Décisions | Chambre Constitutionnelle
ACST/13/2025 du 20.03.2025 ( ELEVOT ) , IRRECEVABLE
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||||
| POUVOIR JUDICIAIRE A/807/2025-ELEVOT ACST/13/2025 COUR DE JUSTICE Chambre constitutionnelle Arrêt du 20 mars 2025 |
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dans la cause
A______ recourant
contre
CONSEIL D'ÉTAT intimé
A. a. A______, citoyen suisse, est domicilié à B______.
b. Il est candidat à l'élection du conseil administratif et du Conseil municipal de la commune B______ du 23 mars 2025.
B. a. Lors du scrutin du 9 février 2025, portant sur l'initiative populaire fédérale « pour une économie responsable respectant les limites planétaires », soutenue par le parti des Verts, le local de vote de la commune de A______ a été ouvert de 10h00 à 12h00.
b. Vers 11h45, la Maire de la commune de A______ et une candidate à l'élection du Conseil municipal, membres dudit parti, sont entrées dans le local. La Maire a déposé sur une table des flyers de type « tracts électoraux » invitant la population à une raclette offerte par le parti des Verts de A______.
c. La vice-présidente du local de vote a demandé aux intéressées de reprendre les flyers et le président du local de vote en a récupéré auprès de jurés électoraux pour ensuite les jeter à la poubelle.
d. Lors de ce scrutin, 71 personnes ont voté au local de vote de la commune.
e. Au total, 3'303 électeurs de la commune de A______ ont participé à la votation et 60.22% d'entre eux ont voté contre l'initiative. Celle-ci a été rejeté par la majorité des cantons, dont le canton de Genève.
f. L'affichage politique pour les élections communales du 23 mars 2025 a débuté le 24 février 2025.
g. Le 24 février 2025, A______ s'est présenté au guichet du service des votations et élections (ci-après : SVE). Il a notamment indiqué à la cheffe de service qu'il entendait faire une dénonciation concernant la distribution de flyers au local de vote le 9 février 2025.
C. a. Par acte remis à la poste le 7 mars 2025, A______ a interjeté recours auprès de la chambre constitutionnelle de la Cour de justice (ci-après : la chambre constitutionnelle) « en raison d'une infraction manifeste aux dispositions électorales constatées lors du scrutin du 9 février 2025 », concluant (1) à ce qu'une infraction à l'art. 45 al. 2 de la loi sur l’exercice des droits politiques du 15 octobre 1982 (LEDP - A 5 05) soit constatée, (2) à ce que la chambre constitutionnelle prenne les mesures nécessaires pour garantir l'égalité de traitement entre tous les candidats et assurer l'impartialité des autorités communales dans l'organisation des élections, (3) à ce qu'elle examine si cette infraction a pu influencer le bon déroulement du scrutin et, le cas échéant, prenne les mesures appropriées et (4) à ce qu'elle examine si cette infraction pouvait influencer le bon déroulement du scrutin du 23 mars 2025 et, le cas échéant, prenne les mesures appropriées.
Lors de la séance du Conseil municipal de A______ du mardi 4 mars 2025, la Maire avait confirmé qu'une personne, candidate du parti des Verts aux élections de mars 2025, avait distribué des tracts publicitaires politiques dans le local de vote de A______ le 9 février 2025. La Maire était présente lors de cet incident et était entrée dans le bureau de vote avec la candidate concernée, sans rien faire. Il avait fallu l'intervention du président du local de vote, lequel avait interrompu le vote à ce moment-là. Cette situation, en particulier la distribution de tracts électoraux, portait atteinte au bon déroulement du scrutin.
b. Le Conseil d'État a conclu au rejet du recours.
c. Le 14 mars 2025, la cheffe de service du SVE a confirmé par écrit avoir rencontré A______ le 24 février 2025 au SVE. Ce dernier avait notamment voulu savoir si la distribution de tracts électoraux au sein d'un local de vote était autorisée. Il lui avait indiqué qu'il souhaitait dénoncer les événements survenus au local de vote de A______ le dimanche 9 février.
d. A______ a précisé qu'il avait demandé, lors de son passage au SVE, quelle était la procédure à suivre concernant les flyers électoraux qui, pour la deuxième année de suite, lui semblaient contraires à la LEDP. Il avait précisé avoir entendu des bruits de couloir concernant une possibilité de distribution de tracts par un parti, ne connaissant pas le nom des protagonistes et ne disposant d'aucune information précise. Le 27 février 2025, la Maire lui avait dit qu'elle était présente dans le local de vote mais qu'elle n'avait rien fait. Lors de la séance du Conseil municipal du 4 mars, à la suite d'une question qu'il avait posée, l'intéressée avait confirmé les faits.
e. Sur ce, la cause a été gardée à juger, ce dont les parties ont été informées.
