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Décisions | Chambre des baux et loyers

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C/12487/2021

ACJC/929/2025 du 08.07.2025 sur JTBL/1199/2024 ( OBL ) , CONFIRME

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/12487/2021 ACJC/929/2025

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des baux et loyers

DU MARDI 8 JUILLET 2025

 

Entre

Monsieur A______ et Madame B______, domiciliés ______ [GE], appelants d'un jugement rendu par le Tribunal des baux et loyers le 9 décembre 2024, représentés par l'ASLOCA, rue du Lac 12, case postale 6150, 1211 Genève 6,

et

Madame C______, domiciliée ______ [GE], intimée, représentée par Me Stéphanie NUNEZ, avocate, Esplanade de Pont-Rouge 4, case postale, 1212 Genève 26.

 


EN FAIT

A.         Par jugement JTBL/1199/2024 du 9 décembre 2024, expédié pour notification aux parties le même jour, le Tribunal des baux et loyers a déclaré recevables les pièces 53 à 55 déposées par C______ le 12 juillet 2024 (ch. 1), constaté que la requête en fixation judiciaire de loyer introduite par A______ et B______ était constitutive d'un abus de droit (ch. 2), débouté les précités des fins de leur requête (ch. 3), dit que la procédure était gratuite (ch. 4) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 5).

Il a retenu que l'avis officiel était entaché d'un vice de forme dans la mesure où n'y figurait pas la signature de la bailleresse, que cette dernière n'avait pas démontré avoir remis ledit avis au locataire, qu'en conséquence le contrat de bail était partiellement nul en ce qui concernait le loyer, que la procédure avait été intentée par les locataires après qu'ils avaient appris (selon des pièces produites par la bailleresse qui étaient recevables) l'intention de la bailleresse de résilier leur bail alors qu'ils n'avaient versé que quatre mois de loyer et qu'ils entendaient ainsi bénéficier d'une période de protection afin d'éviter une résiliation alors qu'ils n'entendaient pas assumer le coût du loyer, ni n'avaient entrepris de le faire fixer judiciairement.

B.          Par acte du 24 janvier 2025 adressé à la Cour de justice, A______ et B______ ont formé appel contre ce jugement. Ils ont conclu à l'annulation de celui-ci, cela fait au renvoi de la cause au Tribunal, subsidiairement au constat de la nullité du loyer de l'appartement de cinq pièces sis au 4ème étage de l'immeuble situé no. ______ rue 1______ à Genève dès le 1er octobre 2019, à la fixation de ce loyer à 24'000 fr. par an dès le 1er octobre 2019, et à la condamnation de C______ au remboursement du trop-perçu de loyer correspondant.

C______ a conclu à la confirmation de la décision entreprise.

A______ et B______ ont renoncé à répliquer.

Par avis du 1er avril 2025, les parties ont été informées de ce que la cause était gardée à juger.

C.         Il résulte de la procédure les faits pertinents suivants :

a.            Le 30 septembre 2019, C______ a remis à bail à A______ un appartement de 5 pièces situé au 4ème étage de l'immeuble sis rue 1______ no. ______, [code postal] Genève.

Le bail a été conclu pour une durée initiale de deux ans et quinze jours, du 1er octobre 2019 au 15 octobre 2021; il se renouvelait ensuite tacitement d'année en année, sauf résiliation signifiée trois mois avant l'échéance.

Le loyer annuel, charges comprises, a été fixé initialement à 51'000 fr., soit 4'250 fr. par mois.

b.           Selon avenant daté du même 30 septembre 2019, le loyer mensuel était réduit à 3'789 fr. durant les travaux de rénovation de l'enveloppe du bâtiment alors en cours dans l'immeuble et ce afin de tenir compte, pour solde de tout compte et de toutes prétentions, des désagréments et nuisances liés à ces travaux. Le locataire renonçait d'ores et déjà à toutes prétention supplémentaire en lien avec ce chantier.

