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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/322/2024

JTAPI/683/2024 du 09.07.2024 ( OCPM ) , REJETE

ATTAQUE

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/322/2024

JTAPI/683/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 9 juillet 2024

 

dans la cause

 

Monsieur A______, représenté par Me Olfa DESCHENAUX, avocate, avec élection de domicile

 

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

 


EN FAIT

1.             Monsieur A______, né le ______ 1995, est ressortissant colombien.

2.             Par décision du 23 janvier 2024, exécutoire nonobstant recours, l'office cantonal de la population et des migrations (ci‑après : OCPM) a prononcé son renvoi de Suisse ainsi que du territoire des états-membres de l'Union européenne et des états associés à Schengen, en application de l’art. 64 de la loi fédérale sur les étrangers et l’intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20) avec un délai de départ au 23 février 2024 au motif qu’il n'était pas en possession d'un visa ou d'un titre de séjour valables, qu’il n’avait pas présenté les documents nécessaires pour justifier l’objet et les conditions du séjour et que ses moyens financiers étaient insuffisants, tant pour la durée du séjour envisagé que pour le retour dans son pays d'origine ou le pays de transit.

Il avait été interpellé le 12 novembre 2023 par les services de police genevois et avait été prévenu d'infraction à l'art. 115 LEI. A cette occasion, il avait déclaré séjourner en Suisse sans autorisation depuis le 26 septembre 2023. Selon le tampon dans son passeport national valable, il était en France le 1er avril 2018. Il avait actuellement deux procédures pénales en cours d'instruction auprès du Ministère public de Genève, soit le 21 avril 2021 pour brigandage et le 13 novembre 2023 pour infraction à l'art. 115 LEI. Au demeurant, son renvoi dans son pays d'origine apparaissait licite, possible et exigible au sens de l'art. 83 LEI.

3.             Par acte du 29 janvier 2024, M. A______, sous la plume de son conseil, a recouru contre cette décision, auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal), concluant préalablement à l'octroi d'un délai pour compléter son recours, à la restitution de l'effet suspensif, à son audition et à celle de sa fiancée Madame B______, à la production des dossiers P/1______ et P/2______, principalement à son annulation, à l'octroi d'une autorisation de séjour en sa faveur afin de faire valoir ses droits devant les juridictions pénales, à renvoyer la cause à l'autorité précédente pour nouvelle décision au sens des considérants, subsidiairement à la suspension de la procédure administrative auprès de l'OCPM et à l'autoriser à demeurer sur le territoire suisse dans l'attente de l'issue définitive des procédures pénales P/1______ et P/2______, le tout sous suite de frais et dépens.

Il était arrivé en Suisse en 2023 pour effectuer un séjour de quelques semaines chez sa mère domiciliée à Genève et titulaire d'un permis C. Sa sœur et son oncle, titulaires d'un permis B, vivaient également à Genève. Il s'était fiancé avec Madame B______ qu'il souhaitait épouser. Des démarches en ce sens allaient être entreprises prochainement. Prévenu de brigandage, il avait été placé en détention provisoire le 15 septembre 2023 pour deux semaines, notamment en raison du risque de fuite. Une audience par-devant le Ministère public avait été fixée le 21 février 2024. Il avait été agressé le 12 novembre 2023 et déposé plainte pénale pour ces faits. Le lendemain, il avait été condamné par ordonnance pénale frappée d'opposition, à une peine pécuniaire de 30 jours-amende à CHF 10.-, avec sursis, pour séjour illégal. Une audience sur opposition avait été fixée le 15 mars 2024 par le Ministère public. Il entendait déposer une demande d'autorisation de séjour auprès de l'OCPM afin de pouvoir assister aux audiences et demeurer en Suisse jusqu'à droit connu sur ces procédures.

Le tribunal devait accorder l'effet suspensif à son recours car un renvoi léserait gravement ses intérêts, toute sa famille résidant en Suisse depuis longtemps. Par ailleurs, une bonne administration de la justice exigeait qu'il soit présent aux audiences citées par le Ministère public. Son absence serait interprétée comme une soustraction à une sanction prévisible.

Il a produit un chargé de pièces dont une attestation du 14 novembre 2023 de sa mère, Madame D______, titulaire d’un permis d’établissement, confirmant sa prise en charge à son domicile et du fait qu’il n’avait plus aucune famille en Colombie, les membres de celle-ci se trouvant tous à Genève.

