Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public
ATAS/433/2025 du 05.06.2025 ( PC ) , ADMIS/RENVOI
En droit
rÉpublique et | canton de genÈve | |
POUVOIR JUDICIAIRE
| ||
A/35/2025 ATAS/433/2025 COUR DE JUSTICE Chambre des assurances sociales | ||
Arrêt du 5 juin 2025 Chambre 5 |
En la cause
Hoirie de FEU A______, soit pour elle : B______ C______ D______ Tous trois représentés par Me Stéphane REY, avocat | recourants |
contre
SERVICE DES PRESTATIONS COMPLÉMENTAIRES | intimé |
A. a. Feu A______ (ci-après : la bénéficiaire), née en ______ 1958 et décédée en août 2022, recevait, de son vivant, des prestations versées par le service des prestations complémentaires (ci-après : le SPC).
b. B______, né en ______ 1983, D______, né en ______ 1986, et C______, née en ______ 1989, sont les seuls enfants de la bénéficiaire et ses seuls héritiers.
B. a. Par décision de prestations complémentaires du 29 avril 2024 adressée à feu la bénéficiaire, c/o B______, le SPC a informé l’hoirie de la bénéficiaire qu’il avait procédé au re-calcul du droit aux prestations complémentaires cantonales et fédérales , étant précisé qu’après comparaison, le montant des prestations était inférieur s’il était calculé selon le nouveau droit entré en vigueur le 1er janvier 2021, raison pour laquelle le calcul avait été effectué en application de l’ancien droit, qui était plus favorable. Selon le tableau de calcul qui était joint à la décision, pour la période allant du 1er janvier 2017 au 30 avril 2022, la bénéficiaire avait perçu un montant de CHF 37'335.-, alors même qu’après re-calcul des prestations, il s’avérait qu’elle n’avait aucun droit à des prestations complémentaires cantonales et fédérales, pour ladite période.
Dans une deuxième décision datée du même jour et portant sur la période allant du 1er mai au 31 août 2022, le SPC avait versé des prestations complémentaires indues à hauteur de CHF 2'932.-, dont il demandait également le remboursement.
Dans une troisième décision, datée du même jour, concernant les réductions individuelles de primes d’assurance-maladie, le SPC avait procédé à de nouveaux calculs concernant les réductions individuelles de primes d’assurance-maladie dont il ressortait que pour les années 2017 à 2022, des réductions avaient été indûment accordées, ce qui entraînait un montant total à rembourser de CHF 28'024.80.
Enfin, dans une quatrième décision, datée également du 29 avril 2024, il apparaissait qu’après re-calcul des prestations, dès le 1er janvier 2017, des frais médicaux et d’invalidité avaient été indûment remboursés à la bénéficiaire, ce dont il résultait qu’un montant de CHF 5’260.65 devait être restitué au SPC.
b. Par courrier du 8 mai 2025, B______, agissant au nom de l’hoirie, a répondu au SPC que le processus de partage de la succession était toujours en cours, qu’il faisait opposition aux décisions du SPC et que celles-ci avaient été transférées à l’avocat de l’hoirie.
c. Par courrier du 2 septembre 2024, le SPC a répondu que la date d’effet des nouveaux calculs était conforme à la jurisprudence constante du Tribunal fédéral selon laquelle la part d’héritage d’un assuré devait être prise en compte, non à partir du moment où le partage était effectué, mais déjà dès l’ouverture de la succession, à savoir dès le décès du défunt. Partant, un délai au 18 octobre 2024 était imparti pour que l’hoirie fasse parvenir ses griefs au SPC, en les motivant et en joignant tout justificatif utile, à défaut de quoi l’opposition serait déclarée irrecevable.
d. Par courrier du 14 octobre 2024, B______ a demandé un délai de 10 jours supplémentaires pour faire parvenir les griefs de l’hoirie, au motif qu’il avait eu des problèmes de santé. Par courrier du 25 octobre 2024, il a répondu au SPC que « conformément à l’arbitraire art. 9 de la constitution », le SPC ne pouvait pas réclamer le remboursement d’un montant que sa mère n’avait jamais eu en sa possession. Éxiger un remboursement supposant l’existence d’une fortune que la bénéficiaire ne possédait pas allait à l’encontre du principe de la bonne foi. Par ailleurs, il avait demandé le détail explicatif de la décision de remboursement, incluant l’année concernée, ainsi que le détail des calculs et n’avait reçu, à ce jour, aucune réponse. Par conséquent, il était dans l’incapacité de se prononcer sur la demande, sans disposer de ces informations. Il joignait, en annexe, une copie de la déclaration fiscale 2022 de la bénéficiaire.
e. Par décision sur opposition du 19 novembre 2024, le SPC a considéré que l’opposition était recevable mais l’a rejetée, en confirmant que le montant total de CHF 73’550.45 lui restait dû par la succession de feu A______. Il était rappelé que les prestations complémentaires étaient destinées à couvrir les besoins vitaux des personnes bénéficiaires des rentes de l’AVS et de l’AI et qu’il fallait donc prendre en compte les dépenses reconnues et les éléments de revenus et de fortune. En cas de succession, c’était la situation au moment du décès du défunt qui devait être prise en compte dans le calcul des prestations complémentaires, d’éventuelles difficultés dans la réalisation du partage ne suffisant pas pour s’écarter de la jurisprudence en question. Selon un principe voulant que les prestations indûment touchées doivent être restituées, les décisions querellées reprenaient le calcul des prestations de feu A______, rétroactivement, jusqu’au 1er janvier 2017, pour tenir compte des éléments de fortune qui ressortaient des renseignements fiscaux, à savoir la part d’héritage qui avait été dévolue dans la succession de la propre mère de la bénéficiaire, soit feu E______, telle que sa valeur avait été déterminée dans la déclaration de succession, puis de la fortune retenue par l’administration fiscale cantonale (ci-après : AFC). Le SPC exposait qu’il avait appris l’existence de la part successorale dans le cadre du contrôle du dossier, après le décès de la bénéficiaire ; la découverte de cet élément de fortune constituait un fait nouveau important ayant conduit à la révision de la situation et justifiait les nouveaux calculs de prestations qui, avec effet rétroactif, avaient permis de déterminer qu’il existait un trop-perçu justifiant la demande de restitution de CHF 40'267.- représentant les prestations versées en trop durant la période du 1er janvier 2017 au 31 août 2022, une demande de remboursement de CHF 28’024.80 représentant les subsides accordés à tort sur la même période, selon les informations reçues du service de l’assurance-maladie, ainsi qu’une demande de remboursement de CHF 5’260.65 correspondant à la participation aux frais de maladie également accordée à tort. S’agissant des griefs formulés dans le courrier du 25 octobre 2024, soit l’interdiction de l’arbitraire et le principe de la bonne foi, il était relevé que l’hoirie n’expliquait pas clairement en quoi ces principes auraient été violés, ni ne rendait d’ailleurs vraisemblables de telles violations, semblant plutôt se plaindre du fait que le re-calcul du droit aux prestations complémentaires générait un trop-perçu à charge de la succession de la bénéficiaire alors même que la succession de la mère de la bénéficiaire n’avait pas encore été partagée. Le SPC ne voyait pas quel lien il y avait entre ces circonstances et la violation des principes constitutionnels invoqués, ce d’autant moins que c’était en raison de la découverte des éléments de fortune qui n’avaient pas été annoncés au SPC que la situation de la défunte avait été reprise. Au demeurant, les éléments de fortune pris en compte par le SPC étaient ceux-là mêmes qui avaient été déclarés et taxés par l’AFC. Pour ces raisons, l’opposition était rejetée et les décisions rendues le 30 (recte : 29) avril 2024 ne pouvaient être que confirmées, de sorte que la somme de CHF 73’550.45 restait due au SPC par la succession de feu A______.
