Décisions | Chambre de surveillance
DAS/146/2024 du 27.06.2024 sur DTAE/1959/2023 ( PAE ) , IRRECEVABLE
En droit
Par ces motifs
republique et | canton de geneve | |
POUVOIR JUDICIAIRE C/10249/2019-CS DAS/146/2024 DECISION DE LA COUR DE JUSTICE Chambre de surveillance DU JEUDI 27 JUIN 2024 |
Recours (C/10249/2019-CS) formé en date du 31 mars 2023 par Madame Clarissa JHAVERI, domiciliée rue de la Printanière 26, 1293 Bellevue (Genève).
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Décision communiquée par plis recommandés du greffier
du ______ à :
- Madame Clarissa JHAVERI
Rue de la Printanière 26, 1293 Bellevue.
- Madame Marlène JHAVERI
c/o EMS Beauregard
Chemin de Cressy 67, 1232 Confignon.
- Monsieur Philippe GUNTZ
Président de la ______ème Chambre du Tribunal de protection de l’adulte et de l’enfant.
Rue Glacis-de-Rive 6, 1211 Genève 3.
- TRIBUNAL DE PROTECTION DE L'ADULTE
ET DE L'ENFANT.
A. Par ordonnance DTAE/1959/2023 du 27 janvier 2023, le collège des juges du Tribunal de protection de l’adulte et de l’enfant (ci-après : le Tribunal de protection) a, dans la mesure de sa recevabilité, rejeté les demandes en récusation formées les 26 septembre et 15 novembre 2022 par Clarissa JHAVERI à l’encontre de Philippe GUNTZ, Président de la ______ème Chambre du Tribunal de protection (chiffre 1 du dispositif) et mis les frais judiciaires, arrêtés à 400 fr., à la charge de Clarissa JHAVERI (ch. 2).
B. a) Par acte du 31 mars 2023, Clarissa JHAVERI a formé recours contre cette ordonnance, qu’elle a reçue le 21 mars 2023, auprès de la Chambre de surveillance de la Cour de justice.
Elle a conclu, préalablement, à ce que le juge Philippe GUNTZ soit dessaisi avec effet immédiat de la cause et qu’un suppléant soit immédiatement désigné en remplacement, ainsi qu’à la production de l’intégralité de l’échange de correspondances intervenu entre le juge Philippe GUNTZ et la Résidence Beauregard depuis le 5 septembre 2022.
Sur le fond, elle a conclu principalement, à ce que la Chambre de céans prononce la récusation du juge Philippe GUNTZ avec effet immédiat et confie la cause à un autre magistrat et une autre chambre du Tribunal de protection.
b) Le Tribunal de protection n’a pas souhaité faire usage des facultés prévues par l’art. 450d CC. Il a précisé qu’au vu des dispositions prises par le Tribunal de protection, la requête semblait sans objet.
c) Le juge Philippe GUNTZ a relevé que, suite à une nouvelle répartition des dossiers au sein de la juridiction, il n’était plus en charge de la procédure depuis plusieurs semaines, de sorte que le recours était dénué d’objet.
d) Clarissa JHAVERI a maintenu son recours, considérant que celui-ci avait encore un objet.
e) La cause a été gardée à juger à l’issue de ces échanges.
C. Les faits pertinents suivant ressortent de la procédure :
a) Le Tribunal de protection a eu connaissance de la situation de Marlène JHAVERI, née le 24 mai 1932, originaire de Malters (Lucerne), à réception, le 6 mai 2019, d'un courrier du maire de la commune de Genthod [GE].
b) Par ordonnance du 19 mai 2020, le Tribunal de protection, statuant sur mesures provisionnelles, a confirmé la mesure de curatelle de portée générale instaurée en faveur de Marlène JHAVERI sur mesures superprovisionnelles du 2 mars 2020.
c) La Chambre de surveillance a rejeté le recours formé par la fille de la personne concernée, Clarissa JHAVERI, le 8 octobre 2020 (DAS/165/2020).
d) Marlène JHAVERI a intégré l'EMS Beauregard, annexe de l'EMS Villa Mona, fin novembre 2020, à satisfaction de sa fille Clarissa JHAVERI.
e) Par ordonnance du 10 août 2021, le Tribunal de protection a confirmé la mesure de curatelle de portée générale prononcée en faveur de Clarissa JHAVERI.
