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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2894/2023

ATAS/665/2024 du 02.09.2024 ( AI ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/2894/2023 ATAS/665/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 2 septembre 2024

Chambre 6

 

En la cause

 

A______

représenté par APAS-Association pour la permanence de défense des patients et des assurés, mandataire

 

recourant

contre

 

OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE

 

intimé

 


EN FAIT

 

A. a. Monsieur A______ (ci-après : l’assuré), né le ______ 1971, domicilié dans le canton de Genève, de nationalité espagnole, titulaire d’une autorisation d’établissement C, divorcé, père de deux enfants nés en 2001 et 2005, a travaillé depuis le 1er juin 2017 comme chef d’équipe (responsable des installations sportives) pour la ville de B______.

b. Il a présenté une incapacité de travail totale depuis le 12 novembre 2019, attestée par la docteure C______, spécialiste FMH en médecine générale, laquelle le suivait depuis le 5 septembre 2019. La MOBILIERE SUISSE ASSURANCE SA (ci-après : l’assureur perte de gain) a versé des indemnités journalières.

c. Le contrat de travail a pris fin le 30 septembre 2020.

B. a. Le 10 janvier 2020, la docteure D______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, a attesté d’un trouble anxieux et dépressif mixte avec des troubles de la concentration, fatigue, irritabilité, incompatibles avec un travail en équipe.

b. Le 16 janvier 2020, la médecin-conseil de l’assureur perte de gain, la docteure E______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, a estimé que la capacité de travail était de 50% depuis le 2 mars 2020 et de 100% depuis le 16 mars 2020, dans toute activité.

c. Le 29 avril 2020, le docteur F______, médecin au Centre ambulatoire de psychiatrie et psychothérapie intégrée G______ (ci-après : CAPPI G______), spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, - lequel a effectué un suivi du 24 mars au 2 juin 2020 - a attesté d’une incapacité de travail totale ; l’épuisement professionnel avait été le facteur déclencheur d’un épisode dépressif sévère, sans symptômes psychotiques.

d. Le 2 mai 2020, la Dre E______, compte tenu du rapport de la psychiatre traitante, a modifié son appréciation et confirmé une incapacité de travail totale à ce jour et une capacité de travail totale dans toute activité chez un autre employeur dès le 1er juin 2020 à 50% et dès le 15 juillet 2020 à 100%.

e. Le 14 juillet 2020, l’assuré a déposé une demande de prestations d’invalidité. Il a mentionné être suivi au CAPPI G______ par le Dr F______.

f. Le 24 juillet 2020, le Dr F______ a confirmé le diagnostic d’épisode dépressif sévère sans symptômes psychotiques et fait état de limitations fonctionnelles de fatigabilité physique, très faible estime de soi, thymie triste, totalement incapacitantes.

g. Le 4 octobre 2020, la Dre D______ a indiqué un diagnostic de trouble anxieux et dépressif mixte incapacitant à hauteur de 50% et d’un trouble de la personnalité sans précision. L’assuré présentait de la fatigue, des troubles de la concentration et de l’anxiété. Il pouvait reprendre une activité à un taux de 50% dès le 1er novembre 2020.

h. Le 23 décembre 2020, la Dre D______ a attesté d’une évolution très lentement positive. L’assuré présentait d’importants troubles du sommeil, fatigue, troubles de la concentration, perte de l’élan vital, perte de l’estime de lui-même, anxiété avec crises paroxystiques paralysantes. Il était actuellement totalement incapable de travailler.

i. Le 23 mars 2021, la Dre D______ a attesté de fluctuations thymiques anxieuses, avec des troubles de la concentration, de la fatigue et des crises d’angoisse. L’assuré pourrait reprendre très progressivement une activité à temps partiel, dans le contexte d’une réinsertion professionnelle.

j. Les 28 janvier et 19 avril 2022, la Dre D______ a attesté d’une symptomatologie anxieuse et dépressive, avec des fluctuations. L’assuré présentait des troubles de la concentration, de la fatigue, un ralentissement psychomoteur et des crises d’angoisse. Il pourrait reprendre une activité partielle dans le cadre d’une réinsertion professionnelle, d’abord à un taux de 25%, lequel pourrait être augmenté progressivement.

k. Le 19 décembre 2022, la Dre D______ a répondu à une demande de renseignements de la part du service médical régional de l’assurance-invalidité (ci‑après : SMR).

L’assuré présentait des fluctuations thymiques et anxieuses et une symptomatologie dépressive (perte de l’élan vital, anhédonie, perte d’estime, de sens, peur de l’avenir, idées noires fluctuantes, anxiété, troubles du sommeil et de la concentration). Dès janvier 2023, il pourrait bénéficier d’une réinsertion, à un taux partiel, augmenté progressivement. Il bénéficiait de soins de psychothérapie et d’un traitement médicamenteux. L’année 2022 avait été difficile.

l. Le 19 janvier 2023, le SMR a estimé que la sévérité de l’atteinte n’était pas claire et proposé l’ordonnance d’une expertise psychiatrique.

m. A la demande l’office de l’assurance-invalidité (ci-après : OAI), le docteur H______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, a rendu le 12 mai 2023 un rapport d’expertise, posant les diagnostics de troubles anxieux et dépressifs mixtes depuis novembre 2019 et traits mixtes de la personnalité émotionnellement labile de type impulsif et anxieux, actuellement non décompensés, non incapacitants. Il n’y avait pas de limitations fonctionnelles objectivables. L’évolution était globalement stationnaire depuis novembre 2019. Les indices jurisprudentiels de gravité n’étaient pas remplis depuis novembre 2019 jusqu’à présent. La capacité de travail était totale depuis novembre 2019.

n. Le 22 mai 2023, le SMR a suivi les conclusions de l’expert H______ et estimé que la capacité de travail était de 100%, sans diagnostic incapacitant.