4.             Dans ses observations du 2 février 2024, l'OCPM a acquiescé exceptionnellement à la restitution de l'effet suspensif au sens de l'art. 66 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA-GE - E 5 10) au vu des procédures pénales dans lesquelles M. A______ était engagé et en particulier de l'audience prévue le 15 mars 2024. Au fond, le recours devait être rejeté, les conditions de l'art. 64 LEI étant réalisées. Son renvoi pouvait et devait être exécuté. Aucun motif ne s'y opposait, que ce soit sous l'angle de l'impossibilité, de l'illicéité ou de l'inexigibilité (art. 83 LEI).

Il a produit son dossier dont un formulaire « droit d’être entendu » du 12 novembre 2023 signifiant au recourant qu’il était susceptible de prononcer une décision de renvoi à son encontre selon les art. 64ss LEI, de proposer au secrétariat d'État aux migrations (ci‑après : SEM) une interdiction d’entrée en Suisse et lui offrant la possibilité de s’exprimer à ce sujet. L’intéressé a fait usage de son droit et expliqué que toute sa famille vivait en Suisse, notamment sa maman et sa compagne, qu’il comptait se marier bientôt et voulait vivre en Suisse.

5.             Par décision du 7 février 2024 (DITAI/49/2024), le tribunal a admis la demande d'effet suspensif et de mesures provisionnelles au recours formée par le recourant.

6.             Dans son complément du 15 février 2024, ce dernier a indiqué n’avoir plus de réseau familial dans son pays d’origine, son père ayant été porté disparu quinze ans auparavant, sa mère, sa sœur, ses neveux et cousins vivant tous à Genève. Sa mère et sa sœur subvenaient à ses besoins et son oncle, gérant d’une entreprise de rénovation, lui réservait un emploi dès l’obtention de son permis de séjour. Sa fiancée, ressortissante italienne et titulaire d’un permis G, résidait en France voisine et était en train d’entreprendre les démarches nécessaires à l’obtention d’un permis de séjour afin de vivre et travailler à Genève où elle comptait l’épouser. Elle préparait actuellement la demande de mariage auprès de l’état civil de Genève. Il avait fui son pays d’origine en 2018 car il était persécuté et menacé de mort par de puissants groupes armés et des gangs de narcotrafiquants. En 2012, alors mineur, il avait été témoin d’intenses souffrances infligées à un citoyen par une bande de narcotrafiquants qui l’avait ensuite tué. Il avait été contraint par la police de témoigner à visage découvert, ce qui l’avait placé dans une situation dangereuse. Il avait ensuite été persécuté, menacé de mort, les malfaiteurs ayant tiré de coups de feu devant sa maison et avaient tenté de l’enlever à plusieurs reprises. Il avait alors quitté la ville où il vivait pour se rendre dans celle où logeait sa grand-mère. En 2015, il avait été retrouvé par les malfaiteurs lesquels l’avaient attaqué avec une arme à impulsion courte. Menacé, il avait à nouveau été contraint de fuir, après avoir déposé plainte pénale. En 2018, il avait rejoint l’Europe. Il avait contacté les autorités colombiennes pour solliciter une copie des documents relatifs à cette affaire afin de les verser à la présente procédure. La Colombie était un pays instable, ravagé par la guerre et les conflits, ce qui était corroboré par le Comité international de la Croix-Rouge (ci-après : CICR) et le Département fédéral des affaires étrangères (ci-après : DFAE). Il souffrait d’un trouble dépressif majeur avec des caractéristiques anxieuses. Son médecin lui recommandait de rester auprès de sa famille.

Son droit d’être entendu avait été violé puisqu’il n’avait pas eu l’occasion de faire valoir son point de vue avant que la décision litigieuse ait été rendue, notamment sur la situation actuelle de la Colombie. Vu la motivation de celle-ci, il était aisé de constaté que le dosser de l’OCPM était presque vide. Son droit au respect de la vie familiale au sens des art. 13 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst - RS 101) et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101) avait été violé. Il entretenait une relation étroite avec sa famille, vivait avec sa mère qui subvenait à ses besoins. Par ailleurs, la relation avec sa fiancée était stable et sérieuse. Son éloignement forcé aurait des conséquences graves sur sa santé. Son renvoi était illicite vu les menaces dont il faisait l’objet dans son pays d’origine. Son avocat colombien avait affirmé dans son courrier du 10 février 2024 qu’il y encourait la mort. La procédure devait être suspendue afin de lui permettre de produire les moyens de preuves permettant de corroborer ses déclarations. Par ailleurs, 14% de la population colombienne avait subi des déplacements forcés en 2018 en raison du conflit armé, de la violence généralisée dans tout le pays et des pénuries, notamment alimentaires. Sa région d’origine était particulièrement exposée vu sa proximité avec le Venezuela.

