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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/91/2025

JTAPI/72/2025 du 21.01.2025 ( MC ) , REJETE

Descripteurs : LEVÉE DE LA DÉTENTION DE L'ÉTRANGER
Normes : LEI.80.al1
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/91/2025 MC

JTAPI/72/2025

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 21 janvier 2025

 

dans la cause

 

Monsieur A______, représenté par Me Philippe CURRAT, avocat

 

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

 

 


 

EN FAIT

1.             Monsieur A______ (alias B______), né le ______ 1999 et originaire du Maroc, mais démuni de tout document d'identité, a déposé en Suisse, le 26 janvier 2017, une demande d'asile, laquelle a fait l'objet d'une décision de rejet et de renvoi. Dans le cadre de cette procédure, l'intéressé avait été attribué au canton du Valais. Par deux fois (les 7 avril 2022 et 17 septembre 2024), l'intéressé a été transféré des Pays-Bas vers la Suisse dans le cadre des Accords Dublin.

2.             Entre le 1er juin 2017 et le 3 mai 2023, M. A______ a été condamné à douze reprises, en particulier pour délit contre la loi fédérale sur les stupéfiants et les substances psychotropes du 3 octobre 1951 (LStup - RS 812.121), opposition aux actes de l'autorité, non-respect d'une assignation à un lieu de résidence ou d'une interdiction de pénétrer dans une région déterminée (pour avoir violé la mesure prise à son encontre par le commissaire de police le 8 mai 2021 et prolongée le 5 mai 2022 par le Tribunal administratif de première instance), vol (au sens de l'art. 139 ch. 1 du code pénal suisse du 21 décembre 1937 ; CP - RS 311.0), recel (au sens de l'art. 160 ch. 1 al. 1 CP) et rupture de ban. Il a par ailleurs fait l'objet de deux mesures d'expulsion judiciaire prononcées, respectivement, par le canton de Berne le 22 mai 2018, puis par le canton de Genève, l'autorité administrative compétente genevoise ayant décidé de ne pas reporter la mesure d'expulsion ordonnée par le Tribunal de police le 31 octobre 2018 pour une durée de cinq ans.

3.             La demande de soutien à l'exécution du renvoi initiée auprès secrétariat d'État aux migrations (ci-après : SEM) en mars 2018 a abouti à l'identification de l'intéressé par les autorités marocaines en février 2021, étant précisé qu'en raison de l'état d'urgence sanitaire qui avait été décrété par les autorités marocaines, le rapatriement de l'intéressé n'était alors pas possible.

4.             Selon communication du SEM du 3 mai 2023, un laissez-passer pouvait désormais être délivré moyennant un délai de trois semaines à compter de l'émission du billet d'avion.

5.             Le 17 septembre 2024, M. A______ a entamé une détention pénale en exécution de plusieurs peines privatives de liberté de substitution relatives à des peines pécuniaires prononcées en raison des infractions pénales mentionnées ci-dessus

6.             Par ordonnance du 18 octobre 2024, le Tribunal d'application des peines et des mesures (TAPEM) a refusé d'accorder la libération conditionnelle à M. A______. À cet égard, l'autorité précitée a retenu notamment ce qui suit: « S'agissant du pronostic, il se présente sous un jour fort défavorable au vu des nombreux antécédents du cité. Il n'a pas su tirer profit des premières condamnations prononcées avec sursis, et les courtes peines privatives de liberté successives prononcées à son encontre ne l'ont pas dissuadé de récidiver. Il a par ailleurs récidivé après l'octroi d'une libération conditionnelle le 8 janvier 2019. Sa situation personnelle demeure inchangée et on ne perçoit aucun effort du cité pour modifier la situation, étant rappelé qu'il fait l'objet d'une mesure d'expulsion de Suisse. Aucun projet concret et étayé n'est présenté, de sorte qu'il se retrouvera à sa sortie de prison dans la même situation personnelle que celle ayant mené à ses dernières condamnations, à savoir en situation illégale en Suisse, sans travail, ni logement. Il indique en outre expressément vouloir rester en Suisse, où il n'a aucune garantie de pouvoir séjourner légalement. En l'état, rien n'indique que le cité saurait mettre à profit une nouvelle libération conditionnelle et le risque qu'il commette de nouvelles infractions apparaît très élevé, étant précisé qu'à teneur des dernières condamnations figurant à son casier judiciaire, ce risque ne se limite pas à des infractions à la LEI ».

