Décisions | Chambre des prud'hommes
ACJC/1564/2025 du 03.11.2025 sur JTPH/68/2025 ( OS ) , IRRECEVABLE
En droit
| république et | canton de genève | |
| POUVOIR JUDICIAIRE C/15715/2023 ACJC/1564/2025 ARRÊT DE LA COUR DE JUSTICE Chambre des prud'hommes DU LUNDI 3 NOVEMBRE 2025 | ||
Entre
A______ SA, sise ______ [GE], appelante d'un jugement rendu par le Tribunal des prud'hommes le 26 février 2025 (JTPH/68/2025), représentée par Me Arnaud PARREAUX, avocat, boulevard James-Fazy 3, 1201 Genève,
et
Monsieur B______, domicilié ______ [GE], intimé, représenté par le Syndicat C______, ______ [GE].
A. a. B______ a été engagé par A______ SA, en qualité d'aide de cuisine, à partir du 22 juin 2021, pour un salaire mensuel de 4'211 fr. 50 brut, incluant le treizième salaire.
b. Par courrier du 30 juin 2022, A______ SA a notifié à B______ son licenciement avec effet au 31 juillet 2022, au motif de difficultés économiques engendrées par les restrictions liées à la crise sanitaire.
c. Par contrat de travail du 2 août 2022, B______ a été réengagé par A______ SA, en qualité d'aide de cuisine, à partir du 1er août 2022, pour un salaire mensuel de 4'550 fr. brut, incluant le treizième salaire.
d. B______ a été en incapacité de travail à 100% pour cause de maladie dès le 19 septembre 2022.
e. Par courrier du 19 septembre 2022, A______ SA a notifié à B______ son licenciement avec effet au 26 septembre 2022, dans le respect d'un préavis d'une semaine, au motif des restrictions en lien avec la crise sanitaire pénalisant l'activité et la situation économique.
f. Par courrier du 5 octobre 2022, B______, sous la plume du syndicat C______, a fait savoir à son employeur qu'il considérait son licenciement comme nul et non avenu, puisque notifié alors qu'il était dans une période de protection. Il était en arrêt de travail depuis le 19 septembre 2022 et A______ SA avait saisi cette opportunité pour le licencier sans respecter le préavis légal d'un mois pour la fin d'un mois.
g. Par courrier du 20 octobre 2022, A______ SA a indiqué qu'il avait licencié B______ à la fin du mois de juin 2022 pour la fin juillet 2022, car celui-ci, malgré plusieurs avertissements, avait continué de boire gratuitement de l'alcool dans l'établissement en cachette, durant ses heures de travail. Toutefois, s'agissant d'une brave personne et compte tenu de la pénurie de personnel, il avait voulu lui donner une dernière chance et l'avait repris à son poste à travers un nouveau contrat de travail avec une nouvelle période d'essai indispensable pour s'assurer qu'il ne recommence plus. Durant la semaine du 12 au 14 septembre 2022, B______ avait recommencé à boire, ce qui avait été constaté par le chef de cuisine, conduisant à la décision de le licencier dès le lundi suivant. Le certificat médical du 19 septembre 2022 n'avait été reçu que le 20 septembre suivant. Dans tous les cas, un tel certificat n'était pas valable durant la période d'essai.
h. A______ SA a refusé que B______ reprenne sa place de travail à la fin de son incapacité de travail.
i. Par demande déposée en conciliation le 27 juillet 2023, déclarée non conciliée le 16 octobre 2023 et introduite devant le Tribunal le 4 décembre 2023, B______ a assigné A______ SA en paiement des sommes suivantes :
• 3'640 fr. à titre de salaire du 19 septembre au 18 octobre 2022;
• 3'791 fr. 65 à titre de salaire du 6 au 31 mars 2023;
• 4'550 fr. à titre de délai de congé (avril 2023);
• 3'367 fr. à titre d'indemnité pour vacances non prises.