1. La chambre constitutionnelle est compétente pour connaître du recours – qui est un recours pour violation des droits politiques – en vertu de l’art. 124 let. b de la Constitution de la République et canton de Genève du 14 octobre 2012 (Cst‑GE - A 2 00), concrétisé en cette matière notamment par l’art. 130B al. 1 let. b de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05) et par l’art. 180 LEDP.
1.1 Entrent dans le cadre des opérations électorales, et sont donc sujets à recours au sens de cette dernière disposition, tous les actes destinés au corps électoral, de nature à influencer la libre formation et expression du droit de vote telle qu’elle est garantie par les art. 34 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) et 44 Cst-GE. La notion d’opérations électorales figurant à l’art. 180 LEDP est conçue largement : elle ne se réduit pas aux seules élections mais vise également les votations et englobe aussi bien les scrutins populaires eux-mêmes que les actes préparant ces derniers. La constatation du résultat exact d’une élection, de même que le respect de la procédure en matière électorale, font partie de la liberté de vote (ATF 140 I 394 consid. 8.2 ; ACST/23/2024 du 18 novembre 2024 consid. 1.1 et les arrêts cités).
1.2 En l'espèce, le recours est dirigé contre « la distribution de tracts publicitaires » dans le local de vote de A______ lors du scrutin du 9 février 2025, ce qui entre dans le cadre des opérations électorales. Le recourant considère que cette situation consacre des irrégularités susceptibles d'avoir faussé le résultat du vote du 9 février 2025 et de fausser celui du 23 mars 2025. La chambre de céans n’est toutefois pas compétente en matière de scrutins fédéraux (art. 77 al. 1 de la loi fédérale sur les droits politiques du 17 décembre 1976 - LDP - RS 161.1) et ne peut en toute hypothèse que se pencher sur les élections du 23 mars 2025.
2. En matière de droits politiques, la qualité pour recourir appartient à toute personne disposant du droit de vote dans l’affaire en cause, indépendamment d’un intérêt juridique ou digne de protection à l’annulation de l’acte attaqué (ACST/24/2024 du 19 novembre 2024 consid. 1.2 et les arrêts cités).
En l’espèce, en tant que ressortissant suisse domicilié dans le canton et y exerçant ses droits politiques (art. 48 al. 2 Cst-GE et 3 LEDP), le recourant dispose de la qualité pour recourir.
3. Les recours en matière de votations et d’élections doivent être formés dans les six jours (art. 62 al. 1 let. c LPA), délai non susceptible d’être suspendu (art. 63 al. 2 let. a LPA). Ce délai court dès le lendemain du jour où, en faisant montre de la diligence commandée par les circonstances, le recourant a pris connaissance de l’irrégularité entachant, selon lui, les opérations électorales (ACST/23/2024 précité consid. 4).
3.1 L’irrecevabilité qui sanctionne l’inobservation d’un délai de recours n’est pas constitutive d’un formalisme excessif prohibé par l’art. 29 al. 1 Cst., une stricte application des règles relatives aux délais étant justifiée par des motifs d’égalité de traitement et par un intérêt public lié à une bonne administration de la justice et à la sécurité du droit (arrêt du Tribunal fédéral 1C_160/2021 du 27 septembre 2021 consid. 4.5.1 et les références citées). En matière de droits politiques, la brièveté des délais et la nécessité de leur stricte application se justifient également afin de permettre que les irrégularités puissent être, si possible, corrigées avant la votation en cause (ATF 121 I 1 consid. 2 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_365/2019 du 5 novembre 2019 consid. 2.2).
3.2 En l'espèce, il ressort du courrier de la cheffe de service du SVE du 14 mars 2025 que le recourant souhaitait déjà, lors de sa visite au SVE du 24 février 2025, dénoncer les événements survenus au local de vote de A______ le dimanche 9 février 2025. Ainsi, il y a lieu de retenir que le recourant a eu connaissance de l'irrégularité entachant, selon lui, les opérations électorales au plus tard le 24 février 2025. Il importe peu que, d'après lui, il ne connût pas encore le nom des protagonistes, puisqu'il n'ignorait pas que l'événement s'était produit. En outre, compte tenu des déclarations écrites de la cheffe de service du SVE, dont rien ne permet en l'occurrence de douter de la véracité, son affirmation selon laquelle il ne disposait d'aucune information précise lors de son passage au SVE paraît peu crédible.