7.             Le 28 novembre 2024, la libération de l'intéressé – initialement fixée au 25 décembre 2024 et ensuite au 6 décembre 2024 – a été annoncée pour le 1er décembre 2024.

8.             Durant la détention pénale de M. A______, la Brigade Migration et Retour a procédé, en faveur de l'intéressé, à la réservation d'une place sur un vol DEPA (avec escorte policière) à destination de Marrakech, place confirmée pour le 15 janvier 2025, à 07h00 au départ de Genève.

9.             À sa sortie de prison, le 1er décembre 2024, l'intéressé a été remis entre les mains des services de police en vue de son refoulement.

10.         Le 1er décembre 2024 toujours, à 09h35, le commissaire de police a émis un ordre de mise en détention administrative à l'encontre de M. A______ pour une durée de quatre mois, en application de l'art. 76 al. 1 let. b ch. 1 LEI, renvoyant à l’art. 75 al. 1 let. b, c et h LEI.

Il ressortait du dossier que l'intéressé n'avait aucun lieu de résidence fixe en Suisse, ni aucun lien particulier avec ce pays, ni non plus aucune source légale de revenu.

Lors de son audition, le précité a déclaré qu’il n’était pas d’accord de retourner au Maroc. Il n’était pas en bonne santé et prenait des médicaments.

11.         Le commissaire de police a soumis cet ordre de mise en détention au tribunal le même jour.

12.         Par courriel du 2 décembre 2024, le commissaire de police a informé le tribunal que M. A______ avait été acheminé la veille dans l’après-midi à Belle-Idée, où il avait passé la nuit sous dispositif de surveillance et demeurait ce jour encore.

13.         Toujours le 2 décembre 2024, le conseil de M. A______ a transmis au tribunal un certificat médical du même jour des Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG) – service des mesures institutionnelles, duquel il ressort que l’intéressé n’était pas en état de comparaitre à l’audience du tribunal prévue le 3 décembre 2024, en raison de son état de santé.

14.         Par courriel du 2 décembre 2024, le tribunal a informé les parties du report de l’audience au mercredi 4 décembre 2024, afin que le conseil de M. A______ ait le temps de s’entretenir avec ce dernier si son impossibilité de comparaitre devait être confirmée.

15.         Lors de l’audience du 4 décembre 2024 devant le tribunal, M. A______ a été représenté par son conseil. Celui-ci a confirmé que ce dernier était toujours opposé à son renvoi au Maroc, en raison de sa situation médicale, notamment psychiatrique, et de sa blessure au genou. Il souffrait d’une déchirure ligamentaire datant de 2018, non soignée, qui l’empêchait de marcher correctement et lui causait des douleurs. Il ne pouvait pas envisager un retour au Maroc dans cette situation car il savait qu’il ne pourrait pas y être soigné. L’actuelle hospitalisation de M. A______ était en lien avec ses pensées suicidaires, qu’il avait clairement verbalisées. Ces dernières étaient exclusivement liées à son renvoi au Maroc. Afin de remédier au problème de genou de M. A______, une restructuration ligamentaire pourrait être envisagée comme cela avait été évoqué à l’époque. Il a versé à la procédure un rapport médical de 2021 y relatif, ainsi qu'une lettre de M. A______ du 28 novembre 2024 dans laquelle il faisait état de ses pensées suicidaires. Le précité avait été informé du vol DEPA réservé pour lui le 15 janvier 2025. A l’heure actuelle, son état de santé s’opposait à son renvoi dans les prochaines semaines à venir.

