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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1519/2024

ATAS/405/2025 du 30.05.2025 ( PC ) , ADMIS/RENVOI

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/1519/2024 ATAS/405/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 30 mai 2025

Chambre 3

 

En la cause

A______

représenté par Maître Emilie CONTI MOREL, avocate

recourant

 

contre

SERVICE DES PRESTATIONS COMPLÉMENTAIRES

intimé

 


EN FAIT

 

A. a. A______ (ci-après : l'assuré), né en 1952 au Liban, est arrivé en Suisse en décembre 1981 et dans le canton de Genève en décembre 1984. Il est divorcé depuis mai 2018.

b. L’assuré bénéficie, depuis le 1er mai 2017, d’une rente de vieillesse.

B. a. Le 27 mars 2019, l'assuré a saisi le service des prestations complémentaires (ci-après : le SPC) d'une demande de prestations complémentaires à sa rente de vieillesse, laquelle constituait son seul revenu.

b. Du dossier, il ressort notamment que l’assuré a vendu son appartement en date du 8 août 2014, pour un montant de CHF 1'318'000.-. Après remboursement de l’hypothèque et paiement des impôts et honoraires de notaire, un montant total de CHF 566'973.- lui a été versé en quatre fois entre août et novembre 2014.

c. Par décision du 30 juin 2020, confirmée sur opposition le 20 octobre 2020, le SPC a rejeté la demande de prestations, au motif que les revenus étaient supérieurs aux dépenses, compte tenu de la prise en considération, notamment, de biens dessaisis à hauteur de CHF 553'823.95.

d. Le recours interjeté par l’assuré le 20 novembre 2020 a été partiellement admis par arrêt du 15 décembre 2021 (Atas/1300/2021) de la Cour de céans, qui a renvoyé la cause au SPC pour instruction complémentaire, l’assuré étant invité à produire tout document attestant de l’affectation des fonds litigieux.

e. Suite au renvoi de la cause, le SPC a complété l’instruction avant de nier, une nouvelle fois, à l’assuré le droit à des prestations complémentaires. Le montant des biens dessaisis a été ramené à CHF 523'823.96 ; celui des dettes a été fixé à CHF 7'582.45 (cf. décision du 8 décembre 2022).

f. L’assuré s’est opposé à cette décision par courrier du 24 janvier 2023.

g. Par décision du 19 avril 2023, le SPC lui a reconnu le droit aux prestations complémentaires fédérales à compter du 1er mars 2023. Selon les plans de calcul joints à la décision, un montant de CHF 183'739.46 était pris en considération à titre de biens dessaisis pour 2019. Par la suite, CHF 10'000.- étaient déduits chaque année de ce montant.

h. Le 11 mai 2023, l’assuré s’est opposé à cette décision, en expliquant l’affectation de certains virements et en contestant la non-prise en compte de certaines dettes.

i. Par décision du 1er juin 2023, le SPC a corrigé le montant des prestations complémentaires dues depuis le 1er janvier 2023.

j. Le 19 juin 2023, l’assuré a formé opposition à cette décision.

 

k. Par décision du 1er décembre 2023, le SPC a nié le droit du recourant aux prestations complémentaires dès janvier 2024.

l. Le 26 janvier 2024, l’assuré s’est opposé à cette décision.

m. Le 28 mars 2024, le SPC a rendu deux décisions sur oppositions.

Dans la première, il a déclaré l’opposition du 24 janvier 2023 sans objet, la décision du 8 décembre 2022, objet de ladite opposition, ayant été remplacée par celle du 19 avril 2023.

Dans la seconde, le SPC a partiellement admis l’opposition du 11 mai 2023 à l’encontre de la décision du 19 avril 2023. Il a admis des dettes à hauteur de CHF 33'919.-, ce qui a changé le montant des prestations complémentaires à accorder. Le montant des biens dessaisis n’a, quant à lui, pas été modifié.

C. a. Le 6 mai 2024, l’assuré a interjeté recours contre la seconde décision sur opposition susmentionnée, en concluant, sous suite de frais et dépens, principalement, à ce que le SPC soit condamné à lui verser CHF 15'288.05 à titre de prestations complémentaires pour l’année 2019, CHF 16'461.60 pour l’année 2020, CHF 16'041.- pour l’année 2021, CHF 15'321.- pour l’année 2022 et CHF 14'569.- pour l’année 2023, le tout avec intérêts. Il conclut également à ce que lui soit reconnu le droit à CHF 1'964.- par mois de prestations complémentaires fédérales et à CHF 102.50 par mois de prestations complémentaires cantonales, à compter du 1er janvier 2024 et pour l’avenir. Subsidiairement, il conclut à ce qu’il soit constaté que sa fortune nette était inférieure à CHF 100'000.- au 1er janvier 2024 et au renvoi de la cause au SPC pour nouveau calcul de son droit aux prestations complémentaires.

À l’appui de son recours, l’assuré, d’une part, explique que sa fortune a été utilisée, en 2015, 2016 et 2017, pour couvrir ses frais courants en Suisse ; il en tire la conclusion qu’aucun dessaisissement ne peut lui être reproché. D’autre part, il soutient que doivent être quoi qu’il en soit déduits du montant des biens dessaisis, respectivement de sa fortune, CHF 5'000.- (montant correspondant au remboursement d’un prêt en 2015) et CHF 13'575.31 (découvert de sa carte de crédit).

b. Invité à se déterminer, l’intimé, dans sa réponse du 4 juin 2024, a conclu au rejet du recours.

Il soutient que l’attestation relative au remboursement du solde d’un prêt, d’un montant de CHF 5'000.-, n’est pas valable en raison de son caractère sommaire.