Un état des lieux d'entrée a été établi le 30 septembre ou le 1er octobre 2019.

c.            Début octobre 2019, le contrat de bail et l'avenant, établis en deux exemplaires, ont été signés par A______. Le nom de l'épouse du locataire, B______, figure au bas de la dernière page du contrat sous la rubrique "le ou la conjoint(e) / la ou le colocataire"; cette dernière n'a pas signé le bail.

d.           Les parties divergent quant à la question de savoir si un avis de fixation du loyer lors de la conclusion d'un nouveau bail a été remis ou non au locataire.

e.            Seuls quatre mois de loyer ont été acquittés, entre le début du contrat de bail le 1er octobre 2019 et février 2022 (soit les 29 octobre et 10 décembre 2019, 10 janvier et 19 mai 2020).

f.             A une date indéterminée, voulant vendre l'appartement, la bailleresse a annoncé au locataire, "par politesse", qu'elle souhaitait résilier le bail. A______ lui a fait savoir qu'il souhaitait acheter l'appartement, mais qu'il n'y était pas encore prêt. La bailleresse avait d'autres acquéreurs en vue, de sorte que le locataire devait lui signaler au plus vite ses intentions. Elle attendrait la fin du contrat.

g.           Par requête expédiée le 29 juin 2021 à la Commission de conciliation en matière de baux et loyer, A______ et B______ ont conclu principalement à la fixation du loyer de l'appartement litigieux à 24'000 fr. dès le 1er octobre 2019.

Par proposition de jugement du 23 septembre 2021, la Commission de conciliation a fixé le loyer de l'appartement litigieux à 2'780 fr. par mois, charges comprises, dès le 1er octobre 2019, condamné la bailleresse à la restitution du trop-perçu de loyer et réduit en conséquence la garantie de loyer.

Par acte du 13 octobre 2021, C______ s'est opposée à la proposition de jugement précitée; elle a par ailleurs transmis à la Commission de conciliation une copie d'un avis de fixation du loyer, dont elle a allégué qu'il avait été remis au locataire le 30 septembre 2019 à l'occasion de la signature du contrat de bail. L'exemplaire en sa possession avait été dûment signé par le locataire et il était probable que la mention du lieu et de la date avaient été ajoutés par ce dernier. L'original de ce document était tenu à disposition du Tribunal.

Une seule signature figure au bas de l'avis susmentionné, soit selon elle, celle de A______, ce que celui-ci conteste.

h.           Une autorisation de procéder a été délivrée aux locataires le 21 octobre 2021 et l'affaire a été portée devant le Tribunal le 22 novembre 2021.

Les époux A______/B______ ont conclu, préalablement, outre à l'établissement d'un calcul de rendement et à la production des pièces y relatives, à la production par la bailleresse de l'original de l'avis de fixation du loyer et à la réalisation d'une expertise de graphologie pour déterminer si la signature et l'écriture dudit avis étaient celle de A______ ou celle de B______ et, principalement, à la fixation du loyer de l'appartement à 11'616 fr. par an, charges comprises, dès le 1er octobre 2019, au remboursement du trop-perçu de loyer (soit 73'112 fr. au 30 novembre 2021) et à la réduction de la garantie de loyer.

i.             Le 21 janvier 2022, C______ a mis en demeure les époux A______/B______ de lui verser 90'720 fr. correspondant à 24 mois d'arriérés de loyer (28 mois du 1er octobre 2019 au 31 janvier 2022, sous déduction de quatre mensualités versées) ou de consigner le montant contesté et verser le montant admis dans un délai de 30 jours, faute de quoi le bail serait résilié.

j.             Dans sa réponse du 4 février 2022 à la requête introduite au Tribunal, la bailleresse a conclu, sous suite de frais et dépens, principalement, à ce que la procédure soit limitée à la question de la validité de la notification de l'avis de fixation du loyer et à ce que la demande soit déclarée irrecevable et, subsidiairement, à ce qu'un délai lui soit accordé pour produire les pièces nécessaires au calcul de rendement et au rejet de la demande.

k.           Par ordonnance du 9 février 2022, le Tribunal, se référant notamment à la production de l'original de l'avis de fixation de loyer, a limité la procédure à la question de la validité du loyer au regard du respect des formes prévues par l'art. 269d CO, convoqué les parties aux débats principaux et ordonné la comparution personnelle de celles-ci.

A l'audience du Tribunal du 29 mars 2022, les parties se sont prononcées sur les mesures d'instruction et ont persisté dans leurs conclusions dans le cadre des premières plaidoiries. Sur quoi, le Tribunal a ordonné l'audition des parties, puis de témoins.

