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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/1101/2023

JTAPI/652/2024 du 27.06.2024 ( LCI ) , IRRECEVABLE

Descripteurs : DROIT D'ÊTRE ENTENDU;AMENDE
Normes : LPA.41; Cst.29.al2
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1101/2023 LCI

JTAPI/652/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 27 juin 2024

 

dans la cause

 

Monsieur A______ et B______ SA, représentés par Me Didier BOTTGE, avocat, avec élection de domicile

contre

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OAC

 


EN FAIT

1.             Monsieur A______, architecte, est l'administrateur président de B______ SA (ci-après : la SA), avec signature individuelle, dont le but est l'exploitation d'un bureau d'architectes et de design, ainsi que l'exécution de tous les mandats qui s'y rattachent; achat, vente, construction et exploitation de tous immeubles; acquisition et administration de participations et investissements dans toutes sociétés et entreprises.

2.             La parcelle n° 1______ de C______, sise à l’D______ 2______, propriété de la Ville de C______, est grevée d'un droit de superficie distinct et permanent en faveur de la Coopérative d’habitation E______ 2______ (ci-après : la coopérative) depuis le 7 juillet 2017.

3.             M. A______ a déposé une demande d’autorisation de construire auprès du département du territoire (ci-après : DT ou le département) le ______ 2015, portant sur la construction d’un immeuble de logements sur ladite parcelle, pour le compte de la coopérative.

4.             En date du ______ 2016, le département a délivré une autorisation de construire un immeuble de logements (DD 3______) sur la parcelle précitée en faveur de la coopérative, laquelle a été publiée le ______ 2016.

5.             Le ______ 2020, le département a refusé l'autorisation de construire complémentaire ayant pour objet le remplacement de locaux commerciaux par des logements (DD 4______/2).

6.             Le ______ 2022, la coopérative a requis une nouvelle autorisation de construire complémentaire pour le remplacement des locaux commerciaux par des logements et l'abattage d'arbres (DD 5______/3).

7.             Par courrier du 12 juillet 2022, lors de l'instruction de cette requête, M. A______ a expliqué que la coopérative avait anticipé une acceptation de la requête DD 4______/2 et fait réaliser les aménagements des appartements tels que dessinés sur les plans qu'il soumettait au département, ceci pendant le chantier en cours. Il précisait en outre que les modifications demandées par certaines instances de préavis consultées suite à l'entrée en vigueur de la modification de l'art. 109 al. 1 LCI engendreraient des mesures et des coûts disproportionnés, impossible à absorber financièrement par la coopérative de logements HBM.

8.             Par courrier du 14 octobre 2022, reprenant les explications contenues dans son courrier du 12 juillet 2022, M. A______ a demandé au département de délivrer l'autorisation de construire complémentaire, malgré le préavis défavorable de la commission d'architecture.

9.             Par décision du 14 février 2023, le département a refusé l'autorisation de construire complémentaire visant le remplacement des locaux commerciaux par des logements et l'abattage d'arbres (DD 5______/3).

10.         Par décision du ______ 2023, le département a infligé une amende de CHF 50'000.- à M. A______. Etaient pris en considération comme autres circonstances, son statut de professionnel de l'immobilier, le fait accompli devant lequel le département avait été mis, ainsi que le caractère difficilement réversible des travaux exécutés sans droit.

11.         Par acte du 23 mars 2023, Monsieur A______ et B______ SA (ci-après: les recourants) ont formé recours à l'encontre de la décision précitée auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après: le tribunal). Préalablement, les recourants ont sollicité leur audition, ainsi que celles de Messieurs F______, G______ et H______, I______ et J______. Ils ont conclu principalement à l'annulation de la décision sous suite de frais et dépens, subsidiairement à l'annulation de la décision et au renvoi à l'autorité inférieure pour une nouvelle décision dans le sens des considérants.

Leur droit d'être entendu avait été violé. La décision attaquée leur avait été notifiée sans qu'ils ne soient entendus ni même interpellés par le département au sujet de l'amende. S'il était vrai que M. A______ avait eu l'occasion de se déterminer s'agissant des demandes de complément d'autorisation de construire, il ne l'avait fait qu'à titre de représentant de la société K______, mandataire du maître d'ouvrage et ne l'avait fait qu'au sujet desdites demandes.