o. Par projet de décision du 2 juin 2023, l’OAI a rejeté la demande de prestations, au motif que l’assuré ne présentait pas d’atteinte à la santé invalidante.

p. Le 30 juin 2023, l’assuré s’est opposé au projet de décision, en faisant valoir que l’angoisse l’empêchait de reprendre une activité professionnelle. Il a communiqué un rapport du 1er juillet 2023 de la Dre D______, attestant d’une symptomatologie dépressive et anxieuse, de symptômes de déréalisation, de manque d’élan vital, de perte totale de l’estime de lui, de troubles du sommeil importants et d’idées noires fluctuantes. Il était totalement incapable de travailler. En avril 2021, il avait cru pouvoir rechercher un emploi et s’était inscrit au chômage. Il s’était effondré psychologiquement en septembre 2021 et son frère l’avait hébergé en raison de crainte de risque suicidaire. Il avait mal vécu l’expertise auprès du Dr H______ qui avait été parfois agressif et l’avait accusé de mentir. L’expert n’utilisait pas les résultats de l’échelle de Beck montrant la dépression sévère et déduisait de ses seules capacités ménagères qu’il pouvait travailler.

q. Le 9 juillet 2023, le SMR a estimé que le rapport de la Dre D______ était une appréciation différente d’une situation similaire à celle prévalant au jour de l’expertise.

r. Par décision du 12 juillet 2023, l’OAI a rejeté la demande de prestations.

C. a. Le 11 septembre 2023, l’assuré a recouru à l’encontre de la décision précitée auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice, en faisant valoir qu’il présentait une souffrance et une impuissance chaque jour plus difficiles à surmonter, sans sens à son existence. Il sollicitait l’aide de l’OAI.

b. Le 9 octobre 2023, l’OAI a conclu au rejet du recours, en relevant que l’expertise psychiatrique était probante.

c. Le 26 décembre 2023, l’assuré, représenté par l’APAS-Association pour la permanence de défense des patients et des assurés, a contesté la valeur probante de l’expertise psychiatrique, en relevant que le Dr H______ ne s’était fondé que sur le test de MADRS, alors que le test de Beck montrait une dépression sévère. Il présentait des symptômes compatibles avec un épuisement professionnel, ce qui aurait dû justifier un examen neuropsychologique. Il a conclu à l’annulation de la décision litigieuse et à l’octroi d’une rente d’invalidité.

d. Le 29 février 2024, le recourant a indiqué qu’il n’avait pas pu obtenir le rapport de la Dre D______ pour lequel plusieurs délais lui avaient été octroyés et qu’il sollicitait une audience de comparution personnelle.

e. Le 18 mars 2024, la chambre de céans a entendu les parties en audience de comparution personnelle.

Le recourant a déclaré que l’expertise auprès du Dr H______ s’était très mal passée, que l’expert l’avait traité de menteur, avait été agressif et mettait en doute ce qu’il lui expliquait. Il a sollicité un test neuropsychologique.

f. Le 25 mars 2024, le recourant a communiqué un rapport succinct de la Dre D______ du 19 février 2024, attestant d’un suivi tous les 15 jours et d’un trouble anxieux et dépressif mixte compatible avec un syndrome d’épuisement professionnel.

g. Par ordonnance du 23 avril 2024, la chambre de céans a confié une mission d'expertise au docteur I______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie.

h. Le 15 juin 2024, l’expert I______ a rendu son rapport d’expertise. Il a posé les diagnostics de trouble dépressif caractérisé, épisode récurrent moyen, trouble panique, agoraphobie, trouble de l’usage de tabac léger, traits de personnalité limite décompensés et autres modifications durables de la personnalité. La capacité de travail était nulle depuis le 12 novembre 2019.

i. Le 22 juillet 2024, le recourant a estimé que le rapport d’expertise judiciaire était probant et a conclu à l’octroi d’une rente entière d’invalidité dès le 1er décembre 2020.

j. Le 13 août 2024, le SMR a considéré que les conclusions de l’expert I______ ne pouvaient pas être suivies.

k. Le 19 août 2024, l’OAI a persisté dans ses conclusions, en se ralliant à l’avis du SMR précité.

 

EN DROIT

1.              

1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

1.2 Interjeté en temps utile, le recours est recevable (art. 60. LPGA).

2.             Le litige porte sur le droit du recourant à une rente d’invalidité, singulièrement sur l’évaluation de sa capacité de travail.

3.             Le 1er janvier 2022, sont entrées en vigueur les modifications de la LAI du 19 juin 2020 (développement continu de l’AI ; RO 2021 705).

En cas de changement de règles de droit, la législation applicable est, en principe, celle qui était en vigueur lors de la réalisation de l'état de fait qui doit être apprécié juridiquement ou qui a des conséquences juridiques, sous réserve de dispositions particulières de droit transitoire (ATF 136 V 24 consid. 4.3 et la référence).

En l’occurrence, un éventuel droit à une rente d’invalidité naitrait antérieurement au 1er janvier 2022, l’incapacité de travail invoquée débutant en novembre 2019 et la demande de prestations ayant été déposée en 2020, de sorte que les dispositions légales applicables seront citées dans leur ancienne teneur.

3.1 Est réputée invalidité, l'incapacité de gain totale ou partielle présumée permanente ou de longue durée, résultant d'une infirmité congénitale, d'une maladie ou d'un accident (art. 8 al. 1 LPGA et 4 al. 1 LAI). Selon l’art. 7 LPGA, est réputée incapacité de gain toute diminution de l'ensemble ou d'une partie des possibilités de gain de l'assuré sur le marché du travail équilibré qui entre en considération, si cette diminution résulte d'une atteinte à la santé physique, mentale ou psychique et qu'elle persiste après les traitements et les mesures de réadaptation exigibles (al. 1). Seules les conséquences de l’atteinte à la santé sont prises en compte pour juger de la présence d’une incapacité de gain. De plus, il n’y a incapacité de gain que si celle-ci n’est pas objectivement surmontable (al. 2 en vigueur dès le 1er janvier 2008).

