Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public
ATAS/489/2024 du 24.06.2024 ( PC ) , ADMIS
En droit
rÉpublique et | 1.1canton de genÈve | |
POUVOIR JUDICIAIRE
| ||
A/311/2023 ATAS/489/2024 COUR DE JUSTICE Chambre des assurances sociales | ||
Arrêt du 24 juin 2024 Chambre 6 |
En la cause
A______
| recourante |
contre
SERVICE DES PRESTATIONS COMPLÉMENTAIRES |
intimé |
A. a. Madame A______ (ci-après : l’intéressée), née le ______ 1998, est étudiante à la haute école de travail social de Genève.
b. Le 6 août 2018, la Prévoyance professionnelle B______ (ci-après : B______) a écrit au père de l’intéressée, en l’informant que dès le 1er mars 2018, il bénéficierait d’une rente pour l’intéressée de CHF 5'024.40 par année, versée jusqu’en avril 2018.
c. L’intéressée a déposé le 16 juin 2022 une demande de prestations complémentaires, étant au bénéfice d’une rente AI complémentaire pour enfant.
B. a. Par décision du 29 novembre 2022, le service des prestations complémentaires (ci-après : SPC) a alloué à l’intéressée, dès le 1er juin 2022, mensuellement, des prestations complémentaires fédérales (ci-après : PCF) de CHF 550.- et des prestations complémentaires cantonales (ci-après : PCC) de CHF 232.-. Dès le 1er décembre 2022, elle bénéficiait mensuellement de PCF de CHF 811.35 et de PCC de CHF 232.-. Étaient retenus, au titre de revenu, CHF 8'088.- de rente AI et CHF 5'024.40 de rente 2ème pilier.
b. Par décision du 6 décembre 2022, le SPC a alloué à l’intéressée dès le 1er janvier 2023 mensuellement des PCF de CHF 2'070.- et des PCC de CHF 888.-. La rente AI n’était plus prise en compte.
c. Par décision du 16 décembre 2022, le SPC a recalculé le droit aux prestations de l’intéressée et alloué à celle-ci, mensuellement, dès le 1er janvier 2023, des PCF de CHF 580.- et des PCC de CHF 238.-. Était prise en compte, au titre de revenu, une rente AI de CHF 8'292.-.
d. Par décision du 4 janvier 2023, le SPC a supprimé les prestations complémentaires au 31 janvier 2023, au motif que l’intéressée n’était plus titulaire d’une rente AI.
e. Le 4 janvier 2023, l’intéressée a fait opposition aux décisions des 29 novembre, 6 et 16 décembre 2022, en contestant avoir reçu une rente du 2ème pilier.
f. Par courriel du 24 janvier 2023, B______ a indiqué au SPC que le père de l’intéressée avait droit à une rente d’invalidité et une rente pour sa fille dès le 1er mars 2018 et que c’était seulement en septembre 2022 qu’un paiement rétroactif de la rente pour enfant avait pu être effectué (soit CHF 14'235.80 correspondant à une rente mensuelle de CHF 418.70 pour la période du 1er mai 2018 au 28 février 2019, du 1er août 2019 au 30 juin 2020 et du 1er septembre 2021 au 30 septembre 2022).
g. Par décision du 26 janvier 2023, le SPC a rejeté les oppositions aux décisions des 29 novembre et 16 décembre 2022, au motif que B______ avait alloué à l’intéressée une rente mensuelle de CHF 418.70, laquelle entrait dans le calcul de son revenu.
C. a. Le 1er février 2023, l’intéressée a recouru auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice à l’encontre de la décision précitée, en faisant valoir que son père était l’unique bénéficiaire de la rente d’enfant invalide et qu’il avait gardé le montant rétroactif de CHF 14'235.80 versé par B______. Elle avait, en revanche, reçu CHF 1'256.70 (3 x CHF 418.70) de novembre 2022 à janvier 2023. Elle contestait la prise en compte d’un montant de CHF 5'024.40, lequel devait être réduit à CHF 1'256.70.-
b. Le 27 février 2023, le SPC a conclu au rejet du recours.
c. Le 3 avril 2023, la recourante a répliqué, en indiquant n’avoir pas d’autres observations.
d. À la demande de la chambre de céans, le SPC a indiqué le 9 avril 2024 qu’il se justifierait de ne pas tenir compte du 1er juin au 31 octobre 2022 de la rente du 2ème pilier dans le calcul des prestations dues à la recourante, ce qui entrainerait toutefois un nouveau calcul des prestations pour le père de la recourante.
e. Le 30 avril 2024, la recourante a acquiescé à la proposition du SPC.
1. Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 3 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connait en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur les prestations complémentaires à l’assurance-vieillesse, survivants et invalidité du 6 octobre 2006 (LPC - RS 831.30). Elle statue aussi, en application de l'art. 134 al. 3 let. a LOJ, sur les contestations prévues à l'art. 43 de la loi cantonale sur les prestations complémentaires cantonales du 25 octobre 1968 (LPCC - J 4 25).
Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.
2. Interjeté en temps utile, le recours est recevable (art. 60 LPGA).
3. Des modifications législatives et réglementaires sont entrées en vigueur au 1er janvier 2021 dans le cadre de la Réforme des PC (LPC, modification du 22 mars 2019, RO 2020 585, FF 2016 7249 ; OPC-AVS/AI [ordonnance du 15 janvier 1971 sur les prestations complémentaires à l’assurance-vieillesse, survivants et invalidité ; RS 831.301], modification du 29 janvier 2020, RO 2020 599).
