 16 janvier 2017 consid. 2.2 ; arrêt 1C_154/2018 du 4 juillet 2018 consid. 4.2).

17.         Si des indices concrets soulèvent des doutes quant à l'aptitude à la conduite de la personne concernée, un examen d'évaluation de l'aptitude à la conduite par un médecin et/ou un examen d'évaluation de l'aptitude à la conduite par un psychologue du trafic doivent être ordonnés (art. 28a al. 1 OAC ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_41/2019 du 4 avril 2019 consid. 2.1 ; 1C_76/2017 du 19 mai 2017 consid. 5 ; cf. aussi ATF 139 II 95 consid. 3.5 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_531/2016 du 22 février 2017 consid. 2.4.2 ; 1C_593/2012 du 28 mars 2013 consid. 3.1). Plusieurs excès de vitesse massif (" délit de chauffard ") ou un autre comportement en matière de circulation routière qui se révèle être particulièrement dangereux et sans égard pour autrui peuvent constituer des indices suffisants pour une possible inaptitude à la conduite. On peut en déduire des motifs caractériels ou de santé psychique, qui justifient un retrait préventif du permis de conduire (cf. art. 90 al. 3 et 4 et 15d al. 1 let. c; arrêt 1C_658/2015 du 20 juin 2016 consid. 2). Même un premier excès de vitesse massif peut, dans certaines circonstances, faire douter de l'aptitude à la conduite, ce qui justifie un retrait préventif et une expertise psychologique (cf. notamment arrêts 1C_658/2015 précité consid. 2 et 3; 1C_604/2012 du 17 mai 2013 consid. 6.1 et 6.2 ; 1C_154/2018 du 4 juillet 2018 consid. 4.2).

18.         En l'espèce, le lieu-dit Grande Rolat, où a eu lieu le dépassement de vitesse reproché au recourant, se situe le long de la route qui va de Le Brassus au Col du Marchairuz, à un endroit où cette route a un tracé absolument rectiligne d'environ 1 km de long et n'a de jonction qu'avec deux ou trois chemins forestiers ou agricoles, la seule route carrossable (menant au lieu-dit Pré de Bière) faisant jonction à l'extrémité tronçon rectiligne ; la route située en rase campagne, en bonne partie à terrain découvert et sans aucune construction ou habitation adjacente (https://www.swisstopo.admin.ch/fr/carte-nationale-swiss-map-raster-25#La-carte-nationale-num%C3%A9rique-au-1:25'000-au-format-raster ; consulté le 24 janvier 2025). Selon les déclarations faites à la police par le recourant le jour même de son interpellation, la chaussée était alors sèche et le temps ensoleillé. Aucun élément du dossier ne permet de remettre en cause ces dernières indications.

Certes, le dépassement de vitesse devrait être considéré comme massif, en tant que la procédure pénale en cours le confirmerait. Il faut cependant tenir compte des circonstances dans lesquelles ce dépassement a été commis. À défaut de toute indication relative au trafic présent sur la chaussée lors des faits, il n'y a pas lieu de tenir compte de l'hypothétique présence d'autres usagers de la route ou de promeneurs se déplaçant le long de cette dernière, quand bien même les faits se sont déroulés dans un lieu relativement touristique, un dimanche d'été, en plein après-midi. Vouloir tenir compte de tels éléments d'aggravation de l'infraction n'est pas possible en se fondant sur une simple hypothèse, certes vraisemblable mais purement gratuite. Ainsi, les éléments du dossier ne permettent pas de considérer qu'en plus du grave danger que constituait une vitesse d'environ 170 km/h, le recourant aurait également fait abstraction d'autres facteurs accentuant encore davantage ce danger, comme par exemple la présence d'habitations d'un côté ou de l'autre de la chaussée, de mauvaises conditions de la route ou de mauvaises conditions de visibilité. Quant au seul antécédent du recourant, il concerne une faute légère, alors que l'intéressé est titulaire du permis de la catégorie B depuis 2020 et de la catégorie A depuis 2021.

Au vu de ce qui précède, et compte tenu de la jurisprudence rappelée plus haut, il n'y a pas lieu de retenir un doute suffisant au sujet de l'aptitude à la conduite du recourant, au point qu'il s'impose de prononcer le retrait préventif de son permis de conduire dans l'attente de l'expertise à laquelle il est par ailleurs soumis.

19.         Le recours devra être admis dans cette mesure.

20.         À toutes fins utiles, le tribunal précisera encore que le grief soulevé par le recourant au sujet de la prétendue violation de l'art. 30 al. 2 OAC aurait dû être rejeté.

21.         Selon l'art. 30 OAC, en cas de doutes sérieux quant à l’aptitude à la conduite d’une personne, l’autorité cantonale peut prononcer le retrait de son permis d’élève conducteur ou de son permis de conduire à titre préventif (al 1). L’autorité cantonale restitue à l’ayant droit le permis d’élève conducteur ou le permis de conduire qui a été saisi par la police si elle n’en prononce pas au moins le retrait à titre préventif dans les dix jours à compter de la saisie (al. 2).

22.         Dans le cas d'espèce, le non-respect du délai impératif de 10 jours n'aurait cependant pas la conséquence retenue par le recourant, mais pourrait tout au plus constituer un acte susceptible de fonder la responsabilité du canton (Y. JEANNERET, A. KUHN, C. MIZEL, O. RISKE, op. cit, p. 1820 ch. 2.11).

23.         Au vu de ce qui précède, le recours sera admis et la décision litigieuse réformée en ce sens que le retrait préventif du permis de conduire du recourant devra être annulé. La décision litigieuse sera confirmée pour le surplus, en tant qu'elle ordonne au recourant de se soumettre à une expertise relative à son aptitude à la conduite des véhicules à moteur.

24.         Vu l'issue du litige, il ne sera pas perçu d'émolument (art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03). L’avance de frais de CHF 500.- versée par le recourant lui sera restitué.

25.         Vu l'issue du litige, une indemnité de procédure de CHF 800.-, à la charge de l'État de Genève, soit pour lui l'office cantonal des véhicules, sera allouée au recourant, étant précisé que selon leur lettre, les art. 87 al. 2 à 4 LPA et 6 RFPA prévoient une indemnité, qui par nature n'équivaut pas à la totalité des frais engagés par la partie qui peut y prétendre.


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 30 août 2024 par Monsieur A______ contre la décision de l'office cantonal des véhicules du 19 août 2024 ;

2.             l'admet ;

3.             réforme la décision de l'office cantonal des véhicules du 19 août 2024 en ce sens que le retrait préventif du permis de conduire de par Monsieur A______ est annulé ;

4.             confiant pour le surplus la décision de l'office cantonal des véhicules du 19 août 2024 ;

5.             dit qu'il n'est pas perçu d'émolument ;

6.             ordonne la restitution au recourant de son avance de frais de CHF 500.- ;

7.             condamne l'État de Genève, soit pour lui l'office cantonal des véhicules, à verser au recourant une indemnité de procédure de CHF 800.- ;

8.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 30 jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Au nom du Tribunal :

Le président

Olivier BINDSCHEDLER TORNARE

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

Genève, le

 

La greffière