Quant au débit de la carte de crédit, il correspondait à des dépenses courantes, déjà retenues dans le forfait destiné à la couverture des besoins vitaux.

c. Dans sa réplique du 29 août 2024, le recourant a encore invoqué des montants supplémentaires à prendre en considération dans le calcul des biens dessaisis, à savoir : des frais de transport de meubles en 2015, les primes d’assurance responsabilité civile pour ses anciens véhicules (une 1______ et une 2______), les primes de l’assurance combinée ménage, la cotisation annuelle du Touring Club Suisse, des frais de voyage, d’hôtel, de restaurant et de bijouterie.

d. Le 23 septembre 2024, le SPC a rappelé que, dans le cadre de l’examen de l’utilisation de la fortune, il avait été tenu compte d’un montant forfaitaire pour les dépenses courantes, lequel comprenait les frais d’assurance et les frais de transport et de voyage. Les nouvelles dépenses invoquées dans la réplique correspondaient à des dépenses déjà retenues dans le forfait destiné à la couverture des besoins vitaux. Les frais de déménagement avaient, quant à eux, déjà été pris en considération.

e. Le 3 octobre 2024, le recourant a encore produit une écriture spontanée.

Il retient de la jurisprudence et d’un rapport du Conseil fédéral que le montant destiné à la couverture des besoins vitaux entend couvrir les moyens d’existence journaliers nécessaires. Il en tire la conclusion que les primes d’assurances privées, les frais de transports de meubles, de voyage et de restaurant ne doivent pas être intégrés dans le montant forfaitaire destiné à assurer les besoins vitaux.

f. Les autres faits seront repris – en tant que de besoin – dans la partie « en droit » du présent arrêt.

 

 

 

EN DROIT

 

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 3 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur les prestations complémentaires à l’assurance-vieillesse, survivants et invalidité du 6 octobre 2006 (LPC - RS 831.30). Elle statue aussi, en application de l'art. 134 al. 3 let. a LOJ, sur les contestations prévues à l'art. 43 de la loi cantonale sur les prestations complémentaires cantonales du 25 octobre 1968 (LPCC - J 4 25).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.              

2.1 Les dispositions de la LPGA s’appliquent aux prestations complémentaires fédérales à moins que la LPC n’y déroge expressément (art. 1 al. 1 LPC).

En matière de prestations complémentaires cantonales, la LPC et ses dispositions d’exécution fédérales et cantonales, ainsi que la LPGA et ses dispositions d’exécution, sont applicables par analogie en cas de silence de la législation cantonale (art. 1A LPCC).

Le délai de recours est de 30 jours (art. 60 al. 1 LPGA ; art. 43 LPCC ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA-GE - E 5 10] et art. 43 LPCC).

2.2 Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, compte tenu de la suspension des délais du 7e jour avant Pâques au 7e jour après Pâques inclusivement (art. 38 al. 4 let. a LPGA et art. 89C let. a LPA), le recours est recevable (art. 56 ss LPGA et 62 ss LPA).

3.             Le litige porte sur le montant des prestations complémentaires auxquelles le recourant a droit pour les années 2021, 2022 et 2023 ainsi que sur son droit à des prestations complémentaires à compter du 1er janvier 2024, singulièrement sur le montant des biens dessaisis à prendre en considération.

4.              

4.1 La modification du 22 mars 2019 de la LPC est entrée en vigueur le 1er janvier 2021 (Réforme des PC, FF 2016 7249 ; RO 2020 585).

Conformément à l’al. 1 des dispositions transitoires de ladite modification, l’ancien droit reste applicable trois ans à compter de l’entrée en vigueur de la modification aux bénéficiaires de prestations complémentaires pour lesquels la réforme des PC entraîne, dans son ensemble, une diminution de la prestation complémentaire annuelle ou la perte du droit à la prestation complémentaire annuelle.

4.2 En l’occurrence, dès lors que c’est en date du 27 mars 2019 que le recourant a saisi le SPC d’une demande de prestations, la LPC et ses dispositions d’application, dans leur teneur en vigueur jusqu’au 31 décembre 2020, sont applicables pour calculer son droit pour la période du 1er mars 2019 au 31 décembre 2020. Pour la période allant du 1er janvier 2021 au 31 décembre 2023, il convient de faire un calcul comparatif pour connaître le droit le plus favorable. En revanche, en ce qui concerne la période débutant le 1er janvier 2024, soit trois ans après l’entrée en vigueur du nouveau droit, ce sont les nouvelles dispositions qui s’appliquent automatiquement.

Aussi, les dispositions applicables seront citées dans leur ancienne (ci-après : aLPC) et leur nouvelle teneur (ci-après : LPC).

5.              

5.1  

5.1.1 Les personnes qui ont leur domicile et leur résidence habituelle en Suisse et qui remplissent les conditions personnelles prévues aux art. 4, 6 et 8 LPC ont droit à des prestations complémentaires. Depuis le 1er janvier 2021, elles doivent en outre remplir les conditions relatives à la fortune nette prévues à l’art. 9a LPC.

Ont ainsi droit aux prestations complémentaires notamment les personnes qui perçoivent une rente de vieillesse de l'assurance-vieillesse et survivants, conformément à l'art. 4 al. 1 let. a LPC (teneur inchangée).

Selon l’art. 3 al. 1 LPC (teneur inchangée), les prestations complémentaires fédérales se composent de la prestation complémentaire annuelle et du remboursement des frais de maladie et d’invalidité.

Jusqu’au 31 décembre 2020, l’art. 9 al. 1er aLPC disposait que le montant de la prestation complémentaire annuelle correspondait à la part des dépenses reconnues qui excède les revenus déterminants. Depuis le 1er janvier 2021, cette même disposition précise en outre que la prestation complémentaire correspond au moins au plus élevé des montants suivants : a. la réduction des primes la plus élevée prévue par le canton pour les personnes ne bénéficiant ni de prestations complémentaires ni de prestations d’aide sociale ; b. 60% du montant forfaitaire annuel pour l’assurance obligatoire des soins au sens de l’art. 10 al. 3 let. d LPC.

Par ailleurs, selon l’art. 9a al. 1 nLPC, également entré en vigueur le 1er janvier 2021, les personnes dont la fortune nette est inférieure aux seuils suivants ont droit à des prestations complémentaires : CHF 100’000.- pour les personnes seules (let. a).