Selon B______, il avait informé son employeur de son arrêt de travail pour cause de maladie immédiatement après avoir quitté son médecin traitant le 19 septembre 2022 et, A______ SA, n'ayant pas apprécié ce fait, lui avait adressé le même jour un courrier recommandé mettant un terme aux rapports de travail moyennant un préavis de sept jours, sans tenir compte de son ancienneté dans le même poste.
j. Dans sa réponse du 27 février 2024, A______ SA a conclu au déboutement de B______. Elle a par ailleurs formé une demande reconventionnelle, sollicitant la condamnation de ce dernier à lui verser la somme nette de 26'812 fr. 80 avec intérêts moratoires à 5% l'an au jour du dépôt de sa demande pour des boissons et repas consommés.
Bien qu'appréciant les qualités humaines de B______, elle avait rapidement été confrontée à des comportements problématiques de sa part et, malgré plusieurs avertissements, il avait persisté à consommer des boissons alcoolisées, sans les payer et à l'insu de son employeur, qu'il prenait directement dans les stocks de l'établissement durant les heures de travail. Elle l'avait donc licencié le 30 juin 2022 pour la fin juillet. Elle souhaitait lui épargner la rigueur d'un licenciement avec effet immédiat. Toutefois, compte tenu de l'estime et de la considération qu'elle avait envers lui, elle avait pris la décision de le réengager et avait convenu avec lui d'une période d'essai de trois mois. B______ avait de nouveau été surpris en train de boire de l'alcool durant son temps de travail et il avait été de nouveau licencié le 19 septembre 2022 pour le 26 septembre 2022 dans le respect du délai de congé de sept jours prévu durant le temps d'essai. Le lendemain, B______ lui avait transmis un arrêt de travail daté du 19 septembre 2022.
k. B______ a contesté les allégués de son ancien employeur selon lesquels il avait reçu des avertissements et consommait de l'alcool. Il lui avait été reproché des consommations de boissons et de repas pour la première fois en février 2024. Le prétendu dommage de son employeur ne reposait que sur des allégations fallacieuses formulées pour la première fois dans le cadre de la procédure prud'homale.
S'agissant des boissons et repas, à part la bière, il ne consommait rien d'autre. Il ne buvait pas d'alcool fort. Deux bières par jour lui étaient offertes. D______ et lui en avaient discuté à son embauche et il lui avait dit qu'il pouvait consommer gratuitement une bière après la fin du service du midi et du service du soir. C'était la sommelière qui servait le midi au bar et le barman le soir.
l. Entendu en tant que témoin, E______ a indiqué qu'il avait travaillé en qualité de chef cuisinier pour A______ SA de juillet 2022 à janvier 2024. B______, son aide de cuisine, avait des « problèmes au travail et d'alcool » qu'il n'acceptait pas en tant que chef de cuisine. Il cachait de l'alcool car il savait que cela le dérangeait. Il s’agissait de verres de bière à pression qui venaient du bar et qui lui étaient amenés par les serveurs. Il y avait eu des tensions lorsqu'il lui avait donné des instructions car il était alcoolisé. Il l'avait vu boire d'autres alcools mais ne savait pas ce qu'il buvait. Il en avait informé son responsable, F______, administrateur de A______ SA, et également D______, le responsable du restaurant. Il avait envoyé des photos à son responsable. Il avait assisté à des avertissements faits verbalement à B______. Il ne se souvenait pas des dates de licenciement ni si B______ avait travaillé durant un préavis ou s'il y avait eu un préavis. Il ne savait pas pourquoi celui-ci avait été réengagé. Rien n'était convenu sur ce qui pouvait ou non être bu. Parfois lui-même buvait un café le matin, en accord avec son responsable, et cela ne lui était pas facturé.