La décision attaquée manquait de plus de motivation quant au fait que l'amende leur soit infligée, alors qu'ils n'étaient que mandataires et non responsables des travaux entrepris par le maître d'ouvrage. Elle n'aurait dû ni leur être notifiée ni les sanctionner.

Le fait que la décision renonçait à ce qu'une mise en conformité soit ordonnée en vertu du principe de proportionnalité et infligeait une amende tout en réservant expressément toutes autres mesures et/ou sanction ultérieures, ne remplissait pas les conditions nécessaires d'une motivation, laissant entendre qu'ils pourraient être sanctionnés à nouveau pour les mêmes faits.

Les garanties conventionnelles et constitutionnelles étaient d'autant plus strictes lorsque les décisions en cause avaient un caractère pénal, comme c'était le cas pour une amende administrative. La décision ne faisait aucunement état de l'application de l'art. 47 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0) ou des critères qui en découlaient.

Il y avait également eu une constatation inexacte des faits dans la mesure où il avait été retenu que les recourants étaient responsable des travaux, alors que c'était le maître d'ouvrage qui avait décidé de poursuivre les travaux. Ils n'avaient pas la direction des travaux et avaient procédé uniquement au dépôt des autorisations conformément à la requête du maître d'ouvrage. Il devait être pris en considération dans la fixation de la peine qu'ils n'avaient pas touché d'honoraires pour ce faire, que M. A______ n'avait pas d'antécédents et n'avait pas tenté de tromper l'autorité, mais au contraire de rétablir une situation conforme au droit.

Enfin, la dénonciation à la Chambre des architectes et des ingénieurs ne respectait également pas les principes pénaux applicables.

À l'appui de leur recours ils ont produit des pièces, dont notamment les échanges entre la SA et le département, dans le cadre de leur mandat pour la coopérative, et plus particulièrement les courriers de la SA au département des 14 février et 12 juillet 2022.

12.         Dans sa réponse du 3 juillet 2023, le département a conclu au rejet du recours.

Tout d'abord, la SA n'avait pas la qualité pour recourir en tant qu'elle n'était pas la destinataire de la décision.

Ensuite, il n'avait certes pas adressé de courrier à M. A______ l'informant formellement de l'ouverture d'une infraction et l'invitant à produire ses observations. Il ressortait cependant des courriers des 12 juillet et 14 octobre 2022 que celui-ci lui avait adressés durant l'instruction de la DD 5______/3, qu'il était parfaitement conscient d'avoir commis une infraction à la LCI, puisqu'il admettait que les travaux litigieux avaient été entrepris sans autorisation de construire. Il devait donc s'attendre à être sanctionné pour cette infraction. Il avait par ailleurs pleinement pu s'exprimer sur les circonstances du cas d'espèce, comme cela ressortait des courriers précités dont il était l'auteur. Il n'y avait pas de violation du droit d'être entendu, qui pourrait en tout état être réparée dans le cadre de la présente procédure.

Il ne faisait aucun doute que le destinataire de l'amende était M. A______. L'amende lui avait été adressée à son adresse professionnelle, soit dans les locaux de la SA. Il avait en outre été sanctionné en sa qualité de mandataire professionnellement qualifié (ci-après: MPQ) du projet dont il répondait en vertu de l'art. 6 al. 2 LCI, ce qu'il ne pouvait en outre ignorer au vu de sa qualité de professionnel de l'immobilier. Le montant infligé tenait compte de la gravité tant objective que subjective de l'infraction commise et les autres circonstances prises en considération étaient son statut de professionnel de l'immobilier, le fait accompli devant lequel le département avait été mis, ainsi que le caractère difficilement réversible des travaux exécutés sans droit, comme cela était indiqué dans la décision. Cela faisait application de l'art. 47 CP et des critères qui en découlaient.

