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Décisions | Chambre des baux et loyers

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C/8108/2021

ACJC/676/2024 du 29.05.2024 sur JTBL/636/2023 ( OBL ) , CONFIRME

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/8108/2021 ACJC/676/2024

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des baux et loyers

DU MERCREDI 29 MAI 2024

 

Entre

1) Monsieur A______, domicilié ______,

2) Monsieur B______, domicilié ______ et

3) Madame C______, domiciliée ______,

appelants et intimés sur appel joint d'un jugement rendu par le Tribunal des baux et loyers le 14 août 2023, représentés par Me Rachel DUC, avocate, boulevard de Saint-Georges 72, case postale, 1211 Genève 8,

 

et


Madame D
______, intimée et appelante sur appel joint, domiciliée ______, représentée par l’ASLOCA, rue du Lac 12, case postale 6150, 1211 Genève 6.

 

 

 


EN FAIT

A. Par jugement JTBL/636/2023 du 14 août 2023, reçu par les parties le 16 août 2023, le Tribunal des baux et loyers a fixé à 900 fr., charges comprises, le loyer mensuel de l’appartement au sous-sol de la villa sise no. ______, route 1______, à E______ [GE], pour la période du 1er mars 2007 au 31 décembre 2020 (ch. 1 du dispositif), condamné A______, B______ et C______, pris conjointement et solidairement, à verser à D______ le trop-perçu de loyer en découlant, soit le montant de 69’000 fr., avec intérêts à 5 % dès le 1er janvier 2016 (ch. 2), réduit le loyer de 30 % pour la période du 1er mai 2016 au 30 décembre 2020 (ch. 3), condamné A______, B______ et C______, pris conjointement et solidairement, à verser à D______ le trop-perçu de loyer en découlant, soit le montant de 14’220 fr., avec intérêts à 5 % dès le 27 avril 2021 (ch. 4), débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 5) et dit que la procédure était gratuite (ch. 6).

B. a. Par acte expédié par messagerie sécurisée le 1er septembre 2023 à la Cour de justice, A______, B______ et C______ (ci-après : les bailleurs) ont formé appel contre ce jugement, dont ils sollicitent l'annulation des chiffres 1 à 5 du dispositif. Ils concluent, cela fait principalement, à ce que la Cour déboute D______ de l’ensemble de ses conclusions et fixe le loyer de la chose louée à 1’500 fr., charges comprises, pour la période du 1er mars 2007 au 31 décembre 2020.

b. Dans sa réponse et appel joint du 5 octobre 2023, D______ (ci-après : la locataire) conclut, sur appel principal, à ce que la Cour rejette l’appel des bailleurs et confirme le jugement rendu par le Tribunal des baux et loyers. Sur appel joint, elle conclut à l’annulation du jugement entrepris et, cela fait, à ce que la Cour constate la nullité du loyer, fixe celui-ci à 585 fr. par mois, dès le 1er mars 2007 jusqu’au 30 novembre 2020, dise qu’aucune charge de chauffage, eau chaude et électricité ne doit être mise à charge de la locataire pendant toute la durée du contrat de bail, ordonne aux bailleurs de rembourser à la locataire le trop-perçu de loyer, d’un montant de 150’975 fr., dès le 1er mars 2007, avec intérêts moratoires à 5 % l’an calculés à la date moyenne, octroie à la locataire une réduction de loyer de 50 % pour la période allant du 27 avril 2016 au 31 décembre 2020, soit une indemnité en 41’250 fr., avec intérêts à 5 % l’an calculés à la date moyenne et déboute les appelants de toutes autres ou contraires conclusions.

c. Dans leur réponse à appel joint et réplique, les bailleurs concluent au déboutement de la locataire de ses conclusions et persistent dans leurs conclusions.

d. Les parties ont ensuite formulé des déterminations complémentaires, persistant dans leurs conclusions respectives.

e. Elles ont été avisées le 15 février 2024 par le greffe de la Cour de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les faits pertinents suivants résultent de la procédure :

a. le 18 janvier 2007, D______, en qualité de locataire, et A______, en qualité de bailleur, ont conclu un contrat de bail à loyer portant sur la location d’un appartement au sous-sol de la villa sise route 1______ no. ______, [code postal] E______, dont A______, B______ et C______ sont propriétaires. A teneur du contrat, l’appartement était composé d’une chambre à coucher, d’un salon, d’une cuisine, d’une salle de bains, de toilettes et d’un jardin de 50 m².

Le bail a été conclu pour une durée initiale d’une année et un mois, du 1er mars 2007 au 30 mars 2008. Il s’est ensuite renouvelé tacitement.

Le loyer annuel a été fixé initialement à 1’500 fr. par mois. La garantie de loyer s’élevait à 4’500 fr.

Aucun avis de fixation du loyer initial n’a été remis à la locataire.

b. Celle-ci occupait le logement avec ses trois enfants.

c. Elle s’acquittait du loyer en espèces.

La locataire a produit des extraits de compte bancaire pour la période du 4 juillet 2011 au 31 octobre 2017 selon lesquels elle effectuait des retraits d’argent plus importants chaque début ou fin de mois.

Des quittances lui ont été remises par le bailleur à compter de septembre 2017, dont il ressort que le loyer était payé régulièrement.

d. Avant son aménagement en appartement, les surfaces louées étaient dédiées à un garage, une cave, une salle de jeux et une salle de musculation. Un dégagement, adjacent à une citerne d’une contenance de 4’000 litres, ainsi que de petits espaces de rangement et de bricolage en faisaient aussi partie. Cet ensemble de locaux disposait de deux fenêtres dans la pièce principale et d’un petit vasistas dans la chambre. Un petit ventilateur reliait le dégagement à l’extérieur. Le salon était équipé d’un radiateur, de même que la chambre à compter de 2015.