m. Le témoin D______ a indiqué qu'il avait travaillé pour A______ SA de 2006 à 2023. Durant la période d'emploi de B______, il était directeur et aussi en salle durant le service du midi ou en cuisine s'il fallait apporter de l'aide. B______ ne mangeait pas le midi, tout comme le chef de cuisine à son souvenir. Il arrivait qu'à la fin du service, B______ lui demande une bière et il la lui servait lorsqu'il était au bar, sans la typer sur la caisse. Le témoin pensait que F______, l’administrateur de A______ SA, était au courant. Il n’avait jamais vu B______ boire de l'alcool durant le travail ni autre chose que de la bière et lorsqu'il était en cuisine avec lui, il ne buvait rien ou un verre d'eau. A son souvenir, il buvait un expresso le matin en arrivant. Le soir, le témoin était peut-être là à son arrivée à 18h, mais pas après. B______ était le seul à boire des bières. Les autres buvaient du café et il y avait également des boissons achetées au litre pour le personnel. Les rapports avec le chef de cuisine étaient compliqués en raison de son caractère. Il manquait de respect envers les personnes avec lesquelles il travaillait. Il leur hurlait dessus en cuisine. B______, à son souvenir, prenait sur lui et ne disait rien. Le chef de cuisine ne s'était pas plaint auprès de lui de B______. Il parlait facilement avec F______ car ils s'exprimaient en italien. Le témoin avait lui-même parlé avec F______ de ces rapports tendus, difficiles. La première fois, B______ avait été licencié pour une histoire d'alcool au travail, sur décision de F______. Le témoin n'était pas forcément d'accord avec le motif du licenciement « car [même s']il y avait le problème d'alcool, il n'y avait rien de flagrant et il y avait bien plus de qualités ». Le témoin n’avait pas vu B______ boire de l’alcool durant ses heures de travail. Il l'avait vu une fois, à une prise de service du soir, revenir de l'apéritif mais il n'était pas en état d'ébriété. A son souvenir, B______ avait travaillé durant son préavis. Il avait été réengagé car il était difficile de trouver un nouvel aide de cuisine et de le former en été, période de forte activité. La décision avait été prise d'un commun accord après en avoir parlé avec F______. Il y avait peut-être eu des mises en garde. Il n'était plus question de prendre son service après un apéritif. Le témoin avait discuté avec B______ de son réengagement et ce dernier avait demandé une augmentation. Le second licenciement était intervenu en raison des arrêts ou certificats médicaux. Il n'avait pas assisté à son licenciement ni rédigé la lettre de licenciement.
B. Par jugement JTPH/68/2025 du 25 février 2025, statuant par voie de procédure simplifiée, le Tribunal des prud'hommes (ci-après, le Tribunal) a déclaré recevable la demande formée le 4 décembre 2023 par B______ contre A______ SA
(ch. 1 du dispositif), ainsi que la demande reconventionnelle formée le 27 février 2024 par A______ SA contre B______ (ch. 2), condamné A______ SA à verser à B______ la somme brute de 14'202 fr. 07 avec intérêts moratoires au taux de 5% l'an dès le 1er mai 2023 (ch. 3), invité la partie qui en avait la charge à opérer les déductions sociales et légales usuelles (ch. 4), dit qu’il n’était pas perçu de frais, ni alloué de dépens (ch. 5) et débouté les parties de toute autre conclusion (ch. 6).
En substance, l'ensemble des éléments au dossier ne permettait pas de retenir la thèse de l’employeur, à savoir que les parties auraient convenu d'un temps d'essai lors de la signature du second contrat de travail, ni même qu’un temps d'essai aurait été évoqué par les parties. En tout état de cause, dans la mesure où l’employé travaillait déjà depuis le 22 juin 2021 en qualité d'aide de cuisine, qu'il avait été réembauché pour le même poste, sans interruption aucune entre les deux contrats, toujours en qualité d'aide de cuisine, et de surcroît avec une augmentation de salaire, aucun temps d'essai ne pouvait valablement être appliqué pour ce second contrat. Le second licenciement n’avait donc pas été notifié durant la période d’essai, de sorte que les délais ordinaires de résiliation, ainsi que la protection contre les congés notifiés en temps inopportun s’appliquaient. L’employé était par conséquent fondé à réclamer les sommes de 6'879 fr. 59 et 4'550 fr. au titre de salaire, et 2'772 fr. 48 au titre des vacances non prises.
S’agissant des prétentions de l’employeur, bien que le témoin E______ eût indiqué que B______ cachait des verres de bière à pression et qu'il l'avait vu consommer d'autres alcools mais qu'il ne savait pas de quels alcools il s'agissait, aucun autre élément ne permettait de corroborer ces déclarations. Le Tribunal a ainsi constaté que B______ consommait effectivement de la bière après son service comme il l'avait reconnu et parfois un café le matin. Toutefois, il ressortait des déclarations de B______ et du témoin D______ qu'il y avait eu une certaine tolérance quant à la consommation de ces bières et de ces cafés. Aucune preuve n'avait été rapportée sur la consommation d'autres alcools par l’employé. En outre, et même si ce dernier n'y avait pas été autorisé, faute pour A______ SA d'avoir mis en place un système de contrôle quant aux consommations de ses employés, il n'était pas possible d'établir avec certitude la preuve de la consommation de ces boissons ni leur quotité. De plus, A______ SA avait admis que les factures des consommations avaient été établies après coup et de manière approximative, sur la base d'un calcul moyen. A______ SA était ainsi déboutée de l’entier de ses prétentions reconventionnelles portant sur le paiement de la somme de
26'812 fr. 80 au titre d’indemnité pour repas et boissons.
