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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2737/2023

ATAS/421/2025 du 03.06.2025 ( ARBIT )

Par ces motifs

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/2737/2023 ATAS/421/2025

COUR DE JUSTICE

Tribunal arbitral des assurances

Arrêt incident du 3 juin 2025

 

En la cause

KPT CAISSE-MALADIE SA

CSS ASSURANCE-MALADIE SA

MOOVE SYMPANY AG

SUPRA-1846 SA

CONCORDIA ASSURANCE SUISSE DE MALADIE ET ACCIDENTS SA

AVENIR ASSURANCE MALADIE SA

OKK KRANKEN-UND UNFALLVERSICHERUNGEN AG

EASY SANA ASSURANCE MALADIE SA

EGK GRUNDVERSICHERUNGEN AG

SWICA ASSURANCE-MALADIE SA

MUTUEL ASSURANCE MALADIE SA

SANITAS GRUNDVERSICHERUNGEN AG

PHILOS ASSURANCE MALADIE SA

ASSURA-BASIS SA

VISANA AG

HELSANA VERSICHERUNGEN AG

SANA24 AG

VIVACARE AG

Toutes représentées par SANTÉSUISSE, elle-même représentée par Me Julien CHAPPUIS, avocat

 

demanderesses

 

contre

A______

représenté par Me Marc BALAVOINE, avocat

 

 

défendeur

 


ATTENDU EN FAIT :

Que le docteur A______ (ci-après : le défendeur), né le ______ 1963, exploite à Genève, sous forme d’activité indépendante, un cabinet en tant que spécialiste en médecine interne depuis le 7 mai 1999 ; qu'il est enregistré sous le code-créancier 1______, lequel l’autorise à facturer à charge de l’assurance obligatoire des soins ;

Que le 31 août 2023, 18 caisses-maladies, toutes représentées par SANTÉSUISSE, ont déposé auprès du Tribunal arbitral des assurances (ci-après : le Tribunal de céans) une demande visant au paiement par le défendeur des sommes, calculées selon l’indice de régression, de CHF 69'631.-, pour l'année statistique 2020, et de CHF 71'276.-, pour l'année statistique 2021, ce au titre de la violation du principe du caractère économique des prestations ;

Que dans sa réponse du 12 avril 2024, le défendeur a constaté que SANTÉSUISSE n'avait pas procédé à l'analyse individuelle préconisée par le Tribunal fédéral dans son arrêt du 12 décembre 2023 (9C_135/2022) et a, partant, conclu à ce que la demande soit écartée ;

Que dans sa réplique du 25 juillet 2024, SANTÉSUISSE a fait valoir que la pratique du défendeur avait au contraire fait l'objet d'un examen préliminaire individuel ; qu'elle a à cet égard produit un rapport de son médecin-conseil, le docteur B______ ;

Que dans sa duplique du 26 septembre 2024, le défendeur a persisté à considérer qu'il n'y avait pas eu d'examen au cas par cas ;

Que de nouvelles écritures ont été déposées les 6 et 23 décembre 2024 et 3 mars 2025, par le défendeur et par SANTÉSUISSE ;

 

CONSIDÉRANT EN DROIT :

Que le litige porte sur la question de savoir si la pratique du défendeur pendant les années statistiques 2020 et 2021 est ou non contraire au principe de l’économicité au sens de l'art. 56 al. 1 de la loi fédérale sur l'assurance-maladie du 18 mars 1994 (LAMal - RS 832.10) (art. 59 al. 1 let. b LAMal ; ATF 141 V 25), et, dans l’affirmative, si et dans quelle mesure les demanderesses sont habilitées à lui réclamer le trop-perçu ;

Que la Fédération des médecins suisses - FMH, SANTÉSUISSE et CURAFUTURA, en collaboration avec POLYNOMICS SA, ont adopté début 2023 une nouvelle convention relative au contrôle de l'économicité de la pratique médicale (art. 56 al. 6 LAMal) ; que les médecins dont l’indice est sensiblement supérieur à la moyenne (100%) sont considérés comme statistiquement « hors norme » ; qu'ils sont ensuite soumis à un examen individuel incluant une analyse de leur manière d’appliquer le tarif et de prescrire des médicaments en tenant compte du collectif de patients ; que la nécessité d’un examen individuel, auquel doivent procéder l'assureur et/ou SANTÉSUISSE avant même d'intenter une action en justice, est ainsi désormais inscrite dans la convention ;

Que dans son arrêt du 12 décembre 2023 (9C_135/2022), publié in ATF 150 V 129, le Tribunal fédéral l'a confirmé ; qu'il a ainsi rappelé que l'examen de l'économicité de la pratique médicale d'un fournisseur de prestations comportait deux phases : l'analyse de régression et, en cas de résultat hors norme, un examen de cas particulier (consid. 5.2) ; que l'établissement de l'indice de régression a uniquement pour but de détecter le fournisseur de prestations hors norme et que c'est lors de l'analyse individuelle que le fournisseur de prestations a la possibilité de justifier ses coûts trop élevés par les particularités de sa pratique (consid. 5.3) ;

Que le 23 décembre 2024, le Tribunal fédéral, se référant expressément à cet arrêt, a répété que la constatation d'une pratique non économique au sens de l'art. 56 LAMal ne pouvait être retenue que sur la base d'une analyse individuelle, soit une analyse au cas par cas effectuée dans une seconde étape ; que la demande en restitution ne pouvait être déposée auprès du Tribunal arbitral que si elle pouvait s'appuyer sur les résultats d'un examen complet du cas individuel (arrêt du Tribunal fédéral 9C_795/2023) ; que le Tribunal fédéral a insisté sur le fait que l'examen des caractéristiques de la pratique ayant une incidence sur les coûts ne devait pas être reporté à la procédure arbitrale, même si les tribunaux arbitraux peuvent établir les faits pertinents pour la décision avec la participation des parties, à titre complémentaire, qu'ils administrent les preuves nécessaires et qu'ils sont libres dans l'appréciation des preuves (art. 89 al. 5 LAMal) ;