En cours de bail, la porte de garage ayant fait office d’entrée dans l’appartement a été remplacée par une porte. Trois pièces en enfilade, d’une surface de 5,5 m² chacune et sans fenêtres, ont été créées sur les espaces de rangement et de bricolage.

e. Les bailleurs possédaient un double des clés de l’appartement qu’ils utilisaient pour remplir la citerne ainsi que pour venir chercher leurs valises, entreposées dans un petit local adjacent à celle-ci.

f. A compter de 2015, la locataire s’est plainte oralement auprès des bailleurs d’odeurs de mazout, d’un manque de ventilation, de la présence d’humidité et du chauffage insuffisant.

g. Le 8 mai 2015, la locataire a consulté un médecin en raison de migraines, de nausées et de difficultés respiratoires.

h. Des médecins ont par ailleurs établi des attestations datées du 12 et du 13 mars 2020 en lien avec ces symptômes qui pouvaient être justifiés par « des émanations de fioul à son domicile, provenant de la chaudière de la maison ».

i. En avril 2020, le compagnon de la locataire a dénoncé l’insalubrité et les conditions du logement aux autorités compétentes.

A cette même période, les parties ont échangé des messages téléphoniques en lien avec un arrangement de paiement du loyer, lequel a été en partie réglé au travers d’un prélèvement sur la garantie de loyer, laquelle n’avait pas été versée sur un compte bloqué.

j. Par décision du 11 septembre 2020, l’Office des autorisations de construire a prononcé l’interdiction d’habiter le sous-sol avec effet immédiat en raison de l’absence d’autorisation de construire à cet effet.

k. Les clés du bien litigieux ont été restituées aux bailleurs le 30 décembre 2020.

l. La locataire ne s’est pas acquittée du loyer de décembre 2020.

m. Le 27 avril 2021, la locataire a saisi la Commission de conciliation en matière de baux et loyers d’une requête en fixation judiciaire du loyer et en réduction de loyer.

Vu l’échec de la tentative de conciliation, une autorisation de procéder a été délivrée à la locataire le 28 septembre 2021.

Le 28 octobre 2021, la locataire a saisi le Tribunal des baux et loyers d’une demande en fixation judiciaire du loyer et en réduction de loyer et conclu à ce que celui-ci constate la nullité du loyer fixé pour le sous-sol de l’immeuble sis route 1______ no. ______, [code postal] E______, fixe le loyer à 585 fr. par mois, dès le 1er mars 2007 jusqu’au 30 novembre 2020, octroie à la locataire une réduction de loyer de 50 % pour la période allant du 1er mars 2007 au 31 décembre 2020, soit une indemnité nette de 123’750 fr., ordonne aux bailleurs de rembourser à la requérante le trop-perçu de loyer dès le 1er mars 2007, avec intérêts moratoires à 5 % l’an calculés à la date moyenne.

n. Dans sa réponse du 21 janvier 2022, les bailleurs ont conclu, principalement, à ce que la locataire soit déboutée de l’intégralité de ses conclusions et à la fixation du loyer à 1’500 fr. dès le 27 avril 2011.

o. Lors des audiences du 3 mai et du 27 septembre 2022, la locataire a exposé s’être plainte oralement à plusieurs reprises à compter de 2015, auprès de A______ et de son épouse, d’odeurs de mazout permanentes, d’insuffisance de ventilation et d’humidité. Avant 2015, il n’y avait du chauffage qu’au salon et, après qu’elle se soit plainte, un radiateur avait été installé dans la chambre. Elle avait consulté des médecins en raison de migraines, nausées et problèmes avec la voie respiratoire. A la même époque, en 2017, elle avait également consulté l’ASLOCA en raison des problèmes d’émanation de mazout. Elle y était retournée en 2020 car la situation était insupportable.

Le bailleur a admis que la locataire s’était plainte quelques fois des odeurs de mazout et que celles-ci se propageaient dans tout l’immeuble lors des remplissages de la citerne, tous les 18 mois. En dehors des périodes de remplissage, il était descendu dans le logement litigieux après chaque plainte de la locataire et n’avait constaté aucune odeur. Il a contesté avoir reçu des plaintes de la locataire au sujet de la ventilation ou de l’humidité. Il a par ailleurs indiqué avoir souhaité mettre un terme à la location dès 2017 mais la locataire souhaitait rester, car elle ne trouvait pas de logement équivalent.

p. Le Tribunal a procédé à l’audition de témoins.

F______, compagnon de la locataire, a déclaré qu’il s’était régulièrement rendu dans le logement litigieux depuis 2018 et qu’il avait senti les odeurs de mazout à chaque visite. Celles-ci se diffusaient depuis le sas d’entrée. Il a confirmé que seuls le salon et la chambre étaient équipés d’un radiateur.

G______, l’une des filles de la locataire, a exposé que le salon avait été inondé suite à d’importantes pluies en 2011. Elle et sa sœur avaient souffert de nausées et de migraines très fortes en raison des odeurs de mazout qui imprégnaient leurs lits et habits. Le salon était mal aéré, ne disposant que de deux petites fenêtres. La famille avait subi les désagréments liés au chantier d’agrandissement de la villa, ayant eu lieu durant plus d’une année entre 2013 et 2015. Le bailleur disposait d’une clé de la porte d’entrée de l’appartement et venait sans prévenir. Sa mère s’était plainte à plusieurs reprises de ces problèmes auprès des bailleurs.

H______, l’autre fille de la locataire, a surtout évoqué l’humidité, précisant qu’en hiver il n’était pas aisé d’ouvrir les fenêtres à cause du froid. Il lui était difficile de respirer. Elle a également déclaré avoir subi les odeurs de mazout qui étaient invivables et que le chauffage n’était pas suffisant. Elle a déclaré que les propriétaires avaient un double des clés de la porte d’entrée. Sa mère s’était plainte à plusieurs reprises de ces désagréments et elle avait elle-même été présente à quelques reprises.