5.1.2 Conformément à l’art. 4 LPCC, dont la teneur n’a pas été modifiée suite à la Réforme des PC, ont droit aux prestations complémentaires cantonales les personnes dont le revenu annuel déterminant n’atteint pas le revenu minimum cantonal d’aide sociale applicable.

Dans un arrêt de principe, la chambre de céans a retenu qu’en l’absence d’une révision législative de la LPCC suite à la réforme de la LPC, les nouveaux seuils d’entrée liés à la fortune prévus à l’art. 9a al. 1 LPC étaient également applicables, depuis le 1er janvier 2021, à l’octroi des prestations complémentaires cantonales du fait du renvoi général qu'opère la LPCC à la LPC et du silence de la loi cantonale à ce sujet (cf. ATAS/521/2023 du 29 juin 2023).

5.2 Jusqu’au 31 décembre 2020, l’art. 11 al. 1 aLPC prévoyait que :

Les revenus déterminants comprennent :

g. les ressources et parts de fortune dont un ayant droit s’est dessaisi ;

Avec la Réforme des PC, entrée en vigueur le 1er janvier 2021, la lettre g de l’art. 11 al. 1 a été abrogée et un art. 11a a été introduit. Selon cette disposition :

1 Si une personne renonce volontairement à exercer une activité lucrative que l’on pourrait raisonnablement exiger d’elle, le revenu hypothétique correspondant est pris en compte comme revenu déterminant. La prise en compte de ce revenu est réglée par l’art. 11, al. 1, let. a.

2 Les autres revenus, parts de fortune et droits légaux ou contractuels auxquels l’ayant droit a renoncé sans obligation légale et sans contre-prestation adéquate sont pris en compte dans les revenus déterminants comme s’il n’y avait pas renoncé.

3 Un dessaisissement de fortune est également pris en compte si, à partir de la naissance d’un droit à une rente de survivant de l’AVS ou à une rente de l’AI, plus de 10 % de la fortune est dépensée par année sans qu’un motif important ne le justifie. Si la fortune est inférieure ou égale à 100 000 francs, la limite est de 10 000 francs par année. Le Conseil fédéral règle les modalités; il définit en particulier la notion de « motif important ».

4 L’al. 3 s’applique aux bénéficiaires d’une rente de vieillesse de l’AVS également pour les dix années qui précèdent la naissance du droit à la rente.

Selon l'al. 3 des dispositions transitoires de la modification du 22 mars 2019, l'art. 11a al. 3 et 4 LPC ne s'applique qu'à la fortune qui a été dépensée après l'entrée en vigueur de la modification (arrêt du Tribunal fédéral 9C_329/2023 du 21 août 2023 consid. 4.2).

L'art. 11a al. 2 nLPC contient une définition claire de la notion de dessaisissement qui faisait défaut dans le cadre de l'art. 11 al. 1 let. g aLPC, sans qu'il ne modifie toutefois la pratique en matière de renonciation à des ressources ou de dessaisissement de fortune (cf. Message du Conseil fédéral relatif à la modification de la loi sur les prestations complémentaires [Réforme des PC] du 16 septembre 2016, FF 2016 7249 pp. 7322 et 7323).

5.3 S’agissant des prestations complémentaires cantonales, l’art. 5 LPCC, dont la teneur est restée inchangée, prévoit que le revenu déterminant est calculé conformément aux règles fixées dans la loi fédérale et ses dispositions d'exécution, moyennant certaines adaptations explicitées aux lettres a à c.

6.              

6.1  

6.1.1 Selon la jurisprudence rendue antérieurement à la Réforme des PC, il y a dessaisissement lorsque la personne concernée a renoncé à des éléments de revenu ou de fortune sans obligation juridique et sans avoir reçu en échange une contre-prestation équivalente, ces deux conditions étant alternatives (ATF 140 V 267 consid. 2.2 et les références ; 134 I 65 consid. 3.2 et les références ; 131 V 329 consid. 4.2 et les références).

Pour vérifier s'il y a contre-prestation équivalente et pour fixer la valeur d'un éventuel dessaisissement, il faut comparer la prestation et la contre-prestation à leurs valeurs respectives au moment de ce dessaisissement (ATF 120 V 182 consid. 4b ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_67/2011 du 29 août 2011 consid. 5.1).

Le Tribunal fédéral a précisé qu’un usage normal de la fortune n’était pas concerné par la question du dessaisissement (arrêt du Tribunal fédéral 9C_945/2011 du 11 juillet 2012 consid. 6.3). A fortiori, une utilisation du patrimoine afin de couvrir les besoins vitaux ne saurait être considérée comme un dessaisissement (Michel VALTERIO, Commentaire de la loi fédérale sur les prestations complémentaires à l'AVS et à l'AI, 2015, ch. 98 ad art. 11 aLPC et les références). Par ailleurs, le Tribunal fédéral a également considéré qu’il n'y avait pas dessaisissement dans le cas d'une assurée ayant épuisé sa fortune après avoir vécu dans un certain luxe (ATF 115 V 352 consid. 5b). L'existence d'un dessaisissement de fortune ne peut être admise que si l'assuré renonce à des biens sans obligation légale ni contre-prestation adéquate. Lorsque cette condition n'est pas réalisée, la jurisprudence considère qu'il n'y a pas lieu de tenir compte d'une fortune (hypothétique) dans le calcul de la prestation complémentaire, même si l'assuré a pu vivre au-dessus de ses moyens avant de requérir une telle prestation (cf. arrêt du Tribunal fédéral 9C_50/2022 du 17 mai 2022 consid. 3.1 et les références). En effet, il n'appartient pas aux organes compétents en matière de prestations complémentaires de procéder à un contrôle du mode de vie des assurés (cf. ATF 146 V 306 consid. 2.3.1 et les références), ni d'examiner si l'intéressé s'est écarté d'une ligne que l'on pourrait qualifier de « normale » et qu'il faudrait au demeurant préciser. Il convient bien plutôt de se fonder sur les circonstances concrètes, à savoir le fait que l'assuré ne dispose pas des moyens nécessaires pour subvenir à ses besoins vitaux, et – sous réserve des restrictions découlant de l'art. 3c al. 1 let. g aLPC – de ne pas se préoccuper des raisons de cette situation (VSI 1994 p. 225 s. consid. 3b ; arrêt du Tribunal fédéral P 65/04 du 29 août 2005 consid. 5.3.1).