La représentante du commissaire de police a confirmé que le vol du 15 janvier 2025 était toujours d’actualité. Vu la situation de M. A______, une évaluation médicale quant à son aptitude au vol devrait être demandée. A ce stade, le commissaire de police restait dans l’attente du laissez-passer des autorités marocaines. L’état de santé de M. A______ ne saurait s’opposer à l’exécution de son renvoi. Dite exécution pourrait tout au plus être reportée si l’aptitude au vol ne devait pas être immédiatement confirmée.

Le conseil de l’intéressé a plaidé et conclu à ce que soit constatée l’inexigibilité du renvoi de M. A______ pour raison de nécessité médicale ainsi qu’à sa mise en liberté immédiate.

16.         Par jugement du 4 décembre 2024 (JTAPI/1190/2024), le tribunal a confirmé l'ordre de mise en détention pris par le commissaire de police le 1er décembre 2024 à l'encontre de M. A______ pour une durée de quatre mois, soit jusqu'au 31 mars 2025.

17.         Par arrêt du 26 décembre 2024 (ATA/1503/2024), la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) a rejeté le recours interjeté le 16 décembre 2024 par le conseil de l'intéressé contre le jugement du tribunal.

Examinant les problèmes de santé physique de M. A______, de même que ses intentions suicidaires, la chambre administrative a rappelé de manière générale la jurisprudence relative aux situations dans lesquelles des troubles physiologiques ou psychiques étaient susceptibles de faire obstacle au renvoi d'une personne, et plus spécifiquement la jurisprudence selon laquelle ni une tentative de suicide, ni des tendances suicidaires ne constituaient en soi un obstacle rédhibitoire à l'exécution du renvoi. À cet égard, seule une mise en danger présentant des formes concrètes devait être pris en considération. Dans le cas de M. A______, le seul diagnostic psychiatrique médicalement déterminé résultait d'un rapport médical établi le 12 avril 2021, portant sur un trouble de la personnalité antisocial et impulsif. Il résultait également de ce rapport qu'à trois reprises en 2019, le précité avait tenté d'obtenir des autorités ce qu'il estimait alors lui être dû (augmentation du dosage de certains médicaments ou opération du genou) en commettant ou en menaçant de commettre des actes auto agressifs. Ni le nombre, ni le dosage des médicaments prescrits en décembre 2024 ne permettait non plus de conclure à l'existence d'un trouble dépressif d'une certaine gravité. Le dossier ne comptait ainsi aucune mention de comportement auto agressif, hormis les épisodes relatés dans le rapport médical du 12 avril 2021, et, dans la mesure où leur réalité serait confirmée, les tentatives de suicide décembre 2024. Quand bien même il n'y avait pas lieu de mettre en doute la sincérité ni la réalité de la grande détresse dans laquelle la perspective de son retour au Maroc plongeait M. A______, cet état ne pouvait cependant être assimilé sans autre à un état pathologique durable. L'expression d'idées suicidaires était intervenue dans le contexte de l'accélération de la procédure de renvoi forcé au Maroc. Dans ces circonstances, tant cette expression d'intention que son éventuel mise à exécution par les tentatives de suicide alléguées n'étaient pas incompatibles avec le comportement déjà adopté par M. A______ en 2019, visant à infléchir par des actes ou des menaces d'actes auto agressifs les décisions prises à son égard par l'autorité. Il ne pouvait donc être retenu qu'il souffrirait d'une pathologie psychiatrique qui l'exposerait, en cas de retour dans son pays d'origine, un risque pour sa vie. Les mêmes considérations valaient a fortiori pour la lésion du genou droit dont il souffrait.

Sous l'angle de la proportionnalité, M. A______ avait démontré à de multiples reprises, que ce soit par la commission répétée d'infractions ou le non-respect des décisions rendues à son encontre en matière de droit des étrangers, qu'il faisait peu de cas des instructions reçues des autorités. Il existait donc un risque important qu'il ne défère pas à une convocation en vue de son départ et qu'il tente de disparaître dans la clandestinité, de sorte que sa mise en détention constituait le seul moyen pour assurer sa présence le moment venu. Par ailleurs, l'intérêt public à l'exécution de son renvoi, au vu notamment des nombreux actes délictuels commis en Suisse, l'emportait sur son propre intérêt à demeurer en liberté.