Il a produit un chargé de pièces dont :

-          une attestation du 20 septembre 2023 établie par Monsieur E______ indiquant qu’il serait embauché en qualité d’ouvrier, au sein de F______, une fois en possession d’un permis de séjour ;

-          une attestation du 10 février 2024 de Monsieur G______, avocat, intervenant à titre privé, confirmant qu’il le connaissait personnellement depuis plus de treize ans et qu’il s’était vu dans l’obligation de quitter la Colombie afin de protéger son intégrité physique et sa vie après avoir fait l’objet de graves menaces de mort pour avoir été témoin d’un crime de sang et qu’il n’était pas opportun qu’il retourne en Colombie étant donné qu’il mettrait son intégrité personnelle et sa vie en danger ;

-          plusieurs articles de presse publiés de 2021 à 2024 et un rapport du CICR daté de 2021 sur la situation en Colombie ;

-          un certificat médical du Dr. H______ du 8 février 2024 faisant état de fréquentes crises d’angoisse avec tachycardie, tremblement, sueurs et boule œsophagienne, de pleurs fréquents, d’une restriction de la vie sociale et affective, de troubles de la concentration et de la logique et d’atteintes somatiques telles que prise de poids, épuisement et désorganisation psychosomatique progressive et attestant qu’il avait besoin de la présence fréquente d’un membre de sa famille ou d’un proche et que tout changement ou épisode soudain pouvaient aggraver sa santé mentale.

7.             Le 8 mars 2024, le recourant a informé le tribunal que les mandats de comparution décernés par le Ministère public pour les audiences des 21 février et 15 mars 2024 avaient été révoqués.

8.             L’OCPM ne s’est pas prononcé plus-avant dans le délai imparti au 1er avril 2024.

9.             A teneur du registre informatisé du pouvoir judiciaire, les procédures pénales dirigées à l’encontre du recourant ont été jointes le 26 avril 2024 en une seule, laquelle est toujours en cours.

10.         Quant à la fiancée du recourant, selon le logiciel informatique Calvin de l’OCPM, elle est bénéficiaire d’une autorisation frontalière OASA/OLCP (livret G), date d’échéance au 10 octobre 2027, pour une activité de masseuse (services érotiques) auprès de I______ SARL à Genève.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions de l'office cantonal de la population et des migrations relatives au statut d'étrangers dans le canton de Genève (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 3 al. 1 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 60 et 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             Selon l’art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). En revanche, les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée en l’espèce.

4.             Il y a en particulier abus du pouvoir d'appréciation lorsque l'autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu'elle viole des principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire et de l'inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3 ; 140 I 257 consid. 6.3.1 ; 137 V 71 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_763/2017 du 30 octobre 2018 consid. 4.2 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2018, n. 515 p. 179).

5.             Saisi d’un recours, le tribunal applique le droit d’office. Il ne peut pas aller au-delà des conclusions des parties, mais n’est lié ni par les motifs invoqués par celles-ci (art. 69 al. 1 LPA), ni par leur argumentation juridique (cf. ATA/386/2018 du 24 avril 2018 consid. 1b ; ATA/117/2016 du 9 février 2016 consid. 2 ; ATA/723/2015 du 14 juillet 2015 consid. 4a).

6.             À titre préalable, il convient de traiter les conclusions du recourant requérant la délivrance d’une autorisation de séjour pour faire valoir ses droits devant les juridictions pénales et à l’autoriser à demeurer sur le territoire suisse dans l’attente de l’issue définitive de celles-ci.

7.             S’agissant de l’objet du litige, il est principalement défini par l’objet du recours (ou objet de la contestation) et les conclusions du recourant et, accessoirement, par les griefs ou motifs qu’il invoque. L’objet du litige correspond objectivement à l’objet de la décision attaquée (ATF 136 V 362 consid. 3.4 et 4.2 ; ATA/353/2023 du 4 avril 2023 consid. 2.1), qui délimite son cadre matériel admissible.