En sa qualité de MPQ, M. A______ répondait des travaux entrepris à l'égard de l'autorité jusqu'à réception de l'avis d'extinction de son mandat (art. 6 al. 2 LCI). C'était donc à bon droit que le département lui avait adressé l'amende litigieuse. Les travaux entrepris avant que l'autorisation ne soient délivrée avaient violé les prescriptions de l'art. 1 al. 7 LCI et la responsabilité en incombait à M. A______.

Enfin, l'amende infligée ne se situait qu'au tiers du montant maximal autorisé, ce qui était faible. Les travaux entrepris n'étaient pas autorisables, au vu des deux refus prononcés par le département, et c'était en application du principe de proportionnalité que le département avait renoncé à en ordonner la remise en état. Il se justifiait donc qu'il agisse avec sévérité ce d'autant plus que l'auteur de l'infraction était un professionnel de l'immobilier, ce qui constituait déjà une circonstance aggravante, et qu'il ne pouvait ignorer l'art. 1 al. 7 LCI qui était une disposition élémentaire et fondamentale de cette loi. De plus, M. A______ ne faisait pas état de difficultés financière qui l'empêcheraient de s'acquitter du montant de l'amende. L'envoi d'une copie de l'amende à la Chambres des architectes et des ingénieurs ne consistait pas en une sanction supplémentaire, mais il s'agissait d'une simple information.

13.         Par réplique du 4 août 2023, les recourants ont persisté dans l'ensemble de leurs conclusions.

La SA serait amenée à régler le montant de l'amende si le présent recours était rejeté, en sa qualité de mandataire. Cela aurait des conséquences importantes sur la trésorerie et le cash-flow de la société. Elle avait donc la qualité pour recourir en disposant d'un intérêt actuel digne de protection.

Le département avait lui-même reconnu qu'ils n'avaient jamais été interpellé au sujet de l'ouverture d'une procédure d'infraction. Les courriers adressés au département dans le cadre de l'instruction de la demande d'autorisation complémentaire ne pouvaient être interprétés comme une invitation, par le département, d'exercer leur droit d'être entendu en lien avec l'amende administrative.

14.         Par duplique du 4 septembre 2023, le département a persisté dans l'intégralité de ses conclusions.

La SA n'était pas directement touchée par la décision, quand bien même elle accepterait de régler l'amende, et n'avait donc pas la qualité pour recourir.

M. A______ avait eu la possibilité de s'exprimer pleinement sur les circonstances du cas d'espèce en connaissance de cause, même s'il n'y avait pas été expressément invité, sachant en outre que deux échanges d'écritures avaient eu lieu dans le cadre de la présente procédure.

 

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions prises par le département en application de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05) (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 143 et 145 al. 1 LCI).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 60 et 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             Se pose la question de la qualité pour recourir de la SA.

4.             Aux termes de l'art. 60 al. 1 LPA, ont qualité pour recourir les parties à la procédure ayant abouti à la décision attaquée (let. a), ainsi que toute personne qui est touchée directement par une décision et a un intérêt personnel digne de protection à ce qu'elle soit annulée ou modifiée (let. b). Les let. a et b de cette disposition doivent se lire en parallèle. Ainsi, le particulier qui ne peut faire valoir un intérêt digne de protection ne saurait être admis comme partie recourante, même s'il était partie à la procédure de première instance (ATA/1186/2017 du 22 août 2017 ; ATA/610/2017 du 30 mai 2017).

5.             Le recourant doit être touché dans une mesure et une intensité plus grande que la généralité des administrés et l'intérêt invoqué, qui n'est pas nécessairement un intérêt juridiquement protégé mais qui peut être un intérêt de fait, doit se trouver, avec l'objet de la contestation, dans un rapport étroit, spécial et digne d'être pris en considération (ATF 138 II 162 consid. 2.1.2 ; 137 II 40 consid. 2.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_837/2013 du 11 avril 2014 consid. 1.1). Il faut donc que le recourant ait un intérêt pratique à l'admission du recours, c'est-à-dire que cette admission soit propre à lui procurer un avantage de nature économique, matérielle ou idéale (ATF 138 II 162 consid. 2.1.2 ; 137 II 30 consid. 2). Un intérêt seulement indirect à l'annulation ou à la modification de la décision attaquée n'est pas suffisant (ATF 138 V 292 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_665/2013 du 24 mars 2014 consid. 3.1).