C. a. Par acte de leur mandataire, posté en date du 6 janvier 2025, B______, D______ et C______ ont interjeté recours contre la décision sur opposition du 19 novembre 2024 auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la chambre de céans). Ils ont conclu, principalement, à l’annulation de la décision du 19 novembre 2024 et qu’il soit dit et constaté que la somme réclamée n’était pas due par les recourants, sous suite de dépens. À titre subsidiaire, ils ont conclu à l’annulation de la décision et au renvoi de la cause à l’intimé, pour nouvelle décision dans le sens des considérants, sous suite de dépens. Selon les recourants, la capacité de discernement de la bénéficiaire était « fluctuante », à tout le moins à partir de l’année 2016. S’y ajoutait qu’au 30 avril 2024, le délai de prescription absolue de cinq ans avait été atteint, étant précisé que le SPC n’avait jamais exposé à quel moment il aurait eu connaissance des prétendus faits justifiant une révision des calculs. À ce sujet, les recourants n’avaient toujours pas obtenu une copie de l’intégralité du dossier, en dépit, notamment, du courriel adressé au SPC par C______, le 18 décembre 2024. Le droit de demander la restitution des montants réclamés par le SPC était prescrit. De surcroît, les prestations versées par le SPC à la bénéficiaire ne l’avaient pas été indûment, dans la mesure où sa condition financière justifiait pleinement son droit aux prestations perçues de bonne foi, raison pour laquelle la décision en question violait le principe de l’interdiction de l’arbitraire.
b. Par réponse du 4 février 2025, le SPC a rappelé que pour pouvoir prétendre à l’octroi des prestations complémentaires, la fortune nette de la bénéficiaire ne devait pas dépasser les seuils prévus par la loi, soit CHF 100'000.- pour une personne seule, qui comprenait, le cas échéant, la part d’héritage revenant à la personne assurée et ceci même si la succession n’avait pas encore été partagée. Compte tenu de ces éléments, feu la bénéficiaire ne remplissait plus les conditions d’octroi des prestations complémentaires et des subsides d’assurance-maladie, de telle sorte que le remboursement des prestations versées à tort était justifié. S’agissant du délai de sept ans prévu par le droit pénal, il s’appliquait, nonobstant le fait que l’auteur de l’infraction avait été condamné, étant précisé que la violation provenait du fait que des indications fausses ou incomplètes avaient été fournies pour obtenir des prestations indues, ce qui s’appliquait également en cas de violation de l’obligation de communiquer. Compte tenu de ces éléments, le SPC concluait au rejet du recours.
c. Par réplique de leur mandataire du 3 mars 2025, les recourants ont soutenu que l’intimé n’avait toujours pas répondu à la question de savoir à quel moment il aurait eu connaissance d’un prétendu fait pouvant justifier une révision et donc un quelconque remboursement, démontrant ainsi sa mauvaise foi. La demande de remboursement devait être considérée comme prescrite, ce d’autant plus qu’en raison de la maladie de la recourante, qui ne disposait plus de ses facultés depuis 2008, avec une aggravation en 2016, les conditions d’application des dispositions pénales permettant de revenir sur une période de cinq ans n’étaient pas remplies car la bénéficiaire n’avait effectué aucun acte délictueux. Partant, les recourants persistaient intégralement dans leurs conclusions.
d. Sur ce, la cause a été gardée à juger, ce dont les parties ont été informées.
e. Les autres faits et documents seront mentionnés, en tant que de besoin, dans la partie « En droit » du présent arrêt.
1.
1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 3 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur les prestations complémentaires à l’assurance-vieillesse, survivants et invalidité du 6 octobre 2006 (LPC - RS 831.30). Elle statue aussi, en application de l'art. 134 al. 3 let. a LOJ, sur les contestations prévues à l'art. 43 de la loi cantonale sur les prestations complémentaires cantonales du 25 octobre 1968 (LPCC - J 4 25).
Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.
1.2 Interjeté en temps utile, le recours est recevable (art. 60 al. 1 LPGA).
2. Le litige porte sur la restitution des prestations complémentaires, des subsides d’assurance-maladie et des frais médicaux versés à la bénéficiaire depuis le 1er janvier 2017, en particulier sur le point de savoir si c’est à juste titre que l’intimé a appliqué le délai de prescription pénale de sept ans prévu en cas de violation de l’obligation de communiquer.
La remise et son étendue font l'objet d'une procédure distincte de la restitution (arrêt du Tribunal fédéral P 64/06 du 30 octobre 2007 consid. 4), de sorte que ce point ne sera pas examiné dans la présente procédure.
3.
La législation sur les prestations complémentaires a connu des modifications, entrées en vigueur le 1er janvier 2021.
Du point de vue temporel, sous réserve de dispositions particulières de droit transitoire, le droit applicable est déterminé par les règles en vigueur au moment où les faits juridiquement déterminants se sont produits (ATF 144 V 210 consid. 4.3.1). Le droit aux prestations complémentaires doit ainsi être analysé selon la législation en force durant la période qu’elles concernent.
Toutefois, cette novelle n’a guère de portée dans le cas d’espèce, puisque ce n’est pas le calcul des prestations qui est contesté mais le principe même du remboursement.
À toutes fins utiles, les dispositions légales topiques seront citées, ci-après, dans leur teneur jusqu’au 31 décembre 2020.