I______ et J______, amies de la locataire, ont déclaré s’être souvent, respectivement occasionnellement, rendues dans l’appartement litigieux. Elles ont fait état de l’humidité et des moisissures sur les murs, de froid et des odeurs de mazout.

K______, une amie des filles de la locataire, a déclaré avoir souvent fréquenté l’appartement, notamment pour y dormir. Elle se souvenait du froid en hiver mais pas d’odeurs incommodantes.

q. Le 3 avril 2023, les bailleurs ont fait parvenir au Tribunal des allégués et un chargé complémentaires. Ils ont présenté les coûts mensuels du mazout, de l’électricité et d’internet.

r. Par plaidoiries finales écrites du 31 mai 2023 et réplique du 12 juin 2023, la locataire a persisté dans ses conclusions et chiffré le trop-perçu de loyer à 150’975 fr.

Par plaidoiries finales écrites du 31 mai 2023 et réplique des 12 et 30 juin 2023, les bailleurs ont persisté dans leurs conclusions.

La cause a ensuite été gardée à juger.

D. Dans le jugement entrepris, le Tribunal a considéré que le loyer était nul en l’absence d’avis de fixation de loyer. Pour fixer celui-ci à 900 fr. par mois, il s’est rapporté aux statistiques cantonales et a statué ex aequo et bono. L’appartement pouvait être considéré comme un trois pièces. Les trois chambres en enfilade, réalisées en cours de bail, étaient minuscules et sans fenêtres, de sorte qu’elles ne pouvaient pas être considérées comme des pièces. Il a tenu compte du fait que le logement concerné était situé au sous-sol et présentait des qualités inférieures à un appartement se trouvant dans un immeuble. Le loyer comprenait toutefois les frais de chauffage, d’eau chaude et d’électricité. Le trop-perçu de loyer de mai 2011 à novembre 2015 s’élevait donc à 69’000 fr., plus intérêts à date moyenne du 1er janvier 2016. En effet, les prétentions antérieures au 26 avril 2011 étaient atteintes par le délai de prescription absolu de dix ans.

S’agissant de la réduction de loyer, il a retenu que les bailleurs avaient connaissance des défauts, soit qu’il s’agissait d’une habitation en sous-sol manquant de lumière, affectée par des odeurs de mazout persistantes, des possibilités de ventilation limitées et d'un chauffage insuffisant. Les odeurs de mazout et l’humidité étaient de nature à impacter la santé. L’occupation de l’appartement avait d’ailleurs été interdite par l’autorité compétente. Des désagréments temporaires liés à la rénovation de la villa, un dégât d’eau et le fait que les bailleurs utilisaient occasionnellement l’entrée de l’appartement s’ajoutaient à ce qui précède. En équité, il a fixé la réduction de loyer à 30 % dès le mois de mai 2016, les créances antérieures au 27 avril 2016 étant prescrites, jusqu’au mois de novembre 2020. Sur une période de 55 mois, il s’agissait d’un montant de 14’850 fr plus intérêts dès le 27 avril 2021, duquel devait être déduit le loyer afférent au mois de décembre 2020 qui n’avait pas été versé, soit un montant de 630 fr.

EN DROIT

1. 1.1 L'appel est recevable contre les décisions finales et les décisions incidentes de première instance (art. 308 al. 1 let. a CPC). Dans les affaires patrimoniales, l'appel est recevable si la valeur litigieuse au dernier état des conclusions est de 10'000 fr. au moins (art. 308 al. 2 CPC).

La valeur litigieuse est déterminée par les dernières conclusions de première instance (art. 91 al. 1 CPC; Jeandin, Commentaire Romand, Code de procédure civile 2ème éd., 2019, n. 13 ad art. 308 CPC; arrêt du Tribunal fédéral 4A_594/2012 du 28 février 2013).

1.2 Dans ses dernières conclusions prises en première instance, l’intimée a notamment conclu à la fixation judiciaire du loyer à 585 fr. par mois, charges comprises, dès le 1er mars 2007, de même qu'au remboursement par les appelants d’un trop-perçu de loyer de 150’975 fr.

La valeur litigieuse dépasse ainsi largement les 10'000 fr. requis à l'art. 308 al. 2 CPC, de sorte que la voie de l'appel est ouverte.

1.3 Selon l'art. 311 al. 1 et 2 CPC, l'appel, écrit et motivé, est introduit auprès de l'instance d'appel dans les 30 jours à compter de la notification de la décision, laquelle doit être jointe au dossier.

La partie adverse peut former un appel joint dans la réponse (art. 313 al. 1 CPC).

L'appel et l'appel joint ont été interjetés dans les délais et suivant la forme prescrits par la loi (art. 130, 131, 311 al. 1 et 313 al. 1 CPC). Ils sont ainsi recevables.

1.4 Les bailleurs seront ci-après désignés comme les appelants et la locataire comme l'intimée.

1.5 L'appel peut être formé pour violation du droit (art. 310 let. a CPC) et constatation inexacte des faits (art. 310 let. b CPC). L'instance d'appel dispose ainsi d'un plein pouvoir d'examen de la cause en fait et en droit ; en particulier, le juge d'appel contrôle librement l'appréciation des preuves effectuée par le juge de première instance (art. 157 CPC en relation avec l'art. 310 let. b CPC) et vérifie si celui-ci pouvait admettre les faits qu'il a retenus (ATF 138 III 374 consid. 4.3.1).

1.6 Selon l’art. 243 al. 2 let.c CPC, la procédure simplifiée s'applique, quelle que soit la valeur litigieuse, aux litiges portant sur des baux à loyer ou à ferme d'habitations et de locaux commerciaux et sur des baux à ferme agricoles en ce qui concerne la consignation du loyer ou du fermage, la protection contre les loyers ou les fermages abusifs, la protection contre les congés ou la prolongation du bail à loyer ou à ferme.

