Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public
ATAS/390/2024 du 30.05.2024 ( AI ) , ADMIS/RENVOI
En droit
rÉpublique et | 1.1canton de genÈve | |
POUVOIR JUDICIAIRE
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A/511/2022 ATAS/390/2024 COUR DE JUSTICE Chambre des assurances sociales | ||
Arrêt du 30 mai 2024 Chambre 5 |
En la cause
A______ représentée par Me Émilie CONTI MOREL, avocate
| recourante |
contre
OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE | intimé |
A. a. Madame A______ (ci-après : l’assurée ou la recourante), née en ______ 1976, a une fille née en 2009 et travaille depuis 1999 en tant qu’enseignante de chimie au collège, à un taux de 80%.
b. En date du 9 mai 2019, l’assurée a déposé une demande de prestation invalidité auprès de l’office de l’assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après : l’OAI ou l’intimé) en invoquant une complication postopératoire, soit une algoneurodystrophie suite à l’excision d’un névrome de Morton intervenue le 13 septembre 2018. Elle indiquait être suivie par la docteure B______, spécialiste FMH en rhumatologie, depuis le 27 novembre 2018 en raison de l’algoneurodystrophie, après avoir été opérée en date du 16 août 2018 par le docteur C______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique et en chirurgie du pied et de la cheville, au sein de la clinique des D______.
c. Répondant au questionnaire de l’OAI, en date du 22 mai 2019, la Dre B______ a confirmé l’algoneurodystrophie, suite à l’opération du pied, tout en indiquant une évolution lentement favorable, avec une prévision de reprise à 100% à la fin du mois de mai 2019. S’agissant des restrictions fonctionnelles, il était mentionné que l’assurée ne pouvait pas rester en position debout, plus de quelques minutes, sans ressentir des douleurs. Sa capacité de travail avait été de 0% jusqu’au 31 décembre 2018, puis de 40% jusqu’au 28 février 2019, puis avait évolué au fil du temps, jusqu’à un 100% prévu à la fin du mois de mai 2019.
d. En date du 17 octobre 2019, l’OAI a communiqué à l’assurée un projet de décision de refus de prestations ; l’OAI reconnaissait une incapacité de travail dès le 13 septembre 2018, mais estimait que la capacité de travail était pleine depuis le 25 mai 2019, ce qui impliquait que le délai d’attente n’était pas atteint et que le droit à la rente ne pouvait pas être ouvert.
e. Dans le cadre de la procédure d’audition, l’assurée a réagi au projet par courrier du 5 novembre 2019, en mentionnant que son état de santé était toujours très détérioré, qu’elle devait garder la jambe surélevée et qu’elle n’était pas capable de se tenir debout plus de cinq minutes. Elle devait se déplacer avec deux cannes anglaises, sur de très courtes distances et son pied gauche n’était toujours pas à même de supporter le moindre contact avec un toucher, même léger. Elle mentionnait encore que sa reprise d’activité n’avait pu être possible que grâce à la mise en place de mesures d’adaptation de son poste, avec la collaboration de sa direction, de manière qu’elle n’ait pas besoin de se tenir debout dans le cadre des cours qu’elle dispensait. Elle s’était peut-être montrée trop ambitieuse en essayant d’assurer la reprise du mois de septembre 2019 et son médecin traitant, la docteure E______, spécialiste FMH en médecine interne, considérait que les efforts consentis pour essayer d’assurer son activité étaient trop importants et que cela péjorait son état de santé, raison pour laquelle une diminution de son taux d’activité avait été décidée. Elle joignait, notamment, en annexe un questionnaire servant à contrôler l’incapacité de gain réalisé par l’office du personnel de l’État et daté du 16 octobre 2019, dont il ressortait que l’assurée avait travaillé à 100% du 25 mai au 16 septembre 2019, puis à 0% du 17 au 19 septembre, puis avait repris à 100% le 20 septembre 2019, ainsi que deux certificats médicaux émis par le Dr C______. Le certificat médical du 15 mai 2019 établissait qu’en raison de l’algodystrophie, l’assurée devait être actuellement considérée en incapacité de travail et celui du 14 novembre 2019 confirmait un status inflammatoire correspondant à une algoneurodystrophie du pied gauche évoluant très lentement avec un choc, au niveau du pied gauche, suivi d’une fracture du troisième orteil en date du 10 juillet 2019, ce qui avait réactivé cette maladie. Sur le plan professionnel, le médecin considérait qu’il était difficile d’envisager que l’assurée puisse travailler à plus de 80% de son activité, ce qui était déjà difficile, même avec les adaptations dont elle avait pu bénéficier au niveau de sa place de travail.
f. Dans son rapport médical intermédiaire du 15 novembre 2019, la Dre B______ a confirmé qu’elle n’avait pas revu la patiente depuis le 2 juillet 2019, date à laquelle elle avait constaté que l’état de son pied s’améliorait très lentement, mais progressivement.
g. Dans son rapport médical du 16 décembre 2019, la Dre E______ a confirmé que l’incapacité de travail était de 50%, du 4 novembre au 9 décembre 2019, en raison des difficultés pour le déplacement et la station debout prolongée. Les douleurs étaient persistantes et l’évolution était lente avec, de surcroît, une fracture du troisième orteil gauche, en été 2019, ce qui avait eu pour effet d’aggraver les douleurs. Le médecin traitant notait également un état dépressif réactionnel, mais ne pouvait pas poser de pronostic sur la capacité de travail, ni sur le potentiel de réadaptation de la patiente.