3.1 Les personnes qui ont leur domicile et leur résidence habituelle en Suisse et qui remplissent les conditions personnelles prévues aux art. 4, 6 et 8 LPC ont droit à des prestations complémentaires. Ont ainsi notamment droit aux prestations complémentaires les personnes qui perçoivent une rente d’invalidité à l'art. 4 al. 1 let. c LPC.
3.2 Les prestations complémentaires fédérales se composent de la prestation complémentaire annuelle et du remboursement des frais de maladie et d’invalidité (art. 3 al. 1 LPC). L’art. 9 al. 1er LPC dispose que le montant de la prestation complémentaire annuelle correspond à la part des dépenses reconnues qui excède les revenus déterminants.
3.3 Ont droit aux prestations complémentaires cantonales les personnes dont le revenu annuel déterminant n’atteint pas le revenu minimum cantonal d’aide sociale applicable (art. 4 LPCC). S’agissant des conditions personnelles, le droit aux prestations complémentaires cantonales est notamment subordonné à la condition du domicile et de la résidence habituelle dans le canton de Genève (cf. art. 2 al. 1 let. a LPCC).
4.
4.1 Au niveau fédéral, les revenus déterminants comprennent notamment le produit de la fortune mobilière et immobilière (art. 11 al. 1 let. b LPC), un quinzième de la fortune nette, un dixième pour les bénéficiaires de rentes de vieillesse, dans la mesure où elle dépasse CHF 37'500.- pour les personnes seules (art. 11 al. 1 let. c LPC), et les rentes, pensions et autres prestations périodiques, y compris les rentes de l’AVS et de l’AI (art. 11 al. 1 let. d LPC).
Les dépenses comprennent notamment le montant forfaitaire annuel pour l'assurance obligatoire des soins ; il doit correspondre au montant de la prime moyenne cantonale ou régionale pour l'assurance obligatoire des soins (couverture accidents comprise) (art. 10 al. 3 let. d LPC).
4.2 Aux termes de l’art. 19 al. 1 de la loi d’application de la loi fédérale sur l’assurance-maladie du 29 mai 1997 (LaLAMal - J 3 05), conformément aux art. 65ss de la loi fédérale sur l'assurance-maladie du 18 mars 1994 (LAMal ‑ RS 832.10), l’État de Genève accorde aux assurés de condition économique modeste des subsides destinés à la couverture totale ou partielle des primes de l’assurance-maladie. Les subsides sont notamment destinés aux assurés bénéficiaires des prestations complémentaires à l'AVS/AI (cf. art. 20 al. 1 let. b LaLAMal). L’art. 22 al. 7 LaLAMal dans sa teneur en force jusqu’au 31 mars 2021 disposait que les bénéficiaires d’une prestation annuelle, fédérale et/ou cantonale, complémentaire à l’AVS/AI versée par le service ont droit à un subside égal au montant de leur prime d’assurance obligatoire des soins, mais au maximum au montant correspondant à la prime moyenne cantonale fixée par le Département fédéral de l’intérieur. Les personnes qui ont un excédent de ressources inférieur à la prime moyenne cantonale ont droit à un subside équivalent à la différence entre la prime moyenne cantonale et l’excédent de ressources.
4.3 Sur le plan cantonal, la LPCC renvoie à la réglementation fédérale pour le calcul du revenu déterminant et des dépenses, sous réserve de certaines adaptations. Ainsi, l’art. 5 let. c ch. 1 LPCC prévoit qu’en dérogation à l’art. 11 al. 1 let. c LPC, la part de la fortune nette prise en compte dans le calcul du revenu déterminant est d’un huitième, respectivement d’un cinquième pour les bénéficiaires de rentes de vieillesse, et ce après déduction des franchises prévues par cette disposition.
5. L’intimé a exigé la restitution de prestations qu’il estime avoir indûment versées.
5.1 Selon l'art. 25 al. 1 1ère phr. LPGA, en relation avec l'art. 2 al. 1 let. a de l'ordonnance sur la partie générale du droit des assurances sociales du 11 septembre 2002 (OPGA - RS 830.11), les prestations complémentaires fédérales indûment touchées doivent être restituées par le bénéficiaire ou par ses héritiers. En vertu de l'art. 3 al. 1 OPGA, l’étendue de l’obligation de restituer est fixée par une décision. Au niveau cantonal, l'art. 24 al. 1 1ère phr. LPCC prévoit que les prestations indûment touchées doivent être restituées.
5.2 Les principes applicables à la restitution de prestations au sens de l’art. 25 LPGA sont issus de la réglementation et de la jurisprudence valables avant l'entrée en vigueur de la LPGA. Aujourd'hui comme par le passé, l'obligation de restituer suppose que soient réalisées les conditions d'une révision procédurale (cf. art. 53 al. 1 LPGA) ou d'une reconsidération (cf. art. 53 al. 2 LPGA) de la décision - formelle ou non - par laquelle les prestations en cause ont été allouées (ATF 130 V 318 consid. 5.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_422/2011 du 5 juin 2012 consid. 2.1).
À cet égard, la jurisprudence constante distingue la révision d'une décision entrée en force formelle, à laquelle l'administration est tenue de procéder lorsque sont découverts des faits nouveaux ou de nouveaux moyens de preuve susceptibles de conduire à une appréciation juridique différente (ATF 122 V 134 consid. 2c, 169 consid. 4a et 19 consid. 3a ; 121 V 1 consid. 6), de la reconsidération d'une décision formellement passée en force de chose décidée sur laquelle une autorité judiciaire ne s'est pas prononcée quant au fond, à laquelle l'administration peut procéder pour autant que la décision soit sans nul doute erronée et que sa rectification revête une importance notable (ATF 122 V 169 consid. 4a et 19 consid. 3a ; 121 V 1 consid. 6). En ce qui concerne plus particulièrement la révision, l'obligation de restituer des prestations complémentaires indûment touchées et son étendue dans le temps ne sont pas liées à une violation de l'obligation de renseigner (ATF 122 V 134 consid. 2e). Il s'agit simplement de rétablir l'ordre légal après la découverte du fait nouveau (arrêt du Tribunal fédéral 8C_120/2008 du 4 septembre 2008 consid. 3.1).
6.
6.1 En ce qui concerne les obligations des bénéficiaires de prestations complémentaires, aux termes de l'art. 31 al. 1 LPGA, l'ayant droit, ses proches ou les tiers auxquels une prestation est versée sont tenus de communiquer à l'assureur ou, selon les cas, à l'organe compétent toute modification importante des circonstances déterminantes pour l'octroi d'une prestation.
