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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3143/2023

ATAS/428/2024 du 06.06.2024 ( LAMAL ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/3143/2023 ATAS/428/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 6 juin 2024

Chambre 3

 

En la cause

A______

 

recourant

 

contre

CSS ASSURANCE-MALADIE SA

 

intimée

 


EN FAIT

 

A. a. Monsieur B______ (ci-après : l’assuré) a été affilié auprès d’INTRAS ASSURANCE-MALADIE SA (ci-après : Intras ou l’assurance) en 2021.

b. Cette année-là, Intras a adressé à l’assuré les décomptes de prestations suivants :

-       un décompte du 18 juin 2021 relatif à une facture de CHF 38.30 de l’Institution genevoise de maintien à domicile (ci-après : IMAD) lui réclamant une participation aux coûts de CHF 30.80 ;

-       un décompte du 5 juillet 2021 relatif à des factures de la Pharmacie C______ SA, lui réclamant des participations aux coûts de CHF 117.- et CHF 9.40 ;

-       un décompte du 23 juillet 2021 relatif à des factures du docteur D______ et de l’IMAD, lui réclamant des participations aux coûts de CHF 13.85 et CHF 65.10 ;

-       un décompte du 13 août 2021 relatif à une facture des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG), lui réclamant une participation aux coûts de CHF 237.15 ;

-       un décompte du 15 novembre 2021 relatif à une facture des HUG, lui réclamant une participation aux coûts de CHF 165.-.

c. Le 30 juillet 2021, Monsieur E______ a informé Intras du décès de son frère B______, survenu la veille.

d. Le 2 septembre 2021, le frère de l’assuré a signalé à l’assurance qu’il ne faisait que relever le courrier du défunt ; il appartenait à Intras de s’approcher des héritiers pour connaître le sort réservé à la succession.

e. Interrogée par Intras, la Justice de paix, en date du 7 octobre 2021, a mentionné Monsieur E______ comme personne de contact de la succession.

f. Les décomptes de prestations étant restés impayés, des rappels ont été expédiés au frère de l’assuré entre le 23 octobre 2021 et le 22 janvier 2022, puis des sommations, entre le 20 novembre 2021 et le 19 février 2022.

g. Le 2 novembre 2021, le frère du défunt a insisté sur le fait qu’il ne se considérait pas comme débiteur des factures de son frère.

h. Par courrier du 24 novembre 2021, Intras lui a répondu que son nom lui avait pourtant été communiqué par la Justice de paix et l’a invité à lui transmettre le plus rapidement possible un acte de répudiation.

i. Le 1er janvier 2022, par suite de fusion, les droits et obligations d’Intras ont été repris par ARCOSANA SA (ci-après : Arcosana), qui, par courrier du 14 février 2022, a rappelé au frère du défunt qu’elle attendait de sa part un acte de répudiation, ce à quoi l’intéressé a répondu, en date du 2 mars 2022, qu’il n’y en avait pas.

j. Le 14 avril 2022, Arcosana a prié une nouvelle fois le frère du défunt de répudier la succession et de lui faire parvenir une preuve de ladite répudiation, ou alors de procéder au paiement des montants dus, détail du compte de l’assuré défunt à l’appui.

k. Sans nouvelles du frère du défunt, malgré des rappels envoyés les 7 juin et 20 juillet 2022, Arcosana, en date du 29 août 2022, a introduit une poursuite à l’encontre du frère du défunt à hauteur de CHF 638.30.

l. Un commandement de payer n° 1______ a été établi le 30 août 2022, qui a été frappé d’opposition le 7 septembre 2022.

m. Par courrier du 13 juillet 2022, l’assurance a sollicité une nouvelle fois la Justice de paix, en lui demandant de lui communiquer le nom des héritiers et de lui signaler si une répudiation était intervenue. Ce à quoi il a été répondu, le 18 août 2023, que la personne à contacter pour la succession était Monsieur E______. Pour le surplus, par courriel du 23 août 2023, la Justice de paix a confirmé qu’il s’agissait là du seul héritier légal à sa connaissance.

n. Par décision du 14 octobre 2022, Arcosana a constaté l’existence d’un arriéré de paiement de CHF 638.30, montant auquel s’ajoutaient des frais de poursuite de CHF 53.30 et a prononcé la mainlevée de l’opposition au commandement de payer.

o. Le 20 octobre 2022, le frère du défunt s’est opposé à cette décision.

p. Le 1er janvier 2023, suite à une fusion, CSS ASSURANCE-MALADIE SA (ci-après : CSS) a repris les droits et obligations d’Arcosana.

q. Le 31 mai 2023, CSS a accusé réception de l’opposition du 20 octobre 2022. Elle a expliqué à l’opposant qu’en sa qualité de frère du défunt, il faisait partie de la deuxième parentèle d’héritiers légaux. Un délai au 23 juin 2023 lui était octroyé pour prouver qu’il n’avait pas qualité d’héritier.

r. Par décision du 31 août 2023, CSS a rejeté l’opposition.

