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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3695/2023

ATAS/544/2024 du 28.06.2024 ( APG ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/3695/2023 ATAS/544/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 28 juin 2024

Chambre 9

En la cause

A______

 

 

recourante

 

contre

CAISSE DE COMPENSATION NODE AVS

représentée par Me Anaïs ABDEL SATTAR, avocate

 

 

intimée

 


EN FAIT

 

A. a. Monsieur B______, et Mesdames C______ et D______ sont inscrits au registre du commerce du canton de Genève à titre d'administrateurs, avec signature collective à deux, de A______ (ci-après : la société), créée le 23 mars 2016 et active dans le domaine de la construction.

b. Le 9 décembre 2020, la CAISSE DE COMPENSATION NODE AVS
(ci-après : la caisse), auprès de laquelle est affiliée la société depuis le 1er mars 2016, a reçu deux demandes d'allocation pour perte de gain COVID-19
(ci-après : APG-COVID), l'une pour la période du 17 septembre au 31 octobre 2020, l'autre pour le mois de novembre 2020, motivées par une limitation significative de l'activité en raison des mesures fédérales ou cantonales. Il était indiqué que les trois administrateurs occupaient une position assimilable à celle d'un employeur. Le revenu de l'activité lucrative soumis à l'AVS en 2019 était de CHF 1'398.83 (× douze) pour B______, CHF 2'200.- (× treize) pour C______, et CHF 2'208.- (× treize) pour D______, mais de CHF 0.- les mois au cours desquels les demandes étaient déposées pour chacun des trois. La perte du chiffre d'affaires de l'entreprise était de 86,08% du 17 septembre au 31 octobre 2020 par rapport à celui réalisé en moyenne de 2016 à 2019, et elle était de 100% pour le mois de novembre 2020. L'allocation devait être versée directement sur le compte bancaire de la société.

c. Par décompte du 21 décembre 2020, la caisse a versé à la société à titre
d'APG-COVID, pour la période du 17 septembre au 31 octobre 2020 :

-          CHF 3'204.-, auxquels étaient ajoutés CHF 204.25 à titre de cotisations AVS/AI/APG/AC, tant à C______ qu'à D______ ; et

-          CHF 1'692.-, auxquels étaient ajoutés CHF 107.85 à titre de cotisations AVS/AI/APG/AC, à B______.

Pour le mois de novembre 2020 :

-          CHF 2'136.-, auxquels étaient ajoutés CHF 136.15 à titre de cotisations AVS/AI/APG/AC, tant à C______ qu'à D______ ; et

-          CHF 1'128.-, auxquels étaient ajoutés CHF 71.90 à titre de cotisations AVS/AI/APG/AC, à B______.

Soit un montant total de CHF 14'360.55, du 17 septembre au 30 novembre 2020.

d. À la demande de la caisse, en juin 2021, la E______ (ci-après : la fiduciaire) a évalué l'exactitude et la plausibilité des valeurs déclarées par les administrateurs dans les formulaires de demande d'APG-COVID, pour la période du 17 septembre 2020 au 30 juin 2021, excepté le mois de décembre 2020. À l'issue de son contrôle, dans un rapport du 28 septembre 2022, la fiduciaire a relevé des écarts en ce qui concernait la perte du chiffre d'affaires et les salaires déclarés par les bénéficiaires par rapport aux valeurs résultant des informations financières qui lui avaient été fournies. Elle a constaté notamment qu'un salaire mensuel brut de CHF 2'728.- avait été versé à C______, de CHF 2'698.- à D______, et de CHF  1'335.- à B______, de septembre à décembre 2020, alors que les formulaires de demande mentionnaient l'absence de perception d'un salaire durant cette période. Sur cette base, la fiduciaire a conclu que les valeurs déclarées dans les formulaires de demande n'étaient ni exactes ni plausibles.

B. a. Par décision du 23 décembre 2022, la caisse, décompte à l'appui, a réclamé à la société la restitution du montant de CHF 14'360.55 à titre d'APG-COVID, indûment touché.

b. Par courrier du 18 janvier 2023, la société s'est opposée à cette décision, en alléguant que les allocations perçues le 22 décembre 2020 avaient été comptabilisées « de manière rétroactive dans les salaires de l'année » des différents associés.

c. Par décision du 12 octobre 2023, la caisse a rejeté l'opposition, en s'appuyant sur les conclusions du rapport d'évaluation du 28 septembre 2022.

C. a. Par acte du 8 novembre 2023, la société a interjeté recours contre la décision sur opposition précitée auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice, en concluant implicitement à son annulation, au motif que les trois associés avaient subi une perte de gain entre septembre et novembre 2020.

Il était indiqué que dans les semaines précédant le dépôt des formulaires de demande le 9 décembre 2020, les trois associés, architectes indépendants, ayant chacun leur propre comptabilité et leur propre compte bancaire, n'avaient pas eu de rentrées d'argent significatives, de sorte qu'un versement de salaires pour le deuxième semestre 2020 avait été impossible.

Les APG-COVID avaient ensuite été comptabilisées rétroactivement comme salaires de l'année (2020).

Entre septembre et décembre 2020, B______ avait versé de l'argent sur les comptes de l'entreprise pour faire face aux frais courants. Fin 2020, malgré le virement de ces allocations, la société avait une dette d'environ CHF 5'000.- envers cet associé, dont elle s'était acquittée en 2022 seulement.

C______ et D______ avaient des comptes communs, figurant dans la comptabilité sous le nom de « F______ » et « G______». Dans le compte « G______», entre septembre et décembre 2020, les salaires avaient été comptabilisés pour la fin de chaque mois (indépendamment de la date de leur versement effectif), mais la balance du compte était négative. Cela s'expliquait par le fait qu'elles avaient payé depuis leur compte personnel les frais de la société (notamment environ CHF 10'000.- de charges sociales). Elles avaient pu récupérer leur argent fin décembre 2020.

Ont été produits en particulier :

-          un document « comptabilité 2020 » ;

-          trois courriers du 1er juin 2022 adressés par la caisse à la société, en l'invitant, en vue de vérifier si les APG-COVID avaient bien été déclarées sur la déclaration annuelle des salaires, à compléter un tableau y figurant pour chacun des trois associés, où il a été indiqué en date du 28 juillet 2022 qu'en 2020, D______ avait reçu CHF 5'340.- à titre d'APG-COVID sans les cotisations AVS, et un salaire brut de CHF 27'041.64, soit un total de CHF 32'381.64 ; C______ avait perçu CHF 5'340.- à titre
d'APG-COVID sans les cotisations AVS, et un salaire brut de CHF 27'396.60, soit un total de CHF 32'736.60 ; et B______ avait obtenu CHF 2'820.- à titre d'APG-COVID sans les cotisations AVS, et un salaire brut de CHF 13'199.16, soit un total de CHF 16'019.16 ; et

-          un formulaire « déclaration des salaires versés par l'employeur à son personnel » signé le 26 janvier 2021 par la société, faisant état, pour l'année 2020, d'un salaire brut de CHF 32'381.64 pour D______, de CHF 32'736.60 pour C______, et de CHF 16'019.16 pour B______.

b. Dans sa réponse du 4 janvier 2024, l'intimée a conclu au rejet du recours.

Elle a exposé que les bénéficiaires avaient déclaré qu'aucun salaire n'avait été perçu entre le 17 septembre et le 30 novembre 2020, alors que la fiduciaire avait mis en exergue qu'ils avaient chacun, au contraire, reçu un salaire durant cette période. Cela ressortait également des extraits de compte fournis par la recourante (document « comptabilité 2020 » précité). L'allégation de celle-ci selon laquelle les APG-COVID avaient été comptabilisées comme salaires de manière rétroactive n'était guère convaincante, car ces extraits de compte ne permettaient en rien de déterminer à quel moment les APG avaient été perçues. L'intimée en a tiré la conclusion que les conditions d'octroi de ces prestations n'étaient pas réunies, faute de perte de gain subie par les bénéficiaires.

c. Dans sa réplique du 30 janvier 2024, la recourante a maintenu sa position.

Sa situation financière entre septembre et novembre 2020 était telle que, au moment du dépôt de la demande d'APG-COVID, rien ne laissait présager la possibilité de verser des salaires pour cette période. C'était uniquement grâce aux APG, reçues le 22 décembre 2020, que les salaires des trois mois avaient été versés rétroactivement le 30 décembre 2020. L'établissement des fiches de salaire et la communication des salaires (de l'année 2020) à l'intimée avaient été effectués le 26 janvier 2021, après la réception des APG-COVID.

d. Invitée à dupliquer, par courrier du 13 février 2024, l'intimée a renvoyé à sa réponse et s'en est remise à l'appréciation de la chambre de céans.

e. À la demande de la chambre de céans, le 4 juin 2024, la fiduciaire a versé au dossier les documents comptables qui lui avaient été remis à l'époque par la société sur la base desquels elle avait considéré que les salaires déclarés et comptabilisés différaient, les documents comptables qui lui avaient été communiqués par la société faisant état du revenu de l'activité lucrative soumis à l'AVS en 2019 des trois administrateurs concernés, ainsi qu'un courrier explicatif du 31 mai 2024.

f. Copie de ce courrier a été transmise aux parties pour information, les annexes étant consultables au greffe de la chambre de céans sur demande préalable.

 

EN DROIT

 

1.              

1.1 Les dispositions de la loi fédérale du 6 octobre 2000 sur la partie générale du droit des assurances sociales (LPGA - RS 830.1) s'appliquent aux allocations en cas de perte de gain en lien avec le Coronavirus, sous réserve de dérogations expresses (art. 1 de l’ordonnance sur les mesures en cas de pertes de gain en lien avec le coronavirus [COVID-19] du 20 mars 2020 [ordonnance sur les pertes de gain COVID-19 - RS 830.31]).

Les décisions sur opposition et celles contre lesquelles la voie de l'opposition n'est pas ouverte sont sujettes à recours auprès du tribunal des assurances compétent (art. 56 al. 1 et 57 LPGA).

Selon la jurisprudence, les décisions prises par une caisse cantonale de compensation en matière d’allocations en cas de perte de gain COVID-19 peuvent faire l’objet d’un recours devant le tribunal des assurances du canton où la caisse de compensation a son siège (arrêt du Tribunal fédéral 9C_738/2020 du 7 juin 2021 consid. 3.3).

Dès lors que l'intimée, sise dans le canton de Genève, a rendu la décision litigieuse de restitution en matière d'allocations en cas de perte de gain
COVID-19, la chambre de céans est compétente à raison du lieu et de la matière pour juger du cas d’espèce.

1.2 Interjeté dans la forme (art. 61 let. b LPGA) et le délai de 30 jours
(art. 60 al. 1 LPGA ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]) prévus par la loi, le recours est recevable.

2.             Le litige porte sur une demande de restitution d'un montant de CHF 14'360.55 qui a été versé par l'intimée à la recourante à titre d'allocation pour perte de gain COVID-19 en faveur des trois associés de celle-ci pour la période du 17 septembre au 30 novembre 2020.

3.             Aux termes de l'art. 25 al. 1 1re phrase LPGA, applicable par le renvoi de l'art. 1 de l'ordonnance sur les pertes de gain COVID-19, les prestations indûment touchées doivent être restituées.

Selon la jurisprudence, cela implique que soient réunies les conditions d'une reconsidération (art. 53 al. 2 LPGA) ou d'une révision procédurale (art. 53 al. 1 LPGA) de la décision par laquelle les prestations ont été accordées (ATF 130 V 318 consid. 5.2).

Selon l'art. 25 al. 2 1re phrase LPGA, le droit de demander la restitution s’éteint trois ans après le moment où l’institution d’assurance a eu connaissance du fait, mais au plus tard cinq ans après le versement de la prestation.

4.              

4.1 L’ordonnance sur les pertes de gain COVID-19 a été adoptée le 20 mars 2020 dans le cadre des mesures prises pour lutter contre la pandémie liée au coronavirus, laquelle est entrée en vigueur rétroactivement au 17 mars 2020 (art. 11 al. 1).

Selon son art. 2 al. 3 (dans sa teneur du 17 septembre 2020 au 16 février 2022 [RO 2020 4574 ; RO 2022 97]), ont droit à l'allocation, pour autant qu'elles remplissent la condition prévue à l'al. 1bis let. c – à savoir qu'elles soient assurées obligatoirement au sens de la loi fédérale sur l'assurance-vieillesse et survivants du 20 décembre 1946 (LAVS - RS 831.10) –, les personnes qui exercent une activité lucrative indépendante au sens de l’art. 12 LPGA et les personnes visées à l’art. 31 al. 3 let. b et c de la loi fédérale sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité du 25 juin 1982 (loi sur l’assurance-chômage, LACI - RS 837.0) : si elles doivent interrompre leur activité lucrative en raison de mesures de lutte contre l’épidémie de COVID-19 ordonnées par une autorité (let. a), et si elles subissent une perte de gain ou une perte de salaire (let. b).

Aux termes de l'art. 2 al. 3bis de l'ordonnance sur les pertes de gain COVID-19 (dans sa teneur du 17 septembre 2020 au 16 février 2022 [RO 2020 4574 ; RO 2022 97], les personnes qui exercent une activité lucrative indépendante au sens de l'art. 12 LPGA et les personnes visées à l'art. 31 al. 3 let. b et c LACI, pour autant qu'elles ne soient pas concernées par l'al. 3 et qu'elles remplissent la condition prévue à l'al. 1bis let. c ont droit à l'allocation : si leur activité lucrative est significativement limitée en raison de mesures de lutte contre l'épidémie de COVID-19 ordonnées par une autorité (let. a), si elles subissent une perte de gain ou une perte de salaire (let. b), et si elles ont touché pour cette activité au moins CHF 10'000.- à titre de revenu soumis aux cotisations AVS en 2019 [...] (let. c).

L'art. 31 al. 3 LACI vise le conjoint de l’employeur, occupé dans l’entreprise de celui-ci (let. b) et les personnes qui fixent les décisions que prend l’employeur – ou peuvent les influencer considérablement – en qualité d’associé, de membre d’un organe dirigeant de l’entreprise ou encore de détenteur d’une participation financière à l’entreprise ; il en va de même des conjoints de ces personnes, qui sont occupés dans l’entreprise (let. c).

4.2 Le Tribunal fédéral a confirmé que la perte de salaire est une condition du droit à l’allocation en cas de perte de gain pour les assurés définis à l’art. 31 al. 3 let. c LACI (arrêt du Tribunal fédéral 9C_603/2021 du 16 décembre 2021 consid. 4.5). Dans le bulletin à l'intention des caisses de compensation AVS et des organes d'exécution des prestations complémentaires n° 448 du 21 janvier 2022, l’Office fédéral des assurances sociales (ci-après : OFAS) a également souligné que l’existence d’une perte de salaire est une condition de base pour l’allocation en cas de perte de gain COVID-19 (cf. ATAS/178/2022 du 17 février 2022 consid. 5).

4.3 Le commentaire des modifications de l’ordonnance sur les pertes de gain COVID-19 entrées en vigueur le 17 septembre 2020 (disponible sur le portail du Gouvernement Suisse à l'adresse suivante : https://www.admin.ch/gov/fr/accueil/documentation/communiques.msg-id-80968.html) indique en particulier, en lien avec l'art. 2 al. 3bis précité que « [o]nt droit à l’allocation les personnes exerçant une activité lucrative indépendante au sens de l'art. 12 LPGA ou les personnes ayant une position assimilable à celle d’un employeur qui sont assurées obligatoirement au sens de la loi fédérale du 20 décembre 1946 sur l’assurance-vieillesse et survivants, à condition que leur activité lucrative soit significativement limitée en raison de mesures de lutte ordonnées au niveau cantonal ou fédéral, et que cela entraîne une diminution considérable de leur chiffre d’affaires. Les personnes exerçant une activité lucrative indépendante doivent en outre subir une perte de gain, et les personnes ayant une position assimilable à celle d’un employeur, une perte de salaire ».

4.4 Aux termes de l'art. 5 al. 1 de l'ordonnance sur les pertes de gain COVID-19, l’indemnité journalière est égale à 80% du revenu moyen de l’activité lucrative obtenu avant le début du droit à l’allocation.

En vertu de l'art. 5 al. 2quater de l'ordonnance sur les pertes de gain COVID-19, en vigueur depuis le 17 septembre 2020 (RO 2020 4574), pour les salariés au sens de l’art. 10 LPGA, la perte de salaire engendrée par les mesures de lutte contre l’épidémie de COVID-19 ordonnées par une autorité est déterminante pour le calcul de l’allocation. L’indemnité journalière correspond à 80% de cette perte de salaire.

Dans le commentaire des modifications de l’ordonnance sur les pertes de gain COVID-19 entrées en vigueur le 17 septembre 2020, le Conseil fédéral indique, en lien avec l'art. 5 al. 2quater précité, que « [c]et alinéa règle le montant et le calcul de l’allocation pour les personnes salariées. Sont concernées les personnes salariées au sens de l’art. 10 LPGA y compris les personnes ayant une position assimilable à celle d’un employeur au sens de l’art. 31 al. 3 let. b et c LACI. L’allocation est versée sur la base de la perte de salaire prouvée et signalée à la caisse de compensation pour la période correspondante. Pour évaluer la perte, le salaire doit être comparé au revenu mensuel moyen soumis à l’AVS en 2019. L’indemnité journalière correspond à 80% de cette perte de salaire ».

4.5 Selon l'art. 8a de l'ordonnance sur les pertes de gain COVID-19, en vigueur depuis le 17 septembre 2020 (RO 2020 4574), les conditions d’octroi sont réexaminées à intervalles réguliers. À cette fin, les caisses de compensation AVS peuvent procéder à des vérifications aléatoires qu’elles effectuent elles-mêmes ou qu’elles confient à des experts externes.

5.             Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 126 V 353 consid. 5b et les références ; 125 V 193 consid. 2 et les références ; 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 135 V 39 consid. 6.1 et la référence).

6.              

6.1 En l'espèce, la décision (initiale) de restitution du 23 décembre 2022 se fonde sur le rapport d'évaluation du 28 septembre 2022 et ses annexes (pièces comptables) qui constatent un écart entre les salaires déclarés dans la demande d'APG-COVID et ceux comptabilisés durant la période litigieuse du 17 septembre au 30 novembre 2020. Il s'agit de faits nouveaux, découverts après coup, de nature à modifier le calcul des prestations, et justifiant avec effet ex tunc la révision de la décision précédemment rendue d'octroi des APG-COVID.

Ceci étant dit, il n'est pas contesté par l'intimée que B______, C______ et D______, assurés obligatoirement au sens de la LAVS, occupent, en leur qualité d'associés de la société, une position assimilable à celle d'un employeur, que leur activité lucrative était significativement limitée en raison des mesures de lutte contre l'épidémie de COVID-19 ordonnées par les autorités, et qu'ils ont touché pour cette activité au moins CHF 10'000.- à titre de revenu soumis aux cotisations AVS en 2019. Est seule litigieuse la question de savoir s'ils ont subi une perte de salaire pendant la période litigieuse du 17 septembre au 30 novembre 2020.

Selon les informations figurant dans leur demande d'allocation, le revenu de l'activité lucrative soumis à l'AVS en 2019 était de CHF 1'398.83 par mois (× douze) pour B______ (CHF 16'785.96 par année), CHF 2'200.- par mois (× treize) pour C______ (CHF 31'806.- par année), et CHF 2'208.- par mois (× treize) pour D______ (CHF 31'903.- par année).

Ces données sont corroborées par leurs décomptes de salaire de l'année 2019 et leurs certificats de salaire de l'année 2019 produits par la fiduciaire, dont il ressort un salaire annuel brut de CHF 16'787.- pour B______ (CHF 1'398.88 × douze), un salaire annuel brut de CHF 31'806.- pour C______ (CHF 2'200.- × douze auquel s'ajoutait une prime de fin d'année de CHF 5'406.41 soumise à cotisations), et un salaire annuel brut de CHF 31'902.- pour D______ (CHF 2'208.- × douze auquel s'ajoutait une prime de fin d'année de CHF 5'406.49 soumise à cotisations).

D'après le rapport d'évaluation de la fiduciaire du 28 septembre 2022, les salaires bruts déclarés dans la demande d'allocation (soit CHF 0.-) différaient de ceux comptabilisés de septembre à décembre 2020, soit CHF 1'335.- par mois pour B______ (N° AVS 1______), CHF 2'728.- par mois pour C______ (N° AVS 2______), et CHF 2'698.- par mois pour D______ (N° AVS 3______).

Ces montants ressortent effectivement tant des décomptes de salaire des trois associés des mois de septembre à décembre 2020 fournis par la fiduciaire (identiques à ceux figurant dans le dossier de l'intimée sous pièces 9 à 11) que des certificats de salaire 2020 versés au dossier par la fiduciaire, lesquels font état d'un salaire mensuel brut de CHF 1'334.93 pour B______ (CHF 16'019.- par an), CHF 2'728.05 pour C______ (CHF 32'736.- par an), et CHF 2'698.47 pour D______ (CHF 32'382.- par an).

Dans son courrier du 31 mai 2024, la fiduciaire a également indiqué que les salaires nets perçus sont enregistrés dans la comptabilité de la société de l'année 2020 et qu'ils concordent avec ceux mentionnés dans les certificats de salaire.

Cela étant, les associés ont expliqué qu'au moment de la demande d'allocation, faute de rentrées d'argent significatives les mois précédant cette demande, ils n'avaient pas pu se verser de salaire, raison pour laquelle était mentionnée l'absence de salaire touché le mois au cours duquel la demande était déposée, et que les APG-COVID reçues le 22 décembre 2020 (le lendemain du décompte d'allocation du 21 décembre 2020) avaient été comptabilisées rétroactivement comme salaires de l'année 2020.

D'après ledit décompte, le montant de

-          CHF 2'820.- a été versé à titre d'APG-COVID en faveur de B______ pour la période du 17 septembre au 30 novembre 2020 (sans les cotisations AVS/AI/APG/AC de CHF 179.75) ; et celui de

-          CHF 5'340.- a été versé à titre d'APG-COVID en faveur tant de C______ que de D______ pour cette même période (sans les cotisations AVS/AI/APG/AC de CHF 340.40 pour chacune).

En date du 1er juin 2022, l'intimée a invité la société à indiquer dans un tableau, pour chacun des trois associés, les salaires versés et les APG-COVID reçues notamment en 2020, en relevant que, afin d'éviter les lacunes de cotisations AVS, les caisses de compensation avaient l'obligation de vérifier si les APG-COVID avaient bien été déclarées sur la déclaration annuelle des salaires.

Dans ce tableau complété le 28 juillet 2022, non transmis à la fiduciaire, il a été fait mention :

-          d'un montant de CHF 2'820.- à titre d'APG-COVID sans les cotisations AVS et d'un salaire brut versé de CHF 13'199.16, soit un total de CHF 16'019.16 en ce qui concernait B______ ;

-          d'un montant de CHF 5'340.- à titre d'APG-COVID sans les cotisations AVS et d'un salaire brut versé de CHF 27'396.60, soit un total de CHF 32'736.60 en ce qui concernait C______ ; et

-          d'un montant de CHF 5'340.- à titre d'APG-COVID sans les cotisations AVS et d'un salaire brut versé de CHF 27'041.64, soit un total de CHF 32'381.64 en ce qui concernait D______.

Dans le formulaire « Déclaration des salaires versés par l'employeur à son personnel » pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2020 – non communiqué à la fiduciaire –, signé le 26 janvier 2021, un mois après la perception des APG-COVID (le 22 décembre 2020) et l'établissement des certificats de salaire 2020 (le 31 décembre 2020), la société a déclaré un salaire brut de CHF 16'019.16 pour B______, CHF 32'736.60 pour C______ et CHF 32'381.64 pour D______.

Force est de constater que le salaire mensuel brut de B______ à hauteur de CHF 1'334.93, auquel se réfère la fiduciaire dans son rapport d'évaluation (où ce montant est arrondi à CHF 1'335.-) ainsi que dans son courrier du 31 mai 2024, multiplié par douze mois donne un salaire annuel brut de CHF 16'019.16, montant qui correspond à celui indiqué dans le certificat de salaire 2020 (arrondi à CHF 16'019.-), dans le formulaire du 26 janvier 2021 et dans le tableau du 28 juillet 2022. Il s'ensuit que les APG-COVID obtenues à hauteur de CHF 2'820.- étaient effectivement incluses dans le salaire brut de l'année 2020 (16'019.16 - 2'820 = 13'199.16 / douze mois = CHF 1'099.93 par mois).

Le salaire mensuel brut de C______ à hauteur de CHF 2'728.05, auquel se réfère la fiduciaire dans son rapport d'évaluation (arrondi à CHF 2'728.-) ainsi que dans son courrier du 31 mai 2024, multiplié par douze mois donne un salaire annuel brut de CHF 32'736.60, montant qui correspond à celui indiqué dans le certificat de salaire 2020 (arrondi à CHF 32'736.-), dans le formulaire du 26 janvier 2021 et dans le tableau du 28 juillet 2022. Il en découle que les
APG-COVID perçues à hauteur de CHF 5'340.- étaient bel et bien intégrées dans le salaire brut de l'année 2020 (32'736.60 - 5'340 = 27'396.60 / douze mois = CHF 2'283.05 par mois).

Le salaire mensuel brut de D______ à hauteur de CHF 2'698.47, auquel se réfère la fiduciaire dans son rapport d'évaluation (arrondi à CHF 2'698.-) ainsi que dans son courrier du 31 mai 2024, multiplié par douze mois donne un salaire annuel brut de CHF 32'381.64, montant qui correspond à celui indiqué dans le certificat de salaire 2020 (arrondi à CHF 32'382.-), dans le formulaire du 26 janvier 2021 et dans le tableau du 28 juillet 2022. Aussi les APG-COVID touchées à hauteur de CHF 5'340.- étaient-elles comprises dans le salaire brut de l'année 2020 (32'381.64 - 5'340 = 27'041.64 / douze mois = CHF 2'253.47 par mois).

Par conséquent, contrairement aux conclusions de la fiduciaire, B______, C______ et D______ ont vu leur revenu mensuel soumis à l'AVS tomber pour la période du 17 septembre au 30 novembre 2020, soit CHF 1'099.93 pour le premier, CHF 2'283.05 pour la deuxième, et CHF 2'253.47 pour la troisième, alors qu'il était de CHF 1'398.88 (CHF 16'787.- / douze mois) pour le premier, CHF 2'446.60 (CHF 31'806.- / treize) pour la deuxième, et CHF 2'454.- (CHF 31'902.- / treize) pour la troisième en 2019.

6.2 Ainsi, les trois associés ont subi une perte de salaire durant la période litigieuse. Ceci dit, la perte de salaire déterminante a une incidence sur le montant de l'indemnité journalière (cf. art. 5 al. 2quater de l'ordonnance sur les pertes de gain COVID-19 ; consid. 4.4 ci-dessus). En l'occurrence, la perte de salaire est en réalité moindre que celle retenue initialement par l'intimée. En effet, dans la demande de prestations, les associés ont fait état d'un salaire brut nul dès le 17 septembre 2020. Or, les documents comptables attestent la perception d'un salaire brut durant la période litigieuse, abstraction faite des APG-Covid touchées. Par conséquent, il convient de renvoyer le dossier à l'intimée pour nouveau calcul de l'indemnité journalière et nouvelle décision.

7.             Au vu de ce qui précède, le recours est partiellement admis, la décision sur opposition du 12 octobre 2023 annulée, et la cause renvoyée à l'intimée pour nouvelle décision au sens des considérants.

La recourante, qui a agi sans l'assistance d'un avocat dans une cause d'une complexité et d'une importance relatives n'ayant pas exigé un investissement particulier de sa part (cf. ATF 133 III 439 consid. 4 ; 115 Ia 12 consid. 5 ; 110 V 72 consid. 7), n’a pas droit à des dépens (dans ce sens : ATAS/420/2023 du 12 juin 2023).

Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. fbis LPGA a contrario).

 

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PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L'admet partiellement.

3.        Annule la décision sur opposition du 12 octobre 2023.

4.        Renvoie la cause à l'intimée pour nouvelle décision au sens des considérants.

5.        Dit que la procédure est gratuite.

6.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Sylvie CARDINAUX

 

La présidente

 

 

 

 

Eleanor McGREGOR

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le