Selon l’art. 24 de l'ordonnance sur les prestations complémentaires à l’assurance-vieillesse, survivants et invalidité du 15 janvier 1971 (OPC-AVS/AI - RS 831.301), l'ayant droit ou son représentant légal ou, le cas échéant, le tiers ou l'autorité à qui la prestation complémentaire est versée, doit communiquer sans retard à l'organe cantonal compétent tout changement dans la situation personnelle et toute modification sensible dans la situation matérielle du bénéficiaire de la prestation. Cette obligation de renseigner vaut aussi pour les modifications concernant les membres de la famille de l'ayant droit.
6.2 D’après l’art. 11 LPCC, le bénéficiaire ou son représentant légal doit déclarer au service tout fait nouveau de nature à entraîner la modification du montant des prestations qui lui sont allouées ou leur suppression (al. 1). En outre, il doit signaler au service les droits qui peuvent lui échoir par une part de succession, même non liquidée. La même obligation s'applique à tous les legs ou donations (al. 2). Le service peut suspendre ou supprimer le versement de la prestation lorsque le bénéficiaire refuse de fournir ou tarde à remettre les renseignements demandés (al. 3).
7.
7.1 En ce qui concerne les délais dans lesquels le remboursement des prestations peut être demandé, les délais de l'art. 25 al. 2 LPGA sont des délais relatif et absolu de péremption, qui doivent être examinés d'office (arrêt du Tribunal fédéral 8C_535/2020 du 3 mai 2021 consid. 3.2). Le délai de péremption absolu de cinq ans commence à courir à la date du versement effectif de la prestation. Il met un point final à un rapport d'obligation entre l'assurance et le débiteur (arrêt du Tribunal fédéral 8C_616/2009 du 14 décembre 2009 consid. 3.2).
7.2 Cependant, lorsqu'il statue sur la créance de l'institution d'assurance en restitution de prestations indûment versées, le juge doit examiner, à titre préjudiciel, si les circonstances correspondant à une infraction pénale sont réunies et, partant, si un délai de péremption plus long que les délais relatifs et absolus prévus par l'art. 25 al. 2 LPGA est applicable dans le cas particulier. Pour que le délai de péremption plus long prévu par le droit pénal s'applique, il n'est pas nécessaire que l'auteur de l'infraction ait été condamné (arrêt du Tribunal fédéral 8C_592/2007 du 20 août 2008 consid. 5.3 et les références). Les exigences constitutionnelles en matière d'appréciation des preuves en procédure pénale, notamment le principe in dubio pro reo, s'appliquent également dans le cadre d'une procédure en restitution de prestations d'assurances sociales, lorsqu'il convient d'examiner à titre préjudiciel si la créance en restitution naît d'un acte punissable pour lequel le droit pénal prévoit un délai de prescription plus long que ceux prévus à l'art. 25 al. 2 LPGA (ATF 138 V 74 consid. 7). La présomption d'innocence, garantie en procédure pénale par l’art. 6 § 2 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101), l’art. 32 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) et l’art. 10 du Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 (CPP - RS 312.0), ainsi que son corollaire le principe « in dubio pro reo » concernent tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves (arrêt du Tribunal fédéral 9C_97/2020 du 10 juin 2020 consid. 5).
Les dispositions pénales suivantes peuvent trouver application en lien avec la perception de prestations complémentaires.
7.3 L'al. premier de l'art. 31 LPC arrête qu'est puni, à moins qu'il ne s'agisse d'un crime ou d'un délit frappé d'une peine plus élevée par le Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0), d'une peine pécuniaire n'excédant pas 180 jours-amende celui qui, par des indications fausses ou incomplètes, ou de toute autre manière, obtient d'un canton ou d'une institution d'utilité publique, pour lui-même ou pour autrui, l'octroi indu d'une prestation au sens de la présente loi (let. a) ; celui qui, par des indications fausses ou incomplètes, ou de toute autre manière, obtient sans droit une subvention au sens de la présente loi (let. b) ; celui qui n'observe pas l'obligation de garder le secret ou abuse, dans l'application de la présente loi, de sa fonction ou tire avantage de sa situation professionnelle au détriment de tiers ou pour son propre profit (let. c) ; celui qui manque à son obligation de communiquer (art. 31 al. 1 LPGA) (let. d). Cette infraction se prescrit par sept ans selon l'art. 97 al. 1 let. d CP.
Le fait de ne pas déclarer à l’organe d’exécution des prestations complémentaires des ressources déterminantes réalise les conditions objectives de l'infraction réprimée à l'art. 31 al. 1 let. d LPC (ATF 140 IV 206 consid. 6.4). Les indications écrites fournies chaque année à un titulaire de prestations complémentaires, relatives à l'obligation de communiquer tout changement de circonstances, doivent être comprises comme une exhortation à annoncer la survenance de telles modifications ; celui qui, après avoir dissimulé à l'administration une partie de ses revenus, ignore ces communications annuelles tait l'existence d'éléments pertinents pour l'octroi de prestations et commet ainsi à chaque fois une tromperie par commission (ATF 131 IV 83 consid. 2.2 et 2.5 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_232/2013 du 13 décembre 2013 consid. 4.1.3).
L'art. 31 al. 1 LPC vise un délit intentionnel (Urs MÜLLER, Rechtsprechung des Bundesgerichts zum ELG, 3e éd. 2015, p. 330 n. 926). Cela suppose que l'auteur ait agi avec conscience et volonté, ou par dol éventuel (ATF 138 V 74 consid. 8.4.1). Il y a dol éventuel lorsque l'auteur envisage le résultat dommageable et agit, même s'il ne le souhaite pas, parce qu'il s'en accommode pour le cas où il se produirait (ATF 137 IV 1 consid. 4.2.3). Le Tribunal fédéral a retenu que compte tenu des informations demandées dans le formulaire de demande de prestations, un assuré ne pouvait ignorer l’importance de la communication de toute information d'ordre économique le concernant et était ainsi conscient qu'il retenait des informations qu'il avait l'obligation de transmettre à l’autorité, agissant ainsi par dol éventuel. Partant, les conditions subjectives de l’infraction étaient réalisées (ATF 140 IV 206 consid. 6.4 et 6.5 dans le cas de la non-déclaration à l’autorité d’un héritage perçu et de l’acquisition d’un bien immobilier).
7.4 L’art. 146 al. 1 CP, relatif à l’escroquerie, prévoit que celui qui, dans le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un enrichissement illégitime, aura astucieusement induit en erreur une personne par des affirmations fallacieuses ou par la dissimulation de faits vrais ou l’aura astucieusement confortée dans son erreur et aura de la sorte déterminé la victime à des actes préjudiciables à ses intérêts pécuniaires ou à ceux d’un tiers sera puni d’une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou d’une peine pécuniaire. L’escroquerie se prescrit par quinze ans en vertu de l’art. 97 CP.
