Skip to main content

Décisions | Chambre des baux et loyers

1 resultats
C/9631/2022

ACJC/513/2024 du 24.04.2024 sur JTBL/608/2023 ( OBL ) , CONFIRME

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/9631/2022 ACJC/513/2024

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des baux et loyers

DU MERCREDI 24 AVRIL 2024

 

Entre

Monsieur A______, Monsieur B______ et Madame C______, p.a. ______, appelants d'un jugement rendu par le Tribunal des baux et loyers le 14 juillet 2023, représentés par Me Toni KERELEZOV, avocat, avenue de Frontenex 5, 1207 Genève,

et

Madame D______, domiciliée ______, intimée, représentée par l'ASLOCA, rue du Lac 12, case postale 6150, 1211 Genève 6.

 


EN FAIT

A. Par jugement JTBL/608/2023 du 14 juillet 2023, le Tribunal des baux et loyers a constaté la nullité de l'autorisation de procéder délivrée le 5 septembre 2022 [par la Commission de conciliation en matière de baux et loyers] (ch. 1 du dispositif), a déclaré irrecevable la demande formée le 5 octobre 2022 par D______ à l'encontre de C______, A______ et A______ (sic; recte B______) (ch. 2), a renvoyé la cause à la Commission de conciliation en matière de baux et loyers (ch. 3) et a rappelé que la procédure était gratuite (ch. 4).

En substance, le Tribunal a considéré qu'à la suite du décès de E______, cobailleresse, décès dont la Commission de conciliation en matière de baux et loyers (ci-après : la Commission de conciliation) avait été informée par courrier du conseil de la défunte et de C______ le 18 juin 2022, cette autorité aurait dû convoquer tant la dernière nommée que les héritiers de la défunte à l'audience de conciliation, ce qu'elle n'avait pas fait. L'autorisation de procéder aurait dû être délivrée au nom de C______, A______ et B______, alors qu'elle ne l'avait été qu'au nom de C______. La demande introduite au Tribunal par D______ était dès lors irrecevable et la cause devait être renvoyée à la Commission de conciliation.

B. a. Par acte déposé le 14 septembre 2023 à la Cour de justice, C______, A______ et B______ ont formé appel du chiffre 3 du dispositif de ce jugement, sollicitant son annulation. Cela fait, ils concluent à ce que la Cour dise et constate que le Tribunal a violé la loi en renvoyant la cause à la Commission de conciliation et s'est rendu coupable d'un déni de justice, en omettant de se prononcer sur le sort de leur demande reconventionnelle, et condamne D______ à une amende de 2'000 fr. pour téméraire plaideur, sous suite de frais et dépens.

b. Dans sa réponse du 18 octobre 2023, D______ a conclu à la confirmation du jugement entrepris.

c. Par réplique et duplique des 23 novembre et 22 décembre 2023, les parties ont persisté dans leurs conclusions respectives.

d. C______, A______ et B______ se sont encore déterminés le 19 janvier 2024.

e. Les parties ont été avisées par plis du greffe du 15 février 2024 de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les faits pertinents suivants résultent de la procédure :

a. E______ et C______ ont conclu un contrat de bail portant sur un appartement de 3,5 pièces situé au 4ème étage de l'immeuble sis rue 1______ no. ______ à Genève.

Par avis de confirmation d'échelon du 23 octobre 2012, le loyer de l'appartement a été fixé à 5'820 fr., par année, charge de 1'620 fr. en sus, dès le 1er janvier 2013.

Les précitées ont également conclu un contrat portant sur la location d'un parking extérieur situé dans le même immeuble, pour un loyer annuel de 1'560 fr.

b. D______ a allégué avoir conclu en avril 2019 un contrat de sous-location oral avec E______ et C______, ce que ces dernières ont contesté. E______ a allégué qu'à son insu et à une date indéterminée, la précitée avait intégré l'appartement occupé par un prénommé Carlos, employé d'une banque, avec laquelle E______ avait conclu un contrat de sous-location. C______ n'était pas partie à cette relation de sous-bail.

c. Par avis officiel du 28 janvier 2022, E______ et C______ ont résilié le contrat (oral) pour le 28 février 2022.