8.             En vertu du principe de l’unité de la procédure, la contestation ne peut excéder l’objet de la décision attaquée, c’est-à-dire les prétentions ou les rapports juridiques sur lesquels l’autorité inférieure s’est prononcée ou aurait dû se prononcer. L’objet d’une procédure administrative ne peut donc pas s’étendre ou qualitativement se modifier au fil des instances, mais peut tout au plus se réduire, dans la mesure où certains éléments de la décision attaquée ne sont plus contestés. Ainsi, si un recourant est libre de contester tout ou partie de la décision attaquée, il ne peut pas prendre, dans son mémoire de recours, des conclusions qui sortent du cadre des questions traitées dans la procédure antérieure (ATA/85/2022 du 1er février 2022 consid. 3a ; ATA/376/ 2016 du 3 mai 2016 consid. 2b et les références citées).

9.             En l’occurrence, la décision de l’OCPM du 23 janvier 2024, qui fait l’objet du présent recours et qui définit le cadre du litige, se détermine sur le renvoi de Suisse du recourant. Dès lors, les conclusions tendant à la délivrance d’une autorisation de séjour et à l’autorisation de demeurer sur territoire helvétique seront déclarées irrecevables puisqu’elles portent sur des questions ne faisant pas l’objet du litige.

10.         Le recourant demande que la procédure soit suspendue afin de lui permettre de produire les moyens de preuves permettant de corroborer ses déclarations.

11.         Lorsque le sort d’une procédure administrative dépend de la solution d’une question de nature civile, pénale ou administrative relevant de la compétence d’une autre autorité et faisant l’objet d’une procédure pendante devant ladite autorité, la suspension de la procédure administrative peut, le cas échéant, être prononcée jusqu’à droit connu sur ces questions (art. 14 al. 1 LPA).

12.         À teneur de l’art. 78 LPA, l’instruction du recours est suspendue par : a) la requête simultanée de toutes les parties; b) le décès d’une partie; c) la faillite d’une partie; d) sa mise sous curatelle de portée générale; e) la cessation des fonctions en vertu desquelles l’une des parties agissait; f) le décès, la démission, la suspension ou la destitution de l’avocat ou du mandataire qualifié constitué.

13.         En l’espèce, la suspension de la procédure dans le but de produire des moyens de preuves n’est pas prévue par les règles de la procédure administrative précitées. Dans la mesure où la suspension de la présente cause ne se justifie ni sous l’angle de l’art. 14 LPA ni sous celui de l’art. 78 LPA, la requête y relative sera donc rejetée.

14.         Dans un grief de nature formel qu’il convient de traiter en premier lieu, le recourant se plaint d’une violation de son droit d’être entendu, dans la mesure où il n’aurait pas eu l’occasion de faire valoir son point de vue avant que la décision litigieuse n’ait été rendue.

15.         Le droit d’être entendu, garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), est une garantie de nature formelle dont la violation entraîne, lorsque sa réparation par l’autorité de recours n’est pas possible, l’annulation de la décision attaquée sans égard aux chances de succès du recours sur le fond (ATF 144 I 11 consid. 5.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_485/2022 du 24 mars 2023 consid. 4.2). Ce moyen doit par conséquent être examiné en premier lieu (ATF 141 V 495 consid. 2.2).

16.         Sa portée est déterminée d'abord par le droit cantonal (art. 41 ss LPA) et le droit administratif spécial (ATF 126 I 15 consid. 2 ; 125 I 257 consid. 3a et les références). Si la protection prévue par ces lois est insuffisante, ce sont les règles minimales déduites de la Constitution qui s’appliquent (art. 29 al. 2 de la - Cst.; arrêt du Tribunal fédéral 4A_15/2010 du 15 mars 2010 consid. 3.1 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2e éd., 2018, pp. 518-519 n. 1526). Quant à l'art. 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101), il n'accorde pas au justiciable de garanties plus étendues que celles découlant de l'art. 29 al. 2 Cst. (arrêt du Tribunal fédéral 4P.206/2005 du 11 novembre 2005 consid. 2.1 et les références).

17.         Le droit d’être entendu est concrétisé à l’art. 41 LPA, selon lequel les parties ont le droit d’être entendues par l’autorité compétente avant que ne soit prise une décision; elles ne peuvent toutefois prétendre à une audition verbale sauf dispositions légales contraires.