Par appréciation anticipée des preuves, il a renoncé à ordonner l'expertise graphologique requise par les époux A______/B______, clôturé l'administration des preuves et remis la cause à plaider oralement.

A teneur du procès-verbal de l'audience du Tribunal du 28 juin 2022, les parties ont plaidé et persisté dans leurs conclusions, sur quoi la cause a été gardée à juger.

l.             Par jugement du 22 août 2022, le Tribunal a retenu que le contrat de bail était partiellement nul (s'agissant du loyer), que les époux A______/B______ avaient commis un abus de droit en intentant une procédure en fixation de loyer, de sorte qu'ils devaient être déboutés de leur requête.

m.         Les époux A______/B______ ont appelé de ce jugement à la Cour.

Après les réplique et duplique respectives des parties, mais avant l'avis selon lequel la cause était gardée à juger par la Cour, C______ a, le 13 février 2023, déposé de nouvelles pièces (n. 53 à 55), dont un courrier adressé le 29 juin 2021 par l'ASLOCA aux époux A______/B______ (n. 53) comportant le passage suivant : "Le but de la requête est principalement de vous permettre de vous opposer plus facilement à un futur congé qui serait donné conformément aux règles en vigueur, soit qui serait adressé sur un formulaire d'avis officiel de résiliation du bail (feuille bleue)"; elle a allégué qu'elle en avait pris connaissance le même jour (13 février 2023) lors de sa consultation dans les locaux de l'Office cantonal des poursuites des dossiers relatifs aux saisies opérées contre les précités.

Les époux A______/B______ se sont déterminés sur le contenu de ces pièces nouvelles, sans s'exprimer sur la recevabilité de celles-ci, exposant notamment que la "formulation [du courrier du 29 juin 2021], certes malheureuse, ne tradui[sai]t pas d'autre chose qu'une façon maladroite d'exprimer que par le dépôt de la requête en fixation judiciaire du loyer, il s'agissait d'anticiper le motif d'une prochaine résiliation de bail, vu l'argument de la compensation découlant directement de cette requête et invoqué dans la procédure de contestation de résiliation", de sorte qu'il n'y avait "rien à inférer de cette correspondance".

Le 28 août 2023, C______ a produit un tirage de l'arrêt 4A_195/2023 rendu par le Tribunal fédéral le 24 juillet 2023 entre les parties (cause cantonale C/2______/2022, initiée le 23 septembre 2022 par C______ selon la voie de la protection du cas clair, tendant à l'évacuation des époux A______/B______), rejetant le recours formé contre l'arrêt ACJC/389/2023 du 20 mars 2023, par lequel la Cour avait condamné A______ et B______ à évacuer immédiatement l'appartement, et autorisé C______ à requérir l'évacuation par la force publique des précités dès l'entrée en force de l'arrêt.

Dans cet arrêt, la Cour avait retenu un abus de droit des précités, qui se prévalaient de ce que la formule ne leur aurait pas été remise à la conclusion du bail, alors que A______ savait depuis juin 2020 au plus tard que le loyer pouvait être affecté d'un vice de forme (selon sa déclaration au Tribunal le 24 novembre 2022 : "Nous n'avons plus payé les loyers car lorsque nous avons emménagé dans l'appartement il s'agissait d'un vrai chantier. Par ailleurs, il n'y avait pas d'avis de fixation du loyer initial") et qu'il avait attendu le dépôt de la demande en novembre 2021 pour agir en fixation judiciaire du loyer, après avoir appris que C______ entendait résilier le bail.