En vertu de l’art. 28 al. 2 LAI, l’assuré a droit à une rente entière s’il est invalide à 70% au moins, à un trois quarts de rente s'il est invalide à 60% au moins, à une demi-rente s’il est invalide à 50% au moins, ou à un quart de rente s’il est invalide à 40% au moins.

Pour évaluer le taux d'invalidité, le revenu que l'assuré aurait pu obtenir s'il n'était pas invalide est comparé avec celui qu'il pourrait obtenir en exerçant l'activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré (art. 16 LPGA et art. 28 al. 2 LAI

3.2 Les atteintes à la santé psychique peuvent, comme les atteintes physiques, entraîner une invalidité au sens de l'art. 4 al. 1 LAI en liaison avec l'art. 8 LPGA. On ne considère pas comme des conséquences d'un état psychique maladif, donc pas comme des affections à prendre en charge par l'assurance-invalidité, les diminutions de la capacité de gain que l'assuré pourrait empêcher en faisant preuve de bonne volonté; la mesure de ce qui est exigible doit être déterminée aussi objectivement que possible (ATF 127 V 294 consid. 4c ; 102 V 165 consid. 3.1 ; VSI 2001 p. 223 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 786/04 du 19 janvier 2006 consid. 3.1).

La reconnaissance de l’existence d’une atteinte à la santé psychique suppose la présence d’un diagnostic émanent d’un expert (psychiatre) et s’appuyant selon les règles de l’art sur les critères d’un système de classification reconnu, tel le CIM ou le DSM-IV (ATF 143 V 409 consid. 4.5.2 ; 141 V 281 consid. 2.1 et 2.1.1 ; 130 V 396 consid. 5.3 et 6).

Selon la jurisprudence, en cas de troubles psychiques, la capacité de travail réellement exigible doit être évaluée dans le cadre d'une procédure d'établissement des faits structurée et sans résultat prédéfini, permettant d'évaluer globalement, sur une base individuelle, les capacités fonctionnelles effectives de la personne concernée, en tenant compte, d'une part, des facteurs contraignants extérieurs incapacitants et, d'autre part, des potentiels de compensation (ressources) (ATF 141 V 281 consid. 3.6 et 4). L'accent doit ainsi être mis sur les ressources qui peuvent compenser le poids de la douleur et favoriser la capacité d'exécuter une tâche ou une action (arrêt du Tribunal fédéral 9C_111/2016 du 19 juillet 2016 consid. 7 et la référence). 

Il y a lieu de se fonder sur une grille d’analyse comportant divers indicateurs qui rassemblent les éléments essentiels propres aux troubles de nature psychosomatique (ATF 141 V 281 consid. 4).

-     Catégorie « Degré de gravité fonctionnel » (ATF 141 V 281 consid. 4.3),

A.  Complexe « Atteinte à la santé » (consid. 4.3.1)

Expression des éléments pertinents pour le diagnostic (consid. 4.3.1.1), succès du traitement et de la réadaptation ou résistance à cet égard (consid. 4.3.1.2), comorbidités (consid. 4.3.1.3).

B.  Complexe « Personnalité » (diagnostic de la personnalité, ressources personnelles; consid. 4.3.2) 

C.  Complexe « Contexte social » (consid. 4.3.3)

-     Catégorie « Cohérence » (aspects du comportement; consid. 4.4) 

Limitation uniforme du niveau d'activité dans tous les domaines comparables de la vie (consid. 4.4.1), poids des souffrances révélé par l'anamnèse établie en vue du traitement et de la réadaptation (consid. 4.4.2).

Les indicateurs appartenant à la catégorie « degré de gravité fonctionnel » forment le socle de base pour l’évaluation des troubles psychiques (ATF 141 V 281 consid. 4.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_618/2019 du 16 mars 2020 consid. 8.2).

3.3 Pour pouvoir calculer le degré d'invalidité, l'administration (ou le juge, s'il y a eu un recours) a besoin de documents que le médecin, éventuellement aussi d'autres spécialistes, doivent lui fournir (ATF 122 V 157 consid. 1b). Pour apprécier le droit aux prestations d’assurances sociales, il y a lieu de se baser sur des éléments médicaux fiables (ATF 134 V 231 consid 5.1). La tâche du médecin consiste à porter un jugement sur l'état de santé et à indiquer dans quelle mesure et pour quelles activités l'assuré est incapable de travailler. Dans le cas des maladies psychiques, les indicateurs sont importants pour évaluer la capacité de travail, qui - en tenant compte des facteurs incapacitants externes d’une part et du potentiel de compensation (ressources) d’autre part -, permettent d’estimer la capacité de travail réellement réalisable (cf. arrêt du Tribunal fédéral 8C_286/2020 du 6 août 2020 consid. 4 et la référence).

Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales (art. 61 let. c LPGA), le juge n'est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu'en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l'affaire sans apprécier l'ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L'élément déterminant pour la valeur probante d'un rapport médical n'est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. À cet égard, il importe que les points litigieux importants aient fait l'objet d'une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu'il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l'expert soient bien motivées (ATF 134 V 231 consid. 5.1 ; 133 V 450 consid. 11.1.3 ; 125 V 351 consid. 3). Il faut en outre que le médecin dispose de la formation spécialisée nécessaire et de compétences professionnelles dans le domaine d’investigation (arrêt du Tribunal fédéral 9C_555/2017 du 22 novembre 2017 consid. 3.1 et les références).

Sans remettre en cause le principe de la libre appréciation des preuves, le Tribunal fédéral des assurances a posé des lignes directrices en ce qui concerne la manière d'apprécier certains types d'expertises ou de rapports médicaux.