Le juge doit donc établir les faits d'office et n'est pas lié par les allégations des parties et leurs offres de preuve (ATF 139 III 457 consid. 4.4.3.2). Toutefois, les parties ne sont pas pour autant dispensées de collaborer activement à l'établissement des faits (ATF 142 III 402 consid. 2.1; arrêt du Tribunal fédéral 4A_360/2015 du 12 novembre 2015 consid. 4.2).

2. Les appelants se plaignent d'une violation de leur droit d'être entendus, motif pris que le Tribunal n’aurait pas statué sur la question de la prescription s’agissant de la fixation du loyer et de leurs allégués relatifs au non-paiement du loyer par la locataire.

2.1 Compris comme l'un des aspects de la notion générale de procès équitable au sens de l'art. 29 Cst., le droit d'être entendu garantit notamment au justiciable le droit de s'expliquer avant qu'une décision ne soit prise à son détriment, d'avoir accès au dossier, de prendre connaissance de toute argumentation présentée au tribunal et de se déterminer à son propos, dans la mesure où il l'estime nécessaire, que celle-ci contienne ou non de nouveaux éléments de fait ou de droit, et qu'elle soit ou non concrètement susceptible d'influer sur le jugement à rendre (ATF 138 I 154 consid. 2.3.3; 137 I 195 consid. 2.3.1; 135 II 286 consid. 5.1;
133 I 100 consid. 4.3; 132 I 42 consid. 3.3.2).

Le droit d'être entendu est une garantie constitutionnelle de nature formelle, dont la violation entraîne en principe l'annulation de la décision attaquée, indépendamment des chances de succès du recours sur le fond. Le droit d'être entendu doit permettre d'éviter qu'une procédure judiciaire ne débouche sur un jugement vicié en raison de la violation du droit des parties de participer à la procédure, notamment à l'administration des preuves. Ce droit n'est cependant pas une fin en soi. Ainsi, lorsqu'on ne voit pas quelle influence la violation du droit d'être entendu a pu avoir sur la procédure, il n'y a pas lieu d'annuler la décision attaquée. Dans ce cas, en effet, le renvoi de la cause à l'autorité précédente en raison de cette seule violation constituerait une vaine formalité et conduirait seulement à prolonger inutilement la procédure (ATF 143 IV 380 consid. 1.4.1 et les références; arrêt du Tribunal fédéral 5A_381/2020 du 1er septembre 2020 consid. 3.1).

La jurisprudence a également déduit du droit d'être entendu, consacré par l'art. 29 al. 2 Cst., le devoir pour le juge de motiver sa décision, afin que le justiciable puisse la comprendre, la contester utilement s'il y a lieu et exercer son droit de recours à bon escient. Pour répondre à ces exigences, le juge doit mentionner, au moins brièvement, les motifs qui l'ont guidé et sur lesquels il a fondé sa décision, de manière à ce que l'intéressé puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et l'attaquer en connaissance de cause (ATF 138 IV 81 consid. 2.2). Il n'a toutefois pas l'obligation d'exposer et de discuter tous les faits, moyens de preuve et griefs invoqués par les parties, mais peut au contraire se limiter à l'examen des questions décisives pour l'issue du litige (ATF 137 II 266 consid. 3.2; 136 I 229 consid. 5.2). Dès lors que l'on peut discerner les motifs qui ont guidé la décision de l'autorité, le droit à une décision motivée est respecté même si la motivation présentée est erronée. La motivation peut d'ailleurs être implicite et résulter des différents considérants de la décision (ATF 141 V 557 consid. 3.2.1; arrêt du Tribunal fédéral 2C_879/2015 du 29 février 2016 consid. 4.1). Les parties doivent pouvoir connaître les éléments de fait et de droit retenus par le juge pour arriver au dispositif. Une motivation insuffisante constitue une violation du droit d'être entendu (ATF 139 IV 179 consid. 2.2; 138 IV 81 consid. 2.2; 133 III 235 consid. 5.2), que la juridiction supérieure peut librement examiner aussi bien en appel que dans le cadre d'un recours au sens des art. 319 ss CPC (Tappy, Commentaire romand, Code de procédure civile, 2ème éd. 2019, n. 7 ad art. 238 CPC et n. 18 ad art. 239 CPC; ACJC/165/2020 du 3 février 2020 consid. 2.2).

Une violation du droit d'être entendu qui n'est pas particulièrement grave peut être exceptionnellement réparée devant l'autorité de recours lorsque l'intéressé jouit de la possibilité de s'exprimer librement devant une telle autorité disposant du même pouvoir d'examen que l'autorité précédente sur les questions qui demeurent litigieuses et qu'il n'en résulte aucun préjudice pour le justiciable (ATF
136 III 174).

2.2 En l'espèce, s'il résulte effectivement du jugement entrepris que le Tribunal ne s'est pas expressément prononcé sur la question de la prescription des prétentions de l’intimée, ce dernier n'avait pas l'obligation de discuter tous les moyens de preuve invoqués par les parties. Il pouvait au contraire se limiter à l'examen des questions décisives pour l'issue du litige. Sa motivation pouvait d'ailleurs être implicite et résulter des différents considérants. En retenant que le loyer était nul et en entrant en matière sur la fixation judiciaire du loyer initial, le Tribunal a, de fait, écarté les arguments des appelants selon lesquels l’intimée aurait eu connaissance de la nullité du loyer en 2017, lors de sa première consultation de l’ASLOCA.

Par ailleurs, le Tribunal a tenu pour établi que la locataire avait régulièrement versé son loyer, appréciation qui ne porte pas le flanc à la critique. En effet, les appelants n’ont allégué l’envoi ni produit de rappel ou mise en demeure adressés à l’intimée, laquelle a pourtant occupé le logement litigieux durant près de 14 ans. Celle-ci a quant à elle produit de nombreux extraits bancaires démontrant qu’elle effectuait des retraits d’argent plus importants chaque début ou fin de mois. Or, les parties s’entendent sur le fait que le loyer était payé de main à main. Par ailleurs, l’intimée a obtenu des reçus de la part des appelants à compter de 2017. Leur examen permet de constater que le paiement du loyer était régulier. Hormis le non-paiement du loyer de décembre 2020, seul un échange de messages entre les parties intervenu en 2020 montre un retard de paiement de la locataire, réglé au moyen d’une retenue sur l’avance de loyer versée au début du bail.