Le Tribunal fédéral a notamment considéré (considérant 4.4) : "Indépendamment de savoir si la formule officielle relative au loyer a bel et bien été remise, il importe de noter que les locataires ne taxent par d'arbitraire la constatation selon laquelle ils connaissaient au plus tard dès le mois de juin 2020 l'impact potentiel de l'absence de cette formule. S'ils avaient véritablement voulu contester leur loyer, ils l'auraient fait bien avant. Puisqu'ils ont attendu un an (date du dépôt de la requête de conciliation) pour s'y atteler, ils poursuivaient selon toute évidence un but autre que celui de corriger un loyer prétendument abusif, à savoir très certainement celui de demeurer le plus longtemps possible dans l'appartement querellé, sachant que la bailleresse leur avait indiqué vouloir vendre l'appartement et résilier le contrat. De fait, en multipliant les procédures, ils sont parvenus à demeurer dans les locaux depuis près d'un an à compter de la résiliation fondée sur le défaut de paiement. Partant, le Tribunal fédéral ne discerne pas de violation de l'art. 257 CPC.", et (consid. 4.5) : "Les locataires se plaignent également d'une violation de l'art. 257d CO. Leur argumentation tourne autour du loyer qu'ils devraient réellement payer selon leur calcul […], en adoptant toujours la prémisse que le loyer serait nul pour vice de forme […]. Ces considérations ne sauraient prospérer si l'on admet que le vice de forme […] est invoqué de manière abusive. Le Tribunal cantonal n'a donc pas trahi le sens de l'art. 257d CO en considérant, à titre préjudiciel, que la résiliation de bail était légitime. Les locataires versent aussi dans l'abus de droit en contestant le congé pour défaut de paiement jusque devant le Tribunal fédéral, connaissant les montants minimes dont ils ont daigné s'acquitter".

n.           Par arrêt ACJC/161/2024 du 12 février 2024, la Cour a annulé le jugement du Tribunal du 22 août 2022 pour violation du droit d'être entendu et renvoyé la cause au Tribunal pour instruction et nouvelle décision.

Dans son arrêt, elle a laissé ouverte la question de la recevabilité des pièces déposées par C______ le 13 février 2023, lesquelles n'étaient pas déterminantes à ce stade, étant relevé que les époux A______/B______ n'en avaient pas contesté la recevabilité s'agissant d'un échange intervenu entre leur mandataire et eux-mêmes.

Par arrêt 4A_161/2024 du 26 mars 2024, le Tribunal fédéral a déclaré irrecevable le recours formé contre l'arrêt de la Cour précité.

o.           Par ordonnance du 3 juin 2024, le Tribunal a derechef limité la procédure aux questions de la validité du loyer au regard des formes prévues par l'art. 269d CO, et de l'abus de droit.

Le 12 juillet 2024, les parties ont formé des allégués complémentaires avec offres de preuve sur la deuxième de ces questions. C______ a déposé à nouveau ses pièces 53 à 57 susvisées, en alléguant leur contenu, et contesté tout défaut grave dans l'appartement, offrant en preuve un dossier de photos. Les époux A______/B______ ont allégué avoir consulté l'ASLOCA "suite à une menace de résiliation de la part de la bailleresse, sans indication de motif" (n. 39), s'être "à ce moment-là rendus compte de la nullité du loyer entachant leur contrat de bail" et "avoir décidé de déposer une requête en fixation judiciaire de loyer, indépendamment d'une résiliation de bail" (n. 40), avoir "après quelques mois dans le logement" constaté de nombreux défauts dans l'appartement (n. 41) et soutenu avoir introduit leur requête en fixation de loyer "conformément aux règles du Code des obligations sur le loyer abusif et dans ce but uniquement" (n. 42); ils ont offert en preuve l'audition des parties et requis que soient écartées les pièces 53 à 55 en tant qu'elles faisaient état d'échanges entre mandant et mandataire.

Il est admis que l'appartement a été restitué à C______ le 16 août 2023, et que les époux A______/B______ se sont acquittés de 968 fr. par mois (selon leur estimation de loyer et indemnité pour occupation illicite) durant la procédure, pour un total de 42'592 fr.

Par ordonnance du 19 septembre 2024, le Tribunal a convoqué les parties pour une comparution personnelle des époux A______/B______ (avant de renoncer par ordonnance du 31 octobre 2024 à l'audition de B______) "sur les allégués 39 à 42".

A l'audience du Tribunal du 19 novembre 2024, A______ a fait une déposition (192 CPC). Il a confirmé les "allégués complémentaires 39 à 42", relatant qu'il avait pris contact avec l'ASLOCA à la suite d'une menace de résiliation de bail, que sa mandataire avait requis des documents qu'il avait transmis, qu'il lui avait été demandé s'il avait reçu une formule officielle, qu'il avait répondu par la négative et qu'il lui avait été conseillé d'initier une procédure en fixation judiciaire de loyer. En ce qui concerne les défauts de l'appartement, il y avait des problèmes de serrures de portes, de clés, de luminaires et sanitaires qui étaient inutilisables.