6.             Si l’infraction a été commise dans la gestion d’une personne morale, d’une société en commandite, d’une société en nom collectif ou d’une entreprise à raison individuelle, les sanctions sont applicables aux personnes qui ont agi ou auraient dû agir en son nom, la personne morale, la société ou le propriétaire de l’entreprise individuelle répondant solidairement des amendes (art. 137 al. 4 LCI).

7.             En l'espèce, M. A______, administrateur unique de la SA, a agi comme MPQ dans le projet concerné. La SA pouvant répondre solidairement de l'amende prononcée contre ce dernier, elle a un intérêt digne de protection à l'annulation ou à la modification de la décision attaquée. La qualité pour recourir lui sera dès lors reconnue (ATA/147/2021 du 09 février 2021 consid. 3).

8.             Dans un premier grief d’ordre formel qu’il convient d’examiner en premier lieu, les recourants se plaignent d’une violation de leur droit d’être entendu, dans la mesure où ils reprochent au département de ne pas les avoir entendus ni même interpellés au sujet de la sanction administrative avant le prononcé de la décision litigieuse.

9.              Le droit d’être entendu, garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), est une garantie de nature formelle dont la violation entraîne, lorsque sa réparation par l’autorité de recours n’est pas possible, l’annulation de la décision attaquée sans égard aux chances de succès du recours sur le fond (ATF 144 I 11 consid. 5.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_485/2022 du 24 mars 2023 consid. 4.2). Ce moyen doit par conséquent être examiné en premier lieu (ATF 141 V 495 consid. 2.2).

10.          Sa portée est déterminée d'abord par le droit cantonal (art. 41 ss LPA) et le droit administratif spécial (ATF 126 I 15 consid. 2 ; 125 I 257 consid. 3a et les références). Si la protection prévue par ces lois est insuffisante, ce sont les règles minimales déduites de la Constitution qui s’appliquent (art. 29 al. 2 de la - Cst.; arrêt du Tribunal fédéral 4A_15/2010 du 15 mars 2010 consid. 3.1 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2e éd., 2018, pp. 518-519 n. 1526). Quant à l'art. 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101), il n'accorde pas au justiciable de garanties plus étendues que celles découlant de l'art. 29 al. 2 Cst. (arrêt du Tribunal fédéral 4P.206/2005 du 11 novembre 2005 consid. 2.1 et les références).

11.          Le droit d’être entendu est concrétisé à l’art. 41 LPA, selon lequel les parties ont le droit d’être entendues par l’autorité compétente avant que ne soit prise une décision; elles ne peuvent toutefois prétendre à une audition verbale sauf dispositions légales contraires.

12.          Le droit d’être entendu sert non seulement à établir correctement les faits, mais constitue également un droit indissociable de la personnalité garantissant à un particulier de participer à la prise d’une décision qui touche sa position juridique. Il comprend, en particulier, le droit pour la personne concernée de s’expliquer avant qu’une décision ne soit prise à son détriment, de fournir des preuves pertinentes quant aux faits de nature à influer sur la décision, d’avoir accès au dossier, de participer à l’administration des preuves, d’en prendre connaissance et de se déterminer à leur propos. En tant que droit de participation, le droit d’être entendu englobe donc tous les droits qui doivent être attribués à une partie pour qu’elle puisse faire valoir efficacement son point de vue dans une procédure (ATF 138 II 252 consid. 2.2 ; 138 I 484 consid. 2.1 ; 138 I 154 consid. 2.3.2 ; 137 I 195 consid. 2.3.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 8C_472/2014 du 3 septembre 2015 consid. 4.1 ; ATA/80/2016 du 26 janvier 2016 consid. 2). L’étendue du droit de s’exprimer ne peut pas être déterminée de manière générale, mais doit être définie au regard des intérêts concrètement en jeu. L’idée maîtresse est qu’il faut permettre à une partie de pouvoir mettre en évidence son point de vue de manière efficace (ATA/778/2018 du 24 juillet 2018 consid. 3a et les références citées).