C. a. Par acte expédié le 5 avril 2025 au greffe de la Cour de justice,
A______ SA, comparant en personne, appelle de ce jugement, qu’elle a reçu le
6 mars 2025, concluant à son annulation et, cela fait, au rejet des prétentions de B______, à la « réserve explicite du droit de réclamer en justice le remboursement des boissons et repas indûment consommés » et à la « révision de l’APG perçue ».
Elle expose, tout d’abord, de manière générale et sans invoquer un quelconque moyen de preuve, que le premier licenciement avait été initialement motivé pour des raisons économiques, mais qu’il se fondait en réalité sur la découverte de la consommation non autorisée d’alcool par l’employé. Bien que réintégré avec bienveillance, un réengagement avec un avertissement écrit lui avait été remis, conditionnant son maintien à l’abstinence.
S’agissant du second congé, A______ SA reproche au Tribunal de ne pas avoir retenu que le témoignage de E______ établissait la récidive de l’employé à consommer de l’alcool en cachette, ce qui constituait une faute grave. Cette dernière aurait pu justifier un congé immédiat. Toutefois, afin de ne pas pénaliser l’employé pour son futur, le préavis de congé avait été respecté. Le congé restait toutefois fondé sur une faute grave.
Dans un second temps, A______ SA explique succinctement que l’employé avait consommé des boissons sans y être autorisé et qu’il avait mangé sur son lieu de travail sans l’annoncer, étant précisé que « ces éléments fer[aient] l’objet d’une action récursoire distincte pour recouvrement des sommes dues ». Elle se réfère de manière générale aux « témoignages » et « inventaires ». Elle reproche ensuite au Tribunal de ne pas avoir retenu que les témoignages de E______ et de D______ établissaient les « soustractions non autorisées ». Elle lui fait également grief d’avoir restreint « la portée de l’avertissement écrit », sans préciser à quel document ou autres éléments de preuve elle se réfère.
b. Dans sa réponse du 29 avril 2025, B______ conclut à l’irrecevabilité de l’appel, subsidiairement à son rejet.
c. Dans sa réplique du 23 juin 2025, A______ SA, désormais représentée par son conseil, complète son appel, en visant notamment les passages du jugement auxquels ses écritures du 5 avril 2025 se référeraient et en développant de nouvelles motivations. Elle invoque ainsi, pour la première fois, une violation de la maxime inquisitoire et conclut au renvoi de la cause au Tribunal pour instruction complémentaire et nouvelle décision.
d. Dans sa duplique du 21 août 2025, B______ conclut à l’irrecevabilité des écritures du 23 juin 2025 de sa partie adverse, dans la mesure où elles visent à combler les lacunes de motivation de l’appel.
e. Par courriers des 5 et 15 septembre 2025, les parties persistent dans leurs conclusions respectives.
f. Par courriers séparés du 16 septembre 2025, elles ont été informées de ce que la cause était gardée à juger.
1. 1.1.1 Le délai pour former appel contre un jugement rendu en procédure simplifiée est de 30 jours dès la notification de celui-ci (art. 311 al. 1 CPC).