Par tromperie, il faut entendre tout comportement destiné à faire naître chez autrui une représentation erronée des faits (ATF 147 IV 73 consid. 3.1). La tromperie peut être réalisée non seulement par l'affirmation d'un fait faux, mais également par la dissimulation d'un fait vrai. On distingue à cet égard la dissimulation d'un fait vrai par commission, de la dissimulation par omission, laquelle ne peut constituer une tromperie que si l'auteur se trouve dans une position de garant, à savoir s'il a, en vertu de la loi, d'un contrat ou d'un rapport de confiance spécial, une obligation qualifiée de renseigner (ATF 140 IV 206 consid. 6.3.1.2). C’est aux assurances qu’il appartient de veiller à la sauvegarde de leur propre patrimoine, par exemple en interrogeant à intervalles réguliers les bénéficiaires de prestations au sujet de l’évolution de leur état de santé, leur situation personnelle ou financière. Cela étant, si les réponses fournies par l’assuré sont contraires à la réalité ou si la perception des prestations d’assurance est accompagnée d’autres actions qui permettent objectivement d’interpréter le comportement de l’assuré comme signifiant que rien n’a changé dans sa situation, il n’est plus question d’une escroquerie par omission, mais par commission, à tout le moins par actes concluants (Andrew GARBARSKI / Benjamin BORSODI in Commentaire romand, Code pénal II, 2e éd. 2017, n. 24 ad art. 146 CP). Une escroquerie par actes concluants a ainsi été retenue dans le cas d’un bénéficiaire de prestations complémentaires qui avait gagné à la loterie et seulement transmis l’extrait de son livret d’épargne à l'autorité compétente, comme celle-ci le lui avait demandé, sans révéler spontanément sa fortune placée sur un autre compte. Le Tribunal fédéral a considéré que la condition de l’astuce était remplie, dès lors que l’autorité ne pouvait que très difficilement déceler la fortune de l’intéressé (ATF 127 IV 163 consid. 2b).
Sur le plan subjectif, l'escroquerie est une infraction intentionnelle. L'intention doit porter sur tous les éléments constitutifs de l'infraction. L'auteur doit avoir agi dans le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un enrichissement illégitime, correspondant au dommage de la dupe (ATF 134 IV 210 consid. 5.3).
8. Toutefois, il convient de rappeler qu’aux termes de l’art. 19 al. 1 CP, l’auteur n’est pas punissable si, au moment d’agir, il ne possédait pas la faculté d’apprécier le caractère illicite de son acte ou de se déterminer d’après cette appréciation.
L’auteur qui a la capacité de comprendre et de se comporter en connaissance de cause agit de façon fautive. Il convient de distinguer la culpabilité de l’imputabilité. La culpabilité suppose la commission d’une faute au sens large, que ce soit de façon intentionnelle ou par imprudence ou par négligence. C’est ce qui constitue l’élément moral de l’infraction. En principe, s’il n’y a pas de faute, il n’y a pas de culpabilité et il n’y a pas d’infraction au sens classique du terme. Quant à l’imputabilité, elle suppose la conscience ainsi qu’une volonté libre : en cas de trouble psychique ou de contrainte, il n’y a pas d’imputabilité possible. En d’autres termes, il ne saurait y avoir de responsabilité pénale. Sur un plan strictement médical, on admettra l’existence d’une irresponsabilité au sens de l’art. 19 CP en cas de psychose particulière, schizophrénie ou atteinte psychologique affective grave. On songera également à des situations de démence sévère, de capacité intellectuelle limitée ou, exceptionnellement, d’intoxication grave (Laurent MOREILLON in Commentaire romand, Code pénal I, 2e éd. 2021, n. 4-5 et 23 ad art. 19 CP).
9. Aux termes de l’art. 16 du Code civil suisse du 10 décembre 1907 (CC - RS 210), toute personne qui n’est pas privée de la faculté d’agir raisonnablement en raison de son jeune âge, de déficience mentale, de troubles psychiques, d’ivresse ou d’autres causes semblables est capable de discernement au sens de la présente loi.
9.1 La notion de la capacité de discernement comporte deux éléments : un élément intellectuel, la capacité d'apprécier le sens, l'opportunité et les effets d'un acte déterminé, et un élément volontaire ou caractériel, la faculté d'agir en fonction de cette compréhension raisonnable, selon sa libre volonté. La capacité de discernement est relative : elle ne doit pas être appréciée dans l'abstrait, mais concrètement, par rapport à un acte déterminé, en fonction de sa nature et de son importance, les facultés requises devant exister au moment de l'acte (arrêt du Tribunal fédéral 9C_5/2016 du 12 février 2016 consid. 4.1).
9.2 La preuve de la capacité de discernement pouvant se révéler difficile à apporter, la pratique considère que celle-ci doit en principe être présumée, sur la base de l'expérience générale de la vie. Cette présomption n'existe toutefois que s'il n'y a pas de raison générale de mettre en doute la capacité de discernement de la personne concernée, ce qui est le cas des adultes qui ne sont pas atteints de maladie mentale ou de faiblesse d'esprit. Pour ces derniers, la présomption est inversée et va dans le sens d'une incapacité de discernement (ATF 134 II 235 consid. 4.3.3). La maladie mentale n'exclut pas nécessairement tout discernement, car la notion médicale est plus large que le concept juridique. La constatation purement médicale n'emporte pas toujours le renversement du fardeau de la preuve, les cas manifestement graves étant réservés (ATF 117 II 231 consid. 2b). Ainsi, toute atteinte à la santé mentale ne permet pas de présumer l'incapacité de discernement. Il faut que cette atteinte crée une dégradation durable et importante des facultés de l'esprit (arrêt du Tribunal fédéral 5A_859/2014 du 17 mars 2015 consid. 4.1.2). Pour exclure la capacité de discernement, la maladie mentale doit avoir des conséquences si prononcées qu’elle altère effectivement la faculté d’agir raisonnablement. Un état de désarroi psychologique présentant un état dépressif sans altérer les facultés de compréhension ne représente pas une maladie mentale au sens restrictif de l’art. 16 CC et ne suffit dès lors pas pour admettre un renversement du fardeau de la preuve. Conformément à la relativité du discernement, il faut en outre prouver l’absence de capacité de discernement dans un cas concret. Par exemple, la description par un médecin d’un état général d’angoisse et de dépression accompagné d’une agitation psychomotrice pouvant conduire une patiente à obéir à des pressions ne suffit pas à démontrer l’incapacité de discernement par rapport à un acte précis. Une attitude ambivalente à propos d’un traitement neuroleptique n’indique pas forcément un état psychotique, et partant une incapacité de discernement (Franz WERRO / Irène SCHMIDLIN in Commentaire romand, Code civil, 2010, n. 36 ad art. 16 CC).
10. Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 126 V 353 consid. 5b, 125 V 193 consid. 2).
11. En l’espèce, les recourants contestent toute obligation de remboursement en invoquant la prescription, respectivement l’incapacité de discernement de la défunte et sa bonne foi, et l’interdiction de l’arbitraire.
11.1 À teneur du formulaire de l’AFC « Éléments retenus par l’administration », daté du 5 décembre 2022 et adressé à D______, dans le cadre de la succession de feu A______, la fortune mobilière de la bénéficiaire s’élevait à CHF 415’944.- avant déduction sociale sur la fortune. Dans une rubrique intitulée « Remarques sur titres », il est mentionné que le compte bancaire no 1______, ouvert dans les livres de la banque Mirabeau, a fait l’objet d’une régularisation « éléments non déclarés annoncés spontanément. Part de Madame A______ à l’héritage de sa mère soit 50 % ».
11.2 Selon un document du service des successions de l’AFC intitulé « Exemplaire contribuable. Ne pas renvoyer à l’administration fiscale » et daté du 7 novembre 2017, la grand-mère des recourants est décédée en date du 27 décembre 2016 en laissant deux héritières à parts égales, dont sa fille, la bénéficiaire. Les montants dévolus aux deux héritières sont clairement déterminés soit, selon le récapitulatif de l’AFC, un avoir net imposable de CHF 2’755'902.- devant être partagé entre la bénéficiaire et l’autre héritière. Les avoirs étaient constitués de rentes genevoises, à hauteur de CHF 866’666.-, de comptes bancaires à hauteur de CHF 1'918'128.-, dont il était précisé qu’une créance était due par la bénéficiaire, à hauteur de CHF 407'860.-, et enfin d’un immeuble situé en France, qui était occupé, et estimé pour une valeur vénale de CHF 311’127.-.
Il ressort de ce document qu’au plus tard, en date du 7 novembre 2017, la bénéficiaire savait qu’elle était titulaire d’une part successorale supérieure à CHF 1 million. Quand bien même la question de la déduction de sa dette de CHF 407’860.- pouvait se poser, il n’en reste pas moins que, même si le partage n’avait pas encore été effectué, la part successorale de la bénéficiaire pouvait d’ores et déjà être estimée à plusieurs centaines de milliers de francs, ce qui excède le seuil donnant droit à des prestations complémentaires.
Il est établi qu’en dépit de son devoir de communiquer tout changement advenu dans sa situation financière, la bénéficiaire n’a pas informé le SPC de l’augmentation de sa fortune.
11.3 À cet effet, les recourants font valoir que la bénéficiaire était victime d’une capacité de discernement « fluctuante »
La preuve de la capacité de discernement pouvant se révéler difficile à apporter, la pratique considère que celle-ci doit en principe être présumée, sur la base de l'expérience générale de la vie. Cette présomption n'existe toutefois que s'il n'y a pas de raison générale de mettre en doute la capacité de discernement de la personne concernée, ce qui est le cas des adultes qui ne sont pas atteints de maladie mentale ou de faiblesse d'esprit.
Selon le certificat médical du 15 décembre 2024 rédigé par la docteure F______, spécialiste FMH en médecine interne, la bénéficiaire a été traitée par cette médecin de juillet 2005 jusqu’à son décès, en août 2022. Elle certifie qu’en raison de son état de santé fragilisé, qui s’est péjoré progressivement depuis 2008 et de façon plus importante dès 2016, la capacité de discernement de la bénéficiaire était fluctuante dans le temps, raison pour laquelle la gestion de ses affaires était difficile.
À teneur d’une attestation médicale datée du 3 juin 2020 et rédigée par le docteur G______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, la bénéficiaire était suivie régulièrement au sein du cabinet et son état de santé ne lui permettait « pas toujours de prendre les bonnes décisions ». La bénéficiaire pouvait ainsi être la victime d’abus de confiance, de la part de personnes malintentionnées et « de ce fait, il serait dommage qu’elle soit punie pour des actes qu’elle n’a pas commis ».
Les certificats médicaux attestent de l’existence de troubles psychiques, sans pour autant confirmer l’absence définitive de capacité de discernement de 2017 à 2022.
Une lettre au dossier, écrite de manière manuscrite par la bénéficiaire et reçue par le SPC en date du 15 janvier 2021, montre que cette dernière s’exprimait parfaitement, même si elle était consciente de ses troubles physiques et de l’effet des médicaments qui ne lui faisaient pas « prendre toujours les bonnes décisions ».
De même, un courrier du 14 décembre 2021, également rédigé à la main par la bénéficiaire et adressé au SPC, montre que cette dernière est consciente de ses devoirs et informe le SPC qu’elle s’est rendue à la banque et que les papiers que le SPC attend devraient arriver à la fin de la semaine ; elle demande à ce dernier de lui accorder quelques jours et présente ses excuses pour ce retard, car elle était aux soins intensifs.
Dans une note manuscrite du 23 février 2022 adressée au SPC, la bénéficiaire informe ce dernier qu’elle a bien reçu le rappel concernant la demande de documents mais qu’elle demande un délai car elle est hospitalisée pour une embolie pulmonaire, tout en précisant que, dès qu’elle sortira de l’hôpital, elle s’occupera de son dossier.
Enfin, dans une dernière note manuscrite reçue par le SPC en date du 9 mai 2022, la bénéficiaire informe ce dernier qu’elle lui a envoyé les documents de l’AVS et qu’elle a contacté Swiss Life, de telle manière que le reste des documents devrait arriver. Elle demande au SPC un peu de patience, en expliquant qu’elle a pris du retard, car elle était de nouveau hospitalisée et qu’elle vient de perdre le dernier membre de sa famille, raison pour laquelle elle est un peu « chamboulée », ce qui explique son retard. Néanmoins, elle précise qu’elle a demandé à Swiss Life de faire vite et présente ses excuses pour le délai.
Conformément à la jurisprudence citée supra, on ne saurait conclure qu’en raison de son incapacité de discernement, la bénéficiaire ne pouvait pas réaliser qu’elle avait un devoir de renseignement à l’égard du SPC, ce d’autant moins que dans le cadre de la succession de sa propre mère, cette dernière était gérée par une notaire qui aurait pu se rendre compte, cas échéant, que l’une des héritières était incapable de discernement et signaler éventuellement cet état à l’autorité compétente, ce que la notaire n’a pas fait.