En tout état, la Cour est habilitée, compte tenu de son plein pouvoir de cognition, à réparer une éventuelle insuffisance de motivation du Tribunal, ce qui garantit le respect du droit d'être entendus des appelants sous cet angle.

Il n'y a donc pas eu violation du droit d'être entendus des appelants.

3. Sur le fond, les appelants reprochent au Tribunal d’être entré en matière sur l’action en fixation du loyer initial, celle-ci étant selon eux prescrite. Les appelants et l’intimée font également grief au Tribunal d'avoir mal appliqué les statistiques pour fixer le loyer.

3.1 Conformément à l'art. 270 al. 2 CO, les cantons peuvent, en cas de pénurie de logements, rendre obligatoire, sur tout ou partie de leur territoire, l'usage de la formule officielle mentionnée à l'art. 269d CO pour la conclusion de tout nouveau bail. Le canton de Genève a fait usage de cette faculté en adoptant l'art. 207 al. 1 LaCC.

Un vice de forme lors de la notification du loyer initial, comme par exemple la non-utilisation de la formule officielle, n'implique pas la nullité totale du contrat de bail, mais limite cette nullité à la seule fixation du loyer (art. 20 al. 2 CO;
cf. ATF 120 II 341 consid. 5d).

Lorsque le bail a été conclu sans que soit utilisée la formule officielle, le locataire peut donc agir en fixation judiciaire du loyer initial et en restitution de l'éventuel trop-perçu. Il s'agit là d'un cumul d'actions (art. 90 CPC) : la première tend, après constatation, à titre préjudiciel, de la nullité du loyer convenu, à la fixation judiciaire de celui-ci et la seconde, en tant que conséquence de la première, vise à la restitution des prestations effectuées sans cause conformément aux règles de l'enrichissement illégitime (art. 62 ss CO). En application de ces dispositions, le locataire qui entend récupérer le trop-payé doit agir dans les trois ans suivant le jour où il a connu son droit à la restitution, mais au plus tard dans les dix ans dès la naissance du droit (art. 67 al. 1 CO ; Lachat/Stastny, Le bail à loyer, Lausanne 2019, p. 511).

La nullité partielle se constate d’office et intervient de plein droit (arrêt du Tribunal fédéral 4C.428/2004 du 1er avril 2005, in SJ 2006 I p. 19) et le locataire peut la faire valoir en tout temps sous la seule réserve de l’abus de droit (arrêt du Tribunal fédéral 4A_129/2011 du 28 avril 2011 et références citées). Le Tribunal fédéral a retenu qu’une exception au droit de demander la restitution du trop-perçu selon les art. 62 ss CO peut être admise lorsqu’un locataire, conscient du vice de forme affectant le contrat, a gardé le silence dans l’intention d’en profiter plus tard (ATF 140 III 583, consid. 3.2.4). L'ignorance du locataire est présumée (ATF 140 III 583 précité). Le juge du fait doit vérifier, par appréciation des preuves, si le locataire demandeur doit bénéficier de la présomption d'ignorance compte tenu de l'ensemble des circonstances. Tel ne serait notamment pas le cas si le locataire avait des connaissances spécifiques en droit du bail, s'il avait déjà loué un appartement pour lequel il avait reçu la formule officielle, ou s'il avait été impliqué dans une précédente procédure de contestation du loyer initial (ATF 148 III 63 consid. 6). En cas de consultation d’un avocat avant l’invocation de la nullité du loyer initial, seul est décisif le fait de savoir si cette question a été ou non effectivement abordée lors de ladite consultation (arrêt du Tribunal fédéral 4A_254/2016 du 10 juillet 2017, consid. 3.2.2; cf. également Biéri, Formule officielle et présomption d’ignorance du locataire, Jusletter du 12 octobre 2020,
n. 17).

3.2 Le juge appelé à fixer le loyer initial doit fonder sa décision sur toutes les circonstances du cas. Les facteurs à prendre en considération comprennent notamment le rendement admissible (art. 269 CO), les loyers pratiqués dans le quartier (art. 269a CO) et le cas échéant le loyer payé par le précédent locataire (ATF 120 II 341 consid. 6c). Jouissant d'un pouvoir plus étendu que dans la procédure en contestation d'un loyer fixé selon les formalités prescrites, le juge n'a pas à restreindre son examen au caractère abusif ou non du loyer convenu par les parties, lequel constitue la limite supérieure du loyer à fixer (ATF 124 III 62 consid. 2b). Lorsque le loyer initial est nul parce que la formule officielle n'a pas été communiquée, le juge doit compléter le contrat, en se basant sur toutes les circonstances du cas (ATF 124 III 62 consid. 2b; arrêt du Tribunal fédéral 4A_517/2014 du 2 février 2015 consid. 5.1).

Les statistiques éditées par l'Office cantonal de la statistique (OCSTAT) peuvent être utilisées pour fixer le loyer initial, tout en tenant compte de leurs lacunes, par le biais de réajustements destinés à prendre en considération les particularités de l'objet loué. Eu égard à la marge d'appréciation dont le juge dispose en la matière, la Cour considère qu'il est possible de se référer à une valeur moyenne. En règle générale, dans la mesure où les statistiques relatives aux logements loués à de nouveaux locataires au cours des douze derniers mois ne tiennent pas compte de la date de construction de l'immeuble, ni des caractéristiques du cas particulier, il y a lieu de les compléter en procédant à une pondération avec les chiffres statistiques des baux en cours (ACJC/1219/2016 du 19 septembre 2016; ACJC/702/2009 du 15 juin 2009 consid. 4; ACJC/954/2013 du 7 août 2013 consid. 2; ACJC/1500/2013 du 16 décembre 2013 consid. 6.1.2; ACJC/390/2015 du 30 mars 2015 consid. 6.1).