Il y a lieu de prendre en compte dans le revenu déterminant tout dessaisissement sans limite de temps (Pierre FERRARI, Dessaisissement volontaire et prestations complémentaires à l'AVS/AI in RSAS 2002, p. 420). Ainsi, la date à laquelle le dessaisissement a été accompli n'a, en principe, aucune importance (cf. arrêt du Tribunal fédéral 9C_667/2021 du 17 mai 2022 consid. 3.3 et les références).

6.1.2 En cas de dessaisissement d'une part de fortune, le calcul de la prestation complémentaire doit se faire comme si l'ayant droit avait obtenu une contre-prestation équivalente pour le bien cédé. Le revenu déterminant est donc augmenté, d'abord, d'une fraction de la valeur de ce bien conformément à l'art. 11 al. 1 let. c aLPC. Il est augmenté, ensuite, du revenu que la contre-prestation aurait procuré à l'ayant droit (arrêt du Tribunal fédéral 9C_36/2014 du 7 avril 2014 consid. 3.2). En règle générale, la jurisprudence se réfère, pour fixer ce revenu, au taux d'intérêt moyen sur les dépôts d'épargne servi par l'ensemble des banques au cours de l'année précédant celle de l'octroi de la prestation complémentaire (ATF 123 V 35 consid. 2a).

Pour que l'on puisse admettre qu'une renonciation à des éléments de fortune ne constitue pas un dessaisissement, il faut que soit établie une corrélation directe entre cette renonciation et la contre-prestation considérée comme équivalente. Cela implique nécessairement un rapport de connexité temporelle étroit entre l'acte de dessaisissement proprement dit et l'acquisition de la contre-valeur correspondante (arrêt du Tribunal fédéral 9C_945/2011 du 11 juillet 2012 consid. 6.2).

6.2 Comme indiqué précédemment, depuis le 1er janvier 2021, la nLPC comporte un art. 11a al. 2 lequel contient une définition claire de la notion de dessaisissement qui faisait défaut dans le cadre de l'art. 11 al. 1 let. g aLPC.

Le dessaisissement est en outre précisé à l’art. 17b let. a de l'ordonnance sur les prestations complémentaires à l’assurance-vieillesse, survivants et invalidité du 15 janvier 1971 (OPC-AVS/AI - RS 831.301), entré en vigueur le 1er janvier 2021 également, à teneur duquel il y a dessaisissement de fortune, notamment, lorsqu’une personne aliène des parts de fortune sans obligation légale et que la contre-prestation n’atteint pas au moins 90% de la valeur de la prestation. En cas d’aliénation de parts de fortune, le montant du dessaisissement correspond à la différence entre la valeur de la prestation et la valeur de la contre-prestation (art. 17c OPC-AVS/AI).

Les directives concernant les prestations complémentaires à l'AVS et à l'AI, état au 1er janvier 2021 (ci-après : DPC) précisent également la notion de dessaisissement.

Ainsi, lorsque la fortune diminue de façon substantielle sans que le bénéficiaire des prestations complémentaires puisse prouver l’utilisation qu’il en a faite, on suppose, en principe, qu’il y a dessaisissement (DPC ch. 3532.09).

Si le bénéficiaire des prestations complémentaires et les membres de sa famille disposaient de revenus suffisants pendant les années où la fortune a diminué, le montant du dessaisissement de fortune correspond à celui de la diminution de la fortune. À l’inverse, s’ils ne disposaient pas de revenus suffisants, le montant du dessaisissement de fortune correspond à la différence entre la diminution non justifiée de la fortune et la part de la fortune dépensée pour son entretien usuel (DPC ch. 3532.10).

Le revenu est considéré comme suffisant s’il est supérieur à un montant forfaitaire applicable pour l’entretien usuel, et insuffisant s’il est inférieur à ce montant (DPC ch. 3532.11).

Selon le ch. 3532.12 des DPC, le montant forfaitaire pour l’entretien usuel est déterminé en multipliant le montant destiné à la couverture des besoins vitaux pour les personnes seules pour l'année correspondante, soit CHF 19'610.- depuis le 1er janvier 2021 (art. 10 al. 1 let. a ch. 1 LPC) par le facteur applicable tel que défini à l’annexe 8, soit en l’occurrence 3,2, étant précisé que ce facteur se base sur les dépenses médianes d’un ménage suisse de la même correspondante (annexe 8, DPC).

Les revenus comprennent toutes les prestations périodiques, y compris les revenus visés à l’art. 11 al. 3 LPC.

Le montant de la part de fortune qui a dû être utilisée pour l’entretien usuel en cas de revenus insuffisants correspond à la différence entre le montant forfaitaire pour l’entretien usuel applicable, y compris les contributions d’entretien, et le revenu effectif (DPC ch. 3532.15).

6.3 L’art. 11a al. 3 complète l’al. 2 en précisant que, même en présence d’une contre-prestation adéquate, la consommation de la fortune ne doit pas dépasser un certain plafond (10% de sa fortune par année et si la fortune est inférieure à CHF 100'000.-, la limite est de CHF 10'000.- par année).

En d’autres termes, indépendamment des preuves d’achat fournies, le calcul de la prestation complémentaire tiendra compte d’un dessaisissement de fortune lorsque celle-ci aura été dépensée dans un court laps de temps sans que la personne se soit souciée de l’avenir. Les pertes de fortune involontaires qui ne sont pas imputables à une action intentionnelle ou une à imprudence du bénéficiaire des prestations complémentaires ne sont pas considérées comme une consommation de la fortune et ne tombent donc pas sous le coup de cette disposition. Les limites fixées permettent de déterminer si la fortune a été dépensée trop rapidement ou non. (Message du Conseil fédéral relatif à la modification de la loi sur les prestations complémentaires [Réforme des PC] du 16 septembre 2016, FF 2016 7249 p. 7323 ; cf. arrêt du Tribunal fédéral 9C_50/2022 du 17 mai 2022 consid. 3.1).