d. Par requête déposée le 2 mars 2022 contre E______ et C______ par-devant la Commission de conciliation, D______ a contesté ledit congé. Le numéro de procédure C/2______/2022 a été attribué à la cause.

e. Le 8 avril 2022, une citation à comparaître à une audience de conciliation le 9 mai 2022 dans la cause C/2______/2022 a été notifiée tant à E______ qu'à C______.

f. Par courrier du 5 mai 2022, le conseil de E______ et C______ a informé la Commission de ce que les précitées ne pourraient pas être présentes à l'audience de conciliation.

g. Le 5 mai 2022, D______ a saisi la Commission de conciliation d'une requête en fixation judiciaire du loyer, formée à l'encontre de E______ et C______. Le numéro de procédure C/9631/2022 a été attribué à la cause.

h. E______ est décédée le ______ 2022 laissant pour héritiers C______, A______ et B______.

i. Le 13 juin 2022, la Commission de conciliation a supprimé, sans explication, feu E______ de la procédure.

j. Le 14 juillet 2022, la Commission de conciliation a adressé à D______ et à C______ deux citations à comparaître à une audience de conciliation le 5 septembre 2022 à la même heure, l'une pour la cause C/2______/2022 et l'autre pour la cause C/9631/2022.

k. Le 18 juillet 2022, le conseil de C______ a sollicité de la Commission de conciliation des explications concernant la convocation à une nouvelle audience de conciliation dans la cause C/2______/2022. Compte tenu de l'absence de ses mandantes à l'audience du 9 mai 2022, une autorisation de procéder aurait dû être délivrée. Il a également informé la Commission de conciliation du décès de feue E______.

La Commission de conciliation a répondu qu'il avait été décidé lors de l'audience du 9 mai 2022 de reconvoquer la cause C/2______/2022 en même temps que la cause C/9631/2022 afin de traiter les deux procédures parallèlement.

Un échange de courriers s'en est suivi, le conseil de C______ attirant l'attention de la Commission de conciliation sur le fait que les héritiers de feue E______ n'avaient pas été cités à comparaître. La Commission a maintenu l'audience de conciliation du 5 septembre 2022 dans les deux causes, sans modifier ses convocations.

l. C______ ne s'est pas présentée à l'audience de conciliation du 5 septembre 2022. La Commission de conciliation a délivré deux autorisations de procéder dans les deux causes, lesquelles ne mentionnent que le nom de C______ comme partie bailleresse.

m. Le 5 octobre 2022, D______ a introduit les deux causes devant le Tribunal contre C______, A______ et B______.

Elle a notamment conclu a la constatation de la nullité partielle du loyer, aucun avis officiel de fixation du loyer ne lui ayant été remis, et à la fixation du sous-loyer de l'appartement à 620 fr. par mois, charges comprises, dès avril 2009, le trop-perçu de loyer devant lui être restitué.

n. Par ordonnance du 25 octobre 2022, le Tribunal a joint les causes C/2______/2022 et C/9631/2022 sous le numéro de procédure C/2______/2022.

o. Par mémoire réponse et demande reconventionnelle du 3 janvier 2023, C______, A______ et B______ ont conclu, à la forme, à l'irrecevabilité des deux requêtes, au fond, préalablement, à ce que l'instruction soit limitée à la question de la recevabilité des requêtes et la validité des autorisations de procéder, et, principalement, au rejet des requêtes et au déboutement de D______ de ses conclusions. Sur demande reconventionnelle, ils ont conclu à la condamnation de la précitée à leur verser un montant de 29'999 fr. et au prononcé de son évacuation, avec mesure d'exécution directe du jugement d'évacuation.

L'hoirie de feue E______, soit pour elle C______, A______ et B______, a notamment produit une procuration en faveur de Me Toni KERELEZOV datée du 29 août 2022.

p. Le 6 février 2023, D______ a répondu à la demande reconventionnelle et conclu à son rejet.

q. Le 16 mars 2023, la cause C/9631/2022 a été disjointe de la cause C/2______/2022.

r. Cette dernière a été rayée du rôle par jugement JTBL/199/2023 du 16 mars 2023.

s. Le 20 mars 2023, C______, A______ et B______ ont derechef requis que la procédure en fixation du loyer initial soit limitée à la question de la recevabilité de la demande.

t. Par ordonnance du 22 mars 2023, le Tribunal a imparti un délai à D______ pour se déterminer sur cette question.

u. Par courrier du 17 avril 2023, D______ a persisté dans ses conclusions, précisant que sa demande devait être considérée comme recevable.

v. Le 4 mai 2023, C______, B______ et A______ ont persisté dans leur conclusion en irrecevabilité de la demande.

w. Sur quoi, le Tribunal a rendu le jugement querellé.