S'agissant du choix de la statistique à prendre en compte parmi celles établies par l'OCSTAT, le juge dispose d'un large pouvoir d'appréciation (ACJC/1303/2007 consid. 3.5; ACJC/812/2010 du 21 juin 2010 consid. 4.1).

Le Tribunal fédéral a confirmé que cette pondération des statistiques genevoises n'est pas arbitraire (arrêt du Tribunal fédéral 4A_3/2011 du 28 février 2011 consid. 5.2).

3.3 Les frais accessoires autres que ceux liés au chauffage et à la production d'eau chaude, comme les frais d'exploitation, sont englobés dans les loyers servant de données pour les statistiques cantonales genevoises (arrêt du Tribunal fédéral 4A_129/2008 du 10 juin 2008 consid. 2.4).

3.4 La vétusté et les éventuels défauts de l'objet loué n'ont pas à être pris en considération dans la fixation judiciaire du loyer. En effet, la vétusté d'un immeuble se reflète déjà dans l'année de construction de celui-ci, qui est pris en compte dans les statistiques des loyers. Quant aux défauts éventuellement présents, résultant ou non de l'état de vétusté, ils peuvent déjà faire l'objet d'une réduction du loyer (cf. art. 259a al. 1 let. b et 259d CO), de sorte qu'il ne se justifie pas, ici encore, d'en tenir compte, faute de quoi les locataires pourraient obtenir une réduction à double pour ce motif, à la fois dans le cadre de la fixation judiciaire du loyer et dans le cadre d'une demande éventuelle de réduction de loyer. Ainsi, la fixation judiciaire du loyer doit se déterminer sur la base d'un bien immobilier exempt de défaut et entretenu, le bailleur ayant l'obligation de délivrer la chose dans cet état (cf. art. 256 al. 1 CO). Les réductions fondées sur les défauts (art. 258 ss CO) doivent faire l'objet d'une procédure distincte de la part des locataires.

3.5 En l'espèce, il n'est pas contesté qu'aucun avis de fixation du loyer n'a été remis à l'intimée. Celle-ci a déclaré avoir consulté l’ASLOCA une première fois en 2017 en raison des problèmes d’émanation de mazout, puis à nouveau durant l'automne 2020, au vu de la dégradation de la situation. Rien n’indique que la question de la nullité du loyer initial ait été abordée en 2017, contrairement à ce que prétendent les appelants. La requête en fixation judiciaire du loyer initial et en restitution du trop-perçu du 27 avril 2021 n’est ainsi pas prescrite.

Pour fixer le loyer initial de l'appartement, le Tribunal a appliqué la statistique cantonale de mai 2007 – année de conclusion du contrat de bail à loyer litigieux – concernant le loyer mensuel moyen des logements, sans charges, selon le nombre de pièces, la nature du logement et le statut du bail (T 05.04.2.02), étant rappelé que le juge dispose d’un large pouvoir d’appréciation dans son choix des statistiques. Il a toutefois pris en compte un montant de 975 fr. pour le loyer d’un logement à loyer libre et loué à de nouveaux locataires au cours des douze derniers mois pour un trois pièces, alors que celui-ci était en réalité de 1’199 fr.

Il a ensuite appliqué la statistique cantonale de mai 2007, relative aux baux en cours, du loyer moyen des logements à loyer libre de 3 pièces situés en dehors de la ville de Genève, dans des immeubles construits entre 1966 et 1970, faisant état d’un loyer mensuel de 902 fr.

La moyenne des deux loyers précités est ainsi de 1’050 fr. 50 et non de 938 fr.

Compte tenu des caractéristiques propres du logement, soit au motif qu’il était situé en sous-sol et présentait ainsi des qualités inférieures à un appartement se trouvant dans un immeuble, en lien notamment avec le manque de lumière et les difficultés d’aération, mais comprenait les frais de chauffage, d’eau chaude et d’électricité, le Tribunal a fixé ex aequo et bono le loyer à 900 fr. par mois.

Les appelants contestent cette appréciation, le Tribunal n’ayant pas expliqué à quel montant il aurait réduit le loyer net, ni quel montant il a pris en compte pour les charges et du fait qu’il n’a pas pris en compte la suroccupation du logement et l’accès au grand jardin entretenu. Toutefois ils ne démontrent pas ces derniers éléments (soit la suroccupation et l’entretien du jardin). Quant à l’intimée, elle considère que le loyer moyen ne pouvait être pris en compte au vu des caractéristiques particulières du logement et qu’il faudrait de se référer au loyer du premier décile de 2020.

S’agissant de l’appartement litigieux, il est établi qu’il s’agissait d’un trois pièces situé au sous-sol d’une villa sise à E______ avec accès à un jardin. Avant son aménagement en appartement, les surfaces louées étaient dédiées à un garage, une cave, une salle de jeux et une salle de musculation. Les locaux disposaient de deux fenêtres dans la pièce principale et d’un petit vasistas dans la chambre. Un petit ventilateur reliait le dégagement à l’extérieur. Le salon était équipé d’un radiateur, de même que la chambre à compter de 2015. En cours de bail, la porte de garage ayant fait office d’entrée dans l’appartement a été remplacée par une porte. Trois pièces en enfilade, d’une surface de 5,5 m² chacune et sans fenêtres, ont été créées sur les espaces de rangement et de bricolage.

En application de la jurisprudence du Tribunal fédéral, il se justifie de prendre en compte la moyenne des deux loyers mensuels précités, après correction des montants pris en référence. Il s’agit toutefois de préciser la pondération de cette moyenne.