18.         Le droit d’être entendu sert non seulement à établir correctement les faits, mais constitue également un droit indissociable de la personnalité garantissant à un particulier de participer à la prise d’une décision qui touche sa position juridique. Il comprend, en particulier, le droit pour la personne concernée de s’expliquer avant qu’une décision ne soit prise à son détriment, de fournir des preuves pertinentes quant aux faits de nature à influer sur la décision, d’avoir accès au dossier, de participer à l’administration des preuves, d’en prendre connaissance et de se déterminer à leur propos. En tant que droit de participation, le droit d’être entendu englobe donc tous les droits qui doivent être attribués à une partie pour qu’elle puisse faire valoir efficacement son point de vue dans une procédure (ATF 138 II 252 consid. 2.2 ; 138 I 484 consid. 2.1 ; 138 I 154 consid. 2.3.2 ; 137 I 195 consid. 2.3.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 8C_472/2014 du 3 septembre 2015 consid. 4.1 ; ATA/80/2016 du 26 janvier 2016 consid. 2). L’étendue du droit de s’exprimer ne peut pas être déterminée de manière générale, mais doit être définie au regard des intérêts concrètement en jeu. L’idée maîtresse est qu’il faut permettre à une partie de pouvoir mettre en évidence son point de vue de manière efficace (ATA/778/2018 du 24 juillet 2018 consid. 3a et les références citées).

19.         En l’espèce, l’OCPM a signifié son intention au recourant le 12 novembre 2023 et lui a offert la possibilité de s’exprimer avant qu’une décision ne soit formellement prise. L’intéressé, entendu par oral, a d’ailleurs exercé son droit, de sorte qu’aucune violation ne peut être retenue. Partant, ce grief sera écarté.

20.         À titre préliminaire, le recourant a requis sa comparution personnelle, l’audition de sa fiancée et la production des procédures pénales dirigées à son encontre et jointes depuis le dépôt du recours.

21.         Tel que garanti par l’art. 29 al. 2 Cst., le droit d’être entendu comprend notamment le droit pour l’intéressé d’offrir des preuves pertinentes, de prendre connaissance du dossier, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l’administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s’exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre. Toutefois, le juge peut renoncer à l’administration de certaines preuves offertes, lorsque le fait dont les parties veulent rapporter l’authenticité n’est pas important pour la solution du cas, lorsque les preuves résultent déjà de constatations versées au dossier ou lorsqu’il parvient à la conclusion qu’elles ne sont pas décisives pour la solution du litige ou qu’elles ne pourraient l’amener à modifier son opinion (ATF 145 I 167 consid. 4.1 ; 140 I 285 consid. 6.3.1 et les arrêts cités ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_576/2021 du 1er avril 2021 consid. 3.1 ; 2C_946/2020 du 18 février 2021 consid. 3.1 ; 1C_355/2019 du 29 janvier 2020 consid. 3.1).

22.         Toutefois, ce droit ne confère pas le droit d’être entendu oralement, ni celui d’obtenir l’audition de témoins (ATF 140 I 68 consid. 9.6.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_381/2021 du 17 décembre 2021 consid. 3.2 ; cf. aussi art. 41 in fine LPA).

23.         En l’espèce, le tribunal estime que le dossier contient les éléments suffisants et nécessaires, tel qu’ils ressortent des écritures des parties, des pièces produites et du dossier de l’autorité intimée, pour statuer en connaissance de cause sur le litige. En outre, le recourant a pu faire valoir ses arguments, dans le cadre de son recours et de sa réplique, et produire tout moyen de preuve utile en annexe à ses écritures, sans qu’il n’explique ce qui, dans la procédure écrite, l’aurait empêché d’exprimer ses arguments de manière pertinente et complète. En particulier, il n’apparaît pas nécessaire d’entendre la fiancée du recourant laquelle ne pourrait, au mieux, que confirmer son souhait d’épouser ce dernier. Quant à l’apport des procédures pénales dirigées contre le recourant, il n’apparaît pas nécessaire pour statuer sur l’issue du litige, la connaissance de l’existence de ces procédures et du fait qu’elles soient en cours sont suffisantes à l’examen du recours.