Sur quoi les parties ont plaidé. A teneur du procès-verbal d'audience, les époux A______/B______ ont conclu à ce que les pièces 53 à 55 soient écartées, à ce qu'il soit constaté que la question de la nullité du loyer avait été tranchée définitivement par jugement du Tribunal du 22 août 2022, et qu'ils n'avaient pas commis d'abus de droit, et à ce que la procédure se poursuive. C______ a conclu au déboutement des époux A______/B______ de leurs conclusions.

La cause a ensuite été gardée à juger par le Tribunal.

 

 

EN DROIT

1.           1.1. L'appel est recevable contre les décisions finales et les décisions incidentes de première instance (art. 308 al. 1 let. a CPC). Dans les affaires patrimoniales, l'appel est recevable si la valeur litigieuse au dernier état des conclusions est de 10'000 fr. au moins (art. 308 al. 2 CPC).

La valeur litigieuse correspond à la différence entre le montant annuel du loyer initial tel que fixé dans le contrat de bail et le montant requis par l'appelant sans les charges, multiplié par vingt (art. 92 al. 2 CPC; arrêt du Tribunal fédéral 4A_475/2012 du 6 décembre 2012 consid. 1.1).

En l'espèce, les intimés ont contesté la validité du loyer. Au vu du montant du loyer convenu de 3'780 fr. par mois, et compte tenu en particulier des conclusions en restitution d'un trop perçu de loyer (initialement arrêté à 73'112 fr.), la voie de l'appel est ouverte.

1.2 Interjeté dans le délai utile de 10 jours et selon la forme prescrite par la loi (art. 311 et 314 CPC), l'appel est recevable.

1.3 La Cour revoit la cause en fait et en droit avec un plein pouvoir d'examen (art. 310 CPC).

2. Les appelants font grief au Tribunal d'avoir admis les pièces 53 à 55 déposées par l'intimée à la Cour (dans le cadre de la procédure d'appel ayant abouti à l'arrêt de la Cour du 12 février 2024), et déposées à nouveau devant les premiers juges.

2.1 Toute partie a droit à ce que le tribunal administre les moyens de preuve adéquats proposés régulièrement et en temps utile (art. 152 al. 1 CPC). Le tribunal ne prend en considération que les moyens de preuve obtenus de manière illicite que si l'intérêt à la manifestation de la vérité est prépondérant (art. 152 al. 2 CPC).

Les parties et les tiers sont tenus de collaborer à l'administration des preuves. Ils ont en particulier l'obligation de produire les titres requis, à l'exception des documents concernant des contacts entre une partie ou un tiers et un avocat autorisé à les représenter à titre professionnel ou un conseil en brevets au sens de l'art. 2 de la loi du 20 mars 2009 sur les conseils en brevets (art. 160 al. 1 let. b CPC).

L'exercice de la profession d'avocat est régi par une loi spécifique, à savoir la loi fédérale du 23 juin 2000 sur la libre circulation des avocats (LLCA; RS 935.61). L'avocat doit avoir suivi une formation spécifique et obtenu un brevet (art. 7 al. 1 LLCA) et doit demander son inscription au registre du canton dans lequel il a son adresse professionnelle (art. 6 al. 1 LLCA). L'inscription au registre est soumise à plusieurs conditions, parmi lesquelles figurent, en substance, l'absence de condamnation pénale pour des faits incompatibles avec la profession d'avocat et l'absence d'acte de défaut de biens (art. 8 al. 1 LLCA). Les avocats sont soumis à des règles professionnelles (art. 12 LLCA) et au secret professionnel (art. 13 LLCA), ainsi qu'à la surveillance d'une autorité cantonale (art. 14 LLCA) qui peut prononcer des mesures disciplinaires en cas de violation de la LLCA (art. 17 LLCA). Le mandataire professionnellement qualifié doit, quant à lui, certes faire preuve d'une certaine spécialisation dans un ou plusieurs des domaines visés par l'art. 68 al. 2 let. d CPC, mais il n'est pas soumis aux exigences applicables aux avocats (arrêt du Tribunal fédéral 5A_279/2019 du 30 juillet 2019 consid. 4.3.2). Ainsi, il n'est pas tenu de suivre une formation juridique et de respecter certaines règles professionnelles et n'est pas sujet à la surveillance d'une autorité (cf. arrêt du Tribunal fédéral 4A_268/2010 précité consid. 6.2; arrêt du Tribunal fédéral 4A_437/2023 du 13 juin 2024, consid. 5.4.2).

