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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/684/2024

JTAPI/631/2024 du 24.06.2024 ( ICC ) , REJETE

Descripteurs : DÉCISION SUR OPPOSITION;RETARD
Normes : LPFisc.41.al3
En fait
En droit
Par ces motifs

république et

canton de genève

POUVOIR JUDICIAIRE

A/684/2024 ICC

JTAPI/631/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 24 juin 2024

 

dans la cause

 

Madame A______

 

contre

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

 


 

EN FAIT

1.             Le litige porte sur l’impôt cantonal et communal pour l’année fiscale 2021.

2.             Le 27 avril 2022, l’administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE) a adressé à Madame A______ un rappel concernant le dépôt de sa déclaration fiscale pour la période 2021.

3.             L’AFC-GE a envoyé à Mme A______ un second rappel le 1er juin 2022.

4.             Sans nouvelle de Mme A______ et faute de remise d’une déclaration fiscale, l’AFC-GE a lui a notifié un bordereau d’impôt 2021 le 11 août 2022, la taxant d’office.

Retenant un revenu imposable de CHF 15'000.- et une fortune imposable nulle, elle n’était redevable que de la taxe personnelle de CHF 25.-. Elle devait également s’acquitter des frais de rappel. Enfin, l’AFC-GE lui a infligé une amende de CHF 300.-.

5.             Mme A______ a transmis à l’AFC-GE sa déclaration fiscale 2021 le 1er février 2024.

6.             Par décision du 15 février 2024 adressée à Mme A______, considérant le dépôt de sa déclaration fiscale comme valant réclamation, l’AFC-GE l’a rejetée au motif qu’elle n’avait pas été déposée dans le délai légal et impératif de 30 jours à dater de la réception du bordereau d’impôt. Elle n’avait de plus fait valoir aucun motif sérieux.

7.             Par acte du 24 févier 2024, Mme A______ (ci-après : la recourante) a recouru auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) à l’encontre de cette décision, sollicitant implicitement son annulation par la prise en considération des faits qu’elle exposait.

Elle habitait chez ses parents à cette période et n’avait pas de revenu. Sa mère lui avait indiqué se charger de ses papiers et de ses factures, lui ayant assuré qu’elle n’avait pas à s’inquiéter à ce sujet. Cette année, percevant un petit revenu, elle avait décidé de prendre en charge ses propres affaires financières ainsi que ses papiers, ce qui s’était avéré être un défi majeur en raison de l’opposition de sa mère. A partir d’octobre 2024, sa mère lui avait promis de lui remettre en mains propres ses allocations familiales afin qu’elle puisse régler ses propres factures. Elle était consciente de sa responsabilité fiscale et désireuse de régulariser sa situation dès que possible.

8.             L’AFC-GE a répondu au recours le 23 avril 2024, concluant à son rejet.

La recourante, imposée par bordereaux – taxation d’office – notifiés le 11 août 2022, a déposé une réclamation le 13 février 2024 pour l’année 2021, soit manifestement hors délai. Au demeurant, force était de constater qu’elle n’avait invoqué aucun motif de force majeure tendant à justifier son retard. Finalement, aucun motif de révision n’était au surplus réalisé, cette voie étant exclue lorsque le requérant invoquait des motifs qu’il aurait déjà pu faire valoir au cours de la procédure ordinaire s’il avait fait preuve de tout la diligence qui pouvait raisonnablement être exigée de lui.

9.             La recourante n’a pas répliqué dans le délai imparti.

EN DROIT

1.             Le tribunal connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions sur réclamation de l'AFC-GE (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 49 de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 - LPFisc - D 3 17).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens de l'art. 49 LPFisc.

3.             Préalablement, il convient de rappeler qu’en matière de réclamation, lorsque - comme en l’espèce - la décision sur réclamation est une décision d'irrecevabilité, seule la question de l'irrecevabilité peut faire l'objet du recours et non pas la taxation en tant que telle. Dans un tel cas, l'autorité de recours doit en effet d'abord examiner si les conditions formelles de la recevabilité de la réclamation (forme écrite, délai, motivation, moyen de preuve, etc.) étaient ou non remplies et, si tel n'est pas le cas, elle doit rejeter le recours déposé devant elle sans examiner elle-même le détail de la taxation (cf. ATF 131 II 548 consid. 2.3 ; 123 II 552 consid. 4c ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_930/2018 du 25 octobre 2018 consid. 3 ; 2C_543/2017 du 1er février 2018 consid. 1.2).

4.             A teneur de l’art. 39 al. 1 LPFisc, le contribuable peut adresser à l'autorité de taxation une réclamation écrite contre la décision de taxation dans les 30 jours qui suivent sa notification. Ce délai commence à courir le lendemain de la notification. Il est considéré comme respecté si la réclamation est remise à l'autorité de recours, à un office de poste suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse à l'étranger le dernier jour ouvrable du délai au plus tard (art. 41 al. 1 LPFisc).

Selon l’art. 39 al. 2 LPFisc, la réclamation contre une taxation d’office doit être motivée et indiquer, le cas échéant, les moyens de preuve.

5.             Les délais fixés par la loi sont des dispositions impératives de droit public. Ils ne sont en principe pas susceptibles d’être prolongés, restitués ou suspendus, si ce n’est par le législateur lui-même (art. 21 al. 1 LPFisc). Ainsi, celui qui n’agit pas dans le délai prescrit est forclos (ATA/599/2023 du 6 juin 2023 consid. 3.2 et les références citées).