f) Par arrêt du 30 juin 2022 (DAS/147/2022), la Chambre de surveillance a admis le recours formé par Clarissa JHAVERI contre l'ordonnance précitée, levé la curatelle de portée générale instituée en faveur de Marlène JHAVERI, relevé Philippe JUVET, avocat, de ses fonctions de curateur de portée générale, ordonné l'instauration d'une curatelle de représentation et de gestion, étendue au domaine des soins et médical, en faveur de Marlène JHAVERI, désigné Clarissa JHAVERI aux fonctions de curatrice de sa mère et lui a confié les tâches de représenter la personne concernée dans ses rapports avec les tiers, en particulier en matière d'affaires administratives, financières et juridiques, gérer ses revenus et biens et administrer ses affaires courantes et veiller à son bien-être social et prendre toute décision médicale la concernant, notamment en cas d'incapacité de discernement.
g) Par pli du 5 septembre 2022, le juge Philippe GUNTZ, en charge du dossier de Marlène JHAVERI, se référant à la décision susmentionnée, a invité Clarissa JHAVERI à domicilier les rentes de Marlène JHAVERI auprès de l'EMS Résidence Beauregard ou à lui confirmer que tel était déjà le cas. Il relevait que la curatelle instaurée pourrait être levée, à l'aune du principe de subsidiarité, si les rentes étaient domiciliées auprès de l’EMS en question, puisque la personne protégée était bénéficiaire de prestations complémentaires et n'avait pas de fortune significative, que tous ses besoins étaient couverts par le contrat d'accueil en EMS et que Clarissa JHAVERI était sa représentante thérapeutique de par la loi.
h) Par courrier du 26 septembre 2022, Clarissa JHAVERI a contesté la position exprimée par le juge Philippe GUNTZ, au motif que celle-ci était en totale contradiction, tant avec la décision rendue par la Cour de Justice le 30 juin 2022, qu'avec la position tenue par le juge Philippe GUNTZ durant la procédure de recours, lequel considérait une mesure de curatelle de portée générale en faveur de sa mère nécessaire. Clarissa JHAVERI se demandait si la position exprimée le 5 septembre 2022 par le juge Philippe GUNTZ était en lien avec le rapport d'inimitié manifeste à son égard qu'il aurait, selon elle, adopté tout au long de la procédure; elle a sollicité la récusation du juge Philippe GUNTZ.
i) Le juge Philippe GUNTZ a adressé le 27 septembre 2022 un courrier à Clarissa JHAVERI afin de répondre à ses reproches.
j) Par courrier du 15 novembre 2022, Clarissa JHAVERI a formé une nouvelle requête de récusation à l'encontre du juge Philippe GUNTZ, au motif qu'elle avait découvert, lors de la consultation du dossier, le 8 novembre 2022, un courrier que le juge Philippe GUNTZ avait adressé au curateur d'office le 22 juillet 2022 (par lequel il l'informait, notamment, du changement de curateur) et un autre courrier qu'il avait adressé le 3 octobre 2022 à l'EMS Résidence Beauregard (afin notamment de savoir si les rentes étaient versées auprès de leur établissement). Elle considérait que le ton et les termes employés dans les courriers à son encontre étaient inadéquats et exprimaient l'intention du magistrat de l'évincer du dossier de sa mère, malgré la décision de la Chambre de surveillance. Par ailleurs, la réponse que lui avait adressé le magistrat le 27 septembre 2022, suite à sa première récusation, ne laissait planer aucun doute sur la partialité de celui-ci à son égard.
k) Le juge Philippe GUNTZ a répondu le 19 décembre 2022 aux requêtes de récusation, concluant à leur rejet.
l) Clarissa JHAVERI a répliqué le 28 janvier 2023, persistant dans sa position.
