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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/1787/2023

JTAPI/509/2024 du 27.05.2024 ( ICC ) , ADMIS PARTIELLEMENT

ATTAQUE

En fait
En droit
Par ces motifs

république et

canton de genève

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1787/2023 ICC

JTAPI/509/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 27 mai 2024

 

dans la cause

 

A______ SA, représentée par Mes Alexandre FALTIN et Jessica SALOM, avocats, avec élection de domicile

contre

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

 


 

EN FAIT

1.             A______ SA (ci-après la contribuable ou la recourante) est notamment propriétaire des biens immobiliers suivants :

a. Parcelle 1______ de la commune de B______, sise C______ 2______.

b. Parcelle 3______ de la commune de D______, sise E______ 4______.

c. Parcelle 5______ de la commune de D______, sise E______ 6______.

d. Parcelle 7______ de la commune de la commune de B______, sise F______ 8______.

e. Parcelle 9______ de la commune de G______, sise H______ 10______ G.

f. Parcelle 11______ de la commune de G______, sise I______ 12______.

2. Dans sa réclamation du 20 décembre 2022 contre son bordereau ICC 2018, daté du 17 novembre 2022 et notifié le 24 novembre 2022, la contribuable a demandé que le taux de l'impôt immobilier complémentaire soit réduit à 0.1% sur tous ses immeubles improductifs, comme le prévoit l'article 77 LCP. Étaient désignées comme telles les parcelles susmentionnées.

3. Considérant que les conditions prévues par la loi ne sont pas réunies, l’administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE) a écarté cette réclamation par une décision du 20 avril 2023. En particulier, elle considérait que les deux conditions fixées par l'article 76 alinéa 4 LCP ne sont pas réunies.

4. Contre celle-ci, un recours a été déposé devant le Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) par un pli recommandé du 24 mai 2023. La recourante relève en premier lieu que les six biens immobiliers précités n'ont aucun produit aucun revenu. Il s'agit, soit de terrains nus, soit de bâtiments voués à la destruction. La parcelle 11______ de la commune de G______ est une étroite bande de terrain qui a été cédée gratuitement par un acte notarié des 22 et 23 novembre 2021 pour servir de passage entre divers immeubles. Elle considère pour tous les autres biens que, en l'absence de rendement pendant la période 2018, ils doivent être qualifiés d'improductifs, ce qui implique la réduction du taux de l'immobilier complémentaire à 1‰. La référence faite par l'AFC-GE à l'article 76 alinéa 4 LCP n'est pas relevante dans le cadre de l'application de l'article 77. Il n'est en particulier pas nécessaire que le bien immobilier constitue un élément de prospérité pour le canton ou peut-être considéré comme d'intérêt général pour être qualifié d'improductif et bénéficier ainsi du taux réduit.

6. Dans sa réponse du 25 juillet 2023, l'AFC-GE conclut au rejet du recours. Si la notion de "terrains complétement improductifs" figurant à l'article 77 LCP n'est pas définie par celle-ci, il ressort d'un arrêt du tribunal administratif et d'un jugement du TAPI qu'une parcelle momentanément improductive ne peut pas être considérée comme improductive par nature et bénéficier ainsi du taux réduit. Entre toutefois dans cette définition la parcelle 11______ de la commune de G______ qui, compte tenu de sa configuration peut être qualifiée d'improductive et bénéficier ainsi du taux minimum pour 1‰.

7. Dans sa réplique du 13 septembre 2023, la recourante conteste l'interprétation qui est faite par l'AFC-GE des décisions précitées. Elle souligne en premier lieu que, pour les personnes morales, seul l'article 77 LCP est applicable et que l'arrêt du tribunal administratif se référait à une personne physique, pour laquelle l'article 76 alinéa 4 LCP pose une condition supplémentaire. Pour la recourante, des terrains à bâtir peuvent entrer dans la notion de terrains improductifs en se référant notamment à une interprétation littérale de la loi.

8. Dans sa duplique du 1er novembre 2023, l'AFC-GE maintient sa position, estimant que seuls les terrains qui ne sont pas à même de générer des revenus en raison de la nature du sol peuvent être considérés comme "terrains complètement improductifs" au sens de la loi. Pour elle, le seul fait que, pendant une période, un terrain ne rapporte rien ne permet pas de bénéficier d'un taux réduit, soulignant que l'impôt foncier a une nature réelle et qu'il frappe l'objet sans tenir compte de la capacité contributive du propriétaire.

9. Exerçant son droit à la réplique, la recourante conteste l'interprétation faite de la loi par l'AFC-GE. En particulier, elle estime que les termes "complétement improductifs" utilisés par la loi n'ont pas un aspect temporel, mais signifient simplement qu'un terrain partiellement improductif ne peut pas bénéficier du taux réduit. Elle rappelle que, pendant l'année 2018, seule déterminante en l'espèce, les parcelles litigieuses n'ont produit aucun rendement.