Le recours ayant été déposé le 7 mars 2025, soit plus de six jours après le 24 février 2025, il l'a donc été hors délai et est tardif, ce qui serait du reste également le cas si l’on prenait comme dies a quo le 27 février 2025, date à laquelle le recourant dit lui-même que la Maire lui avait confié avoir été présente dans le local de vote le 9 février 2025.
Le recours doit dès lors être déclaré irrecevable, étant précisé qu’il devrait être rejeté, pour les motifs exposés ci-après, même s’il était recevable.
Par ailleurs, il apparaît douteux que les conclusions prises par le recourant satisfassent aux exigences posées par l'art. 65 LPA (cf. ACST/21/2017 du 30 octobre 2017 consid. 5a et les arrêts cités), bien que l'on puisse très éventuellement déduire des termes « prendre les mesures appropriées » que l'intéressée envisagerait l'annulation, respectivement le report, des scrutins concernés. Cette question pourra toutefois souffrir de demeurer indécise, le recours devant déjà être déclaré irrecevable pour le motif exposé ci-avant.
En toute hypothèse néanmoins, la conclusion tendant au constat d'une infraction à l'art. 45 al. 2 LEDP est irrecevable, faute d'intérêt pratique à son admission, l'intéressé pouvant obtenir une décision formatrice annulant ou reportant les scrutins (ATA/1314/2024 du 12 novembre 2024 consid. 4.1 et les arrêts cités). La conclusion tendant à ce que la chambre de céans « prenne les mesures nécessaires pour garantir l'égalité de traitement entre tous les candidats et assurer l'impartialité des autorités communales dans l'organisation des élections », en plus d'être imprécise, s'écarte de l'objet du litige et dépasse le pouvoir de décision de la chambre de céans. Elle sera donc également déclarée irrecevable.
4. Le recourant se plaint d'une violation de l'art. 45 al. 2 LEDP.
4.1 L’art. 34 al. 1 Cst. garantit de manière générale et abstraite les droits politiques, que ce soit sur le plan fédéral, cantonal ou communal, et il établit de manière générale les principes essentiels de la participation démocratique. La garantie revêt un caractère fondamental. L'art. 34 al. 1 Cst. ne définit en revanche pas en détail leur contenu et renvoie à cet égard aux constitutions et lois cantonales (ATF 150 I 17 consid. 4.1 = JdT 2024 I p. 35, 37 ; ATF 138 I 189 consid. 2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_487/2024, 1C_491/2024, 1C_496/2024, 1C_497/2024 et 1C_504/2024 du 12 décembre 2024 consid. 5.1, destiné à la publication).
L’art. 34 al. 2 Cst. protège la libre formation de l’opinion des citoyens et leur garantit qu’aucun résultat de vote ne soit reconnu s’il ne traduit pas de façon fidèle et sûre l’expression de leur libre volonté. Chaque citoyen doit pouvoir se déterminer en élaborant son opinion de la façon la plus libre et complète possible et exprimer son choix en conséquence. La liberté de vote garantit la sincérité et la loyauté du débat nécessaire au processus démocratique et à la légitimité des décisions prises en démocratie directe (ATF 150 I 17 consid. 4.1 = JdT 2024 I p. 35, 37 ; ATF 146 I 129 consid. 5.1). L’art. 44 Cst-GE garantit les droits politiques en des termes similaires (ATF 150 I 204 consid. 7.1 ; ACST/37/2023 du 30 octobre 2023 consid. 5.1).
La liberté de vote se décompose en plusieurs maximes, au nombre desquelles figure celle qui, dans le but de cadrer les rôles respectifs complémentaires de l'État et de la société civile en démocratie, régit l'intervention de l'autorité dans les campagnes référendaires et électorales, en termes à la fois de devoirs et de restrictions. Dans les campagnes précédant une votation ou une élection, les diverses règles résultant de la liberté de vote imposent aux autorités un devoir à la fois d'exactitude et de réserve, à savoir un devoir d'informer le corps électoral au sujet du vote ou de l'élection mais aussi, de façon très stricte en matière d'élections, un devoir de s'abstenir de toute intervention illicite (ATF 139 I 2 consid. 6.2 ; 131 I 126 consid. 5 ; ACST/37/2023 précité consid. 5.1 et les références citées). L’autorité ne doit pas intervenir de manière inadmissible dans la campagne précédant une votation, en utilisant des moyens répréhensibles (ACST/23/2024 précité consid. 6.3 et les références citées).