A teneur de l'art. 311 al. 1 CPC, l'appel s'introduit par un acte « écrit et motivé ». Selon la jurisprudence, l'acte doit aussi comporter des conclusions, lesquelles doivent indiquer sur quels points la partie appelante demande la modification ou l'annulation de la décision attaquée. Ces conclusions doivent en principe être libellées de telle manière que l'autorité d'appel puisse, s'il y a lieu, les incorporer sans modification au dispositif de sa propre décision. En règle générale, les conclusions portant sur des prestations en argent doivent être chiffrées. Si nécessaire et à l'instar de toute déclaration en procédure, les conclusions doivent être interprétées de bonne foi, en particulier sur la base de la motivation qui les accompagne. La motivation de l'appel doit indiquer en quoi la décision de première instance est tenue pour erronée. La partie appelante ne peut pas simplement renvoyer à ses moyens de défense soumis aux juges du premier degré, ni limiter son exposé à des critiques globales et superficielles de la décision attaquée. Elle doit plutôt développer une argumentation suffisamment explicite et intelligible, en désignant précisément les passages qu'elle attaque dans la décision dont est appel, et les moyens de preuve auxquels elle se réfère
(arrêt du Tribunal fédéral 4A_274/2020 du 1er septembre 2020 consid. 4).
Les parties doivent présenter de manière complète les griefs contre la décision attaquée dans le délai d'appel, respectivement dans la réponse à l'appel; un éventuel deuxième échange d'écritures ou l'exercice du droit de réplique n'est pas destiné à compléter une motivation insuffisante, ni à introduire des arguments nouveaux après l'expiration du délai d'appel (arrêt du Tribunal fédéral 4A_417/2022 du 25 avril 2023 consid. 3.1).
Dans les causes soumises à la procédure simplifiée, comme en l’espèce
(art. 243 al. 1 CPC), la motivation de l'appel peut être brève et succincte; néanmoins, un renvoi aux actes de procédure antérieurs n'est pas suffisant
(arrêt du Tribunal fédéral 4A_659/2011 du 7 décembre 2011 consid. 3). Même rédigé par un non-juriste, l'appel doit permettre de comprendre sur quels points la décision attaquée serait erronée. Si la validité d'un moyen de droit présuppose, en vertu d'une règle légale expresse, une motivation – même minimale –, en exiger une ne saurait constituer une violation du droit d'être entendu ou de l'interdiction du formalisme excessif (arrêt du Tribunal fédéral 5A_577/2020 du 16 décembre 2020 consid. 6 ; ATF 134 II 244 consid. 2.4.2 et les références).
Les exigences de motivation de l'acte d'appel sont applicables sans égard à la maxime applicable (arrêt du Tribunal fédéral 5A_339/2023 du 6 juillet 2023 consid. 3.3; ATF 141 III 569 consid. 2.3.3; 138 III 374 consid. 4.3.1; 137 III 617 consid. 4.2.2 et 4.5.1).
1.1.2 L'art. 317 al. 2 CPC autorise une modification des conclusions en appel à la double condition que les conclusions modifiées soient en lien de connexité avec la prétention initiale ou que la partie adverse ait consenti à la modification, d'une part (art. 317 al. 2 let. a et 227 al. 1 CPC), et qu'elles reposent sur des faits ou moyens de preuve nouveaux, d'autre part (art. 317 al. 2 let. b CPC).
1.2 En l’espèce, l’appel contient des conclusions nouvelles tendant, d’une part, à la réserve du droit de l’employeur de réclamer en justice le remboursement des boissons et des repas consommés par l’employé et, d’autre part, à la « révision de l’APG perçue ». Ces conclusions sont irrecevables, faute notamment de remplir les conditions de l’art. 317 al. 2 CPC. De plus, les prétendues créances en remboursement des boissons et repas consommés par l’employé ont déjà fait l’objet de prétentions reconventionnelles de l’employeur en première instance. Elles ont été rejetées par le Tribunal dans le jugement entrepris. Dès lors que l’appel ne comporte aucune conclusion chiffrée à ce sujet, il n’y a pas lieu d’examiner la motivation relative à ces prétentions, contenue dans l’appel, fût-elle suffisante.
S’agissant de la motivation que l’appelante fournit pour faire échec aux prétentions de l’intimé, à la lecture de l’appel, on comprend qu’il est reproché au Tribunal de ne pas avoir retenu que l’employé avait été licencié, la première fois, en raison d’une consommation de boissons alcoolisées soustraites à l’établissement et, la seconde fois, au motif qu’il avait récidivé, ce qui aurait pu justifier un licenciement immédiat ; cependant, l’employeur n’avait pas voulu lui porter préjudice pour son futur, de sorte qu’il avait cru bon de licencier en respectant le délai de congé. L’appelante ne conteste donc plus que le congé est intervenu après la période d’essai de l’intimé. Elle se prévaut toutefois de la gravité du motif du congé, laquelle justifierait, selon elle, de débouter l’intimé de toutes ses conclusions. A l’appui de ce grief, elle renvoie de manière générale aux témoignages de E______ et de D______, sans préciser leurs déclarations.