13.          Le droit d’être entendu implique également pour l’autorité l’obligation de motiver sa décision. Selon la jurisprudence constante, il suffit qu’elle mentionne, au moins brièvement, les motifs qui l’ont guidée et sur lesquels elle a fondé sa décision, de manière à ce que son destinataire puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et l’attaquer en connaissance de cause. L’autorité n’a pas l’obligation d’exposer et de discuter tous les faits, moyens de preuve et griefs invoqués par les parties ; celle-ci peut au contraire se limiter à ceux qui, sans arbitraire, lui paraissent pertinents pour fonder sa décision. Dès lors que l’on peut discerner les motifs qui ont guidé la décision de l’autorité, le droit à une décision motivée est respecté même si la motivation présentée est erronée. La motivation peut pour le reste être implicite et résulter des différents considérants de la décision. La motivation est ainsi suffisante lorsque le destinataire de la décision est en mesure de se rendre compte de la portée de cette dernière, d’en comprendre les raisons et de la déférer à l’instance supérieure en connaissance de cause, laquelle doit également pouvoir effectuer son contrôle (ATF 142 II 154 consid. 4.2 ; 141 IV 249 consid. 1.3.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_762/2020 du 17 mars 2021 consid. 2.1 ; 1C_415/ 2019 du 27 mars 2020 consid. 2.1 ; ATA/447/2021 du 27 avril 2021 consid. 6b). L’autorité peut donc passer sous silence ce qui, sans arbitraire, lui paraît à l’évidence non établi ou sans pertinence et il n’y a violation du droit d’être entendu que si elle ne satisfait pas à son devoir minimum d’examiner les problèmes pertinents (ATF 136 I 229 consid. 5.2 ; ATF 135 III 670 consid. 3.3.1 ; 133 III 235 consid. 5.2).

14.          Si les règles de procédure administrative sont violées, la décision est viciée formellement, ce qui constitue en principe un motif d'annulation de la décision, indépendamment de la question de savoir si, matériellement, cette décision est conforme au droit (Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2e éd., 2018 N. 883 et les références citées). L'annulation de la décision attaquée a lieu sans égard aux chances de succès du recours sur le fond (ATF 127 V 431 consid. 3d/aa). Ce moyen doit par conséquent être examiné en premier lieu (ATF 124 I 49 consid. 1) et avec un plein pouvoir d'examen (ATF 127 III 193 consid. 3 et la jurisprudence citée).

15.         La question de l’opportunité ne se pose que lorsque l’administration dispose d’un pouvoir d’appréciation (Thierry TANQUEREL, op. cit., n. 892 p. 316). La jurisprudence retient que l’administration jouit d’un large pouvoir d’appréciation pour infliger une amende et arrêter sa quotité, notamment en matière de droit de la construction et du logement (ATA/260/2014 du 15 avril 2014 consid. 15b).

16.         Il convient de préciser que si le pouvoir en opportunité de l’administration est plein et entier s’agissant de décider si elle inflige ou non une amende (les dispositions légales prévoyant toujours que les contrevenants sont passibles d’une telle sanction), elle ne peut en revanche décider de la quotité de l’amende qu’en respectant notamment les critères applicables en matière de droit pénal (ATA/1277/2018 du 27 novembre 2018 consid. 6 et les références citées) et est donc tenue par des règles juridiques relativement précises. L’amende doit aussi respecter le principe de la proportionnalité (art. 36 al. 3 Cst. ; ATA/1277/2018 du 27 novembre 2018 consid. 6c).

17.         S’il s’agit toutefois d’une atteinte particulièrement grave contre un droit fondamental de la partie, même des violations du droit d’être entendu peuvent entraîner la nullité absolue de l’acte vicié. Tel est en particulier le cas si l’intéressé, faute de notification, ignore tout d’une décision ou s’il n’a eu aucune occasion de participer à une procédure dirigée contre lui (ATF 129 I 361 consid. 2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_817/2015 du 6 juillet 2016 consid. 4.3.2). Le Tribunal fédéral avait notamment reconnu qu'un jugement qui avait été rendu dans le canton du domicile du défendeur, sans que ce dernier ait eu connaissance de la procédure et ait pu y prendre part, était nul.