4.2 Le résultat d'une votation est faussé lorsque les autorités influencent de manière inadmissible les citoyens (ATF 140 I 338 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_665/2018 du 16 janvier 2019 consid. 3). Il l'est également lorsque les citoyens ont été informés de manière erronée sur le but et la portée du projet soumis au vote (ATF 145 I 207 consid. 2.1 ; 139 I 2 consid. 6.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_487/2024, 1C_491/2024, 1C_496/2024, 1C_497/2024 et 1C_504/2024 du 12 décembre 2024 consid. 5.1, destiné à la publication).
Il n'est pas exclu que des informations données par des particuliers avant une votation puissent nuire de manière inadmissible à la formation de la volonté des citoyens et porter ainsi atteinte à la liberté de vote (ATF 135 I 292 consid. 2). Ces considérations sont aussi valables pour les élections (ATF 117 Ia 452 consid. 5 ; 102 Ia 264 consid. 3). Il ne se justifie toutefois qu'exceptionnellement d'annuler un scrutin lorsque de telles interventions sont en cause. En effet, l'usage, par les tiers, d'arguments inexacts ou fallacieux, bien que répréhensible, ne peut être totalement exclu, dès lors qu'ils peuvent participer librement à la campagne et se prévaloir à cet égard de la liberté d'expression et de la liberté des médias. Il appartient, en principe, aux citoyens d'opérer les distinctions nécessaires entre les différentes opinions exprimées, de reconnaître les exagérations manifestes et, ensuite, de forger leur propre conviction. L'annulation d'un scrutin ne doit être envisagée que dans des cas exceptionnels et avec une grande retenue : il faut d'abord que ces informations induisent gravement en erreur sur des points essentiels de la votation; il faut ensuite qu'elles aient été diffusées à une date si proche du scrutin que les citoyens ne soient plus en mesure de se renseigner de manière fiable à d'autres sources (ATF 135 I 292 consid. 4.1). Il faut enfin que l'influence des informations dénoncées sur le résultat de l'élection soit manifeste ou à tout le moins très vraisemblable (ATF 119 Ia 271 consid. 3c). Les conditions d'annulation du scrutin sont ainsi plus strictes qu'en cas d'atteinte à la liberté de vote commise par les autorités (arrêt du Tribunal fédéral 1C_266/2023 du 4 juillet 2024 consid. 7.2).
4.3 En matière de recours contre les votations, la jurisprudence distingue ceux qui sont déposés avant ou peu après la votation des recours qui sont interjetés bien après la votation lorsque des irrégularités ont été connues ultérieurement. Dans le premier cas, la votation n'est annulée qu'à la double condition que la violation constatée est grave et qu'elle a pu avoir une influence sur le résultat du vote (ATF 147 I 194 consid. 4.1.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_487/2024, 1C_491/2024, 1C_496/2024, 1C_497/2024 et 1C_504/2024 précité consid. 5.1, destiné à la publication). Dans ce cas, le citoyen n’a pas à prouver que le vice a eu d’importantes répercussions sur l’issue de la votation ; il suffit qu’une telle conséquence soit possible. Il y a lieu de tenir compte notamment de l'écart de voix, de la gravité des vices de procédure et de leur portée sur le vote dans son ensemble (ATF 147 I 297 consid. 5.1 = SJ 2021 I 265, 270). Si l’écart des voix est minime, même une irrégularité relativement légère pourrait conduire à l’annulation du scrutin, tandis que, pour un écart important, il faudrait une irrégularité vraiment massive (ATF 132 I 104 consid. 3.3 ; Giorgio MALINVERNI et al., Droit constitutionnel suisse, vol. II, 4e éd., 2021, n. 964). Ainsi, si la possibilité d'un résultat différent au cas où la procédure n'avait pas été viciée apparaît à ce point minime qu'elle ne puisse pas entrer sérieusement en considération, il y a lieu de renoncer à l'annulation du vote ; dans le cas contraire, il faut considérer le vice comme important et annuler la votation (ATF 145 I 207 consid. 4.1 ; 145 I 1 consid. 4.2 ; 143 I 78 consid. 7.1).
4.4 Pour savoir si les électeurs ont acquis une opinion suffisante et objective sur l'objet soumis au vote, il convient de prendre en considération le contexte global et l'ensemble des informations diffusées. Dans ce cadre, il est sans importance que ces informations proviennent en partie des explications du gouvernement dans la brochure de vote ou de déclarations de membres de l'exécutif aux médias, ni que ces derniers s'y soient référés explicitement ou non. Il faut se demander si les votants, sur la base de l’information délivrée par les différents organes de presse et par les acteurs du débat politique, sont effectivement en mesure de se faire une opinion suffisante et objective sur l’objet soumis à la votation (ATF 147 I 297 consid. 3.2 = SJ 2021 I 265, 267 s. et les références citées ; ATF 138 I 61 consid. 7.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_130/2015 du 20 janvier 2016 consid. 3.2).