11. Le 30 novembre 2023, l'AFC-GE a contesté avoir modifié son argumentation, mais apporté uniquement des arguments complémentaires sur lesquels elle persistait.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions sur réclamation de l’administration fiscale cantonale (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 49 de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 - LPFisc - D 3 17.

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens de l'art. 49 LPFisc.

3.             Le présent litige a trait au taux de l'impôt immobilier complémentaire qui doit être appliqué à cinq parcelles détenues par la recourante, étant précisé que, pour une sixième, cette question n'est plus litigieuse.

4.             Conformément à l'art. 76 LCP, les personnes physiques doivent un impôt annuel (impôt immobilier complémentaire) de 1‰ sur la valeur de tous les immeubles situés dans le canton. Ce taux est réduit à 1/2‰ pour les terrains improductifs dont le maintien constitue un élément de prospérité pour le canton ou peut être considéré d’intérêt général (al. 4).

Aux termes de l’art. 77 al. 1 let. c LCP, pour les immeubles appartenant à des personnes morales ayant leur siège dans le canton ou hors du canton, à l’exception des terrains complètement improductifs et des immeubles qui servent directement à l’industrie, au commerce ou à l’exploitation de la personne morale qui les possède, le taux de l’impôt complémentaire est porté à 2‰.

Cet impôt est perçu sur la valeur des immeubles, telle qu'elle résulte des estimations faites conformément à l'art. 50 LIPP, sans la diminution fixée à la lettre e de cet article et sans défalcation d'aucune dette (art. 76 al. 2 LCP)

5.             Dans un arrêt du 10 novembre 1976, le tribunal administratif avait, pour un immeuble détenu par une personne physique, statué qu'un terrain à bâtir, momentanément improductif, ne peut pas bénéficier du taux privilégié. Rappelant que la LCP ne définit pas les termes "terrains improductifs" mais assimile ces derniers aux terrains "à bâtir", le tribunal avait considéré notamment que "cela ne signifie toutefois pas que les notions de «terrains improductifs » et de « terrains à bâtir » se recouvrent exactement, la première catégorie s’avérant plus vaste que la seconde à cause de la nature même du sol, par exemple glaciers, falaises, marécages, qui peuvent parfois empêcher toute construction" (ATA du 10 novembre 1976 dans la cause G.F, publié in RDAF 1977 p. 269).

6.             Se référant à cet arrêt, le tribunal a estimé que des terrains en cours de construction doivent être taxés au taux de 2‰, faisant sienne l'argumentation de l'AFC-GE selon laquelle " la notion de terrain improductif dépend de la nature du sol et non pas de la volonté du propriétaire ou même de l’État". Des terrains constructibles ne sont pas improductifs par nature et ne doivent pas être taxés de manière privilégiée (JTAPI/745/2020 du 7 septembre 2020).

7.             Plus récemment, le tribunal a jugé que des parcelles faisant l'objet d'un plan localisé de quartier en force comprenant des bâtiments occupés gracieusement dans l'attente d'une autorisation de construire sont constructibles et ne peuvent pas être qualifiés d'improductifs. Se référant à la nature réelle de l'impôt immobilier complémentaire, le tribunal a rappelé que la question de savoir si le bien immobilier a généré un revenu ou non est sans importance (JTAPI/163/2024 du 26.02.2024 publié sur le site internet du pouvoir judiciaire).

8.             En l'espèce, toutes les parcelles litigieuses sont situées dans une zone constructible. Même s'il s'agit de terrains nus ou dont les bâtiments sont voués à la construction, elles sont similaires à celles qui ont fait l'objet des jugements précités et ne peuvent pas être qualifiées de terrains improductifs et bénéficier du taux réduit. Cette conclusion s'impose même si l'on retient, comme le soutient probablement à raison la recourante, que le terme "complètement" n'a pas un aspect temporel mais géographique, cette dernière n'alléguant ni ne démontrant que les parcelles qu'elle détient sont intégralement inconstructibles en raison de leur nature ou de leur situation.

9.             Le recours ne sera dès lors admis que pour la parcelle 11______ de la commune de G______ qui, à l'inverse des autres parcelles, remplit les conditions fixées par la loi, et rejeté pour le surplus.

10.         En application des art. 52 al. 1 LPFisc, 87 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10) et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), la recourante qui succombe pour l'essentiel, est condamnée au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 700.- ; il est couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt du recours. Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 24 mai 2023 par A______ SA contre la décision sur réclamation de l'administration fiscale cantonale du 20 avril 2023 ;

2.             l'admet partiellement  ;

3.             renvoie le dossier à l’administration fiscale cantonale pour nouvelle décision de taxation 2018 dans le sens des considérants ;

4.             met à la charge de la recourante, un émolument de CHF 700.-, lequel est couvert par l'avance de frais ;

5.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

6.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Siégeant: Antoine BERTHOUD, président, Laurence DEMATRAZ et Pascal DE LUCIA, juges assesseurs.

Au nom du Tribunal :

Le président suppléant

Antoine BERTHOUD

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

Genève, le

 

La greffière