Cette disposition ne s’applique toutefois que pour les dessaisissements de fortune qu’à compter du 1er janvier 2021 conformément aux dispositions transitoires, ce qui n’est pas le cas en l’espèce, les dessaisissements litigieux ayant eu lieu en 2015, 2016 et 2017.

7.             Selon l'art. 17a OPC-AVS/AI, dans sa teneur en vigueur jusqu’au 31 décembre 2020, repris ensuite à l’art. 17e al. 1 OPC-AVS/AI, la part de fortune dessaisie à prendre en compte au sens de l’art. 11 al. 1 let. g aLPC, respectivement de l’art. 11a, al. 2 et 3 nLPC est réduite chaque année de 10 000 francs (al. 1). La valeur de la fortune au moment du dessaisissement doit être reportée telle quelle au 1er janvier de l’année suivant celle du dessaisissement, pour être ensuite réduite chaque année (al. 2). Est déterminant pour le calcul de la prestation complémentaire annuelle le montant réduit de la fortune au 1er janvier de l’année pour laquelle la prestation est servie (al. 3).

Le Tribunal fédéral a admis la conformité de cette disposition à la loi et à la constitution (ATF 118 V 150 consid. 3c/cc).

On présume en effet que l'ayant droit, à supposer qu'il ne se soit pas dessaisi de sa fortune, en aurait mis une partie à contribution pour subvenir à ses besoins. L'amortissement prévu par l'art. 17a aOPC-AVS/AI n'est cependant admis que sous la forme d'un forfait indépendant du montant exact de la fortune dessaisie ou de celle dont dispose encore l'ayant droit (cf. ATF 118 V 150 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_36/2014 du 7 avril 2014 consid. 3.2 et la référence).

Il faut en outre qu'une année civile entière au moins se soit écoulée entre le moment où l'assuré a renoncé à des parts de fortune et le premier amortissement de fortune (Ralph JÖHL, Die Ergänzungsleistung und ihre Berechnung, in Soziale Sicherheit, SBVR vol. XIV, p. 1816 n. 247).

8.             Dans le domaine des assurances sociales, le juge fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d'être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c'est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu'un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 142 V 435 consid. 1 et les références ; 126 V 353 consid. 5b et les références ; 125 V 193 consid. 2 et les références). Il n'existe pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l'administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l'assuré (ATF 126 V 319 consid. 5a et la référence).

Par ailleurs, la procédure est régie par le principe inquisitoire, selon lequel les faits pertinents de la cause doivent être constatés d'office par le juge. Mais ce principe n'est pas absolu. Sa portée est restreinte par le devoir des parties de collaborer à l'instruction de l'affaire. Celui-ci comprend en particulier l'obligation des parties d'apporter, dans la mesure où cela peut être raisonnablement exigé d'elles, les preuves commandées par la nature du litige et des faits invoqués, faute de quoi elles risquent de devoir supporter les conséquences de l'absence de preuves (ATF 125 V 193 consid. 2 et les références). En particulier, dans le régime des prestations complémentaires, l'assuré qui n'est pas en mesure de prouver que ses dépenses ont été effectuées moyennant contre-prestation adéquate ne peut pas se prévaloir d'une diminution correspondante de sa fortune, mais doit accepter que l'on s'enquière des motifs de cette diminution et, en l'absence de la preuve requise, que l'on tienne compte d'une fortune hypothétique (arrêt du Tribunal fédéral P 65/04 du 29 août 2005 consid. 5.3.2 ; VSI 1994 p. 227 consid. 4b). Mais avant de statuer en l'état du dossier, l'administration devra avertir la partie défaillante des conséquences de son attitude et lui impartir un délai raisonnable pour la modifier ; de même devra-t-elle compléter elle-même l'instruction de la cause s'il lui est possible d'élucider les faits sans complications spéciales, malgré l'absence de collaboration d'une partie (cf. ATF 117 V 261 consid. 3b ; 108 V 229 consid. 2 ; arrêt du Tribunal fédéral P 59/02 du 28 août 2003 consid. 3.3 et les références).

9.              

9.1 En l’espèce, les pièces au dossier ont permis d’établir que le recourant est titulaire de plusieurs comptes bancaires, auprès d’B______, C______ (depuis lors repris par B______) et D______ (cf. pièces 21 et 29, SPC).

Le 8 août 2014, il a vendu son bien immobilier – un appartement sis à E______ – pour un montant total de CHF 1'318'000.- (cf. attestation du notaire du 18 mai 2020, pièce 37, SPC).

De ce prix de vente, l’Étude de notaires a déduit les montants suivants (ibidem) :

 

 

 

Impôt immobilier complémentaire 2011

1'496.00

Impôt immobilier complémentaire 2014

1'092.35

Frais de courtage

42'469.90

Charges PPE

9'716.88

Remboursement hypothèque

525'209.55

Honoraires de notaire et TVA

800.00

64.00

2'970.25

237.60

Impôt sur les bénéfices et gains

36'969.65

Total

621'026.18

 

C’est donc un prix de vente net de CHF 696'973.82 (CHF 1'318'000.00 – CHF 621'026.18) qui est revenu au recourant et qui lui a été versé en quatre fois entre août et novembre 2014, à savoir CHF 89'822.50 le 19 août 2014, CHF 20'677,50 le 20 août 2014, CHF 19'500.- le 4 septembre 2014 et CHF 566'973,82 le 10 novembre 2014. En novembre 2014, le compte précité affichait un solde de CHF 585'428.04 (relevés bancaires du compte personnel B______ concernant les mois d’août à décembre 2014 – pièce 34, SPC et attestation du notaire du 18 mai 2020 – pièce 37, SPC).

Le 1er décembre 2014, le recourant a viré, sur son compte au Liban, un montant de CHF 480'000.- (cf. relevé bancaire concernant le mois de décembre 2014, pièce 85, SPC).