18.         En l'espèce, les recourants se plaignent de ne pas avoir été entendus sur le sujet de l'amende. A cela, l'autorité intimée répond que M. A______ ne pouvait qu'avoir conscience, en tant que professionnel de l'immobilier, que les travaux entrepris durant l'instruction de la DD 5______/3, et qu'il avait signalés dans son courrier du 12 juillet 2022, constituaient une infraction à la LCI. L'autorité intimée en conclut que M. A______ aurait d'une certaine manière pu exercer son droit d'être entendu de manière anticipée.

Le tribunal ne saurait partager ce dernier point de vue. Il faut en particulier souligner qu'à aucun moment, M. A______ ne s'est vu signifier par l'autorité intimée qu'il pourrait être personnellement tenu pour responsable de l'infraction concernée et être sanctionné pour ce motif. De son côté, comme cela découle des explications qu'il a données dans la présente procédure, M. A______ pouvait éventuellement se considérer de bonne foi comme dégagé de toute responsabilité personnelle quant à cette infraction – quand bien même la suite de la procédure devra trancher si les circonstances lui permettent effectivement d'échapper à une sanction. Ainsi, contrairement à ce que soutient l'autorité intimée, on ne saurait inférer du courrier que M. A______ lui a adressé le 12 juillet 2022, qu'il devait nécessairement savoir qu'il allait faire l'objet d'une sanction et que l'on pouvait par conséquent attendre de sa part qu'il fasse d'emblée valoir son droit d'être entendu. Pour la même raison, il n'est pas possible d'exclure de manière tout à fait claire que la décision litigieuse l'ait pris complètement au dépourvu, constituant de la sorte une violation particulièrement grave de son droit d'être entendu.

La décision litigieuse est ainsi entachée d’un vice particulièrement grave qui ne peut conduire qu’au constat de sa nullité. Ce constat ne met en outre pas sérieusement en danger la sécurité du droit, l'autorité intimée étant habilitée à réexaminer le dossier et, après avoir donné aux recourants l'occasion de s'exprimer, de prononcer cas échéant une nouvelle décision.

19.         La nullité de la décision querellée sera dès lors constatée, ce qui conduit à l’irrecevabilité du recours, qui n’a plus d’objet (ATF 136 II 415 consid. 1.2 ; ) ATA/312/2015 du 31 mars 2015 ATA/412/2013 du 2 juillet 2013). Étant donné cette issue, il n’y a pas lieu de trancher les autres points soulevés par les recourants.

20.         Vu l'issue du recours, un émolument de CHF 500.- sera exceptionnellement mis à la charge de l'Etat de Genève, soit pour lui l'autorité intimée (art. 87 al. 1 LPA et art. 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative - RFPA - E 5 10.03).

L’avance de frais versée par les recourants leur sera restituée et une indemnité de procédure de CHF 1’500.-, à la charge de l'Etat de Genève, soit pour lui l'autorité intimée, leur sera allouée (art. 87 al. 2 à 4 LPA et 6 RFPA).


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             constate la nullité de la décision du département du territoire du ______ 2023 ;

2.             déclare irrecevable le recours interjeté le 23 mars 2023 par Monsieur A______ et B______ SA contre la décision du département du territoire du ______ 2023 ;

3.             ordonne la restitution aux recourants de l’avance de frais de CHF 900.- ;

4.             met à la charge de l'Etat de Genève, soit pour lui le département du territoire, un émolument de CHF 500.- ;

5.             condamne l'Etat de Genève, soit pour lui le département du territoire, à verser aux recourants une indemnité de procédure de CHF 1'500.- ;

6.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 30 jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Siégeant : Olivier BINDSCHEDLER TORNARE, président, Aurèle MÜLLER et Saskia RICHARDET VOLPI, juges assesseurs

Au nom du Tribunal :

Le président

Olivier BINDSCHEDLER TORNARE

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

 

Genève, le

 

La greffière