Enfin, les courriers manuscrits de la bénéficiaire adressés au SPC montrent clairement que cette dernière était attentive aux courriers de ce dernier, en comprenait la teneur, était en mesure de prendre contact avec les établissements et les services concernés (AVS, banque et Swiss Life) et veillait à ce que les documents demandés par le SPC soient communiqués à ce service, tout en expliquant les raisons de son retard. Les courriers de la bénéficiaire sont bien rédigés, exempts de fautes d’orthographes, lisibles et il n’y a aucun signe de confusion mentale, ni d’élément pouvant accréditer la thèse des recourants selon laquelle la bénéficiaire ne jouissait plus, ou seulement de manière « fluctuante », de sa capacité de discernement.
Compte tenu de ces éléments, la chambre de céans considère qu’il est établi, au degré de la vraisemblance prépondérante, que la bénéficiaire jouissait de sa capacité de discernement, en tous les cas jusqu’à la fin du mois de mai 2022, ce qui exclut également une éventuelle irresponsabilité, au sens pénal du terme.
11.4 S’agissant de l’obligation d’informer, on observe que par courrier du 31 août 2022, C______ a fait parvenir au SPC le certificat de décès de la bénéficiaire. Ce dernier a répondu en date du 2 septembre 2023 que le droit aux prestations s’interrompait donc le 31 août 2022 et que les prestations pour le mois de septembre avaient été versées en trop, raison pour laquelle le SPC en demandait le remboursement, à hauteur de CHF 733.-.
Il découle de ces éléments que les héritiers de la bénéficiaire étaient au courant du fait que la bénéficiaire percevait des prestations complémentaires à tout le moins dès le 2 septembre 2023 et qu’à teneur du formulaire de l’AFC « Éléments retenus par l’administration », daté du 5 décembre 2022 et adressé à D______ en qualité de représentant de la succession, les héritiers ne pouvaient pas ignorer le montant de la fortune de la bénéficiaire, qui était visiblement incompatible avec la perception de prestations complémentaires.
Ce nonobstant, les héritiers de la bénéficiaire n’ont pas réagi.
Le SPC, par courrier du 17 avril 2023 adressé à B______ en qualité de représentant de la succession, a informé ce dernier que la fortune nette de la bénéficiaire au moment du décès s’élevait à CHF 451'589.-. On peut donc partir du principe que c’est à ce moment, au plus tard, que le SPC a été informé du montant de la fortune de la bénéficiaire ; il pouvait donc procéder au calcul permettant d’établir le montant devant être remboursé par la succession, raison pour laquelle le SPC a demandé au représentant de l’hoirie de l’informer, en cas de répudiation de la succession.
Il résulte de ce qui précède que la bénéficiaire a omis d’informer spontanément le SPC de l’existence de la part de succession de sa mère qui allait lui être dévolue et qui représentait un montant de plusieurs centaines de milliers de francs, même si elle ne connaissait pas encore le montant final qui lui serait attribué dans le cadre du partage.
On ajoutera qu’alors que les héritiers étaient titulaires des droits et obligations de la défunte bénéficiaire, dès le 31 août 2022, ils n’ont pas non plus informé spontanément le SPC du montant de la fortune de la défunte alors même qu’ils avaient reçu l’estimation de la fortune de la bénéficiaire envoyée par l’AFC au mois de décembre 2022. Il s’est écoulé quatre mois, sans réaction de leur part, avant que le SPC ne leur adresse son courrier du 17 avril 2023.
Étant précisé que selon le Tribunal fédéral, un délai de deux mois pour se conformer à l’obligation de renseigner l'administration d'une augmentation des revenus relève d'une négligence grave excluant la bonne foi (arrêt du Tribunal fédéral 8C_640/2023 du 19 avril 2024 consid. 6 et la référence).
11.5 Dans leur argumentation, les recourants semblent considérer qu’il est arbitraire de leur demander de rembourser les prestations accordées à la bénéficiaire.
En ce qui concerne leur condition d’héritier, cette dernière ne les dispense pas du remboursement des prestations car l'art. 25 al. 1 1ère phr. LPGA, en relation avec l'art. 2 al. 1 let. a OPGA, précise que les prestations complémentaires fédérales indûment touchées doivent être restituées par le bénéficiaire ou par ses héritiers
S’agissant de la décision de rembourser, on rappellera que la modification d'une décision d'octroi de prestations complémentaires peut avoir un effet ex tunc ou un effet ex nunc et pro futuro (cf. sur la seconde éventualité, art. 25 OPC-AVS/AI). La modification a un effet ex tunc - et partant justifie, le cas échéant, la répétition des prestations déjà perçues - lorsque sont réalisées les conditions qui président à la révocation, par son auteur, d'une décision administrative, dont celles de la reconsidération (arrêt P 26/02 du 20 janvier 2003 consid. 2). Dans ce cas, l'obligation de restituer des prestations complémentaires indûment perçues doit simplement permettre de rétablir l'ordre légal, après la découverte du motif justifiant la reconsidération (ou la révision procédurale) de la décision initiale d'octroi de prestations (ATF 122 V 134 consid. 2 d-e ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_398/2021 du 22 février 2022 consid. 5.3).
En l’occurrence, il est établi que la prise en compte de l’importante part successorale de la mère de la bénéficiaire, dans sa fortune, est un élément de nature à entraîner une reconsidération. Cette condition est donc remplie.
De surcroît et contrairement à ce qu’allèguent les recourants, il n’est pas nécessaire que le partage ait eu lieu pour tenir compte de la part successorale dans les calculs des prestations complémentaires.
En effet, lors du calcul de la prestation complémentaire, la part d'héritage d'un bénéficiaire de prestations complémentaires doit être prise en compte dès l'ouverture de la succession qu'il acquiert de plein droit (art. 560 al. 1 CC), soit au décès du de cujus (cf. art. 537 al. 1 CC) et non seulement à partir du moment où le partage est réalisé (RCC 1992 p. 347 consid. 2c ; arrêts du Tribunal fédéral P 22/06 du 23 janvier 2007 consid. 5 et P 54/02 du 17 septembre 2003 consid. 3.3). Cette jurisprudence a été confirmée tout récemment dans un arrêt du 1er avril 2025 (arrêt du Tribunal fédéral 8C_669/2023).