Elle a constaté qu’à défaut d’acte de répudiation, M. E______ était bien l’héritier de feu l’assuré et, à ce titre, redevable des montants dus par ce dernier, soit CHF 638.30, montant à hauteur duquel elle a confirmé la mainlevée de l’opposition au commandement de payer, les frais de poursuite restant dus.

B. a. Par écriture du 28 septembre 2023, le frère du défunt a interjeté recours contre cette décision.

Il allègue qu’il était brouillé avec son frère.

Il ajoute que celui-ci, bien que n’ayant jamais été marié, lui aurait laissé entendre qu’il était père d’une fille au Portugal. Selon le recourant, cette enfant serait héritière de première parentèle, de sorte qu’il n’aurait pas à produire d’acte de répudiation. Selon lui, il incomberait à l’assurance d’entamer des investigations au Portugal pour recouvrer sa créance (sic).

b. Invitée à se déterminer, l’intimée, dans sa réponse du 14 novembre 2023, a conclu au rejet du recours.

L’intimée fait remarquer que ce n’est qu’au stade du recours que l’intéressé a consenti à fournir une explication à l’appui de l’allégation selon laquelle il ne serait pas l’héritier de feu son frère.

Cela étant, elle rappelle que la Justice de paix a confirmé qu’il était seul héritier connu de la succession de feu l’assuré.

Elle fait remarquer que si le recourant estime que la succession doit revenir à une tierce personne, il lui appartient d’en aviser la Justice de paix.

c. Les autres faits seront repris - en tant que de besoin - dans la partie "en droit" du présent arrêt.

 

 

EN DROIT

 

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 4 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-maladie, du 18 mars 1994 (LAMal - RS 832.10).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             À teneur de l'art. 1 al. 1 LAMal, les dispositions de la LPGA s'appliquent à l'assurance-maladie, à moins que la loi n'y déroge expressément.

3.             Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, le recours est recevable (art. 60 al. 1 LPGA ; art. 89B de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA ; RS/GE E 5 10).

4.             Le litige porte sur le point de savoir si l’intimée était fondée à prononcer la mainlevée de l’opposition à la poursuite n° 1______.

5.             Selon la jurisprudence, à certaines conditions, les assureurs maladie sont en droit de lever par une décision formelle l’opposition à un commandement de payer portant sur une créance découlant de la LAMal. Les assureurs peuvent donc introduire une poursuite pour leurs créances pécuniaires même sans titre de mainlevée entré en force, rendre après coup, en cas d'opposition, une décision formelle portant condamnation à payer les arriérés de primes ou participations aux coûts et, après l'entrée en force de cette dernière, requérir la continuation de la poursuite. Si le dispositif de la décision administrative se réfère avec précision à la poursuite en cours et lève expressément l'opposition à celle-ci, ils pourront requérir la continuation de la poursuite sans passer par la procédure de mainlevée de l'art. 80 LP. Dans sa décision, l'autorité administrative prononcera non seulement une décision au fond selon le droit des assurances sociales sur l'obligation pécuniaire de l'assuré, mais elle statuera simultanément sur l'annulation de l'opposition comme autorité de mainlevée. Il en va de même des tribunaux en cas de recours (ATF 119 V 329 consid. 2b; RKUV 2004 Nr. KV 274 S. 129 E. 4.2.1, K 107/02; arrêt du Tribunal fédéral 9C_903/2009 du 11 décembre 2009 consid. 2.1).

6.              

6.1 Aux termes de l'art. 64a LAMal, lorsque l'assuré n'a pas payé des primes ou des participations aux coûts échues, l'assureur leur envoie une sommation, précédée d'au moins un rappel écrit; il lui impartit un délai de 30 jours et l'informe des conséquences d'un retard de paiement (al. 1). Si, malgré la sommation, l'assuré ne paie pas dans le délai imparti les primes, les participations aux coûts et les intérêts moratoires dus, l'assureur doit engager des poursuites. […] (al. 2).

6.2 Selon l'art. 24 LPGA, le droit à des prestations ou à des cotisations arriérées s'éteint cinq ans après la fin du mois pour lequel la prestation était due et cinq ans après la fin de l'année civile pour laquelle la cotisation devait être payée.