2.2 A titre préliminaire, il convient d'observer que les appelants n'ont rien trouvé à redire s'agissant de la recevabilité des pièces 53 à 55 lorsque celles-ci ont été produites par l'intimée en février 2023.

Dans son arrêt du 12 février 2024, la Cour n'en a pas tranché la recevabilité, dans la mesure où ces titres n'étaient pas déterminants au vu de la solution qu'elle a adoptée. Elle a incidemment relevé, s'agissant de la pièce 53, qu'il s'agissait d'un échange entre mandataire et mandant.

Les appelants ne développent aucun argument spécifique en lien avec les pièces 54 (décision de la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et faillites rendue entre les parties) et 55 (correspondance entre le conseil de l'intimée et l'Office des poursuites), sur lesquelles l'intimée s'est appuyée pour établir le moyen par lequel et la date à laquelle elle a eu connaissance de la pièce 53. Ils ne critiquent en particulier pas la motivation du jugement selon laquelle ces pièces ne sauraient être recouvertes d'un sceau de confidentialité. Il n'y a dès lors pas lieu de s'y arrêter davantage.

En ce qui concerne la pièce 53, il est établi que l'intimée en a pris connaissance, et a pu en lever copie, de façon conforme à la décision rendue par la Chambre de surveillance, et ce en tant qu'elle se prévalait de sa créance contre les appelants dans le cadre de l'examen de l'opportunité d'une requête en faillite sans poursuite préalable (cf. consid. 2.2 de la décision DCSO/11/23). Certes, le champ de consultation de documents visé par la Chambre de surveillance consistait dans les procès-verbaux et pièces justificatives de saisies; les appelants ne soutiennent pas que le titre 53 ne ferait pas partie de ce lot. Cela étant, il est vrai que la production dudit titre dans la présente procédure excède la visée de la décision précitée, puisqu'elle ne s'inscrit pas dans un examen de dépôt d'une requête en faillite sans poursuite préalable; elle n'a toutefois pas été obtenue contrairement à la loi, de sorte qu'elle ne semble pas tomber sous le coup de l'art. 152 al. 2 CPC. Pour le surplus, la qualité de mandataire professionnellement qualifié du représentant en procédure des appelants ne conduit pas à l'application de l'art. 160 al. 1 let. b CPC.

En définitive, rien ne s'oppose à la recevabilité de la pièce 53 de l'intimée. En tout état, comme l'a déjà retenu la Cour dans son arrêt du 12 février 2024, cette pièce n'est pas déterminante, pour les motifs qui vont suivre.

3. Les appelants reprochent au Tribunal d'avoir violé l'art. 2 CC.

3.1 L'abus manifeste d'un droit n'est pas protégé par la loi (art. 2 al. 2 CC). Ce principe permet de corriger les effets de la loi dans certains cas où l'exercice d'un droit allégué créerait une injustice manifeste. Le juge apprécie la question au regard des circonstances concrètes, qui sont déterminantes. L'emploi dans le texte légal du qualificatif "manifeste" démontre que l'abus de droit doit être admis restrictivement. Les cas typiques en sont l'absence d'intérêt à l'exercice d'un droit, l'utilisation d'une institution juridique de façon contraire à son but, la disproportion manifeste des intérêts en présence, l'exercice d'un droit sans ménagement ou l'attitude contradictoire (ATF 137 III 625 consid. 4.3; 135 III 162 consid. 3.3.1).

S'agissant de la nullité du loyer initial, l'abus de droit peut entrer en considération lorsque la partie a eu conscience d'emblée du vice de forme et qu'elle s'est abstenue intentionnellement de le faire valoir sur-le-champ afin d'en tirer avantage par la suite (ATF 113 II 187 consid. 1a; cf. aussi ATF 123 III 70 consid. 3c). L'abus de droit peut aussi entrer en considération lorsque le locataire, qui ne s'est aperçu qu'ultérieurement du vice de forme, a omis de protester dans un délai raisonnable; dans un tel cas, l'on peut inférer qu'il considère le loyer comme non abusif et renonce à le contester devant l'autorité, validant ainsi le montant convenu et guérissant les effets du vice de forme (ATF 137 III 547 consid. 2.3).