Dans le jugement entrepris, le Tribunal a discuté des témoignages précités. Il a retenu que les déclarations du témoin E______, selon lequel l’employé cachait des verres de bière, n’étaient corroborées par aucun autre élément. Quant au témoignage de D______, il permettait de retenir qu’il y avait une certaine tolérance de l’employeur sur la consommation de bières et de cafés par les employés. En tous les cas, les éléments au dossier n’étaient pas suffisants pour établir la quotité des boissons consommées par l’intimé.
L’appelante n’expose, dans son acte d’appel du 5 avril 2025, aucun élément ou explication pour remettre en cause cette appréciation. Ses critiques sont générales et imprécises; elles ne permettent pas de comprendre en quoi le Tribunal aurait mal apprécié les témoignages susvisés. Les compléments apportés dans la réplique du 23 juin 2025 sont par ailleurs tardifs. Insuffisamment motivé, l’appel est donc irrecevable.
1.3 A titre superfétatoire, il sera relevé que le grief de l’appelante, selon lequel la gravité du motif du congé justifierait le déboutement de l’employé, serait en tout état de cause infondé. Tout d’abord, l’appréciation du Tribunal des témoignages de E______ et de D______ ne prête pas le flanc à la critique. Les déclarations de E______ ne sont en particulier pas suffisantes pour admettre que l’employé se serait servi sans droit dans le stock de boissons de l’établissement, étant précisé que les bières lui étaient amenées par les serveurs et que, selon les témoignages de E______ lui-même et de D______, il y avait une certaine tolérance au sein de l’appelante quant à la consommation de bières et de cafés par les employés. Sur ce point, l’appelante n’invoque aucun élément pour démontrer que la quotité de bière consommée par l’employé dépasserait celle autorisée. Elle n’a pour le surplus pas établi, ni même jamais allégué, que la qualité du travail de l’employé était défaillante. Par ailleurs, elle a réengagé l’intimé après le premier congé et elle l’a licencié une nouvelle fois en lui donnant un préavis de congé, signifiant ainsi qu’elle pouvait s’accommoder de la continuation des rapports de travail jusqu'à leur échéance ordinaire. Son défaut de réaction immédiate infirme l’existence d’une faute grave de l’employé. Enfin, même si elle avait pu se prévaloir de justes motifs pour résilier immédiatement le contrat de travail, elle serait réputée y avoir renoncé, puisqu’elle a tardé à agir (ATF 138 I 113 consid. 6.3.1 ; Donatiello, in CR CO I, 3ème éd. 2021, n. 18 ad art. 337 CO et les références citées). L’appelante ne pourrait donc pas se prévaloir d’un juste motif de congé immédiat pour faire échec aux prétentions de l’intimé.
2. La valeur litigieuse étant inférieure à 50'000 fr., la procédure est gratuite
(art. 71 RTFMC a contrario). Il n'est pas alloué de dépens (art. 22 al. 2 LaCC).
* * * * *
PAR CES MOTIFS,
La Chambre des prud'hommes :
Déclare irrecevable l'appel interjeté le 5 avril 2025 par A______ SA contre le jugement JTPH/68/2025 rendu le 26 février 2025 par le Tribunal des prud'hommes dans la cause C/15715/2023.
Déboute les parties de toutes autres conclusions d’appel.
Dit que la procédure est gratuite et qu'il n'est pas alloué de dépens.
Siégeant :
Madame Stéphanie MUSY, présidente; Madame Monique FLÜCKIGER, Monsieur Michael RUDERMANN, juges assesseurs; Madame Fabia CURTI, greffière.
| La présidente : Stéphanie MUSY |
| La greffière : Fabia CURTI |
Indication des voies de recours et valeur litigieuse :
Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière civile; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 72 à 77 et 90 ss de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110). Il connaît également des recours constitutionnels subsidiaires; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 113 à 119 et 90 ss LTF. Dans les deux cas, le recours motivé doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué. L'art. 119
al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.
Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF inférieure à 15'000 fr.