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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2113/2024

ATAS/606/2024 du 07.08.2024 ( LAA )

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/2113/2024 ATAS/606/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt incident du 7 août 2024

Chambre 4

 

En la cause

A______

représenté par Maître Olivier FAIVRE

 

 

recourant

 

contre

SUVA CAISSE NATIONALE SUISSE D'ASSURANCE EN CAS D'ACCIDENTS

 

 

intimée

 


EN FAIT

 

A. a. Monsieur A______ (ci-après : l’assuré ou le recourant), né le ______ 1972, a glissé, le 6 février 2023, sur des feuilles mortes et s’est tordu la cheville droite.

b. Le 18 février 2024, cet accident a été annoncé par l’employeur de l’assuré à la SUVA Caisse nationale suisse d’assurances en cas d’accidents (ci-après : la SUVA ou l’intimée).

c. Le 23 février 2023, la SUVA a accepté la prise en charge des prestations d’assurance, avec le paiement de l’indemnité journalière dès le 9 février 2023 et des frais de traitement.

d. Suite à une instruction du dossier, la SUVA a informé l’assuré, le 2 août 2023, que compte tenu de nouveaux documents médicaux, elle examinait son obligation de prester et le droit à d’autres prestations, raison pour laquelle elle cessait préventivement le versement des prestations d’assurance au 1er juin 2023.

e. Le 3 octobre 2023, l’assuré avait informé la SUVA qu’il avait déjà eu un accident en 2016, lors duquel il s’était blessé à la cheville droite. Il s’était fait opéré aux Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : les HUG) et avait toujours une plaque à l’arrière de la cheville. Il n’avait pas déclaré ce cas, car il n’avait pas d’emploi à ce moment-là.

f. La SUVA a récolté les rapports médicaux reliés à l’accident du 16 juin 2016.

g. Elle a reçu un rapport établi le 5 décembre 2023 par la docteure B______, du service de chirurgie orthopédique et traumatologie de l’appareil moteur de HUG, qui indiquait, suite à un examen du 30 octobre 2023, que le bilan réalisé chez l’assuré ne montrait pas de problème clairement visualisé sur les clichés standardisés et qu’un SPECT-CT mettait en évidence une hypercaptation au niveau de la cheville droite et parlait en faveur d’une contusion osseuse. Une surface articulaire irrégulière en potentiel rapport avec un remodelé arthrosique avait en outre été noté.

h. La SUVA a encore reçu un rapport établi le 27 février 2024 par le docteur C______, chirurgien orthopédique des HUG, qui indiquait que l’IRM du pied et de la cheville du 27 février 2024 n’avait pas montré de rupture de tendinopathie du tibial postérieur et que le bilan SALTZMAN avait mis en évidence une cheville non concentrique avec une arthrose tibio-talienne postéro-externe. Une infiltration de l’articulation tibiotalienne de l’assuré était prévue pour vérifier si ses douleurs étaient causées par l’arthrose post-traumatique.

i. Le 11 avril 2024, la docteure D______, médecin praticien, a indiqué que l’assuré présentait des lésions préexistantes à l’évènement du 6 février 2023 en lien avec un traumatisme survenu le 16 juin 2016. La santé de l’assuré au niveau de la région corporelle affectée par l’accident actuel était ainsi, au degré de la vraisemblance prépondérante, déjà altérée avant l’accident.

L’accident du 6 février 2023 n’avait pas, au degré de la vraisemblance prépondérante, causé d’autres lésions structurelles pouvant lui être imputées, mais il avait seulement décompensé un état antérieur de manière passagère. Cet évènement avait tout au plus entrainé une contusion/entorse de la cheville droite, qui avait totalement cessé de déployer ses effets depuis de nombreuses semaines, voire de nombreux mois. Lors de la consultation du 30 octobre 2023 aux HUG, il avait été retenu que l’assuré avait présenté une récidive des douleurs de la cheville droite qui depuis, l’empêchaient de pratiquer son travail. Les douleurs étaient situées à la partie postérieure et étaient d’aspect mécanique. Une radiographie standard et une scintigraphie osseuse avaient été réalisées. Le bilan biologique permettait d’écarter une atteinte traumatique et mettait en évidence une arthrose de la tibiotalienne. L’évènement incriminé avait totalement cessé de déployer tous ses effets au plus tard le 30 octobre 2023. Les troubles qui persistaient au-delà étaient en lien avec l’évènement de 2016 et pas à la charge de la SUVA.

j. Par décision du 17 avril 2024, la SUVA a informé l’assuré qu’elle mettait fin à ses prestations au 30 avril 2023.

k. Le 21 mai 2024, l’assuré, assisté d’un conseil, a formé opposition à la décision de la SUVA, au motif que ses troubles persistants étaient encore en lien avec l’accident du 2 février 2023.

Il a produit un rapport établi le 15 mai 2024 par le docteur E______, qui indiquait que les examens médicaux réalisés n’avaient pas révélé de nécessité de traitement autre que conservateur. À ce jour, l’assuré présentait toujours une limitation douloureuse à la manipulation de sa cheville droite ainsi qu’une boiterie notable lors de la marche. Il avait été référé à plusieurs spécialistes aux HUG, qui n’avaient pas fait de proposition thérapeutique. L’accident du 2 février 2023 était clairement identifié comme étant la cause des limitations actuelles du recourant et de sa perte de rentabilité dans son travail. Seules les séquelles de cet accident continuaient d’entraver son quotidien malgré les traitements conservateurs entrepris.

l. Par décision sur opposition du 23 mai 2024, la SUVA a rejeté l’opposition et retiré l’effet suspensif à un éventuel recours contre sa décision. L’assuré présentait des lésions préexistantes à l’évènement du 6 février 2023. Le 15 février 2016, il avait subi une fracture du péroné et une fracture de la malléole postérieure ayant nécessité la mise en place d’un fixateur externe, puis une ostéosynthèse de la malléole postérieure et une révision et stabilisation de la syndesmose. L’évolution avait été marquée par une arthrose tibiotalienne.

Le 11 avril 2024, la Dre D______ avait conclu que l’évènement du 6 février 2023 n’avait pas entrainé de lésion structurelle pouvant être imputé à la SUVA et qu’il avait cessé de déployer tous ses effets dès le 30 octobre 2023, au moins. Le fait que le Dr E______ ait estimé, sans motivation, que l’accident du 6 février 2023 était la cause des limitations actuelles de l’assuré ne permettait pas de mettre en doute l’analyse de la Dre D______. De plus, selon la jurisprudence constante, un raisonnement fondé sur l’adage post hoc, ergo propter hoc ne permettait pas d’établir un lien de causalité naturelle au degré de la vraisemblance prépondérante exigée en matière d’assurance sociale.

B. a. Le 24 juin 2024, l’assuré a formé recours auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la chambre de céans) contre la décision sur opposition de la SUVA, concluant à l’apport du dossier de l’assurance-invalidité et à la mise en œuvre d’une expertise médicale à l’effet de déterminer les causes de l’incapacité de travail invoquées ainsi qu’à la restitution de l’effet suspensif. Principalement, il concluait à la condamnation de la SUVA à lui verser ses prestations d’assurance au-delà du 30 octobre 2023, jusqu’à droit jugé, avec suite de frais et dépens. Il ressortait du dossier médical que le Dr E______ ainsi que les différents spécialistes confirmaient unanimement que les séquelles dont il souffrait encore à sa cheville droite procédaient exclusivement de l’accident dont il avait été victime le 6 février 2023.

b. Le 8 juillet 2024, l’intimée, répondant à la demande de restitution de l’effet suspensif, a constaté que le recourant ne motivait pas sa requête et que les prévisions sur l’issue du litige paraissaient, à ce stade, guère favorables au recourant. Ainsi, il risquait de devoir verser des prestations indues était élevé et par conséquent l’intérêt de l’intimée au retrait de l’effet suspensif était prépondérant et il devait être confirmé.

EN DROIT

1.              

1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 5 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-accidents, du 20 mars 1981 (LAA - RS 832.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

1.2 Selon l’art. 133 al. 3 LOJ, le juge qui préside la composition prend seul les décisions incidentes y relatives.

1.3 Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, le recours est prima facie recevable (art. 56 et 60 de la LPGA; art. 89B de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA-GE - E 5 10])

2.             Selon l'art. 54 al. 1 let. c LPGA les décisions et les décisions sur opposition sont exécutoires lorsque l'effet suspensif attribué à une opposition ou à un recours a été retiré. En vertu de l’art. 11 de l’ordonnance sur la partie générale du droit des assurances sociales du 11 septembre 2002 (OPGA - RS 830.11), l'opposition a un effet suspensif, sauf si un recours contre la décision prise sur opposition n'a pas d'effet suspensif de par la loi, si l'assureur a retiré l'effet suspensif dans sa décision, si la décision a une conséquence juridique qui n'est pas sujette à suspension (al. 1). L'assureur peut, sur requête ou d'office, retirer l'effet suspensif ou rétablir l'effet suspensif retiré dans la décision. Une telle requête doit être traitée sans délai (al. 2).

La LPGA ne contient aucune disposition topique en matière d'effet suspensif. Selon l'art. 55 al. 1 LPGA, les points de la procédure administrative en matière d'assurances sociales qui ne sont pas réglés de manière exhaustive aux art. 27 à 54 de la LPGA ou par les dispositions des lois spéciales sont régis par la loi fédérale du 20 décembre 1968 sur la procédure administrative (PA - RS 172.021). L'art. 61 LPGA, qui règle la procédure de recours devant le tribunal cantonal des assurances, renvoie quant à lui à l'art. 1 al. 3 PA. Aux termes de cette disposition, l'art. 55 al. 2 et 4 PA relatif au retrait de l'effet suspensif est applicable à la procédure devant les autorités cantonales de dernière instance qui ne statuent pas définitivement en vertu du droit public fédéral.

L'art. 55 al. 3 PA prévoit que l'autorité de recours ou son président peut restituer l'effet suspensif à un recours auquel l'autorité inférieure l'avait retiré; la demande de restitution de l'effet suspensif est traitée sans délai.

La possibilité de retirer ou de restituer l'effet suspensif au recours n'est pas subordonnée à la condition qu'il existe, dans le cas particulier, des circonstances tout à fait exceptionnelles qui justifient cette mesure. Il incombe bien plutôt à l'autorité appelée à statuer d'examiner si les motifs qui parlent en faveur de l'exécution immédiate de la décision l'emportent sur ceux qui peuvent être invoqués à l'appui de la solution contraire. L'autorité dispose sur ce point d'une certaine liberté d'appréciation. En général, elle se fondera sur l'état de fait tel qu'il résulte du dossier, sans effectuer de longues investigations supplémentaires. En procédant à la pesée des intérêts en présence, les prévisions sur l'issue du litige au fond peuvent également être prises en considération; il faut cependant qu'elles ne fassent aucun doute (ATF 124 V 82 consid. 6a; arrêt du Tribunal fédéral 9C_885/2014 du 17 avril 2015 consid. 4.2).

L'intérêt de la personne assurée à pouvoir continuer à bénéficier des prestations qu'elle percevait jusqu'alors n'est pas d'une importance décisive, tant qu'il n'y a pas lieu d'admettre que, selon toute vraisemblance, elle l'emportera dans la cause principale. Ne saurait à cet égard constituer un élément déterminant la situation matérielle difficile dans laquelle se trouve la personne assurée depuis la diminution ou la suppression des prestations. En pareilles circonstances, l'intérêt de l'administration apparaît généralement prépondérant, puisque dans l'hypothèse où l'effet suspensif serait accordé et le recours serait finalement rejeté, l'intérêt de l'administration à ne pas verser des prestations paraît l'emporter sur celui de la personne assurée; il serait effectivement à craindre qu'une éventuelle procédure en restitution des prestations versées à tort ne se révèle infructueuse (ATF 119 V 503 consid. 4 et les références; voir également arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 267/98 du 22 octobre 1998, in VSI 2000 p. 184 consid. 5; Hansjörg SEILER, in Praxiskommentar zum VwVG, n° 103 ad art. 55 PA). La jurisprudence a également précisé que le retrait de l'effet suspensif prononcé dans le cadre d'une décision de diminution ou de suppression de rente à la suite d'une procédure de révision couvrait également la période courant jusqu'à ce qu'une nouvelle décision soit rendue après le renvoi de la cause par le tribunal cantonal des assurances pour instruction complémentaire, pour autant que la procédure de révision n'a pas été initiée de façon abusive (ATF 129 V 370 et 106 V 18; voir également arrêt du Tribunal fédéral 8C_451/2010 du 10 novembre 2010 consid. 2 à 4, in SVR 2011 IV n° 33 p. 96; arrêt du Tribunal fédéral 9C_207/2014 du 1er mai 2014 consid. 5.3).

3.             En l’espèce, au vu des pièces figurant à la procédure, l’on ne peut considérer, en l’état, que le recourant a de bonnes chances d’obtenir gain de cause, dès lors que le rapport établi le 5 décembre 2023 par la Dre B______ confirme l’appréciation de la Dre D______, puisqu’il indique que les examens effectués parlent en faveur d’une contusion osseuse. Quant au rapport établi par le Dr C______ le 27 février 2024, il indique que l’IRM effectuée n’a pas montré de rupture de tendinopathie du tibial postérieur et que le bilan SALTZMAN a mis en évidence une cheville non concentrique avec une arthrose tibiotalienne postéroexterne, ce qui corrobore également l’analyse de la Dre D______. Le rapport du Dr E______ est peu probant, car ce dernier n’a pas motivé ses conclusions qui semblent être fondées sur l’adage post hoc, ergo propter hoc. L’intérêt de l’intimée à retirer l’effet suspensif à l’opposition l’emporte ainsi sur celui du recourant.

4.             Partant, la demande de restitution de l’effet suspensif sera rejetée et la suite de la procédure réservée.

Pour le surplus, la procédure est gratuite.


 

PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Rejette la demande de restitution de l’effet suspensif.

3.        Réserve la suite de la procédure.

4.        Dit que la procédure est gratuite.

5.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Julia BARRY

 

La présidente

 

 

 

 

Catherine TAPPONNIER

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral de la santé publique par le greffe le