EN DROIT

1. 1.1 L'appel est recevable contre les décisions finales et les décisions incidentes de première instance (art. 308 al. 1 let. a CPC). Dans les affaires patrimoniales, l'appel est recevable si la valeur litigieuse au dernier état des conclusions est de 10'000 fr. au moins (art. 308 al. 2 CPC).

Selon la jurisprudence constante du Tribunal fédéral, les contestations portant sur l'usage d'une chose louée sont de nature pécuniaire (arrêt du Tribunal fédéral 4A_388/2016 du 15 mars 2017 consid. 1).

Pour le calcul de la valeur litigieuse devant l'instance d'appel, seules sont déterminantes les dernières conclusions prises devant la juridiction de première instance, peu importe le montant que celle-ci a finalement alloué (arrêts du Tribunal fédéral 5D_13/2017 du 4 décembre 2017 consid. 5.2 et 5A_261/2'13 du 19 septembre 2013 consid. 3.3; Jeandin, Commentaire romand, Code de procédure civile, 2e éd., 2019, n. 13 ad art. 308 CPC).

La valeur litigieuse correspond à la différence entre le montant annuel du loyer initial tel que fixé dans le contrat de bail et le montant requis par les appelants, sans les charges, multiplié par vingt (art. 92 al. 2 CPC; arrêt du Tribunal fédéral 4A_475/2012 du 6 décembre 2012 consid. 1.1).

1.2 Dans ses dernières conclusions prises en première instance, l'intimée a conclu à la fixation judiciaire du loyer à 7'740 fr. par année, charges comprises, dès le 1er avril 2019, de même qu'au remboursement du trop-perçu de loyer correspondant (soit 86'890 fr.).

La valeur litigieuse est ainsi supérieure à 10'000 fr., de sorte que la voie de l'appel est ouverte.

1.3 L'appel a été interjeté dans le délai et suivant la forme prescrits par la loi (art. 130, 131, 311 al. 1 CPC). Il est ainsi recevable, étant compris que la conclusion constatatoire relative au renvoi à la Commission de conciliation doit être interprétée comme tendant à l'annulation dudit renvoi.

1.4 L'appel peut être formé pour violation du droit (art. 310 let. a CPC) et constatation inexacte des faits (art. 310 let. b CPC). L'instance d'appel dispose ainsi d'un plein pouvoir d'examen de la cause en fait et en droit; en particulier, le juge d'appel contrôle librement l'appréciation des preuves effectuée par le juge de première instance (art. 157 CPC en relation avec l'art. 310 let. b CPC) et vérifie si celui-ci pouvait admettre les faits qu'il a retenus (ATF 138 III 374 consid. 4.3.1).

2. Les appelants reprochent au Tribunal d'avoir ordonné le renvoi de la cause à la Commission de conciliation et d'avoir commis un déni de justice formel, en omettant de se prononcer sur le sort de leur demande reconventionnelle.

2.1.
2.1.1
La procédure au fond est précédée d'une tentative de conciliation devant une autorité de conciliation (art. 197 CPC).

La procédure est introduite par la requête de conciliation. Celle-ci peut être déposée dans la forme prévue à l’art. 130 CPC ou dictée au procès-verbal à l’autorité de conciliation. La requête de conciliation contient la désignation de la partie adverse (arrêts du Tribunal fédéral 4A_222/2017 du 8 mai 2018 consid. 4.1.1; 4A_385/2014 du 29 septembre 2014 consid. 4.1 in RSPC 2015 32; 4A_482/2015 du 7 janvier 2016 consid. 2.1, in RSPC 2016 317), les conclusions et la description de l’objet du litige (art. 202 al. 1 et 2 CPC).

Lorsque la tentative de conciliation n’aboutit pas, l’autorité de conciliation consigne l’échec au procès-verbal et délivre l’autorisation de procéder (art. 209 al. 1 CPC).