D. Dans sa décision, la délégation du collège des juges du Tribunal de protection a retenu, en substance, que le magistrat concerné avait agi dans le cadre de ses prérogatives, et nullement dans l’intention de nuire à la curatrice nouvellement désignée, en invitant cette dernière à domicilier les rentes de sa protégée auprès de l’EMS dans lequel elle résidait. Par ailleurs, c’est en application des principes de proportionnalité et de subsidiarité, que le magistrat concerné avait considéré que la curatelle pouvait ne plus être justifiée, et purement levée, en cas de domiciliation des rentes de la personne protégée auprès de l’EMS dans lequel elle demeurait, raison pour laquelle il avait fait cette invite à la curatrice. C’est également en sa qualité d’autorité de surveillance de la mise en œuvre de la curatelle qu’il avait demandé et obtenu les informations à ce sujet directement auprès de l’EMS, à défaut de les avoir obtenus de la curatrice. C’est encore en cette qualité qu’il s’était inquiété, dans son courrier du 17 septembre 2022, de ce que la curatrice n’avait pas encore domicilié les rentes auprès de l’EMS. La façon de procéder du magistrat ne constituait pas une apparence de partialité. La requérante ne pouvait également pas se fonder sur des termes employés à d’autres occasions précédemment par le juge pour fonder ses requêtes, dès lors qu’elle n’avait pas demandé la récusation du magistrat à ce moment-là. Il a ainsi rejeté les deux requêtes de récusation.
E. Par courrier du 16 mars 2023, le Président du Tribunal de protection a informé Clarissa JHAVERI que, dans l’unique souci de favoriser une prise en charge apaisée de sa mère, Marlène JHAVERI, il avait estimé adéquat de procéder à une réattribution de la cause à un autre magistrat du Tribunal de protection, à savoir la juge Iana MOGOUTINE CASTIGLIONI, Présidente de la 4ème chambre du Tribunal de protection.
1. 1.1 La décision prise par le collège des juges du Tribunal de protection sur les demandes de récusation visant l’un de ses magistrats est sujette à recours auprès de la Chambre de surveillance de la Cour de justice (art. 13 al. 1 LaCC).
La recourante a déposé son recours dans les dix jours ayant suivi la notification de la décision attaquée, auprès de l'autorité de recours compétente, de sorte qu'il est recevable.
1.2 L'exigence d'un intérêt à recourir est requise pour l'exercice de toute voie de droit (ATF 130 III 102 consid. 1.3; ATF 127 III 429 consid. 1b).
L'absence d'un intérêt digne de protection doit être relevé d'office, à tous les stades du procès. Elle entraîne l'irrecevabilité de la demande. Un tel intérêt fait ainsi défaut lorsque la prétention du demandeur a été entre temps satisfaite ou si l'on ne peut y donner suite (BOHNET, CR CPC, 2ème éd., ad art. 59 n. 92).
2. 2.1.1 L’art. 47 al. 1 CPC énumère à ses lettres a à f les motifs possibles de récusation d’un magistrat.
Cette norme s’inscrit dans l’obligation faite à tout Etat de garantir aux parties l’accès à un tribunal indépendant et impartial, instituée par les art. 30 al. 1 Cst. et 6 § 1 CEDH- qui ont, de ce point de vue, la même portée- et que l’art. 47 CPC explicite en procédure civile en permettant de demander la récusation d’un juge dont la situation ou le comportement est de nature à susciter des doutes quant à son impartialité. Elle vise à éviter que des circonstances extérieures à la cause puissent influencer le jugement en faveur ou au détriment d’une partie. Elle n’impose pas la récusation seulement lorsqu’une prévention effective est établie, car une disposition interne de la part du juge ne peut être prouvée ; il suffit que les circonstances donnent l’apparence d’une prévention et fassent redouter une activité partiale du magistrat, cependant seules les circonstances objectivement constatées doivent être prises en compte, les impressions purement individuelles n’étant pas décisives (ATF 138 IV 142 consid. 2.3 et la jurisprudence citée; arrêts du Tribunal fédéral 5A_109/2012 du 3 mai 2012 consid. 3.2.1 et 5A_801/2016 du 29 novembre 2016 consid. 5.1).
2.1.2 La partie, qui entend obtenir la récusation d'un magistrat, doit la demander au tribunal aussitôt qu'elle a eu connaissance du motif de récusation (art. 49 al. 1 CPC). Le terme utilisé par la loi (aussitôt) indique qu'une certaine immédiateté est de mise pour former une requête de récusation (ATF 138 I 1 consid. 2.2; 137 I 227 consid. 2.1; 136 III 605 consid. 3.2.2). Même si la loi ne prévoit aucun délai particulier, il y a lieu d'admettre que la demande de récusation doit être formée dans les jours qui suivent la connaissance de la cause de récusation (arrêts du Tribunal fédéral 2C_239/2010 du 30 juin 2010 consid. 2.1; 1B_277/2008 consid. 2.3 in fine). Il s'agit bien de quelques jours et non de deux ou trois semaines voire davantage (CR CPC TAPPY, art. 49 CPC N 12 et références jurisprudentielles).