Conformément à l’al. 1 des dispositions transitoires de la modification du 22 mars 2019, l’ancien droit reste applicable trois ans à compter de l’entrée en vigueur de cette modification aux bénéficiaires de prestations complémentaires pour lesquels la réforme des PC entraine, dans son ensemble, une diminution de la prestation complémentaire annuelle ou la perte du droit à la prestation complémentaire annuelle. A contrario, les nouvelles dispositions sont applicables aux personnes qui n’ont pas bénéficié de prestations complémentaires avant l’entrée en vigueur de la réforme des PC (arrêt du Tribunal fédéral 9C_329/2023 du 21 août 2023 consid. 4.1).
En l’occurrence, le droit aux prestations complémentaires est né postérieurement au 1er janvier 2021, de sorte que les dispositions légales applicables seront citées dans leur nouvelle teneur.
4. Le litige porte sur la prise en compte, comme revenu de la recourante, du montant de la rente LPP pour enfant, versée à son père, pour la période du 1er juin au 31 octobre 2022.
5.
5.1 S’agissant des PCF, selon l’art. 9 al. 1 LPC le montant de la prestation complémentaire annuelle correspond à la part des dépenses reconnues qui excède les revenus déterminants, mais au moins au plus élevé des montants suivants : la réduction des primes la plus élevée prévue par le canton pour les personnes ne bénéficiant ni de prestations complémentaires ni de prestations d’aide sociale (let. a) ; 60% du montant forfaitaire annuel pour l’assurance obligatoire des soins au sens de l’art. 10 al. 3 let. d (let. b).
5.1.1 Selon l’art. 7 al. 1 let. c et al. 2 OPC-AVS/AI, la prestation complémentaire annuelle pour enfants donnant droit à une rente pour enfant de l’assurance-vieillesse et survivants (AVS), ou de l’assurance-invalidité (AI), est calculée comme si l’enfant ne vit pas chez ses parents, ou s’il vit chez celui des parents qui n’a pas droit à une rente, ni ne peut prétendre l’octroi d’une rente complémentaire, la prestation complémentaire doit être calculée séparément (al. 1 let. c) ; si le calcul est effectué selon l’al. 1 let. b et c, il doit être tenu compte du revenu des parents dans la mesure où il dépasse le montant nécessaire à leur propre entretien et à celui des autres membres de la famille à leur charge (al. 2).
5.1.2 L’art. 11 al. 1 let. d LPC prévoit que les revenus déterminants comprennent les rentes, pensions et autres prestations périodiques, y compris les rentes de l’AVS et de l’AI.
Selon le chiffre 3451.03 des Directives concernant les prestations complémentaires à l’AVS et à l’AI (DPC), en cas de versements de rentes arriérées, le montant afférent à l’année civile pour laquelle une PC est payée est à prendre en compte dans l’année où intervient le paiement de l’arriéré. La somme des rentes se rapportant à une période antérieure – pour laquelle aucune PC n’est fixée – doit être, le cas échéant, prise en compte comme fortune, après déduction des dettes éventuelles que l’assuré aurait contractées pour subvenir à son entretien et à celui de sa famille.
5.1.3 Sous réserve d’un dessaisissement de revenus (art. 11 al. 1 let. g LPC), la prise en compte de rentes, pensions et autres prestations périodiques suppose qu’elles puissent être effectivement perçues. Par exemple, une rente pour enfant de la prévoyance professionnelle à laquelle peut prétendre le père ne doit pas être prise en compte dans le calcul de la prestation complémentaire revenant à son enfant invalide dans la mesure où celui-ci ne possède aucun droit propre au versement de cette rente (Michel VALTERIO, Commentaire de la loi fédérale sur les prestations complémentaires à l’AVS et à l’AI, Loi sur les prestations complémentaires, LPC, éd. 2015, p. 155).
Dans un arrêt 9C_391/2012 du 11 décembre 2012, le Tribunal fédéral a exclu la prise en compte, comme revenu de l’intéressée, au bénéfice d’une rente d’invalidité, de la rente d’enfant de retraité perçue par son père.
5.2 S’agissant des PCC, selon l’art. 4 LPCC, ont droit aux prestations complémentaires cantonales les personnes dont le revenu annuel déterminant n’atteint pas le revenu minimum cantonal d’aide sociale applicable.
L’art. 5 prévoit que le revenu déterminant est calculé conformément aux règles fixées dans la LPC et ses dispositions d’exécution, moyennant certaines adaptations (non pertinentes en l’espèce).
6. En l’occurrence, l’intimé a proposé, dans son écriture du 9 avril 2024, de retirer du calcul des PC de la recourante le montant de la rente d’enfant 2ème pilier, celle‑ci ayant été perçue par le père de la recourante.
Cette proposition correspond à la jurisprudence du Tribunal fédéral précitée et aux conclusions de la recourante, de sorte que le recours sera admis, la décision litigieuse annulée et la cause renvoyée au SPC pour nouveau calcul, au sens des considérants.
Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. fbis LPGA a contrario).
PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :
Statuant
À la forme :
1. Déclare le recours recevable.
Au fond :
2. L’admet.
3. Annule la décision de l’intimé du 26 janvier 2023.
4. Renvoie la cause à l’intimé pour nouvelle décision, dans le sens des considérants.
5. Dit que la procédure est gratuite.
6. Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public (art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 - LTF - RS 173.110). Le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.
La greffière
Adriana MALANGA |
| La présidente
Valérie MONTANI |
Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le