18.         Par requête du 10 janvier 2025 envoyée par courriel au tribunal de céans, M. A______, sous la plume de son conseil, a déposé une demande de mise en liberté.

Lors de son bref passage en détention à la prison de Sion, M. A______ avait fait une première tentative de suicide par strangulation le 20 décembre 2024, en se suspendant à la fenêtre de sa cellule avec un lacet. Sa tentative n'avait pas abouti, le lacet ayant cédé sous son poids. En chutant, il avait subi un traumatisme cranio-cervical en se cognant contre une table, avec courte perte de connaissance. Il avait également pris trois comprimés de Valium 10 mg en une prise, en vue de se suicider par une surdose de médicaments.

Après avoir été ramené en prison et placé au cachot, il avait réitéré une tentative de suicide par strangulation dans la nuit du 20 au 21 décembre 2024, se servant d'une couverture. À l'arrivée des secours, il présentait des traces de salive et de sang autour de la bouche, mais sa tentative n'avait pas abouti.

Il avait ensuite été transféré au centre de détention administrative de Favra, avant d'être à nouveau transféré au centre de Frambois.

Le 3 janvier 2025, il avait écrit à son conseil qu'il préférait mourir plutôt que de retourner dans la misère. Il était prêt à faire n'importe quoi, le renvoi signifiant pour lui une fin de vie.

Le 9 janvier 2025, il avait entamé une grève de la faim et de la soif, au motif de sa situation personnelle et de l'état de son genou depuis 2018. Il trouvait injuste de se retrouver en prison et ne voulait pas retourner dans la misère. Il considérait qu'il était chez lui en Europe.

Il existait ainsi une mise en danger qui résultait de ses tentatives de suicide, ainsi que de sa grève de la soif et de la faim. Comme aucune expertise psychiatrique n'avait été réalisée, ses tentatives de suicide étaient les seuls éléments permettant de démontrer sa volonté concrète de mettre fin séjour. Cela impliquait la levée immédiate de sa détention administrative, toute autre solution ayant vraisemblablement à court terme des conséquences dévastatrices sur la santé de M. A______, pouvant aller concrètement jusqu'à la mort dans les prochains jours.

19.         Les tentatives de suicide mentionné ci-dessus sont attestées par un rapport médical établi le 21 décembre 2024 par l'hôpital du Valais. La grève de la faim et de la soif entamée le 9 janvier 2025 résulte d'une déclaration signée à cette date par l'intéressé sur une formule préimprimée de l'établissement de détention de Frambois.

20.         Le 21 janvier 2025, en vue de l'audience devant le tribunal, M. A______ a encore fait parvenir à ce dernier divers documents, à savoir :

un rapport médical établi le 20 décembre 2024 par l'hôpital du Valais après un scanner « neuro crâne et cou vasculaire » effectué le même jour ;

un rapport médical établi par l'hôpital du Valais le 21 décembre 2024 suite à un scanner du cou effectué le même jour ;

un rapport médical établi par l'hôpital du Valais le 21 décembre 2024 suite à une consultation aux urgences le 20 décembre 2024 ;

un rapport médical établi le 23 décembre 2024 par l'hôpital du Valais suite à des radiographies de l'épaule gauche et du genou droit effectuées de 20 décembre 2024 ;

un courrier adressé le 30 décembre 2024 par le service de l'application des peines et mesures du canton du Valais au conseil de M. A______ , indiquant notamment que suite aux tentatives de suicide de ce dernier, des mesures adaptées avaient été immédiatement prises, dont le transfert dans une cellule de sûreté particulière ;

une demande de consultation d'orthopédie signée par un médecin de l'établissement de Frambois le 3 janvier 2025 ;

une note du service de médecine pénitentiaire du canton du Valais en date du 15 janvier 2025, accompagnant le dossier médical de M. A______, lequel contient notamment un journal heure par heure des événements survenus entre le 20 et le 23 décembre 2024 dans le cadre de la détention du précité ;

une déclaration d'annonce de grève de la faim et de la soif signée par M. A______ le 20 janvier 2025 sur une formule préimprimée de l'établissement de détention de Frambois, le début de la grève étant fixé au jour même.