Que dans un arrêt plus récent encore, daté du 29 avril 2025 (9C_199/2022), le Tribunal fédéral a précisé que l'examen de l'économicité ne pouvait être conclu directement sur la base de l'analyse de régression que s'il était établi qu'aucun facteur particulier n'influençait la structure des coûts du fournisseur de prestations (cf. ATF 150 V 129 consid. 5.5), ou si le fournisseur de prestations ne pouvait pas rendre crédibles des points de vue qui, en tant que particularités du cabinet, nécessitaient un examen au cas par cas, ou s'il n'expliquait pas de manière plausible dans quelle mesure l'anomalie détectée dans le cadre du screening pouvait être attribuée à une telle particularité du cabinet ; de même, s'il refusait de collaborer à la collecte des données nécessaires à l'interprétation des données statistiques (consid. 6.4.2) ;

Qu'en l'espèce, SANTÉSUISSE a insisté sur le fait qu'elle a à de nombreuses reprises invité le défendeur à modifier sa pratique ;

Qu'il va toutefois de soi que ces recommandations ne sauraient remplacer une analyse ;

Qu'elle fait valoir qu'elle avait procédé à un examen préliminaire de la pratique du défendeur notamment lors d'une séance de conciliation tenue le 6 février 2020, au cours de laquelle celui-ci avait largement eu la possibilité d'expliquer ses particularités ;

Qu'il ne suffit cependant pas que le défendeur ait été à même de citer et d'étayer les particularités de sa pratique ayant une incidence sur les coûts – portant au demeurant sur les années statistiques 2018 et 2019 – ; qu'il est également nécessaire que les particularités invoquées soient examinées par SANTÉSUISSE et que les résultats d'une évaluation complète du cas individuel soient pris en compte avant la procédure arbitrale (9C_199/2022 consid. 6.1 et 6.2) ;

Que SANTÉSUISSE a en outre souligné le fait qu'un rapport avait été établi par le Dr B______ ;

Que le Tribunal fédéral n'exclut à cet égard pas, il est vrai, que des particularités de cabinet, dont l'efficacité en termes de coûts n'est pas chiffrable par la voie statistique par exemple, soient analysées avec le concours d'un médecin-conseil sur la base de l'évaluation par l'échantillonnage d'un nombre représentatif de factures concrètes (ATF 150 V 129 consid. 5.2.4) ;

Que le rapport produit par SANTÉSUISSE (pièce 34) ne présente toutefois pas une évaluation complète du cabinet telle que voulue par le Tribunal fédéral ; qu'il n'y a notamment pas eu d'examen des dossiers des patients du défendeur ; qu'il ne saurait dès lors suffire à remplacer l'analyse du cas individuel censée constituer la deuxième étape ;

Que force est, au vu de ce qui précède, de constater qu'en l'espèce, lorsque SANTÉSUISSE a saisi le Tribunal de céans d'une demande en restitution le 31 août 2023, elle n'avait pas procédé à l'examen au cas par cas à présent clairement exigé par la jurisprudence ;

Que l'art. 56 LAMal est ainsi violé ; que la plainte à déposer auprès du tribunal arbitral cantonal doit en effet se baser sur les résultats d'une évaluation complète du cas individuel ; que l'appréciation du cas individuel qui a été omise ne peut pas être rattrapée dans la procédure arbitrale ; qu'étant donné qu'un examen au cas par cas a fait défaut dans le cas présent, les bases de décision du Tribunal de céans sont incomplètes (9C_199/2022 consid. 6.2 ; ATF 150 V 129 consid. 5.6 et 5.8) ;

Qu'il y a dès lors lieu de demander à SANTÉSUISSE de mettre en œuvre, en collaboration avec le défendeur, la seconde étape de la méthode de screening, en d'autres termes de déterminer, en procédant notamment à une analyse au moyen d'une évaluation par échantillon d'un nombre représentatif de factures concrètes, si les particularités de la pratique invoquées par le défendeur ont été prises en compte par l'analyse de régression et, le cas échant, dans quelle mesure elles influencent l'indice de régression ;

Qu'un délai au 31 octobre 2025 lui est accordé pour effectuer cette analyse ;

Que la procédure est par ailleurs suspendue durant ce délai en application, par analogie, de l'art. 14 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA ‑ E 5 10) (ATF 150 V 129 consid. 5.8.1) ;

Qu'il convient enfin de relever qu'en l'état, aucune suite ne sera donnée aux conclusions du défendeur visant à ce que certaines mesures d'instruction soient réalisées ; qu'elles ne peuvent en effet qu'être écartées, au vu de l'issue du présent arrêt incident ; qu'il en est de même pour l'expertise demandée par le défendeur, étant à cet égard rappelé que l'examen au cas par cas ne peut être remplacé par une expertise qui serait ordonnée par le Tribunal arbitral (9C_795/23 consid. 6.4).

 


PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL ARBITRAL DES ASSURANCES:

Statuant sur incident

1.      Impartit à SANTÉSUISSE un délai au 31 octobre 2025 pour procéder conformément à la jurisprudence du Tribunal fédéral et présenter des nouvelles conclusions sur la base de son analyse.

2.      Suspend la cause jusqu'à cette date.

3.      Réserve le fond.

4.      Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Christine RAVIER

 

La présidente suppléante

 

 

 

 

Doris GALEAZZI

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties par le greffe le