24.         Partant, il ne sera pas donné suite à ces actes d’instruction, en soi non obligatoires.

25.         Est litigieuse la question du renvoi du recourant.

26.         Aux termes de l’art. 64 al. 1 LEI, les autorités compétentes rendent une décision de renvoi ordinaire à l'encontre d'un étranger qui n'a pas d'autorisation alors qu'il y est tenu (lat. a), d'un étranger qui ne remplit pas ou ne remplit plus les conditions d'entrée en Suisse (art. 5) (let. b) d'un étranger auquel une autorisation est refusée ou dont l'autorisation, bien que requise, est révoquée ou n'est pas prolongée après un séjour autorisé (let. c).

27.         Conformément à l'art. 64 al. 3 LEI, cette décision peut faire l'objet d'un recours dans les cinq jours ouvrables suivant sa notification.

28.         En l’espèce, le recourant reconnait séjourner illégalement en Suisse depuis son arrivée à Genève le 26 septembre 2023, n’ayant entrepris aucune démarche en vue d’obtenir une autorisation de séjour et régulariser sa situation. Dès lors, force est de constater que l’autorité n’avait d’autre choix que de prononcer son renvoi de Suisse et de l’espace Schengen en application de l’art. 64 al. 1 let. a LEI.

29.         Les arguments soulevés par le recourant en lien avec sa situation sont des éléments qui devraient être analysés dans le cadre d’une demande d’autorisation de séjour, particulièrement pour cas de rigueur. Or, force est de constater qu’une telle demande n’a jamais été déposée par le recourant qui séjourne donc sur le territoire suisse, toujours de manière totalement illégale. Il lui appartient d’entamer ces démarches s’il estime pouvoir bénéficier d’une telle autorisation de séjour.

30.         Dans ces conditions, il apparaît que la décision de l’OCPM est conforme au droit en vigueur.

31.         Reste à examiner si l’exécution de cette mesure serait impossible, illicite ou qu’elle ne pourrait être raisonnablement exigée au sens de l’art. 83 LEI, comme le soutient le recourant.

32.         S’agissant spécifiquement des personnes en traitement médical en Suisse, l’exécution du renvoi ne devient inexigible, en cas de retour dans leur pays d’origine, que dans la mesure où elles pourraient ne plus recevoir les soins essentiels garantissant des conditions minimales d’existence. Par soins essentiels, il faut entendre les soins de médecine générale et d’urgence absolument nécessaires à la garantie de la dignité humaine. L'art. 83 al. 4 LEI ne saurait en revanche être interprété comme une norme qui comprendrait un droit de séjour lui-même induit par un droit général d'accès en Suisse à des mesures médicales visant à recouvrer la santé ou la maintenir, au simple motif que les structures hospitalières et le savoir-faire médical dans le pays d'origine ou de destination de l'intéressé n'atteignent pas le standard élevé qu'on trouve en Suisse. Si les soins essentiels nécessaires peuvent être assurés dans le pays d'origine ou de provenance de l'étranger concerné, cas échéant avec d'autres médications que celles prescrites en Suisse, l'exécution du renvoi dans l'un ou l'autre de ces pays sera raisonnablement exigible. Elle ne le sera plus, au sens de la disposition précitée si, en raison de l'absence de possibilités de traitement adéquat, l'état de santé de l'intéressé se dégraderait très rapidement au point de conduire d'une manière certaine à la mise en danger concrète de sa vie ou à une atteinte sérieuse, durable et notablement plus grave de son intégrité physique ou psychique (arrêt du TAF D-4369-2022 du 27 octobre 2022 consid. 6.2).

33.         L'on ne saurait de plus, de manière générale, prolonger indéfiniment le séjour d'une personne au seul motif que la perspective d'un retour exacerbe un état psychologique perturbé, et ni une tentative de suicide ni des tendances suicidaires (« suicidalité ») ne s'opposent en soi un obstacle à l'exécution du renvoi, y compris au niveau de son exigibilité, seule une mise en danger présentant des formes concrètes devant être prise en considération (arrêt du TAF E‑3188/2022 du 6 octobre 2022 et les arrêts cités).

34.         En l'espèce, sans minimiser les problèmes médicaux rencontrés par le recourant, on ne saurait retenir qu'ils ne puissent être traités et suivis en Colombie. Le recourant n'établit pas non plus que ses troubles, en particulier ses angoisses et troubles de la concentration et de la logique, n'étaient pas préexistants à son arrivée en Suisse. Les problèmes de santé ne revêtent enfin pas le caractère concret requis par la jurisprudence, si bien que l'exécution de son renvoi revêt un caractère raisonnablement exigible.