Le strict respect des délais légaux se justifie pour des raisons d’égalité de traitement et n’est pas constitutif de formalisme excessif (ATF 142 V 152 consid. 4.2 in fine).

6.             En l’espèce, la recourante a déposé sa déclaration fiscale 2021 – considérée à juste titre par l’AFC-GE comme une réclamation contre sa taxation du 11 août 2022 - le 13 février 2024 soit manifestement en dehors du délai légal de 30 jours. Elle fait valoir que sa mère lui avait assuré qu’elle s’occupait de ses papiers et de ses factures et qu’elle n’avait elle-même pris en charge la gestion de ses propres affaires financières qu’en 2024 ; elle sollicitait dès lors de la compréhension et de la bienveillance, faisant en réalité valoir, à tout le moins implicitement, une restitution de ce délai motif pris du fait que sa mère ne s’était pas correctement occupée de ses affaires et factures.

7.             Selon l’art. 41 al. 3 LPFisc, une réclamation tardive n’est recevable que si le contribuable établit que par suite de service militaire, de service civil, de maladie, d’absence du pays ou pour d’autres motifs sérieux, il a été empêché de présenter son acte en temps utile et qu’il l’a déposé dans les 30 jours après la fin de l’empêchement.

Les conditions pour admettre un empêchement sont très strictes. La restitution du délai suppose que le contribuable n’a pas respecté le délai légal en raison d’un empêchement imprévisible, dont la survenance ne lui est pas imputable à faute (arrêt du Tribunal fédéral 2C_40/2018 du 8 février 2018 consid. 5.1 et 5.2). Celui-ci peut résulter d’une impossibilité objective ou subjective. Il doit être de nature telle que le respect des délais aurait exigé la prise de dispositions que l’on ne peut raisonnablement attendre de la part d’un homme d’affaires avisé (ATA/633/2022 du 14 juin 2022 consid. 2a et les références citées).

Les cas de force majeure sont également réservés. Tombent sous cette notion les événements extraordinaires et imprévisibles qui surviennent en dehors de la sphère d’activité de l’intéressé et qui s’imposent à lui de façon irrésistible (ATA/599/2023 du 6 juin 2023 consid. 3.3 et les références citées). Pour établir l’existence d’un cas de force majeure, le fardeau de la preuve incombe à l’assujetti (ATA/815/2022 du 17 août 2022 consid. 2).

8.             Lorsqu'il mandate une fiduciaire, le contribuable n'est pas déchargé de ses obligations et responsabilités fiscales, mais doit supporter les inconvénients d'une telle intervention ; il répond en particulier des erreurs de l'auxiliaire qu'il n'instruit pas correctement ou dont il ne contrôle pas l'activité, du moins s'il était en mesure de reconnaître ces erreurs. Il ne faut pas que le contribuable qui se fait représenter soit favorisé par rapport au contribuable qui agit par lui-même par la possibilité de se soustraire à sa responsabilité en se retranchant derrière son représentant pour des fautes qui lui sont imputables (cf. arrêt du Tribunal fédéral 2C_78/2019 du 20 septembre 2019 consid. 6.3 et les arrêts cités), étant rappelé que, selon la jurisprudence constante du Tribunal fédéral et de la chambre administrative de la Cour de justice, les actes du représentant sont opposables au représenté comme les siens propres (arrêts du Tribunal fédéral 2C_577/2013 du 4 février 2014 consid. 6.1 ; 2C_280/2013 du 6 avril 2013 ; ATA/150/2021 du 9 février 2021 consid. 5b ; ATA/1127/2020 du 10 novembre 2020 consid. 4c).

9.             En l’espèce, la recourante n'allègue pas l'existence d'un motif sérieux, au sens l’art. 41 al. 3 LPFisc, ou la survenance d'un cas de force majeure, qui l’auraient concrètement empêchée d'agir en temps utile ou de désigner un tiers pour s'en charger à sa place, étant précisé que les manquements allégués de sa mère ne constituent ni un tel motif, ni un cas de force majeure, puisqu’ils doivent lui être opposables comme les siens propres, à l’instar d’un mandataire.

Il sied par ailleurs de souligner encore qu’avant de taxer la recourante, l’AFC-GE lui a notifié deux rappels auxquels elle n’a donné aucune suite, et que la recourante a mis plus d’un an et demi avant de déposer sa déclaration fiscale 2021, sans jamais se manifester auprès de l’administration durant cette période, alors qu’elle aurait le loisir de la faire en suivant les démarches entreprises par sa mère.

10.         Au vu de ce qui précède, c’est à bon droit que l’autorité intimée a déclaré irrecevable la réclamation de la recourante.

11.         Partant, le recours sera rejeté.

12.         En application des art. 52 al. 1 LPFisc, 87 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10) et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), la recourante, qui succombe, est condamnée au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 350.- ; il est couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt du recours. Le solde de cette avance lui sera restitué.


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 24 février 2024 par Madame A______ contre la décision sur réclamation de l'administration fiscale cantonale du 15 février 2024 ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge de Madame A______ un émolument de CHF 350.-, lequel est couvert par l'avance de frais ;

4.             ordonne la restitution à Madame A______ du solde de l’avance de frais de CHF 350.- ;

5.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

6.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 30 jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Siégeant: Sophie CORNIOLEY BERGER, présidente, Philippe FONTAINE et Pascal DE LUCIA, juges assesseurs.

 

Au nom du Tribunal :

La présidente

Sophie CORNIOLEY BERGER

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

Genève, le

 

La greffière