21.         Lors de sa comparution devant le tribunal le 21 janvier 2025, M. A______ a déclaré qu’il était issu d’une famille de trois enfants dans laquelle il occupait la place du milieu. Ils vivaient à C______(Maroc). Son père était mécanicien en imprimerie et sa mère était mère au foyer. Il avait grandi dans la misère, ce qui signifiait qu’il n’y avait parfois rien à manger à la maison. Il avait suivi sa scolarité jusqu’à l’âge de 14 ans. Actuellement son père souffrait d’un cancer et avait encore d’autres atteintes à sa santé. Sa mère était également malade. De 14 à 16 ans, il était resté au Maroc, mais sans occupation, avec le seul rêve de pouvoir venir en Europe. Il avait exercé en Europe différents métiers, par exemple dans l’agriculture ou en tant de sauveteur maritime en Italie. Durant les quatre ou cinq dernières années de son séjour en Europe, il avait eu différents métiers. Il avait assisté des requérants d’asile dans des démarches de traduction ou bien en travaillant en cuisine. Il avait également été laveur de vitres ou employé agricole. Son refus de retourner au Maroc était également lié au fait que l’on n'y jouissait d’aucune liberté ; le pays était dirigé par un dictateur qui écrasait le peuple. Il était révolté également de voir quelle était la destinée de son père qui avait tout donné à ce pays et auquel ce pays n’apportait aujourd’hui aucune aide dans sa maladie. Son père en était réduit à louer son propre lit et c’était tout ce qu’il lui restait, il n’avait plus de logement propre. Quant à sa mère, elle avait la chance d’avoir quand même une chambre issue d’un héritage maternel, mais qu’elle partageait avec deux autres femmes. Sur question de son avocat, il a évoqué Madame D______ qui était son amie intime avec laquelle il vivait depuis quatre ans, ressortissante néerlandaise, avec laquelle il avait aujourd’hui un projet de mariage. C’était une femme forte qui l’avait beaucoup aidé et tiré de ses ennuis.

Sur question de son avocat concernant ce qu’il pouvait exprimer sur ses tentatives de suicide, il a dit qu’il ne supportait pas la détention administrative. C’était un lieu destiné au renvoi. Il n’avait jamais fait de mal à personne et il préférait finalement mourir que de retourner au Maroc. Malgré la peine qu’il causerait à son ami, ainsi qu'à son père et à sa mère, s'il se suicidait, sa situation en détention était trop terrible et il en était arrivé là. Sur question de son avocat, s’il avait la possibilité aujourd’hui de rejoindre son amie aux Pays-Bas, il le ferait immédiatement, et si on lui présentait comme seule autre perspective celle d’être renvoyé au Maroc, il préférait mourir. Il a confirmé son annonce de grève de la faim et de la soif datée de la veille.

La représentante de l'OCPM a à l'audience des documents relatifs aux fêtes que la grève de la faim et de la soif entamée par M. A______ le 9 janvier 2025 avait été interrompue le 12 janvier 2025.

M. A______ a déclaré que cette fois-ci il comptait poursuivre sa grève de la faim et de la soif jusqu’à ce qu’une décision juste soit rendue. Il voulait également mentionner ses séquelles d’un accident au genou subi quelques années auparavant pendant une détention à la prison de Champ-Dollon. Ses séquelles devaient être prises en charge et opérées ici.

La représentante de l'OCPM a produit également un courriel du 21 janvier 2025 en provenance du SEM, portant la mention « Concerne Monsieur E______ », faisant état du classement sans décision formelle, selon l'art. 111c al. 2 LAsi, de la demande multiple de la personne concernée.

Le conseil de l’intéressé a relevé que ce mail, hormis les initiales E______, ne fournissait aucune information permettant un rattachement à M. A______.