En effet, cette pondération doit être effectuée en équité et il y a lieu de prendre en compte les caractéristiques propres au logement, telles que rappelées supra. S’il ne s’agit pas de tenir compte de la vétusté ni des défauts, à teneur de la jurisprudence, il sied toutefois de décoter la moyenne en considérant la situation particulière d’un garage en sous-sol réaménagé en appartement, ne respectant pas les prescriptions de droit public pour un logement, bénéficiant de l’accès à un jardin. En l’occurrence, une décote fixée en équité à 25 % apparaît justifiée, portant le loyer à 787 fr. 90.

Ce montant peut être majoré d’une provision pour charges estimée à 400 fr. par pièce et par an pour un usage normal (ACJC/897/2023 du 30 juin 2023, consid. 3.2.1), rien ne permettant de retenir que tel n’ait pas été le cas, ce qui correspond en l’espèce à 100 fr. par mois.

Au vu de ce qui précède, en fixant le loyer à 900 fr. par mois, le Tribunal n’a pas abusé de son libre pouvoir d’appréciation en tenant équitablement compte des spécificités du logement en adéquation avec la jurisprudence de la Cour.

Le jugement entrepris sera par conséquent confirmé s’agissant de la fixation judiciaire du loyer et de la restitution du trop-perçu.

4. Les appelants et l’intimée contestent la réduction de loyer accordée par le Tribunal. Les appelants considèrent qu’aucun avis des défauts n’est intervenu et contestent les défauts pris en compte (odeurs de mazout, dégâts d’eau, chauffage insuffisant, utilisation de la porte d’entrée de l’appartement). Quant à l’intimée, elle reproche au Tribunal de lui avoir octroyé une réduction insuffisante.

4.1 Selon l'art. 256 al. 1 CO, le bailleur est tenu de délivrer la chose à la date convenue, dans un état approprié à l'usage pour lequel elle a été louée et de l'entretenir en cet état.

Faute de définition légale, la notion de défaut - qui relève du droit fédéral - doit être rapprochée de l'état approprié à l'usage pour lequel la chose a été louée (art. 256 al. 1 CO). Elle suppose la comparaison entre l'état réel de la chose et l'état convenu; il y a ainsi défaut lorsque la chose ne présente pas une qualité que le bailleur avait promise ou lorsqu'elle ne présente pas une qualité sur laquelle le locataire pouvait légitimement compter en se référant à l'état approprié à l'usage convenu (ATF 135 III 345 consid. 3.2; arrêts du Tribunal fédéral 4A_577/2016 du 25 avril 2017 consid. 3.1 et 4A_628/2010 du 23 février 2011 consid. 3.1). Le défaut peut être matériel ou immatériel (arrêt du Tribunal fédéral 4A_2008/2015 du 12 février 2016 consid. 3.1). Il n'est pas nécessaire que le bailleur soit en faute ou que le défaut soit réparable (arrêts du Tribunal fédéral 4A_395/2017 du 11 octobre 2018 consid. 5.2; 4A_281/2009 du 31 juillet 2009 consid. 3.2).

Le défaut de la chose louée est une notion relative. Son existence dépendra des circonstances du cas particulier. Il convient de prendre en compte notamment la destination de l'objet loué, l'âge et le type de la construction, ainsi que le montant du loyer (ATF 135 III 345 consid. 3.3; arrêts du Tribunal fédéral 4A_395/2017 du 11 octobre 2018 consid. 5.2; 4A_281/2009 du 31 juillet 2009 consid. 3.2; Wessner, Le bail à loyer et les nuisances causées par des tiers en droit privé, in 12ème Séminaire sur le droit du bail, 2002, p. 23 s.). D'autres facteurs tels que le lieu de situation de l'immeuble, les normes usuelles de qualité, les règles de droit public ainsi que les usages courants doivent être pris en considération, de même que le critère du mode d'utilisation habituel des choses du même genre, à l'époque de la conclusion du contrat (Lachat, op.cit., p. 259-260).

Le locataire qui entend se prévaloir des art. 258 ss CO doit prouver l'existence du défaut (Lachat, op. cit., p. 303).

Il n’est pas nécessaire d’aviser le bailleur de défauts dont celui-ci a déjà eu connaissance ou dont il aurait pu avoir connaissance (Lachat, op. cit., p. 281).

Le fardeau de la preuve de l'existence du défaut, de l'avis du défaut et de la diminution de l'usage de l'objet loué appartient au locataire (art. 8 CC).

4.2 En l’espèce, c'est à bon droit que les premiers juges ont retenu que l'existence de défauts a été démontrée par l’intimée au cours de la procédure.

En effet, les témoins entendus ont corroboré les défauts relatifs à l’odeur de mazout persistante, de nature à avoir un impact sur la santé des occupantes telles que mentionnées par les témoins (« nausées et migraines très fortes en raison des odeurs de mazout qui imprégnaient leurs lits et habits »). L’insuffisance du chauffage a également été établie par l’audition de nombreux témoins, étant quoi qu’il en soit relevé que la présence d’un seul radiateur jusqu’en 2015 puis de deux à compter de cette année apparaît insuffisante pour chauffer l’ensemble de l’appartement, selon l’expérience générale de la vie. Il en est de même de l’humidité et de la ventilation limitée, au vu de la configuration de l’appartement.

S’agissant toutefois de l’utilisation de la porte d’entrée et des désagréments temporaires, telle que la rénovation de la villa et le dégât d’eau, ils n'ont pas été établis à satisfaction de droit.

Quant à l’avis des défauts, l’appréciation du Tribunal, selon laquelle les bailleurs avaient nécessairement connaissance des défauts du fait qu’ils habitaient dans la même maison, ne prête pas le flanc à la critique. L’un des bailleurs a d’ailleurs admis, s’agissant à tout le moins de l’odeur de mazout, que la locataire s’en était plainte auprès de lui à plusieurs reprises.

Compte tenu de l'ensemble des éléments qui précèdent, l'existence de défauts de la chose louée a été à juste titre admise par le Tribunal.