6.3 Selon l'art. 105b OAMal, les primes et les participations aux coûts de l'assurance obligatoire des soins échues et impayées doivent faire l'objet, dans les trois mois qui suivent leur exigibilité, d'une sommation écrite qui sera précédée d'au moins un rappel et qui sera distincte de celles portant sur d'autres retards de paiement éventuels. Avec la sommation, l'assureur doit impartir à l'assuré un délai de 30 jours pour remplir son obligation et attirer son attention sur les conséquences qu'il encourt s'il n'effectue pas le paiement (al. 1). Si l'assuré ne s'exécute pas dans le délai imparti, l'assureur doit mettre la créance en poursuite dans les quatre mois qui suivent, de manière distincte des autres retards de paiement éventuels (al. 2).

6.4 Selon la jurisprudence, l’assureur peut émettre des règles autonomes quant aux frais de sommation perçus en cas de demeure de l’assuré, pour autant que ces coûts aient été causés par l’assuré et que le dédommagement soit approprié (ATF 125 V 276 consid. 2c/bb). En d’autres termes, l’assurance doit s’en tenir au principe d’équivalence, qui exige qu’un émolument ne soit pas en disproportion manifeste par rapport au paiement en souffrance et reste dans des limites raisonnables (arrêt du Tribunal fédéral 9C_874/2015 du 4 février 2016 consid. 4.1 et les références). Les frais administratifs ne doivent pas être une source de revenus supplémentaires pour l’assurance mais uniquement couvrir ses coûts (Gebhard EUGSTER, Krankenversicherung in Soziale Sicherheit, SBVR, Band XIV, 3ème éd. 2016, n. 1349).

6.5 Le financement de l'assurance-maladie sociale repose sur les assurés et les pouvoirs publics. Il dépend donc étroitement de l'exécution de leurs obligations pécuniaires par les assurés. Ces derniers sont ainsi légalement tenus de s'acquitter du paiement des primes (cf. art. 61 LAMal) et des participations aux coûts (cf. art. 64 LAMal). Respectivement, les assureurs ne sont pas libres de recouvrer ou non les arriérés de primes et participations aux coûts et ils doivent faire valoir leurs prétentions découlant des obligations financières de l'assuré par la voie de l'exécution forcée selon la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite du 11 avril 1889 (LP - RS 281.1).

7.              

7.1 En l’espèce, sur le fond, il convient tout d’abord de relever que les créances de participations aux coûts réclamées par l’intimée sont établies par les pièces du dossier et non contestées d’ailleurs par le recourant. Seule est litigieuse la question de savoir si ce dernier est bel et bien héritier de l’assuré et donc débiteur des montants en question en cette qualité.

7.2 Comme le fait remarquer l’intimée, ce n’est que dans son recours que, pour la première fois, le recourant a apporté un semblant d’explication à l’allégation selon laquelle il ne serait pas héritier de son frère. Cela étant, ses allégations restent vagues : son frère aurait prétendu être le père d’une fille dont on ignore tout, en particulier s’il l’a reconnue, son âge, son identité. D’ailleurs, le recourant lui-même utilise le conditionnel pour évoquer l’existence de cette progéniture supposée. Qui plus est, la Justice de paix n’a tenu aucun compte de cette prétendue filiation, puisqu’elle a confirmé, en date du 23 août 2023, que le recourant était seul héritier connu de la succession de feu l’assuré. Or, le recourant, malgré de multiples demandes, n’a pas apporté la démonstration qu’il avait répudié la succession de son frère – dont il importe peu de savoir qu’il était brouillé avec. Dans ces conditions, le recourant ne saurait se défausser de ses obligations, étant rappelé qu’aux termes de l’art. 560 du Code civil suisse du 10 décembre 1907 (CC - RS 210), les héritiers acquièrent de plein droit l’universalité de la succession dès que celle-ci est ouverte. En d’autres termes, ils sont non seulement saisis des créances, mais aussi personnellement tenus des dettes du défunt existant au moment du décès (art. 560 al. 2 CC). Dès lors, le recourant est bel et bien redevable du montant réclamé.

7.3 C’est dès lors à juste titre que l’intimée a procédé à la mainlevée de l’opposition au commandement de payer, de sorte que le recours est rejeté.

 

***
PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Confirme la mainlevée de la poursuite n° 1______, à hauteur du montant de CHF 638.30. S’y ajouteront les frais de poursuite.

4.        Dit que la procédure est gratuite.

5.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Diana ZIERI

 

La présidente

 

 

 

 

Karine STECK

 

 

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral de la santé publique par le greffe le