L’autorisation de procéder contient les noms et les adresses des parties et, le cas échéant, de leurs représentants, les conclusions du demandeur, la description de l’objet du litige et les conclusions reconventionnelles éventuelles, la date de l’introduction de la procédure de conciliation, la décision sur les frais de la procédure de conciliation, la date de l’autorisation de procéder et la signature de l’autorité de conciliation (art. 209 al. 2 CPC).

L'autorisation de procéder reprend les noms des parties indiqués dans la requête de conciliation, sous réserve d'un changement de nom ou d'une substitution de partie (art. 83 CPC) intervenue entre-temps (arrêt du Tribunal fédéral 4A_266/2016 du 25 juillet 2016 consid. 3; Infanger, in Basler Kommentar, 2ème éd. 2013, n. 7 ad art. 209 CPC).  

L’autorité ne peut pas modifier les conclusions, préciser l’objet du litige ou redéfinir les parties au procès dans son autorisation de procéder compte tenu du principe de disposition (art. 58 al. 1 CPC) (Infanger, op. cit., ibid; Bohnet, Commentaire Romand, Code de procédure civile, 2ème éd. 2019, n. 8 ad art. 209 CPC).

2.1.2 Selon l'art. 59 al. 1 CPC, le tribunal n'entre en matière que sur les demandes et les requêtes qui satisfont aux conditions de recevabilité de l'action. L'alinéa 2 de cette disposition dresse une liste non exhaustive de ces conditions. L’existence d'une autorisation de procéder représente une condition de recevabilité de la demande. Faute d’autorisation de procéder valable, le tribunal doit d’office (art. 60 CPC) déclarer la demande irrecevable (ATF 146 III 185 consid. 4.4.2 ; 140 III 70 consid. 5 ; 139 III 273 consid. 2.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 5A_741/2020 du 12 avril 2021 consid. 5.2.1 ; 4A_266/2016, op. cit., consid. 3 ; Bohnet, op. cit., n. 4 ad art. 209 CPC).

Dans la procédure simplifiée applicable aux litiges portant sur des baux à loyer d'habitation en ce qui concerne la protection contre les loyers abusifs (art. 243 al. 2 let. c CPC), comme c'est le cas en l'espèce s'agissant d'une procédure en fixation judiciaire du loyer, la procédure est introduite par une demande, qui peut être déposée dans les formes prescrites à l’art. 130 CPC ou dictée au procès-verbal au tribunal. Elle contient notamment les conclusions, la description de l'objet du litige et l'indication de la valeur litigieuse (art. 244 al. 1 let. b à d CPC). 

2.1.3 Il est de jurisprudence que l'autorisation de procéder, bien que consistant en un acte d'une autorité, n'est pas une décision sujette à recours; sa validité doit être examinée par le tribunal saisi de la cause (ATF 140 III 227 consid. 3.1;
139 III 273 consid. 2.3).  

L'autorisation de procéder délivrée par l'autorité de conciliation revêt dès lors, du point de vue de son caractère définitif, le même statut qu'une décision ayant acquis force de chose jugée formelle (ATF 140 III 227 consid. 3.1; consid. 3).

2.1.4 La nullité d'un jugement ne peut être retenue qu'à titre exceptionnel, lorsqu'il est entaché de vices particulièrement graves qui doivent être manifestes ou aisément reconnaissables, et pour autant que la sécurité juridique ne soit pas sérieusement compromise (arrêt du Tribunal fédéral 5A_667/2018 du 2 avril 2019 consid. 4.2). Des vices de fond n'entraînent qu'à de rares exceptions la nullité d'une décision (ATF 138 II 501 consid. 3.1; 137 I 273 consid. 3.1 et les arrêts cités). Les principaux motifs de nullité résident dans l'incompétence qualifiée (fonctionnelle ou matérielle) de l'autorité ou la violation grossière de règles de procédure. Les violations du droit d'être entendu sont en soi guérissables et n'entraînent en principe que l'annulabilité de la décision viciée. La nullité doit cependant être retenue en cas d'atteinte spécialement grave aux droits essentiels des parties (ATF 129 I 361 consid. 2.1; arrêts 4A_224/2017 du 27 juin 2017 consid. 2.3.2; 4A_141/2015 du 25 juin 2015 consid. 3 et la jurisprudence citée).