Par ailleurs, les comptes du recourant affichaient les soldes suivants au 31 décembre de chaque année entre 2014 et 2018 inclus (cf. relevés bancaires pour 2014 à 2018 – notamment pièces 1, 19, 21, 32, 34, 85 et 99, SPC) :


 

 

 

31.12.2014

31.12.2015

31.12.2016

31.12.2017

31.12.2018

Compte personnel B______

31'766.59

531.05

97.70

590.70

2'147.43

Compte d’épargne B______

10.13

10.13

10.13

10.13

10.13

Compte USD B______

13.11

-19.67

-84.79

-153.97

non connu

Ex-C______

non connu

non connu

non connu

non connu

1'315.92

Compte libanais n°1

544'744.25

298'525.47

155'052.45

22'614.87

1'935.87

Compte libanais n°2

2611.30

33'507.83

424.60

389.26

373.75

Fortune totale retenue par la CJCAS1

579'145.38

332'554.80

155'500.08

23'450.98

5'762.97

Fortune dépensée1 (CJCAS)

 

246'590.58

177'054.71

132'049.10

17'708.15

Fortune totale retenue par le SPC2

579'132.003

330'045.00

155'487.00

24'543.00

non connu

Fortune dépensée1 (SPC)

 

249'087.00

174'558.00

130'944.00

non connu

1 La fortune dépensée en 2015 s’obtient en déduisant de la fortune au 31 décembre 2015 celle au 31 décembre 2014 et ainsi de même pour chacune des années litigieuses.

2 La différence entre les montants retenus par la Cour de céans et le SPC est vraisemblablement due au taux de change.

3 cf. décision sur opposition du 28 mars 2024 p. 5 : fortune devant rester au 31 décembre 2015 (CHF 451’444.81) + montant total devant être prélevé sur la fortune (CHF 127’687.19).

 


 

9.2  

9.2.1 Dans la décision sur opposition querellée, le SPC a imputé au recourant trois dessaisissements : CHF 121’399.81 en 2015, CHF 58’173.95 en 2016 et CHF 34’165.70 en 2017, lesquels ont été calculés comme suit (cf. décision sur opposition du 28 mars 2024, pièce 129 SPC) :

a)      Calcul du dessaisissement pour l’année 2015 :

Ressources annuelles 2015

2'317.00

-          Rentes

 

-          Autres revenus

 

-          Intérêts de l’épargne

2'317.00

 

 

Charges annuelles 2015

63'346.00

-          Loyer (charges comprises)

18'480.00

-          Primes d’assurance-maladie

6'374.00

-          Forfait pour la couverture des besoins de base

38'492.00

 

 

Charges 2015 non couvertes (charges annuelles – ressources annuelles)

61'029.00

 

 

Dépenses justifiées 2015

66'658.19

-          Location dépôt VPI 12 mois x CHF 220.00

2'640.00

-          Frais de scolarité fils F______ $10'288.00 x 0.97773

10'058.89

-          Frais de scolarité fils F______ $11'158.50 x 0.97773

10'910.00

-          Cotisation golf de G______

3'000.00

-          Pension alimentaire H______ CHF 1'500.00 x 12 mois

18'000.00

-          Honoraires d’avocat (divorce) 1/3 de CHF 66'147.86

22'049.30

 

 

Montant total devant être prélevé sur la fortune (charges non couvertes + dépenses justifiées)

127'687.19

 

 

Fortune devant rester au 31.12.2015 (fortune au 31.12.2014 – montant total devant être prélevé : CHF 572'132.00 – 127'687.19)

451'444.81

Fortune restante au 31.12.2015

330'045.00

Dessaisissement pour 2015 (fortune devant rester au 31.12.2015 – fortune restante au 31.12.2015)

121'399.81


 

b)      Calcul du dessaisissement pour l’année 2016 :

Ressources annuelles 2016

3'725.00

-          Rentes

 

-          Autres revenus

3'065.00

-          Intérêts de l’épargne

660.00

 

 

Charges annuelles 2016

63'346.00

-          Loyer (charges comprises)

18'480.00

-          Primes d’assurance-maladie

6'374.00

-          Forfait pour la couverture des besoins de base

38'492.00

 

 

Charges 2016 non couvertes (charges annuelles – ressources annuelles)

59'621.00

 

 

Dépenses justifiées

56'763.05

-          Location dépôt VPI 12 mois x CHF 220.00

2'640.00

-          Frais de scolarité fils F______ $10'288.00 x 0.97773

11'073.75

-          Cotisation golf de G______

3'000.00

-          Pension alimentaire H______ CHF 1'500.00 x 12 mois

18'000.00

-          Honoraires d’avocat (divorce) 1/3 de CHF 66'147.86

22'049.30

 

 

Montant total devant être prélevé sur la fortune (charges non couvertes + dépenses justifiées)

116'384.05

 

 

Fortune devant rester au 31.12.2016 (fortune au 31.12.2015 – montant total devant être prélevé : CHF 330’045 – 116'384.05)

213'660.95

Fortune restante au 31.12.2016

155’487.00

Dessaisissement pour 2016 (fortune devant rester au 31.12.2016 – fortune restante au 31.12.2016)

58'173.95

 


 

c)      Calcul du dessaisissement pour l’année 2017 :

Ressources annuelles 2017

127'732.00

-          Rentes

10'504.00

-          Autres revenus

1'917.00

-          Intérêts de l’épargne

311.00

 

 

Charges annuelles 2017

63'821.00

-          Loyer (charges comprises)

18'480.00

-          Primes d’assurance-maladie

6'849.00

-          Forfait pour la couverture des besoins de base

38'492.00

 

 

Charges 2017 non couvertes (charges annuelles – ressources annuelles)

51'089.00

 

 

Dépenses 2017 justifiées

45'689.30

-          Location dépôt VPI 12 mois x CHF 220.00

2'640.00

-          Cotisation golf de G______

3'000.00

-          Pension alimentaire H______ CHF 1'500.00 x 12 mois

18'000.00

-          Honoraires d’avocat (divorce) 1/3 de CHF 66'147.86

22'049.30

 

 

Montant total devant être prélevé sur la fortune (charges non couvertes + dépenses justifiées)

96'778.30

 

 

Fortune devant rester au 31.12.2017 (fortune au 31.12.2016 – montant total devant être prélevé : CHF 155'487.00 – 96'778.30)

58'708.70

Fortune restante au 31.12.2017

24'543.00

Différence retenue à titre de dessaisissement pour 2017 (Fortune devant rester au 31.12.2017 – fortune restante au 31.12.2017)

34'165.70

 


 

Le recourant ne conteste pas, en soi, cette manière de procéder, mais il estime, tout d’abord que le forfait de CHF 38'492.- pour la couverture des besoins de base est beaucoup plus bas que ce qu’il a effectivement dépensé pour ses besoins courants. Dans ces circonstances, le SPC ne pouvait retenir le moindre montant à titre de dessaisissement (recours du 6 mai 2024 ch. 41 et 42 p. 22). Il considère, en outre, que des dépenses supplémentaires auraient dû être prises en compte par le SPC, à savoir les frais de voyage et d’hôtel, les frais de restaurant et de bijouterie, les primes d’assurance-ménage et RC de ses voitures, ainsi que les frais de transport de meubles. Il en irait de même du remboursement d’un prêt de CHF 5'000.- et du découvert de sa carte de crédit.

9.2.2 En premier lieu, la Cour de céans rappelle que le SPC ne peut écarter la prise en compte de justificatifs de dépenses produits par le recourant au motif que celles-ci seraient déjà incluses dans le forfait pour les besoins vitaux. En effet, conformément à la jurisprudence, le SPC ne peut pas limiter les dépenses effectives de l'assuré aux montants ressortant de ses taxations fiscales, soit les frais bancaires, la prime d'assurance-accidents, les frais maladie (la part fiscalement déductible ne correspondant pas à la totalité de ceux-ci), etc., ni tenir compte, pour les dépenses courantes, seulement des montants ressortant des barèmes applicables aux bénéficiaires de prestations complémentaires (ATAS/207/2023 du 21 mars 2023 consid. 11.2 ; ATAS/169/2013 du 12 février 2013 consid. 12 ; ATAS/959/2013 du 30 septembre 2013 consid. 11).

9.2.3 Cela étant précisé, il convient d’examiner si le recourant a justifié les dépenses supplémentaires qu’il invoque.

Or, force est de constater que :

-        Le recourant n’a pas prouvé le paiement des primes d’assurance RC relatives à ses anciens véhicules et des primes d’assurance-ménage combinée, la production des polices d’assurance n’étant pas suffisante à cet égard et encore moins lorsqu’il est question « d’anciens véhicules ».

-        Le paiement de la cotisation pour le sociétariat du TCS, de CHF 97.-, est uniquement prouvé pour l’année 2017, aucune pièce ne permettant d’inférer un quelconque paiement pour les autres années.

-        Les frais de transport des meubles en 2015, d’un montant de CHF 20'114.50 ont déjà été pris en considération par le SPC pour 2014, une facture d’un montant de CHF 20'001.- ayant été produite par le recourant.

-        Le paiement de CHF 2'014.- à I______ Automobiles ne saurait être pris en considération en l’absence de précision. En effet, la contrepartie ne peut être déduite du relevé de carte de crédit.

 

 

En revanche, les dépenses suivantes ont été prouvées, de sorte qu’elles ne sauraient constituer un dessaisissement :

Pour 2015 :

-            CHF 8'023.67 de frais de voyage soit :

o   CHF 274.87 auprès d’une agence de voyage ;

o   CHF 6'071.02 de billets d’avion ;

o   CHF 622.40 dans des hôtels ;

o   CHF 525.70 versés à une compagnie maritime ;

o   CHF 529.70 auprès d’une entreprise de transport.

-            CHF 6'250.- à la bijouterie J______;

-            CHF 1'933.- dans différents restaurants.

Pour 2016 :

-            CHF 3'571.17 de billets d’avion ;

-            CHF 1'439.- dans des restaurants.

Pour 2017 :

-            CHF 4'080.80 de billets d’avion ;

-            CHF 1'671.- dans divers restaurants ;

-            CHF 97.- à titre de cotisation pour le TCS.

Quant au remboursement du prêt de CHF 5'000.-, il ne saurait être écarté au motif que l’attestation est sommaire. En effet, l’attestation en question est datée et signée. Elle précise le montant remboursé et les identités du prêteur et de l’emprunteur. Elle est donc suffisamment précise pour être prise en considération.

Enfin, le découvert de carte de crédit constitue effectivement une dette à prendre en considération. Il s’agit en réalité du montant de la carte de crédit qui n’a pas été payé et qui est reporté de mois en mois. Le fait que le recourant ne doive pas s’en acquitter en une fois, mais qu’il puisse procéder par acompte, n’ôte pas la qualification de dette. Cependant, en l’absence de pièces plus précises, on ne saurait retenir un montant de CHF 13'575.31 en 2023, dès lors que la pièce 17 produite en annexe au recours est totalement illisible. Quant à la pièce produite par le recourant sous annexe 1, elle se réfère au montant de la dette en 2024. Or, c’est la fortune nette au 31 décembre 2023 qui doit être prise en considération pour 2024. Aussi, en l’absence d’une pièce plus lisible et précise, ce montant ne saurait être pris en considération.

9.2.4 Ainsi, la situation est la suivante pour les années 2015 à 2017 :

 

 

a)      Calcul du dessaisissement pour l’année 2015 :

Ressources annuelles 2015

2'317.00

Charges annuelles 2015

61'728.00

Charges 2015 non couvertes (charges annuelles – ressources annuelles)

59'411.00

 

 

Dépenses justifiées selon décision sur opposition querellée

66’658.19

Dépenses supplémentaires justifiées

21'206.67

-          Solde du prêt K______

5'000.00

-          Voyages

8'023.67

-          J______ SA

6’250.00

-          Restaurants

1'933.00

Total dépenses 2015 justifiées

87'864.86

 

 

Montant total devant être prélevé sur la fortune (charges non couvertes + dépenses justifiées)

147'275.86

 

 

Fortune devant rester au 31.12.2015 (fortune au 31.12.2014 – montant total devant être prélevé : CHF 572'132.00 – 147'275.86)

424'856.14

Fortune restante au 31.12.2015

330'045.00

Dessaisissement pour 2015 (Fortune devant rester au 31.12.2015 – fortune restante au 31.12.2015)

94'811.14

 


 

b)      Calcul du dessaisissement pour l’année 2016 :

Ressources annuelles 2016

3'725.00

Charges annuelles 2016

61'728.00

Charges 2016 non couvertes (charges annuelles – ressources annuelles)

58'003.00

 

 

Dépenses 2016 justifiées selon décision sur opposition querellée

56'763.05

Dépenses 2016 supplémentaires justifiées

5'010.47

-          Voyages

3'571.17

-          Restaurants

1'439.00

Total dépenses 2016 justifiées

61'773.22

 

 

Montant total devant être prélevé sur la fortune (charges non couvertes + dépenses justifiées)

119'776.22

 

 

Fortune devant rester au 31.12.2016 (fortune au 31.12.2015 – montant total devant être prélevé : CHF 330'045.00 – 119'776.22)

210'268.78

Fortune restante au 31.12.2016

155’487.00

Dessaisissement pour 2016 (Fortune devant rester au 31.12.2016 – fortune restante au 31.12.2016)

54'781.78

 


 

c)      Calcul du dessaisissement pour l’année 2017 :

Ressources annuelles 2017

17'732.00

Charges annuelles 2017

61'728.00

Charges 2017 non couvertes (charges annuelles – ressources annuelles)

43'996.00

 

 

Dépenses2017 justifiées selon décision sur opposition

45'689.30

Dépenses 2017 supplémentaires justifiées par le recourant

5'848.80

-          Frais de voyage

4'080.80

-          Restaurants

1'671.00

-          TCS

97.00

Total dépenses 2017 justifiées

51'538.10

 

 

Montant total devant être prélevé sur la fortune (charges non couvertes + dépenses justifiées)

95'534.10

 

 

Fortune devant rester au 31.12.2017 (fortune au 31.12.2016 – montant total devant être prélevé : CHF 155'487.00 – 95'534.10)

59'952.90

Fortune restante au 31.12.2017

24'543.00

Dessaisissement pour 2017 (fortune devant rester au 31.12.2017 – fortune restante au 31.12.2017)

35'409.90

Au 31 décembre 2016, le dessaisissement de fortune total était de CHF 149'592.92 (CHF 94'811.14 + CHF 54'781.78). Au 1er janvier 2017, un amortissement de CHF 10'000.- est accordé, de sorte que les biens dessaisis s’élèvent à CHF 139'592.92 au 31 décembre 2017.

Courant 2017, un nouveau dessaisissement de CHF 35'409.90 s’est ajouté, ce qui a porté la fortune dessaisie à CHF 175'002.82 au 31 décembre 2017.

Dès le 1er janvier 2018, un abattement de CHF 10'000.- est venu en déduction, de sorte que les biens dessaisis étaient de CHF 165'002.82 au 31 décembre 2018, CHF 155'002.82 au 31 décembre 2019, CHF 145'002.82 au 31 décembre 2020, CHF 135'002.82 au 31 décembre 2021, CHF 125'002.82 au 31 décembre 2022 et CHF 115'002.82 au 31 décembre 2023.

9.3 En prenant en considération les biens dessaisis susmentionnés et les autres montants retenus par le SPC dans ses plans de calcul, la fortune nette se calcule comme suit dès 2019 :

2019

 

Épargne

4'909.50

Biens dessaisis

165'002.82

Dettes

- 33'388.75

Fortune nette

136'523.57

 

 

2020

 

Épargne

4'158.10

Biens dessaisis

155'002.82

Dettes

- 41'471.20

Fortune nette

117'689.72

 

 

2021

 

Épargne

2'403.75

Biens dessaisis

145'002.82

Dettes

- 33'388.75

Fortune nette

114'017.82


 

 

2022

 

Épargne

2'844.15

Biens dessaisis

135'002.82

Dettes

- 33'919.00

Fortune nette

103'927.97

 

2023

 

Épargne

2'844.15

Biens dessaisis

125'002.82

Dettes

- 33'919.00

Fortune nette

94'868.22

 

Il ressort du tableau comparatif qui précède que la fortune nette est inférieure à celle retenue par le SPC dans la décision sur opposition querellée. Dès 2023, elle est par ailleurs également inférieure à CHF 100'000.-.

Dans ces circonstances, les calculs effectués par le SPC sont erronés et il lui appartient de les actualiser en prenant en considération les montants ci-dessus, avant de rendre une nouvelle décision sur le droit du recourant à des prestations complémentaires dès le 1er mars 2019.

10.         Compte tenu de ce qui précède, le recours sera partiellement admis et la décision sur opposition querellée annulée, la cause étant renvoyée au SPC pour nouveau calcul des prestations complémentaires dues et nouvelle décision.

Le recourant obtenant gain de cause sur le principe, une indemnité de CHF 1'500.- lui sera accordée à titre de participation à ses frais et dépens (art. 61 let. g LPGA ; art. 6 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en matière administrative du 30 juillet 1986 [RFPA - E 5 10.03]).

Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. fbis LPGA a contrario).

 

***
PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L’admet partiellement.

3.        Annule la décision sur opposition du 28 mars 2024.

4.        Renvoie la cause à l’intimé pour nouveaux calculs au sens des considérants et nouvelle décision.

5.        Alloue au recourant, à la charge de l’intimé, une indemnité de CHF 1'500.- à titre de participation à ses frais et dépens.

6.        Dit que la procédure est gratuite.

7.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public (art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 - LTF - RS 173.110). Le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Diana ZIERI

 

La présidente

 

 

 

 

Karine STECK

 

 

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le