Tous les participants au procès doivent agir de bonne foi et, partant, ne pas commettre d'abus de droit (art. 52 CPC; ATF 132 I 249 consid. 5). Constitue notamment un abus de droit l'attitude contradictoire d'une partie. Lorsqu'une partie adopte une certaine position, elle ne peut pas ensuite soutenir la position contraire, car cela revient à tromper l'attente fondée qu'elle a créée chez sa partie adverse; si elle le fait, c'est un venire contra factum proprium qui constitue un abus de droit, car la partie adverse pouvait compter que cette partie n'abandonnerait pas la position qu'elle avait prise antérieurement en connaissance de cause (La prétention de cette partie ne mérite pas la protection du droit (ATF 89 II 287 consid. 5; arrêt du Tribunal fédéral 4A_181/2020 du 30 novembre 2020 consid. 5.1).

3.2 En l'espèce, l'appelant a lui-même déclaré qu'il n'avait plus payé de loyer en raison de l'état de "chantier" de l'appartement, par ailleurs de l'absence d'avis de fixation de loyer initial. Puisque le dernier des quatre mois de loyer versés avant février 2022 a été acquitté le 19 mai 2020, il apparaît que l'appelant connaissait au plus tard dès le mois de juin 2020 l'impact potentiel de l'absence de formule officielle sur le loyer.

Il est constant que la présente procédure n'a été initiée qu'une année plus tard.

Comme l'a déjà relevé le Tribunal fédéral, ce long délai entre la connaissance acquise au plus tard en juin 2020 et le dépôt de la demande en juin 2021 ne peut guère s'expliquer autrement que par l'intention des appelants de demeurer le plus longtemps possible dans l'appartement querellé, sachant que l'intimée leur avait déjà annoncé vouloir vendre l'appartement et résilier le contrat.

Cette constatation n'est pas en contradiction avec la déposition de l'appelant devant le Tribunal à l'audience du 19 novembre 2024, qui ne comporte aucune précision temporelle. Selon ce qu'il a déposé, l'appelant avait consulté son mandataire après avoir appris que l'intimée avait l'intention de résilier le bail, avait communiqué audit mandataire qu'il n'avait pas de formule officielle, et avait reçu le conseil d'initier une procédure en fixation de loyer. Il n'a certes pas ajouté s'il lui avait été confirmé à cette occasion qu'une telle procédure emporte une période de protection contre des résiliations et si, cas échéant, il s'agissait du but exclusif ou de l'un des buts de la présente procédure; il est cependant hautement vraisemblable, compte tenu de la spécialisation du mandataire consulté qu'une telle information lui a été dispensée, dans un cas où d'une part une résiliation de bail était envisagée et où d'autre part la formule faisait défaut. Contrairement à ce que les appelants avaient allégué (n. 40) dans leur écriture du 12 juillet 2024 et à ce qu'ils persistent à soutenir dans leur appel, l'époux n'a pas déclaré qu'il aurait découvert, lors de cette consultation de son mandataire, qu'il existait un problème de nullité de loyer. L'allégué 40 des appelants n'a donc pas été établi.

Dans ces circonstances, le Tribunal a, à raison, retenu que les conditions d'un abus de droit étaient réalisées.

Le jugement sera dès lors confirmé.

4. Il n'est pas prélevé de frais ni alloué de dépens, s'agissant d'une cause soumise à la juridiction des baux et loyers (art. 22 al. 1 LaCC).

 

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre des baux et loyers :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 24 janvier 2025 par A______ et B______ contre le jugement JTBL/1199/2024 rendu le 9 décembre 2024 par le Tribunal des baux et loyers dans la cause C/12487/2021.

Au fond :

Confirme ce jugement.

Dit que la procédure est gratuite.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Siégeant :

Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, présidente; Madame Sylvie DROIN, Monsieur Laurent RIEBEN, juges; Monsieur Jean-Philippe ANTHONIOZ, Monsieur Damien TOURNAIRE, juges assesseurs; Madame Maïté VALENTE, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr. cf. consid. 1.2