Le conseil de M. A______ a conclu à la levée de la détention de ce dernier.

La représentante de l’OCPM a conclu au rejet de la demande de mise en liberté de M. A______ et à la confirmation de sa détention.

EN DROIT

1.            Le Tribunal administratif de première instance (ci-après le tribunal) est compétent pour examiner les demandes de levée de détention faites par l'étranger (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 7 al. 4 let. g de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).

2.            Selon l'art. 80 al. 5 de la loi fédérale sur les étrangers et l’intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20), l’étranger en détention peut déposer une demande de levée de détention un mois après que la légalité de cette dernière a été examinée. L’autorité judiciaire se prononce dans un délai de huit jours ouvrables, au terme d’une procédure orale.

Cela étant, l'art. 7 al. 4 let. g LaLEtr prévoit que la personne détenue peut déposer en tout temps une demande de levée de détention.

Sur ce point, il a été jugé que le droit cantonal peut déroger au droit fédéral, dans la mesure où il étend les droits de la personne détenue (DCCR du 27 mars 2008 en la cause MC/023/2008 et du 24 avril 2008 en la cause MC/026/2008).

Le tribunal statue alors dans les huit jours ouvrables qui suivent sa saisine sur la demande de levée de détention (art. 9 al. 4 LaLEtr).

3.            En l'espèce, la demande de levée de la détention administrative formée par M. A______ par courriel du 10 janvier 2025 n'a pas été suivie d'un courrier postal en bonne et due forme, étant rappelé que la communication électronique n'est pas valable en procédure judiciaire (art. 18A al. 6 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA-GE - E 5 10). Compte tenu de la nature de la cause et du fait que le tribunal n'en a pas averti M. A______, il admettra néanmoins la recevabilité de sa requête. Ce qui précède influe en revanche sur le calcul du délai prévu par l'art. 9 al. 4 LaLEtr mentionné ci-dessus : en effet, la requête, datée du 10 janvier 2025, n'aurait pu parvenir au tribunal par pli postal que le lundi 13 janvier 2025. Le délai de huit jours ouvrable suivant la saisine du tribunal à cette date s'achève le 23 janvier 2025. Par conséquent, rendu le 22 janvier 2025, le présent jugement respecte le délai légal susmentionné.

4.            Selon l'art. 80 al. 7 de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20), La détention est levée dans les cas suivants:

a. le motif de la détention n’existe plus ou l’exécution du renvoi ou de l’expulsion s’avère impossible pour des raisons juridiques ou matérielles;

b. la demande de levée de la détention est admise;

c. la personne détenue doit subir une peine ou une mesure privative de liberté.

5.            En l'espèce, M. A______ soutient que la levée de sa détention avec effet immédiat découlerait de la mise en danger pour sa vie que comporterait la poursuite de sa détention administrative, étant donné les tentatives de suicide qu'il a commises à la fin de l'année 2024, ainsi que la grève de la faim et de la soif qu'il a entamée le 20 janvier 2025.

6.            Dans son arrêt du 26 décembre 2024 mentionné ci-dessus (ATA/1503/2024), la chambre administrative a rappelé de manière approfondie la jurisprudence se rapportant aux circonstances de nature médicale susceptibles d'impliquer l'impossibilité du renvoi d'une personne, et par conséquent, lorsque cette impossibilité est durable, la fin de la détention administrative. La chambre administrative a également rappelé la jurisprudence relative à la question de savoir dans quelle mesure un risque suicidaire doit être pris en considération en tant que risque vital pour la personne concernée. En plus de ces considérants, auxquels il suffit de renvoyer, le tribunal rappellera que le fait qu’une personne souffre de problèmes de nature psychiatrique ou entame une grève de la faim n’est pas en soi un empêchement à sa mise en détention administrative et une telle mesure ne constitue pas pour elle-même un traitement proscrit par l’art. 3 CEDH. La question doit être examinée en rapport avec l’objectif de pouvoir concrètement et effectivement procéder au renvoi de la personne concernée (ATA/184/2017 du 15 février 2017 consid. 10a ; ATA/228/2016 du 14 mars 2016 ; ATA/714/2015 du 9 juillet 2015 consid. 9).

7.            Dans le cas d'espèce, M. A______ voit une évolution de sa situation dans le fait que dans l'arrêt susmentionné de la chambre administrative, cette juridiction n'avait pas été en mesure de prendre en considération comme un élément avéré la tentative de suicide qu'il avait fait le 20 décembre 2024, ni la deuxième tentative de suicide effectué immédiatement après. M. A______ relève que selon les documents médicaux nouvellement versés à son dossier, ses tentatives doivent désormais être considérées comme des faits avérés, prouvant le risque imminent que cela implique pour sa vie. Il en va a fortiori de même, selon lui, pour la grève de la faim et de la soif qu'il a entamée le 20 janvier 2025.

Sa lecture de l'ATA/1503/2024 du 26 décembre 2024 et des principes jurisprudentiels sur lesquels il se fonde est toutefois biaisée. En effet, il découle de cet arrêt que la chambre administrative a tenu son raisonnement en relevant certes que les tentatives de suicide n'étaient qu'alléguées par le courrier du conseil de l'intéressé du 23 décembre 2024, mais en relevant en tout état que ce comportement correspondait à celui qu'avait déjà adopté M. A______ en 2019, tentant d'infléchir les autorités par des actes ou menaces d'actes auto agressifs. Il ne pouvait par ailleurs être retenu qu'il souffrait d'une pathologie psychiatrique l'exposant à un danger vital en cas de retour dans son pays.

Sous cet angle, les éléments actualisés du dossier de M. A______ ne modifient en rien cette appréciation, étant d'ailleurs relevé que sa grève de la faim et de la soif entamée le 9 janvier 2025 s'est achevée trois jours plus tard. Le comportement de l'intéressé continue ainsi à tenter de mettre les autorités sous pression aux fins d'obtenir ce à quoi il estime avoir droit, ainsi que l'ont d'ailleurs encore relevé récemment les médecins. En effet, il résulte du rapport de consultation aux urgences du 21 décembre 2024, établi par l'hôpital du Valais, qu'il s'agit d'un patient revendicateur avec des gestes auto agressifs et des menaces hétéros agressives en entretien, faisant évoquer une péjoration d'éventuels traits de personnalité antisociale.

Bien que compréhensibles, comme également relevé par la chambre administrative, les craintes exprimées par M. A______ au sujet d'un retour au Maroc se fondent sur des considérations générales de nature socio-économique qui concernent une grande partie de la population du pays et ne démontrent pas une situation de détresse qui l'affecterait pour des raisons tout à fait spécifiques.

Quant à la relation de couple qu'il entretiendrait aux Pays-Bas avec une ressortissante de ce pays, dont l'existence n'est au demeurant pas démontrée, il s'agit d'un élément dont, en raison de son caractère d'extranéité, la Suisse n'a en tout état pas à tenir compte sous l'angle de la protection de la vie privée garantie par l'art. 8 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101).

8.            Au vu de ce qui précède, la requête de mise en liberté déposée par M. A______ devra être rejetée. En tant que de besoin, la détention administrative sera confirmée jusqu'au 31 mars 2025.

9.            Conformément à l'art. 9 al. 6 LaLEtr, le présent jugement sera communiqué à M. A______, à son avocat et à l’OCPM. En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), il sera en outre communiqué au secrétariat d'État aux migrations.


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable la demande de mise en liberté formée le 10 janvier 2025 par Monsieur A______ ;

2.             la rejette et confirme en tant que de besoin la détention jusqu'au 31 mars 2025 ;

3.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 10 al. 1 LaLEtr et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 10 jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Au nom du Tribunal :

Le président

Olivier BINDSCHEDLER TORNARE

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée à Monsieur A______, à son avocat, à l’office cantonal de la population et des migrations et au secrétariat d'État aux migrations.

Genève, le

 

La greffière