La nullité doit être constatée d'office, en tout temps et par l'ensemble des autorités étatiques ; elle peut aussi être constatée en procédure de recours (ATF 137 III 217 consid. 2.4.3; 132 II 342 consid. 2.1; 122 I 97 consid. 3a), y compris dans le cadre d'une procédure devant le Tribunal fédéral (ATF 137 III 217 consid. 2.4.3;
132 II 342 consid. 2.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_522/2007 du 28 avril 2008 consid. 2 et 3.6) et en dépit de l'irrecevabilité éventuelle du recours (arrêts du Tribunal fédéral 5A_998/2014 du 14 avril 2015 consid. 2.1.2; 7B.20/2005 du 14 septembre 2005 consid. 1.3 non publié aux ATF 131 III 652). 

2.1.5 Selon l'art. 560 CC, les héritiers acquièrent de plein droit l'universalité de la succession dès que celle-ci est ouverte (al. 1); ils sont saisis des créances et actions, des droits de propriété et autres droits réels, ainsi que des biens qui se trouvaient en la possession du défunt, et ils sont personnellement tenus de ses dettes, sous réserve des exceptions prévues par la loi (al. 2). Les héritiers deviennent donc titulaires de tous les actifs et passifs du défunt.

Le bail du défunt fait partie de sa succession et passe de plein droit aux héritiers, qui prennent sa place dans la relation contractuelle avec le bailleur; le décès du locataire n'est pas une cause d'extinction du bail (Montini/Wahlen, Commentaire pratique, Droit du bail à loyer et à ferme, 2ème éd., 2017, n. 1 ad art. 266i CO).

2.1.6 L'art. 602 CC dispose que s’il y a plusieurs héritiers, tous les droits et obligations compris dans la succession restent indivis jusqu’au partage (al. 1); les héritiers sont propriétaires et disposent en commun des biens qui dépendent de la succession, sauf les droits de représentation et d’administration réservés par le contrat ou la loi (al. 2).

Puisque les consorts matériels nécessaires sont titulaires ou obligés ensemble d'un seul droit, ils doivent en principe ouvrir action ensemble ou être mis en cause ensemble (art. 70 al. 1 CPC; ATF 146 III 346 consid. 2.2; Hohl, Procédure civile, 2 e éd. 2016, p. 154 n. 898).

2.1.7 Une autorité se rend coupable d'un déni de justice formel prohibé par l'art. 29 al. 2 Cst. lorsqu'elle omet de se prononcer sur des griefs qui présentent une certaine pertinence ou de prendre en considération des allégués et arguments importants pour la décision à rendre (ATF 141 V 557 consid. 3.2.1; arrêt du Tribunal fédéral 1B_539/2019 du 19 mars 2020 consid. 3.1).

2.1.8 Le défendeur peut déposer une demande reconventionnelle dans sa réponse si la prétention qu'il invoque est soumise à la même procédure que la demande principale (art. 224 al. 1 CPC).

Selon la doctrine, une fois introduite, la demande reconventionnelle ne dépend plus des conclusions du demandeur : elle subsiste et doit être tranchée même si la demande principale est retirée ou déclarée irrecevable (Leuenberger, KomZPO-, n. 5 ad art. 224 CPC; Tappy, Commentaire Romand, Code de procédure civile, 2ème éd. 2019, n. 11 ad art. 229 CPC).

2.2 En l'espèce, l'intimée a saisi la Commission de conciliation d'une requête en fixation judiciaire du loyer tant à l'encontre de E______ que de C______. En cours de procédure de conciliation, la première nommée est décédée, fait dont la Commission de conciliation a été informée.

La Commission de conciliation a, sans explication, supprimé feu E______ en tant que partie à la procédure. Il ne résulte pas du dossier qu'elle en aurait informé les parties.

Or, les héritiers de E______, à savoir, C______, B______ et A______, ont pris la place de la défunte dans la relation contractuelle avec l'intimée. En outre, en l'absence d'allégation ou d'élément contraire, rien ne permet de retenir que la succession aurait été partagée.

Dans ces circonstances, les héritiers de E______ forment une communauté héréditaire et sont des consorts nécessaires, qui doivent être mis en cause ensemble.