35.         Il en va de même s’agissant des menaces de mort encourues s’il devait être renvoyé dans son pays d’origine, ravagé par la guerre et les conflits.

36.         Selon l’art. 83 al. 4 LEI, l’exécution du renvoi n’est pas raisonnablement exigible si elle met concrètement en danger l’étranger, par exemple en cas de guerre, de guerre civile, de violence généralisée ou de nécessité médicale.

37.         Cette disposition s'applique en premier lieu aux « réfugiés de la violence », soit aux étrangers qui ne remplissent pas les conditions de la qualité de réfugié parce qu'ils ne sont pas personnellement persécutés, mais qui fuient des situations de guerre ou de violence généralisée (Minh Son NGUYEN/Cesla AMARELLE, éd., Code annoté de droit des migrations, volume II : loi sur les étrangers, 2017, p. 949).

38.         En revanche, les difficultés socio-économiques qui sont le lot habituel de la population locale, en particulier des pénuries de soins, de logement, d'emplois et de moyens de formation, ne suffisent pas en soi à réaliser une telle mise en danger (ATAF 2010/54 consid. 5.1 ; arrêt du TAF E-5092/2013 du 29 octobre 2013 consid 6.1 ; ATA/515/2016 du 14 juin 2016 consid. 6b). L'autorité à qui incombe la décision doit donc dans chaque cas confronter les aspects humanitaires liés à la situation dans laquelle se trouverait l'étranger concerné dans son pays après l'exécution du renvoi à l'intérêt public militant en faveur de son éloignement de Suisse (ATAF 2007/10 consid. 5.1 ; arrêts du TAF E-4024/2017 du 6 avril 2018 consid. 10 ; D-6827/2010 du 2 mai 2011 consid. 8.2 ; ATA/801/2018 du 7 août 2018 consid. 10d).

39.         En l’occurrence, le Tribunal administratif fédéral a jugé que la Colombie ne connaît pas, sur l'ensemble de son territoire, une situation de guerre, de guerre civile ou de violence généralisée qui permettrait d'emblée, et indépendamment des circonstances du cas d'espèce, de présumer, à propos de tous les ressortissants du pays, l'existence d'une mise en danger concrète au sens de l'art. 83 al. 4 LEI (cf. arrêts du TAF D-908/2021 du 11 octobre 2021 consid. 7.4.2 et D-2187/2021 du 20 juillet 2021 p. 11).

40.         S’agissant du fait que le recourant pourrait être mis concrètement en danger ayant témoigné à visage découvert contre des groupes armés et gangs, le tribunal retiendra qu’il n’a pas, en quittant la Colombie, épuisé les possibilités de protection internes qui lui étaient ouvertes contre d’éventuelles représailles. En effet, ce dernier dispose, par l'intermédiaire de la mise en place notamment d'un programme de protection des témoins, de structures visant à protéger les citoyens, en particulier d'un appareil policier et d'un système judiciaire relativement adéquat (cf. arrêts du TAF E-3889/2019 du 5 juillet 2021 consid. 4.3 et la jurisprudence citée ; D-3158/2020 du 11 mars 2021 p. 6 ; D-4797/2020 du 15 octobre 2020 consid. 4.2 ; E-6050/2019 du 6 décembre 2019 consid. 5.4). Dans ces conditions, le recourant ne saurait reprocher aux autorités colombiennes ni de ne pas avoir la capacité ni d'avoir refusé de le protéger contre les menaces dont il aurait été l'objet.

41.         Partant, le renvoi de l’intéressé est possible, licite et raisonnablement exigible.

42.         En tous points mal fondé, le recours sera rejeté.

43.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), le recourant est au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 500.- ; il est couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt du recours. Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

44.         En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent jugement sera communiqué au SEM.

 


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare irrecevables les conclusions de Monsieur A______ tendant à la délivrance d’une autorisation de séjour en sa faveur et à l’autorisation de demeurer sur le territoire suisse ;

2.             déclare recevable le recours interjeté le 29 janvier 2024 par Monsieur A______ contre la décision de l'office cantonal de la population et des migrations du 23 janvier 2024 ;

3.             le rejette ;

4.             met à la charge du recourant un émolument de CHF 500.-, lequel est couvert par l'avance de frais ;

5.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

6.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 30 jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

 

Au nom du Tribunal :

La présidente

Gwénaëlle GATTONI

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties, ainsi qu’au secrétariat d'État aux migrations.

Genève, le

 

La greffière