5. Reste à déterminer si la réduction de loyer de 30%, dès mai 2016 et jusqu’en novembre 2020, est adéquate.

5.1 Conformément aux art. 259a et 259d CO, lorsqu'apparaissent des défauts qui ne sont pas imputables au locataire et auxquels il ne doit pas remédier à ses frais, ou lorsque le locataire est empêché d'user de la chose conformément au contrat, il peut exiger du bailleur, notamment, la remise en état de la chose et une réduction proportionnelle du loyer, pour autant que le bailleur ait eu connaissance du défaut.

Le défaut est grave lorsqu'il exclut ou entrave considérablement l'usage pour lequel la chose a été louée. Tel est notamment le cas lorsque le défaut met en danger des intérêts vitaux, notamment la santé du locataire et de sa famille. Il en va de même lorsque le locataire ne peut pas faire usage de pièces importantes (cuisine, salon, chambre à coucher, salle de bains) pendant un certain temps. S'agissant de baux immobiliers, un défaut grave existe si les locaux, bien qu'utilisables, le sont uniquement au prix d'inconvénients inadmissibles pour le locataire (Lachat/Rubli, op. cit., p. 272; Aubert, in Droit du bail à loyer et à ferme, Commentaire pratique, 2ème éd., 2017, n. 40 ad art. 258 CO).

Pour le calcul de la réduction du loyer, le juge procède en principe selon la méthode dite « proportionnelle ». Il compare l'usage de la chose louée, affectée de défauts, avec son usage conforme au contrat, exempt de défauts. En d'autres termes, il s'agit de réduire le loyer dans un pourcentage identique à la réduction effective de l'usage des locaux, de rétablir l'équilibre des prestations des parties (ATF 130 III 504 consid. 4.1; 126 III 388 consid. 11c; Lachat, op. cit., p. 315).

Ce calcul proportionnel n'étant pas toujours aisé, il est admis qu'une appréciation en équité, par référence à l'expérience générale de la vie, au bon sens et à la casuistique, n'est pas contraire au droit fédéral (ATF 130 III 504 consid. 4.1).

La réduction de loyer ne suppose pas que le défaut soit imputable au bailleur. Celui-ci doit réduire le loyer même lorsqu'il n'est pas responsable de la survenance du défaut (Lachat, op. cit., p. 304).

La pratique reconnaît au juge un large pouvoir d'appréciation dans la détermination de la quotité de réduction du loyer (Lachat, op. cit., p. 316).

5.2 Un défaut lié au chauffage des locaux loués ne peut donner lieu à une réduction de loyer que pendant les périodes de chauffage (arrêt du Tribunal fédéral 4A_174/2009 du 8 juillet 2009 consid. 4.2).

Des températures insuffisantes dans des locaux d'habitation ont, dans la pratique des tribunaux suisses, entraîné des réductions de loyer oscillant entre 5% et 20% (arrêt du Tribunal fédéral 4A_174/2009 précité consid. 4.2; cf. aussi ATF
130 III 504; ACJC/38/2009 consid. 5.1).

La Cour a en outre admis une réduction de loyer de 10%, pendant la période hivernale, en raison de l'insuffisance du chauffage, qui avait provoqué une importante sensation de froid, des refroidissements, la nécessité d'adapter son comportement en conséquence quotidiennement durant la saison froide (nécessité de ne pas rester dans certains lieux de l'appartement, de s'habiller chaudement; ACJC/659/2013 du 27 mai 2013 consid. 8.3).

Le Tribunal fédéral a enfin confirmé un taux de réduction de 16% retenu par la Cour cantonale qui s'était fondée sur les réductions prononcées par la pratique en cas de ventilation ou de chauffage défectueux et qui oscillent entre 25% et 10% (arrêt du Tribunal fédéral 4C.335/2003 du 11 mai 2004 consid. 4.2).

En matière de nuisances olfactives, la jurisprudence a retenu un taux de réduction de 8% pour des odeurs de mazout se manifestant de manière relativement irrégulière (ACJC/1099/2004 du 04.10.2004 R. c/ SI U. en liquidation).

La Cour a accordé une réduction de 30% dans un cas où, non seulement la ventilation était défectueuse, mais aussi où le taux d'humidité était trop élevé, provoquant de la condensation à l'intérieur et des moisissures, susceptibles d'avoir des conséquences sur la santé de l'occupant (ACJC/1171/2008 du 6 octobre 2008).

5.3 En l'espèce, il est vrai que les défauts relatifs au chauffage ne doivent en principe donner lieu à réduction que durant les périodes hivernales et que les défauts occasionnels listés par le Tribunal n'ont pas été établis à satisfaction de droit Ceci étant, les défauts de la chose louée établis sont importants et, pour certains, particulièrement graves, ayant affecté la santé des occupantes de l’appartement.

Au vu de la jurisprudence précitée et en considération de la gravité des défauts, la réduction globale de 30 % appliquée par l'autorité précédente ne consacre pas de violation du pouvoir d'appréciation conféré au Tribunal. Ni l’appel ni l’appel joint ne sont dès lors fondés sur ce point et le jugement entrepris sera par conséquent intégralement confirmé.

6. A teneur de l'art. 22 al. 1 LaCC, il n'est pas prélevé de frais dans les causes soumises à la juridiction des baux et loyers (ATF 139 III 182 consid. 2.6).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre des baux et loyers :


A la forme :

Déclare recevables l'appel interjeté le 1er septembre 2023 par A______, B______ et C______ et l’appel joint formé le 5 octobre 2023 par D______ contre le jugement JTBL/636/2023 rendu le 14 août 2023 par le Tribunal des baux et loyers dans la cause C/8108/2021.

Au fond :

Confirme le jugement entrepris.

Dit que la procédure est gratuite.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Siégeant :

Monsieur Ivo BUETTI, président; Madame Pauline ERARD, Madame
Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, juges; Madame Nevena PULJIC, Madame Cosima TRABICHET-CASTAN, juges assesseurs; Madame Maïté VALENTE, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF ; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr.