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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3796/2023

ATAS/373/2025 du 22.05.2025 ( AI ) , ADMIS/RENVOI

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/3796/2023 ATAS/373/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 22 mai 2025

Chambre 3

 

En la cause

A______

représentée par Me Andres PEREZ, avocat

recourante

 

contre

OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE

intimé

 


EN FAIT

 

A. a. A______ (ci-après : l'assurée), née en ______ 1968, d'origine espagnole et détentrice d'un permis C, établie à Genève depuis 1985, a exercé l'activité de concierge.

b. Selon l’extrait de son compte AVS individuel, l'assurée a travaillé pour plusieurs employeurs de juillet 2000 à fin 2018.

B. a. Le 9 décembre 2011, l’employeur de l’assurée a annoncé à l’assurance perte de gain (SWICA) que son employée se trouvait en arrêt de travail pour cause de maladie depuis le 9 décembre 2011.

b. L’assurance perte de gain a pris le cas en charge et versé des indemnités journalières du 9 décembre 2011 au 1er avril 2012, pour une incapacité attestée de 100%, et du 2 avril au 31 mai 2012, pour une incapacité attestée de 50%.

c. Par ailleurs, elle a signalé la situation à l'office de l'assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après : OAI), auquel a été transmis une première demande de prestations signée par l'assurée et datée du 6 juin 2012. L’assurée mentionnait souffrir d'une fibromyalgie ainsi que d'un état dépressif sévère, depuis 2005 « confirmé en 2012 ». L’incapacité de travail avait débuté le 5 décembre 2011.

d. Ont notamment été versés au dossier de l’OAI :

-          un rapport du 22 décembre 2011 de la docteure B______, spécialiste FMH en rhumatologie et médecin traitant de l'assurée, indiquant que tous les points de fibromyalgie étaient positifs ;

-          un rapport du 16 février 2012 du docteur C______, spécialiste FMH en médecine interne et en cardiologie, médecin-conseil de l'assureur perte de gain (GROUPE MUTUEL) d’un autre employeur, retenant une fibromyalgie (ou état somatoforme douloureux), à laquelle s'ajoutait « peut-être » un état dépressif léger ; l'assurée avait été dans l’incapacité totale d’exercer son activité habituelle pour l’employeur depuis le 9 décembre 2011 ; une reprise à 50% dès le 12 mars et à 100% dès le 2 avril [2012] était possible ;

-          un rapport du 5 mars 2012 de la Dre B______, indiquant que, depuis décembre [2011], les rachialgies, les douleurs des membres inférieurs et les troubles du sommeil s'étaient légèrement améliorés avec la prise de Lyrica 75 mg le soir ; le bilan neurologique était normal ; l'assurée se plaignait surtout d'une importante baisse de moral, avec des troubles de l'humeur, de fatigue, de troubles de la concentration ; du point de vue strictement rhumatologique, il était difficile de justifier la poursuite de l’arrêt de travail, mais l'assurée avait toujours besoin d'une prise en charge sur le plan médical ;

-          une attestation du 29 mars 2012 du docteur D______, spécialiste FMH en médecine interne générale et médecin traitant de l'assurée, mentionnant une fibromyalgie, des dorsalgies invalidantes, ainsi qu'un état dépressif sévère ; malgré un traitement en cours, aucune amélioration n'avait été constatée ; l'assurée ne pouvait reprendre le travail ; elle avait débuté un suivi psychiatrique ;

-          un rapport du 22 septembre 2012 de la docteure E______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychiatre traitant de l'assurée, retenant un trouble dépressif récurrent, épisode actuel sévère (F32.2), d'autres troubles anxieux (F41) en cours d'évaluation et une fibromyalgie ; l'activité habituelle était encore exigible à un taux de 40 à 50% ; le traitement avait débuté le 20 avril 2012 ; le pronostic était globalement favorable, mais très progressif ;

-          un complément de rapport du 24 septembre 2012 de la Dre E______, faisant notamment état d’une importante difficulté de mobilisation au quotidien en raison d'une fatigabilité et de douleurs rendant difficile l'initiation du travail, mais aussi la continuation de celui-ci et son efficacité ; l'assurée avait traversé des épisodes dépressifs (2009, 2010 et 2011) ; depuis 2011, son état s'était péjoré (tristesse, découragement, anergie et intensification des douleurs, devenues insupportables en septembre 2011).

e. L'assurée a repris son activité habituelle le 1er août 2012.

f. Dans un rapport du 25 octobre 2012, le Dr D______ a indiqué que sa patiente avait été en incapacité de travail de 50% à partir du 1er décembre 2011, mais avait pu reprendre son activité professionnelle à 100% le 1er août 2012.

g. Par décision du 29 novembre 2012, l'OAI a nié à l'assurée le droit à toute prestation. L'assurée avait été en incapacité de travail à 100% à compter du 9 décembre 2011. Elle avait repris son activité habituelle de concierge à 50% le 2 avril 2012, puis à 100% le 1er août 2012. L'incapacité de travail n'avait donc pas duré une année.

C. a. Le 23 août 2019, l’assurée a déposé une nouvelle demande de prestations en invoquant des douleurs à l'épaule « venues progressivement » depuis 2017. L'assurée a indiqué travailler depuis 2006 comme concierge à raison de 2h30 par jour, six jours par semaine, pour un revenu brut de CHF 920.-.

b. L'assurance perte de gain maladie (HELVETIA COMPAGNIE SUISSE D'ASSURANCES SA [ci-après : HELVETIA]) a pris en charge le cas et versé des indemnités journalières.

c. Ont été recueillis lors de l’instruction, notamment :

-          un rapport du 17 août 2017 du docteur F______, spécialiste FMH en radiologie, suite à une échographie de l'épaule droite et une infiltration de la bourse sous-acromiale droite du 16 août 2017, concluant à une tendinopathie fissuraire du tendon supra-épineux distal, s'accompagnant de signes de bursite sous-acromiale ;

-          un rapport du 4 octobre 2018 du Dr F______ suite à une arthro-IRM de l'épaule droite du 3 octobre 2018, concluant à une désinsertion occupant les deux tiers de l'attache du tiers postérieur du supra-épineux et de la zone de jonction des tendons supra-épineux et infra-épineux ; la trophicité des muscles de la coiffe des rotateurs était conservée ;

-          un rapport de consultation du 1er novembre 2018 du docteur G______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique et traumatologie de l'appareil locomoteur ; la radiographie montrait un acromion de type II « selon Bigliani » avec des signes de conflit sous-acromiaux, l’IRM, une rupture complète du sus-épineux, sur sa partie postéro-supérieure, avec une faible rétraction associée à une tendinopathie du long chef du biceps ; après épuisement du traitement conservateur, une arthroscopie était préconisée (suture du sus-épineux, ténodèse du long chef du biceps, acromioplastie et résection du centimètre externe de la clavicule), planifiée pour le 18 décembre 2018 ;

-          le compte-rendu opératoire du 18 décembre 2018 ;

-          un rapport du 5 juin 2019 du docteur H______, spécialiste FMH en médecine physique et réadaptation, indiquant qu’à cinq mois postopératoires, l'assurée souffrait toujours de douleurs nocturnes au niveau de l’épaule droite, ce qui compromettait la reprise de son activité de concierge ;

-          un rapport du 12 septembre 2019 du Dr H______, dont il ressortait notamment que les restrictions fonctionnelles résidaient dans l’incapacité à porter au-dessus des épaules et loin du corps ; d'un point de vue strictement orthopédique, la capacité de travail était nulle, à réévaluer le 30 septembre 2019 ; l'évolution était favorable et le pronostic bon ;

-          un rapport de consultation du 27 janvier 2020 du Dr G______, indiquant qu’un peu plus d'un an après l’intervention, l'assurée souffrait de douleurs antérieures évaluées à 6/10 irradiant dans le cou, présentes à la mobilisation et en péjoration depuis six mois, malgré la rééducation et deux infiltrations qui n'avaient eu que des effets modérés ; l'assurée rapportait également une hypo-esthésie de la face palmaire de D4-D5 intermittente ; à l'examen clinique, on retrouvait des douleurs à la palpation de l'articulation acromio-claviculaire et de la région du long chef du biceps ; une IRM du 29 novembre 2019 confirmait le diagnostic d'arthropathie acromio-claviculaire ; s’y ajoutait celui de tendinopathie du long chef du biceps persistante ; une arthroscopie diagnostique était préconisée ;

-          le compte-rendu opératoire rédigé le 4 février 2020 par le Dr G______ après arthroscopie de l'épaule droite (ténotomie du long chef du biceps, bursectomie et résection du centimètre externe de la clavicule) ;

-          un rapport du 17 mars 2020 du Dr H______, indiquant notamment que l'assurée, si elle était totalement incapable d’exercer son activité de concierge, avait recouvré une capacité de travail de 100% dans une activité n’impliquant pas l'utilisation du membre supérieur droit ;

-          un rapport du 13 juin 2020 du docteur I______, médecin interne au service orthopédique et traumatologie de l'appareil moteur des Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG), retenant, à titre de diagnostics avec impact sur la capacité de travail : une rupture du sus-épineux et du sous-scapulaire, une tendinopathie du long chef du biceps, une arthropathie acromio-claviculaire et un conflit sous acromial ; l'assurée présentait une limitation de mobilité et de force du membre supérieur droit ; elle était dans l’incapacité d’exercer la moindre activité, du fait de l’impossibilité d’utiliser son membre supérieur droit ;

-          un rapport de consultation ambulatoire de suivi du 6 août 2020 du Dr G______, constatant une bonne évolution de la mobilité, mais aussi un manque de force certain avec des douleurs persistantes ; l'assurée était adressée au Dr H______ pour la rééducation ;

-          un rapport de consultation rédigé par le Dr G______ le 12 novembre 2020, neuf mois après la seconde intervention; la situation était décrite comme peu favorable, avec une persistance des douleurs et une limitation fonctionnelle ; au vu des symptômes, un éventuel CRPS [NDR : complex regional pain syndrom] était suspecté ; le traitement n'était pas terminé et l'état pas stabilisé, l'assurée étant incapable de travailler ;

-          un rapport du 23 novembre 2020 du Dr F______ suite à une IRM de l'épaule droite du 19 novembre 2020, concluant à l’absence d'évidence d'ostéite, mais montrant la présence d'un épaississement tissulaire inflammatoire engainant l'extrémité distale de la clavicule ;

-          un rapport du 23 décembre 2020 du Dr H______ mentionnant que l'assurée était toujours dans l’incapacité d’exercer la moindre activité, qu’elle était en rééducation depuis le 5 février 2019, que, depuis octobre 2019, elle était également limitée par son genou droit ; son épaule progressait partiellement et présentait cliniquement une raideur ; la dernière IRM de l'épaule montrait une inflammation acromio-claviculaire persistante ; l'évolution de l'état de santé était favorable au niveau de l'épaule ; les restrictions présentées par l'assurée sur ce plan consistaient dans le fait de devoir éviter les mouvements répétés et les ports de charges, surtout au-dessus de l'horizontale.

d. Le 24 février 2021, le service médical régional (ci-après : SMR) de l'OAI a admis une incapacité de travail médicalement justifiée depuis le 1er novembre 2018 en raison de l'atteinte à l'épaule droite. La capacité à exercer l’activité habituelle devait être considérée comme définitivement nulle.

Pour le surplus, le SMR a sollicité du Dr H______ des renseignements supplémentaires (stabilisation de l'état de l'épaule droite, pathologie du genou droit et capacité médico-théorique à exercer une activité adaptée).

e. Le Dr H______ a répondu en date du 8 avril 2021. Il a indiqué que l'état de santé de l'assurée était « quasi stabilisé ». La capacité de travail était affectée par les douleurs persistantes au niveau de l'articulation acromio-claviculaire droite, les douleurs intermittentes rétro-patellaires au niveau du genou droit (chondropathie) et une crampe au niveau de l'hypothénar de la main droite se manifestant lors de travaux de couture. Les douleurs au niveau de l'articulation acromio-claviculaire interdisaient le port de charges loin du corps et les manœuvres répétitives au-dessus de l'horizontale. Une capacité de travail dans une activité adaptée, progressivement à 100%, était théoriquement possible. Cependant, le marché du travail tel qu’il se présentait suite à la pandémie de COVID-19 et l'âge de l'assurée, rendaient peu probable qu’elle retrouve un travail non répétitif et sans port de charges.

f. Le 5 mai 2021, le SMR a retenu, à titre d'atteintes incapacitantes : principalement, une rupture complète du sus-épineux, une tendinopathie du long chef du biceps, une arthropathie et un conflit de l'articulation acromio-claviculaire, mais aussi une chondropathie du genou droit et des crampes de l'hypothénar lors de la couture. Le début de l'incapacité totale de travail remontait au 1er novembre 2018. L’assurée avait en revanche recouvré une pleine capacité à exercer une activité adaptée à compter du 1er mai 2021. Les limitations fonctionnelles étaient les suivantes : pas d’élévation des bras au-delà de l'horizontale, pas de travail en hauteur, pas de montée et descente d'escaliers, pas de marche en terrain irrégulier, pas de position debout prolongée, pas de marche prolongée, pas de position accroupie ou à genoux, pas de position statique prolongée, pas de port de charges au-delà de 5 kg et pas de mouvements répétitifs et de force de la main droite.

g. Le 17 mai 2021, l'assurée a rempli un questionnaire relatif à son statut. Elle a indiqué qu’avant l’atteinte à sa santé, elle exerçait son activité, à raison de 3h par jour, 6 jours par semaine. Elle travaillait à temps partiel depuis 20 ans en raison d'une fibromyalgie. Elle n'avait pas envisagé de réduire ou d'augmenter son taux d'activité en raison des atteintes à son épaule et à son bras, d’une part, de sa fibromyalgie, d’autre part. En bonne santé, elle exercerait une activité professionnelle. Elle avait travaillé comme concierge pendant 20 ans, s'était occupée de trois immeubles et aimait son travail. Depuis l’atteinte à sa santé, sa situation familiale n'avait pas évolué.

h. Considérant que, sans atteinte à sa santé, l’assurée aurait certainement poursuivi une activité à mi-temps pour subvenir aux besoins du ménage, l’OAI lui a reconnu un statut mixte : 50% active et 50% ménagère.

i. Il ressort d’une note établie le 25 août 2021 après le premier entretien de la division réadaptation professionnelle, que l'assurée ne s'imaginait ni travailler, ni suivre une mesure de réadaptation en raison des douleurs et de la fatigue : elle ne parviendrait pas à être à l'heure tous les jours et son rendement serait réduit.

j. Interrogé par l’OAI, le Dr D______, dans un rapport du 27 octobre 2021, a émis l’avis que l'assurée ne pouvait exercer la moindre activité professionnelle du fait de la fibromyalgie invalidante, de la dépression et du déconditionnement physique combinés. Compte tenu des douleurs diffuses, elle rencontrerait des difficultés à maintenir un travail quelconque, ménage inclus, au-delà d’une à deux heures. Le traitement antalgique, les antidépresseurs et la physiothérapie s'étaient avérés inefficaces. Le médecin préconisait un examen complémentaire pour évaluer les conséquences de l'atteinte à la santé sur la capacité de travail.

k. Le 15 novembre 2021, le SMR a préconisé une expertise pluridisciplinaire (médecine interne, rhumatologie, psychiatrie et orthopédie).

l. Celle-ci a été confiée à SWISS MEDICAL EXPERTISE SA (ci-après : SMEX), plus particulièrement aux docteurs J______, spécialiste FMH en médecine interne, K______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique et traumatologie de l'appareil locomoteur, L______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, et M______, spécialiste FMH en rhumatologie et en médecine physique et réadaptation, qui ont rendu leur rapport en date du 7 juillet 2022.

Les experts ont retenu, à titre de diagnostics ayant une incidence sur la capacité de travail : un syndrome lombo-vertébral chronique avec dysbalance musculaire et insuffisance de la sangle abdominale dans le cadre d'une discopathie dégénérative au niveau L4-L5 et L5-S1 (selon le rapport radiologique du 12 février 2016), une chondropathie rotulienne (selon le rapport d’IRM du 31 mai 2018) et des omalgies droites après deux opérations (réparation de la coiffe, acromioplastie, ténodèse dans un premier temps, ténotomie dans un deuxième temps du long chef du biceps avec, les deux fois, une résection du centimètre distal de la clavicule).

S'agissant des limitations fonctionnelles, les experts ont estimé que, du point de vue rhumatologique, à titre préventif (pour éviter toute aggravation des troubles dégénératifs lombo-vertébraux et de son genou droit), l'assurée était capable d'effectuer un travail adapté permettant d’alterner positions assise et debout, de limiter le port de charges à 3 kg, d’éviter la position agenouillée ou accroupie prolongée, la marche sur terrain irrégulier, les escaliers, échafaudages ou échelles, ainsi que toute activité impliquant une posture non ergonomique surchargeant le rachis dans sa totalité. Du point de vue orthopédique, pour l'épaule, il convenait d’éviter les mouvements au-dessus de la ceinture scapulaire et le port de charges supérieures à 1 ou 2 kg, et, au niveau du rachis, de privilégier une activité s’effectuant en position assise et permettant librement de changer de position. Du point de vue psychiatrique et de la médecine interne, il n'y avait aucune limitation fonctionnelle.

Les experts ont conclu à une totale incapacité à exercer l’activité habituelle depuis le 1er novembre 2019. En revanche, ils ont considéré que l’assurée avait recouvré une pleine capacité de travail dans un poste adapté et ce, depuis le 23 décembre 2020, date à compter de laquelle l'évolution de l'épaule avait été qualifiée de favorable par le Dr H______.

Le rapport d'expertise comportait des annexes, dont notamment :

-          un rapport du 12 février 2016 du docteur N______, spécialiste FMH en radiologie, établi après une radiographie de la colonne lombaire et de la hanche gauche, concluant à une discopathie dégénérative modérée au niveau L4-L5 et L5-S1, une discrète coxarthrose supéro-latérale gauche et des remaniements dégénératifs modérés au niveau de la symphyse pubienne ;

-          un rapport du 31 mai 2018 de la docteure O______, spécialiste en radiologie, après une IRM du genou droit du 28 mai 2018, concluant à un syndrome de friction fémoro-patellaire a minima, une chondropathie congestive de la facette patellaire médiale, des ulcérations cartilagineuses de la partie toute postérieure du condyle latéral et un épanchement intra-articulaire ;

-          un rapport du 21 mars 2022 du docteur P______, spécialiste FMH en rhumatologie et en médecine interne générale, concluant à une fibromyalgie.

m. Le 19 juillet 2022, le SMR a considéré qu'il n'y avait pas lieu de s'écarter des conclusions de l'expertise, sauf en ce qui concernait la date de reprise possible d’une activité adaptée à 100%, que le SMR a reportée à mai 2021 au motif que le rapport du Dr H______ du 8 avril 2021 indiquait une reprise possible à 100% de manière progressive. Outre les atteintes invalidantes retenues par l'expertise, le SMR a relevé, à titre de diagnostics sans répercussion sur la capacité de travail : un trouble anxieux et dépressif mixte, une fibromyalgie, une obésité de stade I avec déconditionnement physique, une hypertension artérielle et une leucocytose à 13.5 g/L.

n. Le 24 octobre 2022, l'OAI a accordé à l'assurée une mesure d'orientation auprès des Établissements publics pour l'intégration (ci-après : EPI) prévue pour la période du 7 novembre 2022 au 12 février 2023.

o. Dans leur rapport du 15 février 2023, les EPI ont conclu à l'impossibilité d'envisager une cible professionnelle. L'assurée avait débuté la mesure le 7 novembre 2022 et l'avait interrompue le 26 janvier 2023. Pendant la deuxième semaine de la mesure, elle s'était absentée deux jours, puis avait baissé son taux de présence de 50% à compter de la troisième semaine. Lors de la sixième semaine, elle avait été mise en arrêt de travail complet pour deux mois. Les observations, partielles en raison de ces absences, montraient une difficulté à conserver la position debout, des mouvements antalgiques, un tonus et un rythme de travail faibles. L'assurée avait de la peine à maintenir une attention/concentration adéquate. Sa mémoire lacunaire ne lui permettait pas de retenir durablement les consignes. Elle avait tenu un discours prioritairement centré sur ses difficultés, avec une impossibilité de se projeter dans un avenir professionnel. Elle avait montré des appréhensions face à la nouveauté et il avait fallu adapter l'environnement et l'accompagner dans les situations qu'elle considérait comme stressantes. Elle avait laissé transparaître une importante fragilité psychologique.

p. Le 27 mars 2023, le docteur Q______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie et psychiatre traitant de l'assurée depuis janvier 2023, a conclu à un épisode dépressif moyen avec syndrome somatique (F32.11) et à une fibromyalgie (M79.7).

En lien avec l'épisode dépressif moyen, l'assurée présentait une diminution de l'attention et de la concentration, une diminution de la confiance en soi, de la culpabilité et des sentiments de dévalorisation, surtout devant des difficultés à assumer ses rôles de femme/mère/grand-mère, une attitude d'inquiétude et de pessimisme devant l'évolution de la fibromyalgie avec, en particulier, la crainte de finir grabataire comme sa mère, ainsi qu’une perturbation du sommeil (insomnie avec réveil difficile).

En lien avec la fibromyalgie, l'assurée se plaignait de fatigue, de douleurs musculaires migrantes et de douleurs du rachis ainsi que de problèmes cognitifs (difficultés de concentration et troubles de la mémoire, notamment).

Le Dr Q______ avait noté que l'assurée présentait « un fort pouvoir de suggestion assez étonnant ».

Les limitations fonctionnelles étaient les suivantes : une limitation sévère de l'autonomie et de la mobilité, une impossibilité de faire un repas sans aide, de s'occuper de ses petits-enfants, de faire des courses, d'aller se promener, le périmètre de promenade étant très limité, une sensation permanente de fatigue imposant de fréquentes siestes. Sa patiente était également diminuée par des douleurs physiques handicapantes : sa mobilité était limitée tant dans une activité assise que dans une activité impliquant mouvements et marche. Elle ressentait de la fatigue et une impuissance à réaliser les tâches quotidiennes. Elle se plaignait de troubles de la mémoire et de difficulté dans l'organisation des tâches.

Selon le médecin, la capacité à exercer l’activité habituelle était nulle depuis deux ans.

Il estimait par ailleurs qu’il n’existait pas d'activité strictement adaptée aux limitations fonctionnelles. « L'adaptation à une tâche quelconque [était] impossible en termes d'efficacité. L'inefficacité [était] actuellement de 80% », en raison d’une limitation de l'ensemble des fonctions psychomotrices, fluctuant en fonction du temps, du moment de la journée, de la fatigue et des douleurs, des troubles mnésiques et d’une dépression moyenne.

q. Le 25 avril 2023, le SMR a conclu que le rapport du Dr Q______ n'apportait pas d'éléments objectifs en faveur d'une aggravation. Selon lui, les symptômes cardinaux d'un épisode dépressif (à savoir un abaissement de l'humeur, une diminution de l'intérêt et du plaisir et une réduction de l'énergie) faisaient défaut. La fatigue subjective ressentie était principalement inhérente à la fibromyalgie, comme l'avait indiqué le Dr Q______. Or, ce diagnostic avait été évalué par les experts du SMEX. Ces derniers avaient observé une humeur joviale, une mimique et une gestuelle expressives, qualifié l'attention et la concentration de stables et de bonne qualité. D’ailleurs, la description d'une assurée qui en imposait par sa personnalité et qui avait un « pouvoir de suggestion étonnant », avec une autorité évidente, parlait en défaveur d'un trouble dépressif (qui aurait plutôt conduit à un émoussement des affects et à un retrait). Il était relevé également que le traitement n'avait pas été modifié par le psychiatre et que l'état était décrit comme stationnaire ; en particulier, aucune aggravation n’était décrite depuis la réalisation de l'expertise. Il était relevé que le Dr Q______ était sorti de son champ de compétence en se prononçant sur la fibromyalgie, qui n'était pas de son ressort et qui, au demeurant, avait été analysée lors de l'expertise du SMEX.

r. Il a finalement été mis un terme à la mesure d’orientation professionnelle, qui n’a pas abouti, l’assurée l’ayant arrêtée pour des raisons de santé.

s. L’OAI a jugé inutile de mettre sur pied une enquête ménagère, l'expertise apportant suffisamment d'éléments pour ne pas retenir d'empêchements dans la sphère ménagère, d’autant qu’aucune exigence de rendement n’était requise dans l'accomplissement des travaux habituels et qu’il y avait lieu de retenir une aide exigible des proches (soit du mari de l'assurée ; cf. note du 31 mai 2023).

t. Le 6 juin 2023, l'OAI a adressé à l’assurée un projet de décision dont il ressortait qu’il envisageait de lui reconnaître le droit à une demi-rente limitée à la période du 1er février 2020 au 31 juillet 2021, sous réserve des indemnités journalières versées.

Le statut de l'assurée était celui d'une personne active à 50%.

L'OAI admettait une incapacité de travail totale dans toute activité dès novembre 2018.

À l'issue du délai d'attente, en novembre 2019, l'incapacité de gain de l'assurée était jugée partielle dans la part professionnelle, de sorte que le droit à une demi-rente était ouvert, étant précisé qu'aucun empêchement dans la sphère ménagère n'était retenu.

La demande de prestations ayant été déposée en août 2019, la rente ne pouvait être versée qu'à compter de février 2020.

À partir de mai 2021, l'état de santé de l'assurée s'étant amélioré, il ressortait de la comparaison des revenus que la perte de gain de l'assurée s'élevait à 22.89%, correspondant à un degré d'invalidité de 11%, insuffisant pour maintenir le droit à la rente. Celui-ci s'éteignait donc le 1er août 2021, soit trois mois après l'amélioration de l'état de santé de l'assurée constatée en mai 2021.

u. Le 6 juillet 2023, l'assurée s'est opposée à ce projet de décision en demandant l'octroi d'une rente entière, subsidiairement de mesures d'ordre professionnel. Elle a contesté le statut retenu, ainsi que les conclusions médicales, plus particulièrement la capacité à exercer une activité adaptée.

L’assurée a fait valoir qu'avant l’atteinte à sa santé, son taux d’occupation avait été supérieur à 50%. Elle a allégué qu’en bonne santé, elle aurait exercé une activité lucrative à 100% pour compléter le salaire de son époux et assumer les charges du ménage.

Sur le plan médical, elle a contesté la valeur probante du volet rhumatologique de l'expertise, en reprochant au Dr M______ d’avoir nié sans explications le caractère invalidant de la fibromyalgie et arguant qu’un complément d'instruction sur ce plan était nécessaire.

v. Le 20 juillet 2023, le SMR a noté qu'aucune pièce médicale nouvelle n'avait été versée au dossier et renvoyé à ses précédentes conclusions.

w. Par décision formelle du 16 octobre 2023, l'OAI a reconnu à l'assurée le droit à une demi-rente du 1er février 2020 au 31 juillet 2021.

D. a. Le 15 novembre 2023, l'assurée a interjeté recours auprès de la Cour de céans en concluant, principalement, à l'octroi d'une rente entière d'invalidité, subsidiairement, au renvoi de la cause à l'OAI pour instruction complémentaire et nouvelle décision.

Elle allègue que, sans atteinte à la santé, elle aurait exercé une activité lucrative à 100%.

Par ailleurs, la recourante conteste le volet rhumatologique de l’expertise.

b. Invité à se déterminer, l’intimé, dans sa réponse du 11 janvier 2024, a conclu au rejet du recours.

Il considère justifié de reconnaître à l’assurée un statut mixte (50% active et 50% ménagère), puisqu’il ressort des pièces du dossier que l’intéressée exerçait une activité lucrative à hauteur de 20h30 hebdomadaires depuis 2006 et qu’aucun élément ne permet de retenir qu’elle souffrait d’une atteinte incapacitante lorsqu’elle a réduit son taux d'activité.

Pour le surplus, l’intimé soutient que l'expertise du SMEX doit se voir reconnaître pleine valeur probante. S'agissant du caractère non invalidant de la fibromyalgie retenu par l'expert rhumatologue, il argue que les médecins traitants de la recourant se sont positionnés de manière similaire. L'expert rhumatologue a relevé les plaintes de la recourante concernant les douleurs diffuses et peu caractérisées et rapporté un quotidien majoritairement préservé. En l'absence de limitations uniformes et vu la gravité légère des troubles sur le plan rhumatologique, il a retenu une fibromyalgie sans impact sur la capacité de travail. Sur le plan psychiatrique, la recourante n'a plus de suivi depuis des années. L'expert psychiatre a relevé une certaine incohérence avec les observations cliniques, les ressources et les activités quotidiennes. Le rapport du Dr P______ ne permet pas de remettre en cause l'appréciation des experts, puisqu'il renvoie explicitement au volet psychiatrique et ne se prononce pas sur la capacité de travail de la recourante.

Quant aux observations des EPI, elles ne permettent pas non plus de revenir sur les constatations médicales.

c. Le 14 mars 2024, la recourante a répliqué, en persistant dans ses conclusions.

À l'appui de son écriture, elle produit des extraits de fiches de salaire pour les mois de janvier à juillet 2001 et janvier à décembre 2011, des extraits de fiches de salaires pour les mois de janvier à juin 2022, une attestation du 16 février 2024 de son employeur et une photographie d'un document concernant les trois immeubles dont elle assurait la conciergerie.

d. Le 15 avril 2024, l'intimé a à son tour persisté dans ses conclusions.

e. Les autres faits seront repris – en tant que de besoin – dans la partie « en droit » du présent arrêt.

 

EN DROIT

 

1.              

1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

1.2 Interjeté dans la forme (art. 61 let. b LPGA [applicable par le renvoi de l'art. 1 al. 1 LAI]) et le délai de 30 jours (art. 56 et 60 al. 1 LPGA) prévus par la loi, le recours est recevable.

2.             Le litige porte sur le statut à reconnaître à la recourante, sur le taux de la rente d'invalidité à lui octroyer, ainsi que sur son droit au versement d’une rente au-delà du 31 juillet 2021.

3.              

3.1 Le 1er janvier 2022, les modifications de la LAI du 19 juin 2020 (développement continu de l’AI ; RO 2021 705), y compris les ordonnances correspondantes, sont entrées en vigueur. Dans le cadre de cette révision, l'art. 17 LPGA a notamment été adapté.

En l’absence de disposition transitoire spéciale, ce sont les principes généraux de droit intertemporel qui prévalent, à savoir l’application du droit en vigueur lorsque les faits déterminants se sont produits (cf. ATF 144 V 210 consid. 4.3.1 et la référence). Lors de l’examen d’une demande d’octroi de rente d’invalidité, est déterminant le moment de la naissance du droit éventuel à la rente. Si cette date est antérieure au 1er janvier 2022, la situation demeure régie par les anciennes dispositions légales et réglementaires en vigueur jusqu’au 31 décembre 2021. Si elle est postérieure au 31 décembre 2021, le nouveau droit s’applique (cf. arrêt du Tribunal fédéral 9C_60/2023 du 20 juillet 2023 consid. 2.2 et les références).

Dans les cas de révision selon l'art. 17 LPGA, conformément aux principes généraux du droit intertemporel (cf. ATF 144 V 210 consid. 4.3.1), il convient d’évaluer, selon la situation juridique en vigueur jusqu’au 31 décembre 2021, si une modification déterminante est intervenue jusqu’à cette date. Si tel est le cas, les dispositions de la LAI et celles du RAI dans leur version valable jusqu'au 31 décembre 2021 sont applicables. Si la modification déterminante est intervenue après cette date, les dispositions de la LAI et du RAI dans leur version en vigueur à partir du 1er janvier 2022 sont applicables. La date pertinente de la modification est déterminée par l'art. 88a RAI (arrêts du Tribunal fédéral 8C_55/2023 du 11 juillet 2023 consid. 2.2 ; 8C_644/2022 du 8 février 2023 consid. 2.2.3).

Si un droit à la rente a pris naissance jusqu’au 31 décembre 2021, un éventuel passage au nouveau système de rentes linéaire s'effectue, selon l'âge du bénéficiaire de rente, conformément aux let. b et c des dispositions transitoires de la LAI relatives à la modification du 19 juin 2020. Selon la let. b al. 1, les bénéficiaires de rente dont le droit à la rente a pris naissance avant l'entrée en vigueur de cette modification et qui, à l'entrée en vigueur de la modification, ont certes 30 ans révolus, mais pas encore 55 ans, conservent la quotité de la rente tant que leur taux d'invalidité ne subit pas de modification au sens de l'art. 17 al. 1 LPGA (cf. arrêt du Tribunal fédéral 9C _499/2022 du 29 juin 2023 consid. 4.1).

3.2 En l’occurrence, le litige porte sur la quotité de la rente d'invalidité dont il n'est pas contesté que le droit est né antérieurement au 1er janvier 2022.

Dans la mesure où la recourante avait, au 1er janvier 2022, 30 ans révolus mais moins de 55 ans, la quotité de sa rente subsistera tant que son taux d'invalidité ne subit pas de modification au sens de l'art. 17 al. 1 LPGA. Si une modification déterminante du taux d'invalidité se produit après le 31 décembre 2021, les dispositions de la LAI et du RAI dans leur version en vigueur à partir du 1er janvier 2022 sont applicables. Toutefois, cette question peut demeurer en l'occurrence indécise au vu du sort réservé au recours. À toute fin utile, il sera relevé que les bases légales citées ci-dessous n'ont pas subi de changements lors des modifications de la LAI du 19 juin 2020.

4.              

4.1 Selon la jurisprudence, une décision par laquelle l'assurance-invalidité accorde une rente d'invalidité avec effet rétroactif et, en même temps, prévoit l'augmentation, la réduction ou la suppression de cette rente, correspond à une décision de révision au sens de l’art. 17 LPGA, applicable par analogie (ATF 148 V 321 consid. 7.3.1 ; 133 V 263 consid. 6.1).

Selon l'art. 17 al. 1 LPGA, la rente d’invalidité est, d’office ou sur demande, révisée pour l’avenir, à savoir augmentée, réduite ou supprimée, lorsque le taux d’invalidité de l’assuré : subit une modification d’au moins 5 points de pourcentage (let. a) ou atteint 100% (let. b).

Aux termes de l'art. 88a al. 1 RAI, si la capacité de gain ou la capacité d’accomplir les travaux habituels de l’assuré s’améliore ou que son impotence ou encore le besoin de soins ou le besoin d’aide découlant de son invalidité s’atténue, ce changement n’est déterminant pour la suppression de tout ou partie du droit aux prestations qu’à partir du moment où on peut s’attendre à ce que l’amélioration constatée se maintienne durant une assez longue période. Il en va de même lorsqu’un tel changement déterminant a duré trois mois déjà, sans interruption notable et sans qu’une complication prochaine soit à craindre.

Tout changement important des circonstances propre à influencer le degré d’invalidité, et donc le droit à la rente, peut motiver une révision selon l’art. 17 LPGA (ATF 149 V 91 consid. 7.5 et les références). La rente peut être révisée non seulement en cas de modification sensible de l’état de santé, mais aussi lorsque celui-ci est resté en soi le même, mais que ses conséquences sur la capacité de gain ont subi un changement important (ATF 147 V 167 consid. 4.1 et les références).

4.2 Est réputée invalidité, l'incapacité de gain totale ou partielle présumée permanente ou de longue durée, résultant d'une infirmité congénitale, d'une maladie ou d'un accident (art. 8 al. 1 LPGA et 4 al. 1 LAI). Selon l’art. 7 LPGA, est réputée incapacité de gain toute diminution de l'ensemble ou d'une partie des possibilités de gain de l'assuré sur le marché du travail équilibré qui entre en considération, si cette diminution résulte d'une atteinte à la santé physique, mentale ou psychique et qu'elle persiste après les traitements et les mesures de réadaptation exigibles (al. 1). Seules les conséquences de l’atteinte à la santé sont prises en compte pour juger de la présence d’une incapacité de gain. De plus, il n’y a incapacité de gain que si celle-ci n’est pas objectivement surmontable (al. 2 en vigueur dès le 1er janvier 2008).

A droit à une rente d’invalidité, l’assuré dont la capacité de gain ou la capacité d’accomplir ses travaux habituels ne peut pas être rétablie, maintenue ou améliorée par des mesures de réadaptation raisonnablement exigibles, qui a présenté une incapacité de travail (art. 6 LPGA) d’au moins 40% en moyenne durant une année sans interruption notable et qui, au terme de cette année, est invalide (art. 8 LPGA) à 40% au moins (art. 28 al. 1 LAI).

Pour évaluer le taux d'invalidité, le revenu que l'assuré aurait pu obtenir s'il n'était pas invalide est comparé avec celui qu'il pourrait obtenir en exerçant l'activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré (art. 16 LPGA et art. 28a al. 1 LAI).

Il y a lieu de préciser que selon la jurisprudence, la notion d'invalidité, au sens du droit des assurances sociales, est une notion économique et non médicale ; ce sont les conséquences économiques objectives de l'incapacité fonctionnelle qu'il importe d'évaluer (ATF 110 V 273 consid. 4a). L’atteinte à la santé n’est donc pas à elle seule déterminante et ne sera prise en considération que dans la mesure où elle entraîne une incapacité de travail ayant des effets sur la capacité de gain de l’assuré (arrêt du Tribunal fédéral I.654/00 du 9 avril 2001 consid. 1).

4.3 Les atteintes à la santé psychique peuvent, comme les atteintes physiques, entraîner une invalidité au sens de l'art. 4 al. 1 LAI en liaison avec l'art. 8 LPGA. On ne considère pas comme des conséquences d'un état psychique maladif, donc pas comme des affections à prendre en charge par l'assurance-invalidité, les diminutions de la capacité de gain que l'assuré pourrait empêcher en faisant preuve de bonne volonté; la mesure de ce qui est exigible doit être déterminée aussi objectivement que possible (ATF 127 V 294 consid. 4c ; 102 V 165 consid. 3.1 ; VSI 2001 p. 223 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral I 786/04 du 19 janvier 2006 consid. 3.1).

La reconnaissance de l’existence d’une atteinte à la santé psychique suppose la présence d’un diagnostic émanent d’un expert (psychiatre) et s’appuyant selon les règles de l’art sur les critères d’un système de classification reconnu, tel le CIM ou le DSM-IV (ATF 143 V 409 consid. 4.5.2 ; 141 V 281 consid. 2.1 et 2.1.1 ; 130 V 396 consid. 5.3 et 6).

4.3.1 Dans un arrêt portant sur les troubles somatoformes douloureux (ATF 141 V 281), le Tribunal fédéral a retenu que la capacité de travail réellement exigible doit être évaluée dans le cadre d'une procédure d'établissement des faits structurée et sans résultat prédéfini, permettant de mettre en regard les facteurs extérieurs incapacitants d'une part et les ressources de compensation de la personne d'autre part.

Il y a désormais lieu de se fonder sur une grille d'analyse comportant divers indicateurs qui rassemblent les éléments essentiels propres aux troubles de nature psychosomatique (ATF 141 V 281 consid. 4).

 

-          Catégorie « Degré de gravité fonctionnel » (ATF 141 V 281 consid. 4.3),

A.    Complexe « Atteinte à la santé » (consid. 4.3.1)

Expression des éléments pertinents pour le diagnostic (consid. 4.3.1.1), succès du traitement et de la réadaptation ou résistance à cet égard (consid. 4.3.1.2), comorbidités (consid. 4.3.1.3).

B.     Complexe « Personnalité » (diagnostic de la personnalité, ressources personnelles ; consid. 4.3.2) 

C.     Complexe « Contexte social » (consid. 4.3.3)

-          Catégorie « Cohérence » (aspects du comportement ; consid. 4.4) 

Limitation uniforme du niveau d'activité dans tous les domaines comparables de la vie (consid. 4.4.1), poids des souffrances révélé par l'anamnèse établie en vue du traitement et de la réadaptation (consid. 4.4.2).

Les indicateurs appartenant à la catégorie « degré de gravité fonctionnel » forment le socle de base pour l’évaluation des troubles psychiques (ATF 141 V 281 consid. 4.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_618/2019 du 16 mars 2020 consid. 8.2).

4.3.2 La procédure d'administration des preuves qui prévaut en matière de troubles douloureux sans substrat organique et de troubles psychosomatiques analogues est applicable à toutes les maladies psychiques (cf. ATF 143 V 418) et notamment à la fibromyalgie (ATF 132 V 65 consid. 4.1).

Bien que le diagnostic de fibromyalgie soit d'abord le fait d'un spécialiste en rhumatologie, une expertise psychiatrique est en principe nécessaire pour se prononcer sur l'incapacité de travail qu'engendre un tel trouble qui, du point de vue juridique, est similaire aux troubles somatoformes douloureux (douleurs non expliquées par un substrat organique) et doit être traité comme ceux-ci (ATF 132 V 65 consid. 4.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_710/2023 du 28 juin 2024 consid. 6.1). On peut réserver les cas où le médecin rhumatologue est d'emblée en mesure de constater, par des observations médicales concluantes, que les critères déterminants ne sont pas remplis, ou du moins pas d'une manière suffisamment intense, pour conclure à une incapacité de travail (ATF 132 V 65 consid. 4.3).

4.4 Pour pouvoir trancher le droit aux prestations, l'administration ou l'instance de recours a besoin de documents que le médecin ou d'autres spécialistes doivent lui fournir. La tâche du médecin consiste à porter un jugement sur l'état de santé et à indiquer dans quelle mesure et pour quelles activités l'assuré est incapable de travailler. En outre, les données médicales constituent un élément utile pour déterminer quels travaux on peut encore, raisonnablement, exiger de l'assuré (ATF 125 V 256 consid. 4 ; 115 V 133 consid. 2).

4.4.1 Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales, le juge n'est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu'en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l'affaire sans apprécier l'ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L'élément déterminant pour la valeur probante d'un rapport médical n'est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. À cet égard, il convient que les points litigieux importants aient fait l'objet d'une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu'il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l'expert soient bien motivées (ATF 125 V 351 consid. 3a ; 122 V 157 consid. 1c).

4.4.2 Sans remettre en cause le principe de la libre appréciation des preuves, le Tribunal fédéral a posé des lignes directrices en ce qui concerne la manière d'apprécier certains types d'expertises ou de rapports médicaux.

Ainsi, lorsqu'au stade de la procédure administrative, une expertise confiée à un médecin indépendant est établie par un spécialiste reconnu, sur la base d'observations approfondies et d'investigations complètes, ainsi qu’en pleine connaissance du dossier, et que l'expert aboutit à des résultats convaincants, le juge ne saurait les écarter aussi longtemps qu'aucun indice concret ne permet de douter de leur bien- fondé (ATF 125 V 351 consid. 3b/bb).

Le but des expertises multidisciplinaires est de recenser toutes les atteintes à la santé pertinentes et d'intégrer dans un résultat global les restrictions de la capacité de travail qui en découlent. L'évaluation globale et définitive de l'état de santé et de la capacité de travail revêt donc une grande importance lorsqu'elle se fonde sur une discussion consensuelle entre les médecins spécialistes participant à l'expertise. La question de savoir si, et dans quelle mesure, les différents taux liés aux limitations résultant de plusieurs atteintes à la santé s'additionnent, relève d’une appréciation spécifiquement médicale, dont le juge ne s'écarte pas, en principe (ATF 137 V 210 consid. 3.4.2.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_162/2023 du 9 octobre 2023 consid. 2.3 et les références).

Concernant le rapport du SMR, celui-ci a pour fonction d'opérer la synthèse des renseignements médicaux versés au dossier, de prendre position à leur sujet et de prodiguer des recommandations quant à la suite à donner au dossier sur le plan médical. En tant qu'il ne contient aucune observation clinique, il se distingue d'une expertise médicale (art. 44 LPGA) ou d'un examen médical auquel il arrive au SMR de procéder (art. 49 al. 2 RAI ; ATF 142 V 58 consid. 5.1; arrêt du Tribunal fédéral 9C_542/2011 du 26 janvier 2012 consid. 4.1). De tels rapports ne sont cependant pas dénués de toute valeur probante, et il est admissible que l'office intimé, ou la juridiction cantonale, se fonde de manière déterminante sur leur contenu. Il convient toutefois de poser des exigences strictes en matière de preuve ; une expertise devra être ordonnée si des doutes, même faibles, subsistent quant à la fiabilité ou à la pertinence des constatations effectuées par le SMR (ATF 142 V 58 consid. 5 ; 135 V 465 consid. 4.4 et 4.6 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_371/2018 du 16 août 2018 consid. 4.3.1).

En ce qui concerne les rapports établis par les médecins traitants, le juge peut et doit tenir compte du fait que, selon l'expérience, le médecin traitant est généralement enclin, en cas de doute, à prendre parti pour son patient en raison de la relation de confiance qui l'unit à ce dernier. Ainsi, la jurisprudence accorde plus de poids aux constatations faites par un spécialiste qu'à l'appréciation de l'incapacité de travail par le médecin de famille (ATF 125 V 351 consid. 3b/cc et les références).

On ajoutera qu'en cas de divergence d’opinion entre experts et médecins traitants, il n'est pas, de manière générale, nécessaire de mettre en œuvre une nouvelle expertise. La valeur probante des rapports médicaux des uns et des autres doit bien plutôt s'apprécier au regard des critères jurisprudentiels (ATF 125 V 351 consid. 3a) qui permettent de leur reconnaître pleine valeur probante. À cet égard, il convient de rappeler qu'au vu de la divergence consacrée par la jurisprudence entre un mandat thérapeutique et un mandat d'expertise (ATF 124 I 170 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral I 514/06 du 25 mai 2007 consid. 2.2.1, in SVR 2008 IV n° 15 p. 43), on ne saurait remettre en cause une expertise ordonnée par l'administration ou le juge et procéder à de nouvelles investigations du seul fait qu'un ou plusieurs médecins traitants ont une opinion contradictoire. Il n'en va différemment que si ces médecins traitants font état d'éléments objectivement vérifiables ayant été ignorés dans le cadre de l'expertise et qui sont suffisamment pertinents pour remettre en cause les conclusions de l'expert (arrêt du Tribunal fédéral 9C_369/2008 du 5 mars 2009 consid. 2.2).

Enfin, les constatations médicales peuvent être complétées par des renseignements d’ordre professionnel, par exemple au terme d’un stage dans un centre d’observation professionnel de l’assurance-invalidité, en vue d’établir concrètement dans quelle mesure l’assuré est à même de mettre en valeur une capacité de travail et de gain sur le marché du travail. Il appartient alors au médecin de décrire les activités que l’on peut encore raisonnablement attendre de l’assuré compte tenu de ses atteintes à la santé (influence de ces atteintes sur sa capacité à travailler en position debout et à se déplacer ; nécessité d’aménager des pauses ou de réduire le temps de travail en raison d’une moindre résistance à la fatigue, par exemple), en exposant les motifs qui le conduisent à retenir telle ou telle limitation de la capacité de travail. En revanche, il revient au conseiller en réadaptation, non au médecin, d’indiquer quelles sont les activités professionnelles concrètes entrant en considération sur la base des renseignements médicaux et compte tenu des aptitudes résiduelles de l’assuré. Dans ce contexte, l’expert médical et le conseiller en matière professionnelle sont tenus d’exercer leurs tâches de manière complémentaire, en collaboration étroite et réciproque (ATF 107 V 17 consid. 2b ; SVR 2006 IV n° 10 p. 39).

En cas d’appréciation divergente entre les organes d’observation professionnelle et les données médicales, l’avis dûment motivé d’un médecin prime pour déterminer la capacité de travail raisonnablement exigible de l’assuré (arrêt du Tribunal fédéral 9C_486/2022 du 17 août 2023 consid. 6.5 et la référence). En effet, les données médicales permettent généralement une appréciation plus objective du cas et l’emportent, en principe, sur les constatations y compris d’ordre médical qui peuvent être faites à l’occasion d’un stage d’observation professionnelle, qui sont susceptibles d’être influencées par des éléments subjectifs liés au comportement de l’assuré pendant le stage (arrêt du Tribunal fédéral 9C_87/2022 du 8 juillet 2022 consid. 6.2.1 et les références). Au regard de la collaboration, étroite, réciproque et complémentaire selon la jurisprudence, entre les médecins et les organes d’observation professionnelle (cf. ATF 107 V 17 consid. 2b), on ne saurait toutefois dénier toute valeur aux renseignements d’ordre professionnel recueillis à l’occasion d’un stage pratique pour apprécier la capacité résiduelle de travail de l’assuré en cause. Au contraire, dans les cas où l’appréciation d’observation professionnelle diverge sensiblement de l’appréciation médicale, il incombe à l’administration, respectivement au juge – conformément au principe de la libre appréciation des preuves – de confronter les deux évaluations et, au besoin de requérir un complément d’instruction (arrêt du Tribunal fédéral 9C_1035/2009 du 22 juin 2010 consid. 4.1, in SVR 2011 IV n° 6 p. 17 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_833/2007 du 4 juillet 2008, in Plädoyer 2009/1 p. 70 ; arrêt du Tribunal fédéral I 35/03 du 24 octobre 2003 consid. 4.3 et les références, in Plädoyer 2004/3 p. 64 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_512/2013 du 16 janvier 2014 consid. 5.2.1).

4.5 Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 ; 126 V 353 consid. 5b ; 125 V 193 consid. 2). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 126 V 319 consid. 5a).

Conformément au principe inquisitoire qui régit la procédure dans le domaine des assurances sociales, le juge des assurances sociales doit procéder à des investigations supplémentaires ou en ordonner lorsqu’il y a suffisamment de raisons pour le faire, eu égard aux griefs invoqués par les parties ou aux indices résultant du dossier. Il ne peut ignorer des griefs pertinents invoqués par les parties pour la simple raison qu’ils n’auraient pas été prouvés (VSI 5/1994 220 consid. 4a). En particulier, il doit mettre en œuvre une expertise lorsqu’il apparaît nécessaire de clarifier les aspects médicaux du cas (ATF 117 V 282 consid. 4a ; RAMA 1985 p. 240 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral I 751/03 du 19 mars 2004 consid. 3.3). Lorsque le juge des assurances sociales constate qu’une instruction est nécessaire, il doit en principe mettre lui-même en œuvre une expertise lorsqu’il considère que l’état de fait médical doit être élucidé par une expertise ou que l’expertise administrative n’a pas de valeur probante (ATF 137 V 210 consid. 4.4.1.3 et 4.4.1.4). Un renvoi à l’administration reste possible, notamment quand il est fondé uniquement sur une question restée complètement non instruite jusqu’ici, lorsqu’il s’agit de préciser un point de l’expertise ordonnée par l’administration ou de demander un complément à l’expert (ATF 137 V 210 consid. 4.4.1.3 et 4.4.1.4 ; SVR 2010 IV n. 49 p. 151, consid. 3.5 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_760/2011 du 26 janvier 2012 consid. 3).

5.             En l'espèce, en juin 2012, la recourante a déposé une première demande de prestations, en invoquant une fibromyalgie et un état dépressif sévère, ainsi qu’une incapacité de travail depuis décembre 2011. Par décision du 29 novembre 2012, non contestée, l'intimé a nié à l’assurée le droit à toute prestation, l'incapacité de travail ayant duré moins d’une année.

Le 23 août 2019, la recourante a déposé une nouvelle demande de prestations en invoquant, cette fois, des douleurs à l'épaule depuis 2017. Par décision du 16 octobre 2023, l'intimé lui a reconnu le droit à une demi-rente du 1er février 2020 au 31 juillet 2021.

Se fondant sur le rapport d'expertise du 7 juillet 2022 et sur les avis du SMR des 19 juillet 2022 et 25 avril 2023, l'intimé a admis une incapacité totale de travail dans toute activité à compter de novembre 2018, mais considéré que la recourante avait recouvré une pleine capacité dans une activité adaptée en mai 2021. À l'échéance du délai d'attente, en novembre 2019, l'incapacité de gain était partielle et ouvrait droit à une demi-rente. À partir de mai 2021, l'état de santé de la recourante s'étant amélioré au point de lui permettre d’exercer à 100% une activité adaptée, le degré d'invalidité n'était plus suffisant pour ouvrir droit à une rente, ce qui entrainait l’extinction du droit trois mois plus tard.

Il n’est pas contesté par les parties que l’état de santé de l’assurée s’est aggravé, avec l’apparition de nouvelles atteintes, depuis la décision de refus de prestations du 29 novembre 2012, pas plus que n’est contestée l'incapacité totale de la recourante à exercer son activité habituelle depuis le 1er novembre 2018.

Le sont en revanche, le statut reconnu à la recourante – qui affirme que, si sa santé le lui avait permis, elle aurait travaillé à plein temps –, mais aussi sa capacité à exercer une activité adaptée à 100%, plus particulièrement la valeur probante du volet rhumatologique de l'expertise du 7 juillet 2022.

5.1 Il convient par conséquent d’examiner en premier lieu la question de la valeur probante de ladite expertise.

5.1.1 Sur le plan formel, le rapport d'expertise du 7 juillet 2022 répond aux réquisits jurisprudentiels en matière de valeur probante, puisqu’il comporte un résumé du dossier, une anamnèse détaillée, qu’il relaie les plaintes de la recourante, fait état des observations cliniques et contient une discussion du cas.

5.1.2 Sur le fond, dans une appréciation générale, les experts ont retenu les diagnostics invalidants de syndrome lombo-vertébral chronique avec dysbalance musculaire et insuffisance de la sangle abdominale dans le cadre d'une discopathie dégénérative au niveau L4-L5 et L5-S1, de chondropathie rotulienne et d’omalgies droites. Les experts ont admis une totale incapacité à exercer l’activité habituelle depuis le 1er novembre 2018 compte tenu des atteintes rhumatologiques et orthopédiques.

En revanche, ils ont considéré que l’assurée avait recouvré une capacité de travail totale dans une activité adaptée à compter du 23 décembre 2020. Plus précisément, les experts ont expliqué que, d'un point de vue rhumatologique et de médecine interne, la capacité à exercer une activité adaptée avait toujours été de 100%. Du point de vue psychiatrique, elle était de 100% depuis le 1er août 2012. Cela étant, du point de vue orthopédique, elle avait été nulle du 1er novembre 2018 au 23 décembre 2020.

Ils ont ensuite énuméré les différentes limitations fonctionnelles retenues sur les plans rhumatologique et orthopédique.

5.1.3 La Cour de céans constate que le rapport d'expertise comporte des lacunes et des ambiguïtés quant au fond.

5.1.3.1 En premier lieu, force est de constater que la problématique de la fibromyalgie n'a pas été instruite. En effet, l'expert rhumatologue, qui a confirmé le diagnostic de fibromyalgie (avec un score de Wolfe à 24/31), s’est contenté de la qualifier de non invalidante, sans fournir de plus amples explications (cf. rapport d'expertise, p. 75) et ce, alors qu’il était tenu de se prononcer de manière circonstanciée sur la question. L’expertise avait précisément pour objet de clarifier la capacité de travail de l’assurée dans une activité adaptée, suite au rapport du 27 octobre 2021 du Dr D______, concluant à une fibromyalgie invalidante, un état dépressif et un déconditionnement physique. Il convient de souligner que, dans le cadre de son examen clinique, l'expert rhumatologue a pourtant évalué la fibromyalgie à un niveau de sévérité de 8 sur 12, ce qui laisse supposer une certaine intensité de symptômes. Dans ces conditions, une explication quant au caractère non invalidant retenu s'avérait d'autant plus indispensable. L'expert rhumatologue n'a pas non plus discuté les symptômes pourtant retenus dans le cadre de l'entretien clinique et l'anamnèse, à savoir l’importante fatigue et les troubles de la concentration et de la mémoire (cf. rapport d'expertise p. 65). Par conséquent, l'expertise rhumatologique ne permet pas de comprendre pourquoi l’expert a jugé que la fibromyalgie ne s’exprimait pas de manière suffisamment intense pour justifier une incapacité de travail.

La question de l’incidence de la fibromyalgie sur la capacité de travail n'a pas non plus été discutée par l'expert psychiatre. Il est pourtant rappelé que, selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, bien que le diagnostic de fibromyalgie soit d'abord le fait d'un spécialiste en rhumatologie, une expertise psychiatrique est en principe nécessaire pour se prononcer sur l'incapacité de travail qu'engendre un tel trouble (cf. arrêt du Tribunal fédéral 9C_435/2022 du 20 juin 2023 consid. 5.1). Or, l'expert psychiatre n'a nullement pris en considération cette atteinte, et n'a, a fortiori, pas évalué son éventuel caractère invalidant à l'aune des indicateurs définis par la jurisprudence. L'atteinte n'a pas non plus été examinée à titre de comorbidité. Il ressort du rapport de l'expert psychiatre qu'il n'a pas non plus pris en considération le symptôme de fatigue rapporté par la recourante.

Il n'apparaît pas non plus que les experts rhumatologue et psychiatre aient procédé à une analyse concertée de l'éventuel caractère invalidant de la fibromyalgie, alors qu'une telle démarche aurait été souhaitable.

Enfin, contrairement à ce qu'indique l'intimé, les médecins traitants de la recourante ne sont pas positionnés de la même manière que l'expert rhumatologue. On en veut pour démonstration le fait que le Dr D______ a qualifié la fibromyalgie d’invalidante dans son rapport du 27 octobre 2021.

Il ressort de ce qui précède que le caractère invalidant ou non de la fibromyalgie n'a pas du tout été examiné dans le cadre de l'expertise, ce qui constitue une lacune manifeste.

5.1.3.2 D'autres conclusions de l'expertise manquent de clarté ou de motivation.

Ainsi, l’expert rhumatologue, à l'issue de l'examen clinique, mentionne différents diagnostics sans toutefois les reprendre ou les discuter dans son rapport. A la suite de l'examen du rachis, l'expert a conclu à des cervicalgies, des dorsalgies, un syndrome de dysbalance musculaire avec syndrome lombo-vertébral sur discopathies dégénératives. Suite à l'examen du bassin, il a retenu le diagnostic de myogélose de la musculature fessière bilatérale. Après examen des membres supérieurs, il a diagnostiqué, à droite, une probable bursite sous-acromiale résiduelle, une suspicion de capsulite rétractile et une myogélose de la musculature du trapèze, et, à gauche, une myogélose de la musculature du trapèze. À l'examen des coudes, l'expert a noté des épicondyalgies et épitrochléalgies. Après examen des genoux, il a diagnostiqué une chondropathie fémoro-patellaire à droite. Enfin, après une recherche des points fibromyalgiques, il a conclu à une fibromyalgie. Mais en définitive, sans donner d’explication, l’expert n’a retenu qu’un syndrome lombo-vertébral chronique avec dysbalance musculaire et insuffisance de la sangle abdominale dans le cadre d'une discopathie dégénérative au niveau L4-L5 et L5-S1 et une chondropathie rotulienne au titre d’atteintes ayant une incidence sur la capacité de travail. Les autres atteintes observées n'ont fait l’objet d’aucune discussion et l'expert n’a aucunement motivé les raisons qui l’ont conduit à ne retenir en définitive que deux diagnostics invalidants. Cette absence d'explications entre les constatations cliniques et les conclusions diagnostiques rend le rapport peu clair et soulève des doutes importants quant à la portée exacte de l'évaluation médicale.

5.1.4 Au vu de ce qui précède, la Cour de céans considère qu'en raison des lacunes et incohérences relevées dans les volets rhumatologique et psychiatrique, notamment, l'expertise du SMEX du 7 juillet 2022 ne permet pas de déterminer précisément la capacité de travail de la recourante, de sorte qu'elle ne peut pas se voir reconnaître pleine valeur probante.

5.2 En ce qui concerne les rapports du SMR, il convient de rappeler que des exigences strictes doivent être posées en matière de preuve.

5.2.1 Les conclusions du rapport du SMR 19 juillet 2022, en tant qu'elles reprennent presque entièrement celles de l'expertise du 7 juillet 2022 dont la valeur probante n'est pas reconnue, ne sauraient être suivies.

5.2.2 Le 25 avril 2023, le SMR s'est prononcé sur le rapport du Dr Q______ du 27 mars 2023, le psychiatre traitant de la recourante depuis le 11 janvier 2023, concluant à un épisode dépressif moyen avec syndrome somatique (F32.11) et à une fibromyalgie (M79.7) ainsi qu'une « inefficacité de 80% » dans une activité adaptée. Le Dr Q______ indiquait notamment qu'en lien avec la fibromyalgie, la recourante se plaignait de fatigue, de douleurs musculaires migrantes et de douleurs du rachis ; elle évoquait aussi des symptômes cognitifs.

Le SMR a considéré que la fatigue subjective ressentie était principalement inhérente à la fibromyalgie, laquelle avait fait l’objet d’une évaluation par les experts du SMEX. Or, tel n’est pas le cas, comme on l’a vu plus haut.

Ensuite, en retenant que la fatigue subjective ressentie par la recourante serait principalement inhérente à la fibromyalgie, le SMR justifie les doutes quant au caractère non invalidant de celle-ci, puisque cela n’a fait l’objet d’aucune discussion dans l’expertise.

5.2.3 Partant, les avis du SMR se révèlent dénués de force probante.

5.3 Eu égard de ce qui précède, l'intimé ne pouvait se fonder sur l'expertise du 7 juillet 2022 et les avis du SMR des 19 juillet 2022 et 25 avril 2023 pour retenir une capacité de la recourante à exercer à 100% une activité adaptée dès mai 2021.

Compte tenu des imprécisions qui subsistent sur le plan médical, l'instruction du dossier par l'intimé se révèle lacunaire.

Une instruction complémentaire s'avérant nécessaire, la cause est renvoyée à l'intimé pour ce faire. Il lui incombera de recueillir toutes les pièces utiles auprès des médecins traitants, notamment rhumatologue et psychiatre traitants avant de procéder à une nouvelle expertise pluridisciplinaire (rhumatologique, psychiatrique et orthopédique) en veillant à ce que les experts se prononcent en particulier sur le caractère invalidant ou non de la fibromyalgie en appliquant les indicateurs jurisprudentiels. Il reviendra également à l'intimé, dans le cadre de cette instruction, de soumettre le rapport des EPI du 15 février 2023 aux experts afin qu'ils prennent position sur ses conclusions, étant rappelé que ledit rapport faisait état, notamment d'une importante fragilité psychologique. Postérieur au rapport d'expertise du 7 juillet 2022, il mentionnait des symptômes rapidement niés par l’expert psychiatre, tels que la difficulté de l’assurée à maintenir une attention/concentration adéquate, sa mémoire lacunaire et sa fragilité psychologique.

5.4 À ce stade de la procédure, l'examen des critiques de la recourante quant à son statut se révèle prématuré.

6.             En conséquence, le recours est partiellement admis, la décision litigieuse annulée et la cause renvoyée à l'intimé pour instruction complémentaire au sens des considérants et nouvelle décision.

La recourante a droit à des dépens, qui seront fixés à CHF 2'500.- (art. 61 let. g LPGA ; art. 6 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en matière administrative du 30 juillet 1986 [RFPA - E 5 10.03]).

La procédure en matière d'octroi de prestations de l'assurance-invalidité n'étant pas gratuite et au vu du sort du recours, il y a lieu de condamner l'intimé au paiement d'un émolument de CHF 200.- (art. 69 al. 1bis LAI).

***


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L'admet partiellement.

3.        Annule la décision de l'intimé du 16 octobre 2023.

4.        Renvoie la cause à l'intimé pour instruction complémentaire et nouvelle décision au sens des considérants.

5.        Condamne l'intimé à verser à la recourante une indemnité de dépens de CHF 2'500.-.

6.        Met un émolument de CHF 200.- à la charge de l'intimé.

7.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

Diana ZIERI

 

La présidente

 

 

 

Karine STECK

 

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le