4.5 En droit genevois, la présidence du local de vote, composée du président et du vice-président (art. 40 al. 1 LEDP), est responsable de la régularité des opérations électorales. A cette fin, elle assure la police du local de vote (let. b) et enregistre les réclamations des électeurs (let. c), notamment (art. 41 al. 1 LEDP). L'art. 45 LEDP prévoit que la police du local et de ses abords appartient à la présidence qui peut requérir l’aide de la force publique (al. 1). Toute manifestation est interdite à l’intérieur du local de vote, ainsi qu’à ses abords (al. 2).
Selon l'art. 17A REDP, tout comportement propre à gêner ou rendre plus difficile l'accès aux locaux de vote, ou à troubler de toute autre manière l'ordre public ou la sécurité du vote dans ces locaux ou à leurs abords, est interdit (al. 1). Par « abords » au sens de l’alinéa 1, l’on entend un rayon minimum de 20 mètres autour de l’entrée du bâtiment, de la cour ou du préau (al. 2). La présidence des locaux de vote prend toutes les mesures utiles pour assurer l'ordre public et la régularité des scrutins dans les locaux de vote et à leurs abords (al. 3). Les mesures prises sont consignées au procès-verbal des réclamations du local de vote au sens de l’art. 71 al. 2 LEDP (al. 4).
5. En l'espèce, en distribuant des flyers de type « tracts électoraux » invitant la population à une raclette offerte par le parti des Verts de A______ dans le local de vote de cette commune lors du scrutin du 9 février 2025, la Maire de la commune et la candidate concernée « verte » à la prochaine élection du Conseil municipal ont adopté un comportement contraire à l'art. 17A REDP.
Cela étant, ce vice ne peut être qualifié de si grave qu'il devrait emporter annulation des scrutins des 9 février et 23 mars 2025. L'irrégularité, à laquelle il a de surcroît été remédié rapidement, n'a pu toucher qu'un nombre très restreint de personnes concernées par la votation. En effet, d'une part, la vice‑présidente du local de vote a rapidement fait le nécessaire pour que les intéressées reprennent les flyers, et le président du local de vote en a récupéré auprès de jurés électoraux pour les jeter à la poubelle. D'autre part, les flyers ont été déposés seulement quinze minutes avant la fin du vote, étant rappelé que le local de vote a été ouvert pendant deux heures. En outre, seules 71 personnes, parmi les 3'303 électeurs de la commune de A______ ayant participé à la votation, laquelle comptait pas moins de 18'943 habitants à fin 2024 (https://statistique.ge.ch/communes/apercu.asp?commune=31), ont voté au local de vote.
En ce qui concerne les élections du 23 mars 2025, seuls scrutins pour lesquels la chambre de céans est compétente, dans la mesure où les flyers distribués ne portaient que sur une invitation à la population à partager une raclette, aucune information inexacte relative aux élections communales ni argument fallacieux, susceptible d'influencer le résultat du vote, n'a pu être transmis aux électeurs, ni ne peut, a fortiori, nuire de manière inadmissible à la formation de leur volonté. En toute hypothèse, les flyers ont été distribués six semaines avant le scrutin, à un moment où l'affichage électoral n'avait pas encore débuté. Les électeurs ont donc disposé de suffisamment de temps pour se forger leur propre opinion en prévision des élections.
Au vu de ce qui précède, aucune violation des droits politiques ne pourrait être retenue même si le recours était par hypothèse recevable, si bien que ce dernier devrait être rejeté.
6. Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 500.- sera mis à la charge du recourant (art. 87 al. 1 LPA) et aucune indemnité ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).
* * * * *
PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE CONSTITUTIONNELLE
déclare irrecevable, subsidiairement rejette, le recours interjeté le 7 mars 2025 par A______ contre les événements survenus lors du scrutin du 9 février 2025 ;
met un émolument de CHF 500.- à la charge de A______ ;
dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;
dit que conformément aux art. 82 ss LTF, le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;
communique le présent arrêt à A______ ainsi qu'au Conseil d'État.
Siégeant : Jean-Marc VERNIORY, président, Florence KRAUSKOPF, Blaise PAGAN, Philippe KNUPFER, Claudio MASCOTTO, juges.
Au nom de la chambre constitutionnelle :
le greffier-juriste :
J. PASTEUR
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| le président :
J.-M. VERNIORY
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Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.
Genève, le
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| la greffière :
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