La valeur de la succession n'est en principe ni déterminée, ni déterminable au moment du décès. Par conséquent, la prise en compte de la fortune à la date du décès du de cujus plutôt qu’à celle du partage effectif de la succession ne repose pas sur un accroissement réel des ressources à cette date, mais sur la fiction que l'héritier a - dès cette date - la maîtrise de la part de succession qui lui sera finalement dévolue, en vertu du principe de la saisine, ancré à l'art. 560 CC. En d’autres termes, la jurisprudence permet de tenir compte de la part d’héritage dès la mort du de cujus dans le nouveau calcul des prestations complémentaires malgré son caractère encore fictif à cette date (ATAS/767/2015 du 6 octobre 2015 consid. 9 ; ATAS/260/2015 du 13 avril 2015 consid. 6d ; ATAS/1267/2012 du 18 octobre 2012 consid. 6).
« La part d'un héritage non réparti doit être prise en compte comme fortune dans le calcul de la prestation complémentaire, et ce dès l'acquisition de l'héritage au décès du défunt (art. 560 al. 1 CC). Les difficultés de réalisation ne justifient pas encore une dérogation à cette règle. Une imputation ne peut toutefois avoir lieu que lorsque la part est suffisamment claire ou que cette part ne peut certes pas être chiffrée avec précision, mais qu'un droit à une prestation complémentaire peut être exclu avec certitude en tenant compte de toutes les éventualités de fait et de droit. Par part à une succession non partagée, il faut entendre le droit de chaque héritier au résultat de la liquidation en cas de dissolution de la communauté (« Anwartschaftsquote » ; SVR 2011 EL n. 7 p. 21, 9C_999/2009 E. 1.1 avec renvois ; arrêt 9C_305/2012 du 6 août 2012 E. 4.1.2). Une clarté suffisante sur la part successorale suppose que - outre les principaux actifs et passifs - tous les héritiers et leurs parts successorales soient connus (arrêt 9C_305/2012 du 6 août 2012 consid. 4.4.3) » (arrêt du Tribunal fédéral du 1er mars 2017 consid. 4.2.2, traduction libre de l’allemand).
Étant précisé que dans un arrêt du 6 août 2012 (9C_305/2012 consid. 4.4.2), le Tribunal fédéral a jugé que le bénéficiaire des prestations complémentaires qui avait hérité d’un cousin aurait dû communiquer l’existence de l’héritage au plus tard lors de la connaissance certaine de sa qualité d’héritier par la remise du certificat d’héritier.
En conclusion, il convient d’admettre que, ni la bénéficiaire, ni les héritiers de cette dernière, ne se sont conformés à leur obligation de renseigner sans délai et spontanément le SPC de l’augmentation de la fortune de la bénéficiaire.
11.6 L’omission de déclarer l’augmentation de la fortune étant établie, se pose la question de l’application de la prescription pénale de sept ans, contestée par les recourants.
Dès lors qu’il a été établi, supra, que la bénéficiaire n’était pas incapable de discernement et qu’elle a omis d’informer spontanément l’intimé de l’augmentation de sa fortune, le raisonnement du SPC d’appliquer la prescription pénale ne prête pas le flanc à la critique, étant rappelé que dans une affaire genevoise comparable, concernant le SPC et un bénéficiaire qui avait omis d’annoncer une augmentation des revenus du groupe familial, le Tribunal fédéral, sur recours du SPC, a donné tort aux juges cantonaux, dans un arrêt du 17 septembre 2014 plusieurs fois confirmé, en considérant que les éléments constitutifs de l’infraction pénale étaient réalisées car l'intimé (soit le bénéficiaire) « ne pouvait ignorer l'importance que revêtait la communication de toute information d'ordre économique le concernant lui ou un membre de sa famille. Dans ces conditions, force est d'admettre que l'intimé était conscient qu'il retenait des informations qu'il avait l'obligation de transmettre au service recourant, commettant ainsi un acte par dol éventuel » ; partant, le délai de prescription de sept ans a été confirmé par les juges de Mon-Repos (ATF 140 IV 206 consid. 6.5 et 6.6).
Le SPC n’explique pas exactement à quel moment il a appris que la fortune de la bénéficiaire avait augmenté, mais il précise, dans sa réponse du 4 février 2025, p. 3, que « c’est donc le contrôle après décès et la consultation des documents fiscaux dans le cadre de l’entraide administrative qui ont mis en évidence la part successorale revenant à Madame A______ ».
Faute de date plus précise, la chambre de céans constate que par courrier du 17 avril 2023 adressé à B______ en qualité de représentant de la succession, le SPC a informé ce dernier que la fortune nette de la bénéficiaire au moment du décès s’élevait à CHF 451'589.-. Partant, on peut donc partir du principe que c’est à ce moment, au plus tard, que le SPC a été informé du montant de la fortune de la bénéficiaire.
Néanmoins, ce n’est que par l’intermédiaire des décisions de restitution du SPC, rendues en date du 29 avril 2024, que l’intimé a réclamé formellement le remboursement des prestations complémentaires versées à la bénéficiaire, pendant la période allant du 1er janvier 2017 au 31 août 2022.
Dès lors, la prescription de sept ans doit être calculée rétroactivement depuis la date des décisions du 29 avril 2024. Partant, les prestations perçues indûment depuis le 30 avril 2017 doivent être remboursées mais les prestations perçues pour la période allant du 1er janvier au 29 avril 2017 sont quant à elles, prescrites.
12.
12.1 À l’aune de ce qui précède, le recours sera très partiellement admis et la cause renvoyée au SPC, pour nouvelle décision, en ce sens que seules les prestations complémentaires fédérales et cantonales, ainsi que les subsides d’assurance-maladie et la participation aux frais médicaux et d’invalidité, depuis le 30 avril 2017 doivent être pris en compte, pour établir le montant devant être remboursé par les héritiers.
12.2 Les recourants, assistés d’un avocat, et qui ont obtenu très partiellement gain de cause, se verront allouer une indemnité à titre de dépens, que la chambre de céans fixera en l'espèce à CHF 600.-, à charge de l’intimé.
12.3 Pour le surplus, en l’absence de loi spéciale prévoyant des frais judiciaires, la procédure est gratuite (art. 61 let. fbis LPGA a contrario).
PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :
Statuant
À la forme :
1. Déclare le recours recevable.
Au fond :
2. L’admet très partiellement.
3. Renvoie la cause à l'intimé pour nouvelle décision au sens des considérants.
4. Alloue aux recourants une indemnité de CHF 600.-, à titre de dépens, à charge de l’intimé.
5. Dit que la procédure est gratuite.
6. Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public (art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 - LTF - RS 173.110). Le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.
La greffière
Véronique SERAIN |
| Le président
Philippe KNUPFER |
Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le