3.3.1 Le juge ne s'écarte pas sans motifs impératifs des conclusions d'une expertise médicale judiciaire, la tâche de l'expert étant précisément de mettre ses connaissances spéciales à la disposition de la justice afin de l'éclairer sur les aspects médicaux d'un état de fait donné. Selon la jurisprudence, peut constituer une raison de s'écarter d'une expertise judiciaire le fait que celle-ci contient des contradictions, ou qu'une surexpertise ordonnée par le tribunal en infirme les conclusions de manière convaincante. En outre, lorsque d'autres spécialistes émettent des opinions contraires aptes à mettre sérieusement en doute la pertinence des déductions de l'expert, on ne peut exclure, selon les cas, une interprétation divergente des conclusions de ce dernier par le juge ou, au besoin, une instruction complémentaire sous la forme d'une nouvelle expertise médicale (ATF 143 V 269 consid. 6.2.3.2 et les références ; 135 V 465 consid. 4.4. et les références ; 125 V 351 consid. 3b/aa et les références).

3.3.2 Un rapport du SMR a pour fonction d'opérer la synthèse des renseignements médicaux versés au dossier, de prendre position à leur sujet et de prodiguer des recommandations quant à la suite à donner au dossier sur le plan médical. En tant qu'il ne contient aucune observation clinique, il se distingue d'une expertise médicale (art. 44 LPGA) ou d'un examen médical auquel il arrive au SMR de procéder (art. 49 al. 2 RAI; ATF 142 V 58 consid. 5.1; arrêt du Tribunal fédéral 9C_542/2011 du 26 janvier 2012 consid. 4.1). De tels rapports ne sont cependant pas dénués de toute valeur probante, et il est admissible que l'office intimé, ou la juridiction cantonale, se fonde de manière déterminante sur leur contenu. Il convient toutefois de poser des exigences strictes en matière de preuve; une expertise devra être ordonnée si des doutes, même faibles, subsistent quant à la fiabilité ou à la pertinence des constatations effectuées par le SMR (ATF 142 V 58 consid. 5 ; 135 V 465 consid. 4.4 et 4.6 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_371/2018 du 16 août 2018 consid. 4.3.1). 

3.4  

3.4.1 Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 126 V 353 consid. 5b et les références ; 125 V 193 consid. 2 et les références ; 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 135 V 39 consid. 6.1 et la référence).

3.4.2 Conformément au principe inquisitoire qui régit la procédure dans le domaine des assurances sociales, le juge des assurances sociales doit procéder à des investigations supplémentaires ou en ordonner lorsqu'il y a suffisamment de raisons pour le faire, eu égard aux griefs invoqués par les parties ou aux indices résultant du dossier. Il ne peut ignorer des griefs pertinents invoqués par les parties pour la simple raison qu'ils n'auraient pas été prouvés (VSI 5/1994 220 consid. 4a). En particulier, il doit mettre en œuvre une expertise lorsqu'il apparaît nécessaire de clarifier les aspects médicaux du cas (ATF 117 V 282 consid. 4a ; RAMA 1985 p. 240 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral I 751/03 du 19 mars 2004 consid. 3.3). Lorsque le juge des assurances sociales constate qu'une instruction est nécessaire, il doit en principe mettre lui-même en œuvre une expertise lorsqu'il considère que l'état de fait médical doit être élucidé par une expertise ou que l'expertise administrative n'a pas de valeur probante (ATF 137 V 210 consid. 4.4.1.3 et 4.4.1.4). Un renvoi à l’administration reste possible, notamment quand il est fondé uniquement sur une question restée complètement non instruite jusqu'ici, lorsqu'il s'agit de préciser un point de l'expertise ordonnée par l'administration ou de demander un complément à l'expert (ATF 137 V 210 consid. 4.4.1.3 et 4.4.1.4 ; SVR 2010 IV n. 49 p. 151, consid. 3.5 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_760/2011 du 26 janvier 2012 consid. 3).

4.             En l’occurrence, l’intimé, pour rendre la décision litigieuse, se fonde sur l’expertise psychiatrique du Dr H______ du 12 mai 2023, laquelle conclut à l’absence de limitations fonctionnelles psychiques et à une capacité de travail totale du recourant depuis novembre 2019.

Ce rapport d’expertise a été contesté par le recourant, lequel a fait valoir l’avis de la Dre D______ du 1er juillet 2023, concluant à son incapacité de travail totale.

4.1 La chambre de céans, constatant que le rapport d’expertise du Dr H______ n’emportait pas la conviction, a ordonné une expertise judiciaire psychiatrique, en relevant ce qui suit :

L’expert H______ n’a pas pris en compte tous les rapports médicaux pertinents. Il ne cite pas correctement ceux, successifs, des 16 janvier et 2 mai 2020 de la Dre E______ en ne notant pas que, dans le premier, un retour au travail partiel au 2 mars 2020 était considéré, alors que dans le second la Dre E______ revoit son point de vue et estime qu’une incapacité de travail totale est justifiée jusqu’au 31 mai 2020, sur la base des explications fournies par la psychiatre traitante. On ne comprend d’ailleurs pas sur quelle base l’expert H______ écarte tout diagnostic psychique incapacitant dès le début de l’arrêt de travail, en novembre 2019, alors même que tous les médecins intervenants et la médecin-conseil de l’assureur perte de gain les admettent. Il se borne (expertise p. 33) à minimiser les diagnostics posés par les Drs D______ et F______, au seul motif que la journée-type décrite par le recourant lors de l’examen clinique de mai 2023, soit trois ans et demi après le début de l’incapacité de travail totale attestée par les médecins-traitants, témoigne d’une discordance avec les diagnostics psychiatriques posés antérieurement. Ce constat ne permet cependant pas d’exclure la présence, dès novembre 2019, des diagnostics psychiatriques posés par les médecins-traitants. De plus, la description de la journée-type sur laquelle se fonde l’expert H______ fait plutôt état d’activités fortement limitées du recourant et d’insomnies importantes. Il dort tard, fait des siestes, essaye de s’activer, d’être un peu réveillé pour passer de bons moments avec son fils (expertise pp. 21-22), de sorte que la discordance évoquée par l’expert H______ n’est pas convaincante.

Par ailleurs, le raisonnement de l’expert H______ est difficile à suivre. Il souligne que les plaintes sont cohérentes et plausibles et en concordance avec l’examen clinique et les tests psychométriques (sauf celui de Beck), qu’il n’y a pas d’incohérences et que le recourant est authentique, sans exagération de ses plaintes psychiques (expertise du Dr H______ pp. 32-33). Or, les plaintes du recourant sont nombreuses et témoignent d’un important mal être. En effet, dans le chapitre « plaintes spontanées » et « sur demande », le recourant déclare présenter un mal-être général, des troubles du sommeil, une fatigue, des angoisses, une tristesse fluctuante, l’impression d’être absent mentalement, d’être dans des couches avec un voilage, de ne pas être au bon endroit, de douleurs diffuses, de difficultés dans la gestion du quotidien et de l’administratif, de difficultés de concentration, de confiance en lui abaissée, d’un appétit fluctuant, d’une absence de libido. Le recourant indique aussi qu'il se ne voit pas rencontrer quelqu’un car il ne voit pas ce qu’il pourrait lui apporter ; il se dévalorise et dit ne pas avoir grand-chose à donner ; il n’a plus d’émotion intense (expertise du Dr H______, p. 15). On peine dès lors à comprendre la logique de l’expert H______ lorsqu’il estime que les plaintes du recourant sont cohérentes et plausibles et qu’elles témoigneraient de l’absence de toute limitation fonctionnelle. En outre, l’expert relève de façon peu compréhensible que le recourant « n’exagère pas volontairement ses activités de la journée-type » (expertise du Dr H______ p. 32). Or, on peine également à comprendre le sens de cette phrase. Enfin, l’échelle de Beck, qui évalue la gravité subjective des symptômes dépressifs, témoigne d’une dépression sévère, laquelle n’est pas véritablement discutée par l’expert H______.

4.2 Le rapport d’expertise judiciaire du Dr I______, fondé sur toutes les pièces du dossier, comprenant une anamnèse détaillée, personnelle, familiale, professionnelle et actuelle, la description des plaintes du recourant, des tests notamment d’hétéro et auto évaluations, un status clinique, des constatations objectives, des diagnostics et limitations fonctionnelles clairs avec analyse des indicateurs de gravité ainsi qu’une motivation convaincante de l’évaluation de la capacité de travail, répond aux critères jurisprudentiels précités pour qu’il lui soit reconnu une pleine valeur probante.

Le recourant admet la valeur probante de l’expertise judiciaire, alors que l’intimé la conteste, en se fondant sur l’avis du SMR du 13 août 2024.

4.2.1 Le SMR, suivi par l’intimé, reproche à l’expert I______ une instruction lacunaire, dès lors qu’il aurait dû contacter la Dre D______, contact qui aurait permis de déterminer avec souci du détail les périodes durant lesquelles la Dre D______ était intervenue depuis 2019 et l’évaluation de l’état de santé psychique du recourant pendant sa période de chômage.

À cet égard, il convient préalablement de relever que le SMR persiste à considérer l’expertise du Dr H______ comme déterminante, alors même que la chambre de céans l’a écartée pour les motifs précités et que l’expert I______ a également mis en avant plusieurs éléments faisant clairement douter de sa valeur probante. En outre, l’expert H______ n’a pas contacté la Dre D______, pas plus que les Drs C______, F______ et la Dre E______, médecin-conseil de l’assureur perte de gain, ce que le SMR ne lui reproche curieusement pas, alors même qu’il s’est écarté de l’appréciation de tous ces médecins sans aucune motivation. À cet égard, l’expert H______ se borne à mentionner que des informations n’ont pas été requises auprès de tiers car il confirme les diagnostics de la psychiatre-traitante. Or, son évaluation de la gravité des diagnostics diverge totalement de celle effectuée par la Dre D______, puisque celle-ci a mentionné une capacité de travail nulle du recourant du 6 décembre 2019 au 31 octobre 2020, puis indiqué qu’il pourrait reprendre une activité à 50% dès le 1er novembre 2020, capacité jugée déjà nulle le 23 décembre 2020 (avis des 4 octobre et 23 décembre 2020), et confirmée par la suite (avis des 23 mars 2021, 28 janvier 2022, 14 avril 2022 et 19 décembre 2022), sous réserve d’une réinsertion professionnelle qu’il pourrait tenter à un taux partiel. Quant à la Dre C______, elle a attesté du début de l’incapacité totale de travail du 12 novembre au 5 décembre 2019 et le Dr F______ a confirmé une incapacité de travail totale du recourant pendant son suivi, du 1er avril 2020 au 24 juillet 2020, avec la mention qu’un retour au travail à 100% serait possible une fois l’épisode dépressif traité (avis du 24 juillet 2020). Enfin, la Dre E______ a admis une incapacité de travail totale du 12 novembre 2019 au 31 mai 2020 (avis du 2 mai 2020).

Dans ces conditions, on peine à comprendre pourquoi le SMR estime l’expertise du Dr I______ lacunaire du point de vue de l’instruction, alors qu’il n’émet aucune critique à l’égard de celle de l’expert H______, pourtant clairement contraire aux avis des médecins traitants et de la médecin-conseil de l’assurance perte de gain maladie.

S’agissant de l’expertise du Dr I______, dès lors qu’il va dans le même sens que les médecins traitants du recourant, une prise de contact avec ceux-ci, notamment avec la Dre D______, ne parait pas déterminante. La critique du SMR à cet égard n’est donc pas pertinente.

4.3 Le SMR estime que l’appréciation de l’expert I______ ne tient pas compte du rapport de la Dre D______ du 4 octobre 2020, lequel attestait d’une capacité de travail du recourant de 50% dès le 1er novembre 2020.

À cet égard, la Dre D______ a rendu un autre rapport médical peu de temps après, soit le 23 décembre 2020, lequel atteste d’une incapacité de travail totale du recourant. Elle précise que depuis son rapport du 4 octobre 2020, le recourant est enfin parvenu à expliquer certains éléments (environnement professionnel) l’ayant conduit à cette décompensation psychique qu’il qualifie de broyage progressif. Elle indique que l’évolution est très lentement positive, ce qu’avait vécu le recourant dans son travail l’avait totalement fait perdre confiance en lui et que la reconstruction allait prendre du temps. L’incapacité de travail était totale et le recourant espérait reprendre une activité après l’amélioration de son état de santé.

Ce rapport de la Dre D______ du 23 décembre 2020, qui mentionne une incapacité de travail totale du recourant depuis sa décompensation psychique, relativise ainsi celui, succinct, non motivé et isolé du 4 octobre 2020 quant à une capacité de travail de 50% dès le 1er novembre 2020, laquelle est d’ailleurs mentionnée au conditionnel par la Dre D______, qui évoque que le recourant pourrait effectuer une reprise progressive de l’activité à un taux maximum de 50%.

Par ailleurs, cette capacité partielle porte, au mieux, sur la période du 1er novembre 2020 au 22 décembre 2020, voire même au 30 novembre 2020, la Dre D______ faisant référence, pour établir son rapport du 23 décembre 2020 (mentionnant une capacité de travail nulle du recourant), aux consultations des 30 novembre, 16 décembre et 22 décembre 2020.

Cette capacité de travail de 50% mentionnée depuis le 1er novembre 2020 correspond par ailleurs à l’expression d’une volonté du recourant, dès le début de son incapacité de travail, de tenter une réinsertion professionnelle, ce qui est corroboré par la volonté ferme de celui-ci de se réinsérer dans le monde du travail plutôt que d’obtenir une rente d’invalidité. Cette volonté est établie par plusieurs documents au dossier, soit la demande de rente auprès d’un État UE/AELE du 22 septembre 2020, dans laquelle le recourant mentionne qu’il ne « veut pas aller à l’AI » mais retrouver un travail (pièce 18 dossier intimé), une note téléphonique du 4 août 2021 de l’intimé selon laquelle la Dre D______ dit que le recourant ne souhaite plus de rente (pièce 36 dossier intimé) et un rapport de la Dre D______ du 1er juillet 2023 qui explique que malgré son état de santé peu compatible avec une recherche d’emploi, le recourant avait décidé, en avril 2021, de s’inscrire au chômage. Enfin, ce rapport du 4 octobre 2020 correspond au moment où le recourant s’est inscrit à l’office régional de placement (ORP), le 1er octobre 2020, espérant pouvoir reprendre une activité.

Le rapport de la Dre D______ du 4 octobre 2020 ne permet ainsi pas de mettre en doute les constatations et conclusions du rapport de l’expert I______, lequel s’appuie, de surcroit, sur les rapports motivés de la Dre D______ antérieurs à celui du 4 octobre 2020 (certificats d’arrêt de travail des 26 novembre 2019, 5 décembre 2019, 11 décembre 2019, 5 janvier 2020 et 20 février 2020 et le rapport du 10 janvier 2020) et postérieurs à celui du 4 octobre 2020 (rapports des 23 décembre 2020, 23 mars 2021, 18 janvier 2022, 14 avril 2022, 19 décembre 2022 et 1er juillet 2023) et qui, tous, font état d’une incapacité de travail totale du recourant, avec une proposition, dès 2022, de tentative de reprise de l’activité professionnelle, très progressive, dans un milieu de travail sans exigence de productivité. Le rapport du 19 décembre 2022 rappelle même que l’incapacité de travail est bien totale depuis décembre 2019. La remarque du SMR, qui estime que la Dre D______ n’a décrit aucune aggravation de l’état de santé psychique du recourant depuis son rapport du 4 octobre 2020 jusqu’à la prise en charge du recourant par le chômage (avis du SMR du 13 août 2024), n’est ainsi pas pertinente.

4.4 Comme il a été exposé ci-avant, l’incapacité de travail totale indiquée par l’expert I______ dès le 12 novembre 2019 est également attestée par la Dre D______ dans ses divers rapports, dont celui du 1er juillet 2023. On peine dès lors à comprendre le SMR lorsqu’il invoque le défaut de fil conducteur de l’expertise du Dr I______ quant à l’évaluation de la capacité de travail du recourant.

4.5 Le SMR relève que le recourant aurait présenté, durant sa période de chômage, soit pendant environ une année, une capacité de travail, dès lors qu’il avait été reconnu apte à l’emploi, qu’il avait fait de multiples postulations et suivi des cours, faits que l’expert I______ avait ignorés.

En premier lieu, il convient de relever qu’une inscription auprès de l’assurance-chômage, même accompagnée de recherches personnelles d’emploi et de suivi de cours, ne saurait, à elle seule, déterminer une capacité de travail, laquelle relève d’une appréciation médicale. Par ailleurs, la Dre D______ a expliqué que le recourant avait décidé de s’inscrire au chômage, alors même que son état de santé était peu compatible avec une recherche d’emploi, ce qui conforte l’avis de l’expert I______, lequel atteste d’une incapacité de travail totale du recourant également durant la période où il a été inscrit à l’assurance-chômage. Ensuite, la Dre D______ explique que suite à son inscription à l’assurance-chômage et aux démarches effectuées, le recourant s’était effondré psychiquement en septembre 2021, avec des idées suicidaires, ce qui permet de conclure au fait que l’activité déployée par le recourant pour retrouver un emploi, durant une année, était au-dessus de ses forces.

L’expert I______ relève d’ailleurs que le recourant s’est inscrit au chômage en pensant pouvoir retrouver du travail mais que malgré ses postulations et des entretiens, cela n’a pas été le cas et que, s’agissant des cours suivis dans le cadre du chômage, le recourant peinait à rester attentif sur la durée, malgré le fait que les cours étaient assez basiques (expertise du Dr I______, p. 35). L’expert I______ résume clairement la situation lorsqu’il dit que « d’une manière paradoxale, c’est la farouche volonté de M. A______ de retrouver son état de santé d’antan et un emploi au plus vite qui ont contribué à l’appréciation erronée de ses ressources adaptatives. Ceci a contribué probablement aux appréciations trop optimistes d’un regain d’une capacité de travail par sa psychiatre qui n’atténue ses expectatives sur ce point qu’en 2022, croyant durant plus de 2 ans que son patient pourra reprendre un emploi. M. A______ qui ne se supportait pas dans son état et s’en est culpabilisé, a aussi par ignorance cessé sa médication antidépressive et s’est privé involontairement d’un support indispensable. Ceci a donné l’impression d’une légèreté du tableau clinique, ce qui est loin d’être le cas ».

Ces éléments permettent de confirmer que l’inscription du recourant à l’assurance-chômage ne fait pas échec au constat de son incapacité de travail totale. Elle témoigne plutôt de la volonté du recourant qui a été la sienne dès 2020 de pouvoir se réinsérer dans le monde du travail et des efforts fournis dans ce sens.

4.6 Le SMR reproche à l’expert I______ de ne pas décrire ce que le recourant serait en mesure de réaliser ou non, ni de fixer la date à laquelle les restrictions fonctionnelles qu’il cite existent.

S’agissant des limitations fonctionnelles, l’expert I______ a retenu une tristesse persistante, une perte de l’élan vital, de la motivation, de la capacité à se projeter dans l’avenir, une perte de la confiance en soi, une autodépréciation, un sentiment d’inutilité, une culpabilité morbide, des ruminations constantes et épuisantes, un sommeil non réparateur et déréglé, une fatigue et fatigabilité, une anxiété majeure, paroxystique et de base, psychique et neurovégétative, une agoraphobie limitant l’exposition à la foule, présente dans de nombreuses situations du quotidien, des limitations dans les interactions sociales, un sentiment d’être jugé et rejeté, une fragilisation majeure de la personnalité face à des facteurs de stress affectif mineurs, un risque significatif de rechute sur le plan psychique en cas d’exposition à un stress professionnel, même faible, si un encadrement valable n’est pas mis en place auprès d’un employeur attentif au profil de l’assuré et l’existence d’une symptomatologie dissociative (indice supplémentaire de gravité par rapport à l’atteinte dépressive-anxieuse dont il faut tenir compte). Les diagnostics sont ceux de trouble dépressif caractérisé, épisode récurrent moyen, de trouble panique, d’agoraphobie, de trouble de l’usage du tabac léger, de traits de personnalité limite, décompensés et d’autres modifications durables de la personnalité.

L’expert I______ retient une capacité de travail nulle dans toute activité depuis le 12 novembre 2019, en raison des limitations fonctionnelles précitées, ce qui est une motivation suffisante. Il a expliqué de façon convaincante que le recourant avait présenté deux décompensations psychiques majeures, en 2015 (contexte du divorce et décès du père) et en 2019 (contexte de la perte affective du fils et contexte professionnel délétère). L’épisode morbide durait depuis bientôt cinq ans et avait conduit à des altérations majeures dans le fonctionnement du recourant, de sa vision de lui-même, de ses interactions sociales, de la suite de son avenir et de tous les éléments de son quotidien, d’un homme actif et dynamique, meneur d’hommes, chef d’équipe, sociable, jovial, de bonne compagnie, motivant, riche en idées et projets, grand sportif, il s’est transformé en une personne vivant repliée sur elle-même, craignant le regard des autres, évitant la foule et de nombreuses situations en dehors du foyer, sans énergie vitale, sans ambition, en rumination permanente sur ses fautes et insuffisances. Les diagnostics interagissaient et s’amplifiaient mutuellement. Ainsi, la décompensation de la personnalité constituait un terrain qui favorisait les troubles dépressifs-anxieux. En même temps, l’état dépressif chronique et son côté dysfonctionnel influençait à son tour la personnalité, jusqu’à l’identité personnelle et la capacité à mobiliser ses ressources.

L’analyse des indicateurs de gravité confirmait le caractère incapacitant des diagnostics retenus. Il n’y avait pas d’exagération, les plaintes étaient objectivées, le tableau cohérent, sans discordance entre les plaintes et le comportement du recourant. L’activité sociale était limitée, avec la présence d’un état oisif de survie. Le comportement était cohérent, le recourant était authentique, motivé pour des soins, sans recherche d’un bénéfice secondaire, motivé pour suivre un traitement médicamenteux, n’ayant jusqu’ici pas compris l’importance de sa régularité et ne se reconnaissant pas dans son état morbide, il ne voyait pas les bénéfices du traitement.

La motivation de l’expert I______ quant au caractère incapacitant des diagnostics qu’il retient est ainsi convaincante.

4.7 Le SMR reproche à l’expert I______ de poser le diagnostic de trouble de personnalité limite décompensé, au motif qu’aucun dysfonctionnement prononcé n’était présent chez le recourant dès l’adolescence. Il s’agissait uniquement de traits de la personnalité, non décompensés.

À cet égard, l’expert I______ n’a pas retenu de trouble de personnalité mais bien des traits de personnalité limite, décompensés. Le recourant a présenté, selon les explications convaincantes de l’expert I______, deux décompensations majeures dans sa vie et c’est l’épisode morbide inscrit dans la durée qui avait conduit à des modifications durables de sa personnalité.

La Dre D______ a d’ailleurs posé le 4 octobre 2020 un diagnostic de trouble de personnalité, sans précision, ce qui appuie le diagnostic de l’expert I______.

Les traits de personnalité limite présents chez le recourant se sont manifestés, selon l’expert I______, lors des décompensations qu’il a décrites, ce qui explique qu’ils n’ont pas été un obstacle ou handicap chez le recourant antérieurement.

4.8 Le SMR reproche à l’expert I______ d’avoir décrit un traitement incomplet.

À cet égard, l’expert I______ a expliqué que le recourant était motivé aux soins et qu’il suivait un traitement psychothérapeutique. S’agissant du traitement médicamenteux, le recourant n’avait pas compris son importance, probablement en raison de ses traits de personnalité limite décompensés. Le recourant estimait que prendre un médicament signifiait une faiblesse. Il avait pris un traitement antidépresseur mais l’avait cessé six mois auparavant. On constate aussi que la Dre D______ indique le 4 octobre 2020 que le recourant ne comprend pas les consignes du traitement médicamenteux, ce qui va dans le sens des propos de l’expert I______.

L’expert I______ a proposé l’instauration d’un traitement antidépresseur qu’il a jugé nécessaire. Le fait qu’un traitement spécifique aux attaques de panique ne soit pas mentionné ne permet pas encore de conclure à un examen lacunaire de la situation de la part de l’expert I______.

Quoi qu’il en soit, un traitement doit être instauré pour l’avenir, de sorte que cette éventuelle lacune n’est pas déterminante.

4.9 Enfin, le SMR reproche à l’expert I______ de ne pas avoir fait procéder à un examen neuropsychologique.

Or, l’expert I______ a considéré que cet examen n’était pas nécessaire car les troubles cognitifs étaient liés à l’état dépressif-anxieux général du recourant et ne justifiaient pas un diagnostic autonome ; il a estimé qu’un tel examen n’aurait pas modifié de manière significative les conclusions de son rapport. On comprend mal comment, selon le SMR, un tel examen aurait pu préciser l’origine médicale ou non des « problèmes / symptômes / troubles allégués ».

4.10 Au vu de ce qui précède, les conclusions de l’expert judiciaire doivent être suivies et le recourant reconnu totalement incapable de travailler dès le 12 novembre 2019.

Partant, sa demande de prestations ayant été déposée le 14 juillet 2020, il a droit à une rente entière d’invalidité dès le 1er janvier 2021 (et non pas dès le 1er décembre 2020 comme requis par le recourant).

5.              

5.1 Conformément à la jurisprudence constante du Tribunal fédéral, l’art. 45 al. 1 LPGA constitue une base légale suffisante pour mettre les coûts d’une expertise judiciaire à la charge de l’assureur (ATF 143 V 269 consid. 6.2.1 et les références), lorsque les résultats de l'instruction mise en œuvre dans la procédure administrative n'ont pas une valeur probatoire suffisante pour trancher des points juridiquement essentiels et qu'en soi un renvoi est envisageable en vue d'administrer les preuves considérées comme indispensables, mais qu'un tel renvoi apparait peu opportun au regard du principe de l'égalité des armes (ATF 139 V 225 consid. 4.3).

Cette règle ne saurait entrainer la mise systématique des frais d'une expertise judiciaire à la charge de l'autorité administrative. Encore faut-il que l'autorité administrative ait procédé à une instruction présentant des lacunes ou des insuffisances caractérisées et que l'expertise judiciaire serve à pallier les manquements commis dans la phase d'instruction administrative. En d'autres mots, il doit exister un lien entre les défauts de l'instruction administrative et la nécessité de mettre en œuvre une expertise judiciaire (ATF 137 V 210 consid. 4.4.2). Tel est notamment le cas lorsque l'autorité administrative a laissé subsister, sans la lever par des explications objectivement fondées, une contradiction manifeste entre les différents points de vue médicaux rapportés au dossier, lorsqu’elle aura laissé ouverte une ou plusieurs questions nécessaires à l'appréciation de la situation médicale ou lorsqu'elle a pris en considération une expertise qui ne remplissait manifestement pas les exigences jurisprudentielles relatives à la valeur probante de ce genre de documents. En revanche, lorsque l'autorité administrative a respecté le principe inquisitoire et fondé son opinion sur des éléments objectifs convergents ou sur les conclusions d'une expertise qui répondait aux réquisits jurisprudentiels, la mise à sa charge des frais d'une expertise judiciaire ordonnée par l'autorité judiciaire de première instance, pour quelque motif que ce soit (à la suite par exemple de la production de nouveaux rapports médicaux ou d'une expertise privée), ne saurait se justifier (ATF 139 V 496 consid. 4.4 et les références ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_580/2019 du 6 avril 2020 consid. 5.1).

5.2 En l’occurrence, vu l’absence totale de valeur probante de l’expertise du Dr H______, les frais de l’expertise judiciaire, en CHF 15'000.-, seront mis à la charge de l’intimé.

6.             Le recours sera partiellement admis, la décision litigieuse annulée et il sera dit que le recourant à droit à une rente entière d’invalidité depuis le 1er janvier 2021.

Pour le surplus, le recourant obtenant partiellement gain de cause, une indemnité de CHF 4'000.- lui sera accordée à titre de participation à ses frais et dépens (art. 61 let. g LPGA ; art. 6 du règlement sur les frais, émolument et indemnités en matière administrative du 30 juillet 1986 [RFPA – E 5 10.03]).

Au vu du sort du recours, il y a lieu de condamner l'intimé au paiement d'un émolument de CHF 200.- (art. 69 al. 1bis LAI).

 

 

 

 

 

 

 

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L’admet partiellement.

3.        Annule la décision de l’intimé du 12 juillet 2023.

4.        Dit que le recourant a droit à une rente entière d’invalidité depuis le 1er janvier 2021.

5.        Met les frais de l’expertise judiciaire de CHF 15'000.-, selon facture du 15 juin 2024 du Dr I______, à charge de l’intimé.

6.        Alloue au recourant une indemnité de CHF 4'000.-, à charge de l’intimé.

7.        Met un émolument de CHF 200.- à charge de l’intimé.

8.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Adriana MALANGA

 

La présidente

 

 

 

 

Valérie MONTANI

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le