S'il y a lieu, la partie doit demander dans les dix jours de cette connaissance l'annulation des actes de procédure auxquels le juge récusé a pris part (art. 51 al. 1 CPC; arrêt du tribunal fédéral 4A_475/2018 du 12 septembre 2019 consid. 3.3). En principe une récusation n'entraîne ni la nullité absolue ni la possibilité d'une annulation d'office des actes accomplis précédemment, ou même pendant la procédure de récusation, par le magistrat ou le fonctionnaire récusable ou avec son concours (GASSER/RICKLI, art. 51 N 1, BSK ZPO-WEBER, art. 50 N 2). En principe, la personne dont la récusation est demandée reste en charge du dossier jusqu'à la décision, avec la possibilité que les actes auxquels elle aura participé doivent être annulés et répétés à la requête d'une partie si la récusation est finalement admise (DIKE ZPO-DIGGELMANN, art. 50 N 5; CR CPC TAPPY, art. 50 CPC N 5).
2.2 En l'espèce, le traitement du dossier de Marlène JHAVERI a été confié à un autre magistrat que celui qui est concerné par la demande de récusation, de sorte que ce dernier n'est plus en charge du dossier depuis le 16 mars 2023. La récusation sollicitée n'a donc plus d'objet pour l’avenir, dès cette date.
Il reste à examiner si le recours formé conserve un intérêt pour le passé, dès lors que, dans pareils cas, et pour autant que le requérant le demande dans les dix jours, les actes de procédure auquel le juge a pris part peuvent être annulés si la récusation est admise.
La première requête de récusation a été formée le 26 septembre 2022 et porte sur un courrier que le magistrat a adressé à la curatrice pour s’enquérir de savoir si les rentes de la personne protégée étaient versées à l’EMS dans lequel elle réside. La seconde récusation se fonde sur les courriers du magistrat à l'ancien curateur d’office du 22 juillet 2022 et à l'EMS du 3 octobre 2022.
Force est de constater que ces courriers ne constituent pas des actes de procédure susceptibles d’être annulés (ce que la recourante ne plaide au demeurant pas), de sorte que le recours n’a plus d’intérêt pour le passé également, soit pour la période du 26 septembre 2022 (date de la première requête de récusation) au 16 mars 2023 (date du changement de magistrat), étant précisé que le magistrat concerné n’a accompli aucun acte de procédure pendant cette période.
Le recours doit ainsi être déclaré irrecevable, sans qu’il ne soit nécessaire de se pencher sur les motifs de récusation soulevés, soit sur les motifs de prévention allégués - étant encore précisé que ces motifs ne concernaient aucunement la personne concernée par la mesure, mais uniquement la personne de la curatrice désignée -, ni sur les autres griefs soulevés par la recourante contre la décision rendue par le collège des juges du Tribunal de protection.
3. La procédure n'est pas gratuite (art. 13 LaCC). Les frais judiciaires arrêtés à 400 fr. seront mis à la charge de la recourante qui succombe (art. 106 al. 1 CPC) et compensés avec l'avance de frais du même montant, qui demeure acquise à l'Etat de Genève (art. 11 al. 1 CPC).
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La Chambre de surveillance :
Déclare irrecevable le recours formé le 31 mars 2023 par Clarissa JHAVERI contre l'ordonnance DTAE/1959/2023 rendue par le collège des juges du Tribunal de protection le 27 janvier 2023 dans la cause C/10249/2019.
Arrête les frais judiciaires à 400 fr., les met à la charge de Clarissa JHAVERI et les compense avec l'avance versée, laquelle demeure acquise à l'Etat de Genève.
Siégeant :
Monsieur Cédric-Laurent MICHEL, président; Mesdames Ursula ZEHETBAUER GHAVAMI et Jocelyne DEVILLE-CHAVANNE, juges; Madame Jessica QUINODOZ, greffière.
Indication des voies de recours :
Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 LTF; RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral - 1000 Lausanne 14.