Il est constant que la Commission de conciliation, interpellée par les appelants sur le fait que seule C______ avait été citée à comparaître à l'audience de conciliation, alors que les membres de l'hoirie de feue E______ étaient connus et représentés par le même conseil, n'a pas modifié la citation à comparaître; lesdits membres devaient pourtant, en tant que consorts ayant succédé aux droits de la défunte, être convoqués à l'audience. Il est également constant que la Commission de conciliation a délivré l'autorisation de procéder uniquement à C______ mentionnée comme seule partie bailleresse (défenderesse), alors que les trois membres de l'hoirie étaient également parties en tant que bailleurs. Au vu ce qui précède, l'autorisation de procéder est entachée d'un vice particulièrement grave, de sorte que sa nullité doit être constatée à tout stade de la procédure. C'est dès lors à bon droit que le Tribunal a déclaré la demande introduite par l'intimée irrecevable, l'autorisation de procéder n'étant pas valable.

Contrairement à ce que soutiennent les appelants, le Tribunal était fondé à retourner la cause à l'autorité de conciliation, compte tenu de la nullité de l'autorisation de procéder et de l'absence de convocation des membres de l'hoirie. Il appartiendra à la Commission de reprendre la procédure sur ses éléments, à savoir convoquer valablement toutes les parties et de délivrer, en cas d'échec de la conciliation, une autorisation de procéder valable.

Les griefs des appelants se révèlent dès lors infondés.

Le CPC ne contient aucune disposition quant au sort d'une demande reconventionnelle lorsque la demande principale est irrecevable ou retirée. Le Tribunal n'a dit mot, dans son jugement, de la demande reconventionnelle formée le 3 janvier 2023 par les appelants. L'appel est sur ce point à tout le moins prématuré puisque les premiers juges n'ont pas rayé cette demande du rôle. Elle demeure ainsi pendante au Tribunal, quelle que soit, au demeurant, le sort réservé à la demande principale. Aucun déni de justice ne peut ainsi être retenu.

2.3 Le jugement entrepris sera dès lors confirmé.

3. Les appelants ont conclu à la condamnation de l'intimée à une amende pour téméraire plaideur.

3.1 Aux termes de l'art. 128 al. 3 CPC, la partie ou son représentant qui usent de mauvaise foi ou de procédés téméraires sont punis d'une amende disciplinaire de 2'000 fr. au plus; l'amende est de 5'000 fr. au plus en cas de récidive.

A titre de procédé téméraire, l'on peut citer le fait de bloquer une procédure en multipliant les recours abusifs ou de déposer un recours manifestement dénué de toutes chances de succès dont s'abstiendrait tout plaideur raisonnable et de bonne foi (Haldy, Code de procédure civile commenté, 2011, n. 9 ad art. 128 CPC et les références citées).

Au sujet de l'art. 33 al. 2 LTF qui a un contenu similaire à l'art. 128 al. 3 CPC, le Tribunal fédéral a déclaré que cette disposition devait être appliquée de façon restrictive, à l'encontre de comportements abusifs (arrêt du Tribunal fédéral 4A_314/2014 du 24 novembre 2014 consid. 4.2).

3.2 En l'espèce, il n'y a pas lieu d'infliger d'amende à l'intimée. Il ne peut lui être reproché, en dépit du fait que l'autorisation de procéder ne mentionnait qu'une seule partie bailleresse, d'avoir assigné l'ensemble des membres de l'hoirie de feu E______, ce qui est conforme au droit.

4.  A teneur de l'art. 22 al. 1 LaCC, il n'est pas prélevé de frais dans les causes soumises à la juridiction des baux et loyers (ATF 139 III 182 consid. 2.6).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre des baux et loyers :


A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 14 septembre 2023 par C______, A______ et B______ contre le jugement JTBL/608/2023 rendu le 14 juillet 2023 par le Tribunal des baux et loyers dans la cause C/9631/2022‑13.

Au fond :

Confirme ce jugement.

Dit que la procédure est gratuite.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Siégeant :

Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, présidente; Madame Sylvie DROIN et Monsieur Laurent RIEBEN, juges; Monsieur Nicolas DAUDIN et Monsieur
Jean-Philippe ANTHONIOZ, juges assesseurs; Madame Maïté VALENTE, greffière.

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr.