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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/107/2024

ATAS/539/2024 du 28.06.2024 ( AI ) , REJETE

En fait
En droit

jrÉpublique et

1.1canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/107/2024 ATAS/539/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 28 juin 2024

Chambre 5

 

En la cause

A______

représentée par le service de protection de l'adulte (SPAd), mandataire

 

 

recourante

 

contre

OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE

intimé

 


EN FAIT

 

A. a. Madame A______ (ci-après : l'assurée), née en ______ 1969 en Équateur, de nationalité suisse, mère de trois enfants nés, respectivement, en 1990, 1994 et 2003, veuve depuis novembre 2017, était engagée en qualité de personnel d'entretien lorsqu'elle a été victime, le 25 août 2018, d'un accident non professionnel, ayant entraîné une fracture de son poignet droit.

b. À la suite de cet accident, elle a été en arrêt total de travail et la SUVA Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents (ci-après : la SUVA) a pris en charge le cas.

c. L'assurée fait l'objet d'une curatelle de représentation et de gestion instituée par ordonnance du Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant du 9 octobre 2017, confiée au service de protection de l'adulte et de l'enfant (ci-après : le SPAd).

B. a. Le 15 avril 2019, l'assurée a déposé une demande de prestations auprès de l'office de l'assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après : l'OAI).

b. Le 4 août 2019, la docteure B______, spécialiste FMH en médecine interne générale, médecin traitante de l'assurée, a mentionné que celle-ci souffrait d'un état anxio-dépressif et d'un syndrome douloureux chronique régional ayant une incidence sur sa capacité de travail. Les limitations fonctionnelles étaient d'ordre psychique et fonctionnel du bras droit. Elle ne pouvait se prononcer sur le nombre d'heures de travail pouvant être réalisées par l'assurée.

c. Interrogé par l'OAI, le psychiatre traitant de l'assurée a indiqué, le 13 août 2019, que celle-ci n'était plus suivie à sa consultation depuis juillet 2018, de sorte qu'il ne pouvait donner des renseignements sur le cas.

d. L'assurée a séjourné, du 27 novembre 2019 au 22 janvier 2020, à la Clinique romande de réadaptation (ci-après : la CRR) de la SUVA. Les diagnostics principaux de fracture de l'extrémité distale du radius droit et de la styloïde ulnaire, ainsi que de syndrome douloureux régional complexe, forme clinique syndrome épaule-main droit au décours, y ont été posés. Un syndrome dépressif au décours a, en outre, notamment, été mentionné en tant que diagnostic secondaire. L'assurée avait présenté un syndrome dépressif après le décès de son mari, mais elle ne présentait actuellement plus de symptomatologie dépressive. La situation n'était pas stabilisée du point de vue médical et des aptitudes fonctionnelles ; la poursuite de l'ergothérapie en ambulatoire était toujours conseillée.

e. Dans un rapport du 28 septembre 2020, la Dre B______ a fait état d'une bonne évolution de la mobilité de la main droite de l'assurée, sous physiothérapie, avec néanmoins persistance d'une rigidité du majeur, ainsi que d'une bonne évolution du psychisme et d'une stabilisation de l'humeur depuis l'arrêt de travail. Le psychiatre n'avait pas été sollicité. À la question de l'exercice par l'assurée d'une activité professionnelle adaptée à son état de santé, elle a mentionné une réinsertion à but thérapeutique.

f. Le 15 avril 2021, l'assurée a été examinée par le docteur C______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique et traumatologie de l'appareil locomoteur et médecin d'arrondissement de la SUVA, lequel a indiqué que l'état de santé était stabilisé. L'activité de femme de ménage n'était plus possible. Une activité tenant compte de manière stricte des limitations fonctionnelles (pas de port de charges répété de plus de 5 kg, pas de mouvements nécessitant de la force ou des amplitudes importantes du poignet droit, pas de mouvements répétés du poignet droit, pas de travail prolongé avec le membre supérieur droit au-dessus du plan des épaules et pas d'activités avec le membre supérieur droit en porte-à-faux) était exigible, sans limitation de temps et de rendement.

g. Sur la base de cet examen, la SUVA a mis fin au paiement des soins médicaux et de l'indemnité journalière avec effet au 31 août 2021. Par décision du 15 septembre 2021, elle a refusé d'octroyer une rente d'invalidité de l'assurance-accidents à l'assurée compte tenu d'une perte de gain de 3% et a accordé une indemnité pour atteinte à l'intégrité (ci-après : IPAI) de 15%.

h. Dans un avis du 4 janvier 2022, le service médical régional (ci-après : le SMR) de l'OAI a fait siennes les conclusions du Dr C______ concernant la capacité de travail de l'assurée et ses limitations fonctionnelles, tout en rajoutant une limitation consistant en une gêne pour les activités fines de la main droite.

i. L'assurée, qui s'était inscrite auprès de l'assurance-chômage pour une recherche d'emploi à 100% dès le 1er septembre 2021, a participé à un stage de requalification du 3 mai au 2 septembre 2022 au sein des Établissements publics pour l'intégration (ci-après : EPI).

j. Le 16 mai 2022, l'OAI a rendu un projet de décision dans lequel il a dit que l'assurée avait droit à une rente entière d'invalidité du 1er octobre 2019 au 30 juin 2021, en raison d'une incapacité totale de travail dans toute activité professionnelle dès le 26 août 2018. Dans une activité adaptée à ses limitations fonctionnelles, la capacité de travail était de 100% à partir du 1er avril 2021, de sorte que le droit à la rente s'éteignait trois mois plus tard, au 1er juillet 2021, la perte de gain de l'assurée en fonction de la comparaison des revenus étant nulle.

k. Le 20 juin 2022, le SPAd a contesté le projet de décision, relevant que l'assurée avait été en arrêt de travail à 100%, attesté par la Dre B______ jusqu'au 31 août 2021. Depuis le 1er septembre 2021, sa capacité de travail était de plus de 50%, et non entière.

À l'appui de sa contestation, le SPAd a produit un rapport de la Dre B______ du 7 juin 2022, aux termes duquel cette dernière relevait avoir délivré un certificat d'arrêt total de travail jusqu'au 31 août 2021, puis que l'assurée s'était inscrite au chômage et avait fait une tentative de réinsertion chez PRO avec un stage commencé entre octobre et novembre 2021 afin d'évaluer ses capacités, après un arrêt prolongé à la suite de la fracture du poignet droit. Il avait alors été constaté que l'assurée atteignait rapidement ses limites au niveau du rendement, estimé à 80%, en raison de la fatigabilité du bras droit et qu'elle présentait une récidive de douleurs de type crampes, lourdeur et étirement. Lors de la consultation du 15 novembre 2021, l'assurée lui avait expliqué qu'elle n'arrivait à travailler sans douleurs et sur le long terme qu'à un taux de 50%, en respectant les limitations retenues par la SUVA, de sorte que l'entreprise avait dû adapter ses activités dans ce sens pour qu'elle puisse finir le stage. L'assurée était ensuite restée sans travail, de décembre 2021 à avril 2022, puis avait repris le travail aux EPI, à 100% durant un mois. Elle avait à nouveau consulté après ce mois de travail, était de nouveau perturbée et fatiguée, avec une recrudescence de ses douleurs au membre supérieur droit, nécessitant un arrêt à 50% depuis le 30 mai 2022. L'assurée était incapable d’assumer des journées de travail de huit heures, en raison des douleurs et de la fatigue, qui avaient une répercussion sur son fonctionnement psychique, ce qui avait nécessité la réintroduction d'un traitement par antidépresseur. L'assurée était demandeuse de poursuivre une activité professionnelle, tenant compte de ses limitations et déclarait pouvoir bien fonctionner et gérer ses douleurs sur une journée de travail à 50%. Selon son point de vue de médecin, l'assurée serait fonctionnelle et productive à moyen/long terme avec un travail fractionné en demi-journées, c'est-à-dire à un taux de 50%, autant sur le plan physique que psychique. La Dre B______ a par ailleurs souligné que l'assurée nécessitait une anti-coagulation thérapeutique à vie, au vu de l'AVC ischémique découvert lors du séjour à la CRR et du bilan étiologique.

l. Le 7 juillet 2022, le SMR a indiqué maintenir sa position. Dans son rapport du 28 septembre 2020, la Dre B______ avait noté que l'assurée avait une bonne évolution et une stabilisation de l'humeur et n'avait plus de suivi psychiatrique. Cette médecin, dans son dernier rapport de juin 2022, ne faisait pas mention d'une aggravation de l'état de santé psychique de l'assurée depuis septembre 2020, ni de l'introduction d'un médicament psychotrope et/ou d'un suivi psychiatrique particulier et aucune limitation psychique n'était détaillée. Concernant l'AVC ischémique, la médecin de famille ne mentionnait aucun déficit moteur, consultation et/ou suivi par un neurologue et n'avait transmis aucun élément de nature à faire suspecter une modification du status neurologique depuis la découverte de cette pathologie en décembre 2019. Elle était en charge du traitement visant à prévenir un nouvel évènement et ce problème médical n'était source d'aucun empêchement. S'agissant du stage dans un atelier d'emballage, sollicitant en permanence la main dominante de l'assurée, le SMR suggérait d'interroger un spécialiste en réadaptation pour juger du caractère adapté d'une telle activité.

m. Selon un compte-rendu du 1er juillet 2022 du stage aux EPI, l'assurée n'était pas ambidextre et devait apprendre à utiliser sa main gauche et à faire avec ce membre tous les gestes qu'elle faisait avec la main droite. Elle se trouvait significativement ralentie dans son rythme de travail et avait, en moyenne, une rentabilité de 50% dans les activités qui ne nécessitaient pas l'utilisation de la force.

n. Après avoir rencontré l'assurée, la division réadaptation de l'OAI, se fondant sur les conclusions des EPI, a retenu, sur le plan médico-théorique, une baisse de rendement de 50%, constatée dans l'exercice d'une activité du conditionnement léger, seule activité exigible. D'autres activités non qualifiées (telles celles de la vente, de la mise en rayons, de l'aide à la personne et des soins) n'étaient en effet pas adaptées car elles ne respectaient pas les limitations fonctionnelles du membre supérieur droit. L'exercice d'une nouvelle activité adaptée aux nombreuses limitations fonctionnelles de l'assurée impliquerait une reconversion professionnelle, ce qui ne répondait pas au critère de simplicité. Cette perspective nécessitait, en outre, des connaissances préalables que l'assurée ne possédait pas et n'était pas en mesure d'acquérir dans un délai raisonnable. Selon le calcul de la comparaison des gains, la perte de gain s'élevait à 47%.

o. Le 17 novembre 2023, sur la base d'une motivation de l'OAI reconnaissant à l'assurée un degré d'invalidité de 100% dès le 26 août 2019 et de 47% dès le 1er août 2021, la caisse de compensation compétente a rendu la décision suivante :

-          rente entière d'invalidité du 1er octobre 2019 au 31 août 2020 en faveur de l'assurée (CHF 2'298.- par mois) et de sa fille (CHF 766.- par mois) ;

-          rente entière d'invalidité du 1er septembre 2020 au 31 juillet 2021 en faveur de l'assurée (CHF 2'298.- de septembre à décembre 2020 et CHF 2'317.- de janvier à juillet 2021) ;

-          rente entière d'invalidité dès le 1er août 2021 en faveur de l'assurée (CHF 2'317.-) ;

-          rente entière d'invalidité du 1er septembre 2020 au 30 avril 2021 en faveur de la fille de l'assurée (CHF 766.- de septembre à décembre 2020 et CHF 772.- de janvier à avril 2021).

C. a. Par acte du 11 janvier 2024, le curateur de l'assurée a interjeté recours à l'encontre de la décision du 17 novembre 2023 auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la chambre de céans), concluant à son annulation, au renvoi de la cause à l'intimé et à l'octroi d'une rente entière d'invalidité jusqu'au 1er septembre 2021, ainsi qu'à une demi-rente d'invalidité dès le 1er décembre 2021.

b. La chambre de céans a ouvert trois procédures pour traiter de ce recours (A/107/2024, A/109/2024 et A/110/2024).

c. Le 16 janvier 2024, à la demande de la chambre de céans, l'intimé a indiqué que la décision du 17 novembre 2023 avait été adressée sous pli simple et non en recommandé.

d. Par ordonnance du 24 janvier 2024, la chambre de céans a ordonné la jonction des trois causes sous le numéro A/107/2024.

e. Par mémoire de réponse du 15 février 2024, l'intimé a conclu au rejet du recours et à la confirmation de la décision attaquée. Les périodes d'incapacité de travail avaient été déterminées sur la base des éléments au dossier, le SMR ayant considéré qu'il n'y avait aucun motif pour s'éloigner des conclusions du Dr C______ concluant à une incapacité totale de travail de la recourante dans l'activité habituelle et à une capacité entière dans une activité adaptée dès le 16 avril 2021. Le stage réalisé par la recourante aux EPI avait au surplus démontré qu'elle avait un rendement diminué de 50%. Il avait ainsi reconnu une invalidité totale jusqu'au 31 juillet 2021, puis de 47% dès le 1er août 2021. Cela étant, dans la mesure où la recourante bénéficiait d'une rente de veuve, elle continuait d'avoir droit à une rente entière d'invalidité, dès le 1er août 2021, conformément à la loi.

f. Par réplique du 8 mars 2024, la recourante a persisté dans ses conclusions. Elle n'avait disposé d'une capacité de travail que dès le 1er septembre 2021, et à 50% seulement.

g. Par duplique du 25 mars 2024, l'intimé a persisté dans ses conclusions.

h. Sur ce, la cause a été gardée à juger, ce dont les parties ont été informées.

 

EN DROIT

 

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.              

2.1 Le délai de recours est de 30 jours (art. 56 LPGA ; art. 62 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).

Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, compte tenu de la suspension des délais pendant la période du 18 décembre au 2 janvier inclusivement (art. 38 al. 4 let. c LPGA et art. 89C let. c LPA) et compte tenu du fait que la décision querellée, adressée sous pli simple, a été notifiée le 27 novembre 2023 selon les allégations de la recourante, le recours est recevable sous ces angles.

2.2 L'art. 59 LPGA accorde la qualité pour recourir à quiconque est touché par la décision ou la décision sur opposition et a un intérêt digne d'être protégé à ce qu'elle soit annulée ou modifiée.

La notion d’intérêt digne de protection de l’art. 59 LPGA est la même que celle prévue dans la procédure fédérale de recours (ATF 130 V 388 consid. 2.2 ; ATAS/990/2018 du 25 octobre 2018 consid. 3 ; Jean MÉTRAL, in Commentaire romand, LPGA, 2018, n. 8 ad art. 59 LPGA). L'intérêt digne de protection consiste ainsi en l'utilité pratique que l'admission du recours apporterait au recourant ou, en d'autres termes, dans le fait d'éviter un préjudice de nature économique, idéale, matérielle ou autre que la décision attaquée lui occasionnerait (ATF 130 V 196 consid. 3 ; ATAS/990/2018 consid. 3 ; Jean MÉTRAL, op. cit., n. 11 ad art. 59 LPGA).

L’intérêt digne de protection ne doit pas nécessairement se recouper avec l’intérêt protégé par la norme invoquée à l’appui du recours (ATF 133 V 188 consid. 4.3.1 ; Jean MÉTRAL, op. cit., n. 15 ad art. 59 LPGA). Savoir si un intérêt digne de protection existe ne dépend donc pas de la motivation du recours, mais plutôt des conclusions prises par le recourant. Dans le même ordre d’idée, l’intérêt au recours doit porter sur la modification ou sur l’annulation du dispositif de la décision et non uniquement sur une rectification de la motivation de la décision (ATF 131 II 587 consid. 4.2.1 ; Jean MÉTRAL, ibidem). Ainsi la partie recourante ne peut-elle en principe pas se prévaloir d’un intérêt digne de protection à la rectification du taux d’invalidité fixé dans la décision litigieuse, si la rectification n’entraîne aucun changement du droit à la rente. Demeurent réservées des circonstances particulières qui pourraient justifier une décision de constatation sur ce point (ATF 106 V 91 consid. 1 ; Jean MÉTRAL, ibidem).

Dans le cas d'une décision concernant une rente de l'assurance-invalidité en particulier, il peut éventuellement exister un intérêt digne de protection à la constatation immédiate d'un degré d'invalidité plus élevé, même si un tel degré n'a pas d'incidence sur le montant de la prestation AI (arrêt 9C_822/2011 du 3 février 2012 consid. 3.1 et les références).

Le Tribunal fédéral a reconnu qu'un tel intérêt existe lorsqu'une personne assurée bénéficie de prestations accordées en vertu de la loi fédérale sur les prestations complémentaires à l’AVS et à l’AI du 6 octobre 2006 (loi sur les prestations complémentaires, LPC - RS 831.30). Le degré d'invalidité détermine en effet si et, le cas échéant, dans quelle proportion, un revenu hypothétique doit être pris en considération, conformément aux art. 11a al. 1 LPC (dans sa teneur dès le 1er janvier 2021) et 14a al. 2 de l'ordonnance sur les prestations complémentaires à l’assurance-vieillesse, survivants et invalidité du 15 janvier 1971 (OPC-AVS/AI - RS 831.301) (arrêt du Tribunal fédéral 9C_822/2011 du 3 février 2012 consid. 3.2.3 et la référence), étant précisé que lorsqu'ils doivent fixer le revenu déterminant d'assurés partiellement invalides, les organes compétents en matière de prestations complémentaires doivent en principe s'en tenir à l'évaluation de l'invalidité par les organes de l'assurance-invalidité (ATF 107 V 202 consid. 2b).

Un intérêt à faire constater le taux d'invalidité a par contre été nié dans des cas où les personnes assurées n'avaient pas droit à une rente d'invalidité, du fait qu'elles ne remplissaient pas les conditions d'assurances. Dans de telles situations, la question du taux d'invalidité devait dès lors faire l'objet d'un examen préliminaire par les organes compétents en matière de prestations complémentaires, dès que l'assuré aurait présenté sa demande (arrêts du Tribunal fédéral 9C_528/2010 du 11 juillet 2011 consid. 4.2 et 9C_126/2021 du 29 mars 2022 consid. 5).

En l'occurrence, en application de l'art. 43 al. 1 LAI qui prévoit que si les veuves, veufs ou orphelins ont droit simultanément à une rente de survivants de l’assurance-vieillesse et survivants et à une rente de l’assurance-invalidité, ils bénéficieront d’une rente d’invalidité entière et que la rente la plus élevée leur sera versée, la recourante, veuve depuis novembre 2017, bénéficie précisément d'une rente entière de l'assurance-invalidité.

Bien que le droit à une rente entière de l'assurance-invalidité lui ait été reconnu sur cette base et que son degré d'invalidité ne soit plus déterminant du point de vue de l'assurance-invalidité, elle dispose néanmoins d'un intérêt à ce que cette question soit revue par la chambre de céans. Il ressort, en effet, des pièces du dossier que la recourante bénéficie de prestations complémentaires à l'AVS et à l'AI versées par le service des prestations complémentaires (ci-après : le SPC), depuis à tout le moins 2021. S'il est certes vrai qu'un plan de calcul intégrant un revenu hypothétique ne figure pas au dossier (contrairement au cas tranché par le Tribunal fédéral dans l'arrêt 9C_822/2011 du 3 février 2012 consid. 3.2.3), il n'est pas impossible que le SPC se soit déjà prononcé en ce sens pour la période écoulée et il devra, quoi qu'il en soit, tenir compte d'un degré d'invalidité de 47% de la recourante, dès la prochaine révision entreprise, ce point ayant été tranché par l'intimé dans la décision querellée, de sorte qu'il lie le SPC. Par conséquent, le SPC devra prendre en compte un revenu de l’activité lucrative de la recourante correspondant, au moins, au montant maximum destiné à la couverture des besoins vitaux des personnes seules, selon l’art. 10 al. 1 let. a ch. 1 LPC, augmenté d’un tiers, conformément à l'art. 14a al. 2 let. a OPC-AVS/AI.

Au vu de ce qui précède, la chambre de céans retiendra que la recourante dispose d'un intérêt digne de protection à ce que son degré d'invalidité soit revu, cet élément influençant le montant de ses prestations complémentaires, ce qui lui confère la qualité pour recourir.

Le recours doit par conséquent être déclaré recevable.

3.             Le litige porte sur le degré d'invalidité de la recourante, plus précisément sur la question de savoir jusqu'à quand elle était en incapacité totale de travail et à quel taux elle peut travailler, depuis que son état de santé s'est amélioré.

4.             Par renvoi de l'art. 1 al. 1 LAI, les dispositions de la LPGA s'appliquent à l'assurance-invalidité, à moins que la loi n'y déroge expressément.

Le 1er janvier 2022, les modifications de la LAI du 19 juin 2020 (développement continu de l’AI ; RO 2021 705) ainsi que celles du 3 novembre 2021 du règlement sur l’assurance-invalidité du 17 janvier 1961 (RAI - RS 831.201 ; RO 2021 706) sont entrées en vigueur.

En l’absence de disposition transitoire spéciale, ce sont les principes généraux de droit intertemporel qui prévalent, à savoir l’application du droit en vigueur lorsque les faits déterminants se sont produits (cf. ATF 144 V 210 consid. 4.3.1 et la référence). Lors de l’examen d’une demande d’octroi de rente d’invalidité, est déterminant le moment de la naissance du droit éventuel à la rente. Si cette date est antérieure au 1er janvier 2022, la situation demeure régie par les anciennes dispositions légales et réglementaires en vigueur jusqu’au 31 décembre 2021. Si elle est postérieure au 31 décembre 2021, le nouveau droit s’applique (cf. arrêt du Tribunal fédéral 9C_60/2023 du 20 juillet 2023 consid. 2.2. et les références).

En l’occurrence, la décision querellée a certes été rendue postérieurement au 1er janvier 2022. Toutefois, il n’est pas contesté que le droit de la recourante à une rente d'invalidité est né antérieurement à cette date, de sorte que les dispositions légales applicables seront citées dans leur teneur en vigueur jusqu’au 31 décembre 2021.

5.             Est réputée invalidité, l'incapacité de gain totale ou partielle présumée permanente ou de longue durée, résultant d'une infirmité congénitale, d'une maladie ou d'un accident (art. 8 al. 1 LPGA et 4 al. 1 LAI). Selon l’art. 7 LPGA, est réputée incapacité de gain toute diminution de l'ensemble ou d'une partie des possibilités de gain de l'assuré sur le marché du travail équilibré qui entre en considération, si cette diminution résulte d'une atteinte à la santé physique, mentale ou psychique et qu'elle persiste après les traitements et les mesures de réadaptation exigibles (al. 1). Seules les conséquences de l’atteinte à la santé sont prises en compte pour juger de la présence d’une incapacité de gain. De plus, il n’y a incapacité de gain que si celle-ci n’est pas objectivement surmontable (al. 2 en vigueur dès le 1er janvier 2008).

Chez les assurés actifs, le degré d'invalidité doit être évalué sur la base d'une comparaison des revenus. Pour cela, le revenu que l'assuré aurait pu réaliser s'il n'était pas invalide est comparé avec celui qu'il pourrait obtenir en exerçant l'activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré (art. 8 al. 1 et art. 16 LPGA).

 

6.              

6.1 Pour pouvoir calculer le degré d’invalidité, l’administration (ou le juge, s’il y a eu un recours) a besoin de documents qu’un médecin, éventuellement d’autres spécialistes, doivent lui fournir. La tâche du médecin consiste à porter un jugement sur l’état de santé et à indiquer dans quelle mesure et pour quelles activités l’assuré est, à ce motif, incapable de travailler (ATF 140 V 193 consid. 3.2 et les références ; 125 V 256 consid. 4 et les références). En outre, les données médicales constituent un élément utile pour déterminer quels travaux on peut encore, raisonnablement, exiger de l’assuré (ATF 125 V 256 consid. 4 et les références).

Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales (cf. art. 61 let. c LPGA), le juge n'est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu'en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l'affaire sans apprécier l'ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L'élément déterminant pour la valeur probante d'un rapport médical n'est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. À cet égard, il importe que les points litigieux importants aient fait l'objet d'une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu'il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l'expert soient bien motivées (ATF 134 V 231 consid. 5.1 ; 133 V 450 consid. 11.1.3 ; 125 V 351 consid. 3).

Sans remettre en cause le principe de la libre appréciation des preuves, le Tribunal fédéral a posé des lignes directrices en ce qui concerne la manière d'apprécier certains types d'expertises ou de rapports médicaux.

6.2 Le juge peut accorder pleine valeur probante aux rapports et expertises établis par les médecins d'un assureur social aussi longtemps que ceux-ci aboutissent à des résultats convaincants, que leurs conclusions sont sérieusement motivées, que ces avis ne contiennent pas de contradictions et qu'aucun indice concret ne permet de mettre en cause leur bien-fondé. Le simple fait que le médecin consulté est lié à l'assureur par un rapport de travail ne permet pas encore de douter de l'objectivité de son appréciation ni de soupçonner une prévention à l'égard de l'assuré. Ce n'est qu'en présence de circonstances particulières que les doutes au sujet de l'impartialité d'une appréciation peuvent être considérés comme objectivement fondés. Étant donné l'importance conférée aux rapports médicaux dans le droit des assurances sociales, il y a lieu toutefois de poser des exigences sévères quant à l'impartialité de l'expert (ATF 125 V 351 consid. 3b/ee).

6.3 Un rapport du SMR a pour fonction d'opérer la synthèse des renseignements médicaux versés au dossier, de prendre position à leur sujet et de prodiguer des recommandations quant à la suite à donner au dossier sur le plan médical. En tant qu'il ne contient aucune observation clinique, il se distingue d'une expertise médicale (art. 44 LPGA) ou d'un examen médical auquel il arrive au SMR de procéder (art. 49 al. 2 RAI ; ATF 142 V 58 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_542/2011 du 26 janvier 2012 consid. 4.1). De tels rapports ne sont cependant pas dénués de toute valeur probante, et il est admissible que l'office intimé, ou la juridiction cantonale, se fonde de manière déterminante sur leur contenu. Il convient toutefois de poser des exigences strictes en matière de preuve ; une expertise devra être ordonnée si des doutes, même faibles, subsistent quant à la fiabilité ou à la pertinence des constatations effectuées par le SMR (ATF 142 V 58 consid. 5 ; 135 V 465 consid. 4.4 et 4.6 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_371/2018 du 16 août 2018 consid. 4.3.1).

6.4 En ce qui concerne les rapports établis par les médecins traitants, le juge peut et doit tenir compte du fait que, selon l'expérience, le médecin traitant est généralement enclin, en cas de doute, à prendre parti pour son patient en raison de la relation de confiance qui l'unit à ce dernier (ATF 125 V 351 consid. 3b/cc). S'il est vrai que la relation particulière de confiance unissant un patient et son médecin traitant peut influencer l'objectivité ou l'impartialité de celui-ci (cf. ATF 125 V 351 consid. 3a 52 ; 122 V 157 consid. 1c et les références), ces relations ne justifient cependant pas en elles-mêmes l'éviction de tous les avis émanant des médecins traitants. Encore faut-il démontrer l'existence d'éléments pouvant jeter un doute sur la valeur probante du rapport du médecin concerné et, par conséquent, la violation du principe mentionné (arrêt du Tribunal fédéral 9C_973/2011 du 4 mai 2012 consid. 3.2.1).

7.             Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 126 V 353 consid. 5b et les références ; 125 V 193 consid. 2 et les références ; cf130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 135 V 39 consid. 6.1 et la référence).

8.             En l'espèce, la recourante conteste les conclusions de l'intimé au sujet de sa capacité de travail, en se prévalant du point de vue de sa médecin traitante. Il sied de rappeler que l'intimé a retenu qu'elle avait été entièrement incapable de travailler jusqu'au 16 avril 2021, puis qu'elle disposait d'une capacité de travail entière dans une activité adaptée, se référant sur ce point aux conclusions du Dr C______, médecin d'arrondissement de la SUVA, qui l'avait examinée. Cependant, la division réadaptation de l'intimé a jugé que le rendement de la recourante était diminué de moitié dans une activité de conditionnement léger, seule activité adaptée, comme cela avait été mis en évidence à l'occasion du stage aux EPI.

8.1 La Dre B______ ne se prononce pas directement sur les conclusions du Dr C______ ou du SMR et l'on ignore si elle a pris connaissance de leurs avis, en particulier des résultats de l'examen du 15 avril 2021.

S'agissant de la date de reprise d'une activité lucrative, elle se borne par ailleurs à affirmer qu'elle avait délivré un certificat d'arrêt de travail à la recourante (qui ne figure pas au dossier) jusqu'à fin août 2021 et que l'inscription au chômage ne s'est faite qu'en septembre 2021, sans préciser quelles limitations existaient encore avant cette date qui n'auraient pas été prises en considération par le médecin d'arrondissement et qui auraient ensuite disparu. Dans cette mesure, la simple affirmation, non étayée, de ce que la recourante était encore incapable de travailler dans toute profession, n'est pas à même de mettre en doute la conclusion du SMR selon laquelle la recourante avait retrouvé une capacité de travail dans une activité adaptée dès avril 2021, posée après un examen clinique de la recourante effectué par un spécialiste en orthopédie.

Concernant le taux de travail dans une activité adaptée, le rapport du 7 juin 2022 de la Dre B______ ne permet pas non plus de jeter un doute sur les conclusions du Dr C______ et du SMR. La médecin précitée résume, en effet, en grande partie les tentatives de reprise de travail de la recourante et les différents stages qu'elle a suivis, et rapporte les dires de celle-ci concernant sa capacité de travail. Elle se prononce de manière rétrospective, en fonction des taux de travail effectifs exercés par la recourante, alors que la question, du point de vue de l'assurance-invalidité, doit être analysée sous l'angle médico-théorique. Bien qu'elle affirme que, selon son avis, la recourante sera fonctionnelle et productive à moyen et long terme avec un travail fractionné en demi-journées, à savoir à un taux de 50%, elle ne fait cependant pas état d'éléments objectifs qui n'auraient pas été pris en compte par l'intimé pour définir les limitations fonctionnelles et le taux de travail exigible. S'agissant des répercussions d'un travail à plein temps sur l'état de santé psychique de la recourante, le SMR note par ailleurs, à juste titre, qu'un suivi psychiatrique spécialisé n'a pas été remis en place en 2021 ou 2022. Au vu des réponses de l'ancien psychiatre traitant de la recourante, il est ainsi permis de retenir, sous l'angle de la vraisemblance prépondérante, que la recourante ne souffrait d'aucun trouble psychique incapacitant depuis le second semestre 2018. Le SMR souligne, en outre, pertinemment que le suivi médical de l'AVC ischémique et le traitement pris visent à éviter toute récidive, mais n'entraînent aucun empêchement.

Dans ces circonstances, il n'existe aucun élément concret permettant de mettre en doute les conclusions de l'intimé au sujet de la capacité de travail de la recourante dans une activité adaptée.

8.2 Enfin, l'intimé a en définitive tenu compte d'une diminution de rendement de 50% de la recourante dans une activité légère de conditionnement au vu des conclusions du stage aux EPI, ce qui a ouvert le droit à une rente d'invalidité. La décision querellée ne s'oppose ainsi plus aux conclusions de la Dre B______, qui se réfère précisément à la productivité de la recourante et à la nécessité, pour celle-ci, de gérer sa douleur. On peut donc constater que les conclusions finales de l'intimé rejoignent celles exprimées par la médecin traitante.

La décision entreprise apparaît par conséquent conforme au droit, de sorte que le degré d'invalidité de la recourante de 47% peut être confirmé, cette dernière n'élevant aucun grief au sujet de la comparaison des revenus effectuée par l'intimé et le calcul à cet égard apparaissant correct.

9.              

9.1 Au vu de ce qui précède, le recours sera rejeté.

9.2 Compte tenu de la situation financière et personnelle de la recourante, il sera renoncé au paiement d'un émolument, bien que la procédure ne soit pas gratuite (art. 69 al.1bis LAI).


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Renonce à percevoir un émolument.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Véronique SERAIN

 

Le président

 

 

 

 

Philippe KNUPFER

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le