h. Répondant, le 9 janvier 2020, au questionnaire médical de l’OAI, le docteur F______, spécialiste FMH en neurologie, a mentionné une persistance des douleurs dans la jambe gauche, suite à l’opération d’excision du névrome de Morton, en indiquant la présence d’un syndrome fonctionnel douloureux qui avait une répercussion sur la capacité de travail. Selon le médecin, on assistait à une « chronicité du syndrome douloureux chronique » ce qui entraînait des difficultés à marcher, une boiterie, et des difficultés pour poser le pied gauche sur le sol, ce qui forçait l’assurée à se déplacer avec des béquilles. Il en résultait une réduction de l’activité journalière d’environ 50%. Sa capacité de travail dans l’activité habituelle ou dans une activité adaptée était actuellement nulle et une reprise n’était pas possible avant que la patiente ne soit guérie de son syndrome fonctionnel.
i. Le docteur G______, spécialiste FMH en anesthésiologie, médecin-chef de la clinique de la douleur de l’hôpital de La Tour, a rendu un rapport médical du 16 mars 2020 dans lequel il a posé le diagnostic de syndrome douloureux régional complexe (ci-après : SDRC), suite à une opération de Morton au pied gauche, avec une opération quelques mois plus tard et une fracture du métatarsien pendant l’été 2019. La patiente était dans l’impossibilité de marcher sans cannes. Suite à la durée des symptômes de l’assurée, le médecin considérait qu’elle avait clairement développé une symptomatologie dépressive, pour laquelle elle était traitée et suivie par un psychiatre. La patiente avait bénéficié d’un bloc sympathique lombaire, en date du 5 puis du 19 février 2020, suite à quoi on avait pu remarquer une symptomatologie qui diminuait en intensité, au niveau de presque tous les aspects des douleurs. Le médecin concluait que la situation actuelle s’était peut-être améliorée, par rapport à celle de la première consultation du 20 janvier 2020, mais par contre, l’amélioration était clairement insuffisante pour envisager de reprendre une activité d’enseignante.
j. La docteure H______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, a rendu un rapport médical initial, en date du 25 mai 2020, dont il ressortait que lors de sa première consultation en décembre 2019, l’assurée marchait avec une béquille, était très plaintive, algique, triste, anxieuse de manière permanente, avec des accès d’angoisse, des pensées centrées sur son incapacité à aller mieux physiquement et des inquiétudes quant à la reprise de son travail, avec une difficulté d’acceptation des limitations imposées par son état, un sentiment de culpabilité et d’inutilité, un sentiment de révolte, une difficulté de concentration et de mémorisation, des difficultés majeures à se détendre, des troubles du sommeil et un sentiment de découragement face à l’avenir. Six mois plus tard, constatant une accalmie des douleurs, la psychiatre relevait une meilleure acceptation de la pathologie neurovasculaire, accompagnée d’une amélioration de l’humeur et une baisse de l’anxiété, bien que la patiente soit encore très limitée dans ses activités quotidiennes. En dépit de ces éléments, la psychiatre considérait que, d’un point de vue strictement psychiatrique, l’assurée ne présentait actuellement aucune incapacité de travail et ne retenait, actuellement, comme incapacitants, sur le plan professionnel, que des troubles de type somatique, à savoir l’algoneurodystrophie.
k. Par avis médical du 19 juin 2020, la docteure I______, du service médical régional (ci-après : le SMR) de l’OAI, a résumé les troubles de la santé et a conclu que les soins avaient apporté un soulagement, mais que ce n’était pas suffisant pour envisager une reprise du travail. Elle recommandait de poser une série de questions complémentaires au Dr G______, après quoi le dossier serait réexaminé.
l. Le Dr G______ a répondu à l’OAI dans un rapport médical du 25 août 2020, en indiquant que la patiente avait bénéficié d’un certain nombre de gestes médicaux : des blocs sympathiques, une stimulation transcrânienne, qu’elle continuait régulièrement, deux fois par semaine, une augmentation du traitement antidépresseur et antiépileptique. Sur le plan des limitations fonctionnelles, l’assurée ne pouvait toujours pas mettre de souliers qui serraient le pied gauche et devait se promener toujours en sandales ; elle avait besoin de béquilles pour les mouvements et sa médication était bien tolérée. Le projet thérapeutique consistait à continuer le traitement instauré, ainsi que les consultations chez la psychiatre, continuer la stimulation transcrânienne et, à terme, tester un stimulateur péri médullaire car le SDRC était une indication pour ce type de prise en charge. Le médecin déclarait, en revanche, ne pas avoir la compétence pour s’exprimer sur la capacité de travail exigible dans ces conditions.
m. À la réception de ce rapport médical, le SMR de l’OAI a recommandé, en date du 8 octobre 2020, qu’une expertise bidisciplinaire psychiatrique et rhumatologique soit ordonnée.
n. En date du 1er février 2021, les experts J______, spécialiste FMH en rhumatologie, et K______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, désignés par l’OAI, ont rendu leur rapport d’expertise bidisciplinaire. L’évaluation consensuelle mentionnait que, sur le plan psychique, l’évolution psychiatrique était excellente, puisque l’expert ne retrouvait plus de psychopathologie, ne serait-ce que spécifique, chez une assurée en bonne santé psychiatrique. Sur le plan somatique, l’expert considérait que l’examen rhumatologique ne mettait en évidence aucune pathologie incapacitante aux sens médico-théorique et médico-assécurologique. Il n’y avait aucun signe en faveur d’une algodystrophie active et les douleurs rapportées par l’assurée étaient d’ordre subjectif, non retrouvées à l’examen somatique. Plus précisément, sur le plan psychique et somatique, la capacité de travail, dans l’activité habituelle et dans une activité adaptée, était de 100% dès le 25 mai 2019. L’expert rhumatologue décrivait que, pendant l’entretien, l’assurée était restée assise avec le pied gauche posé sur une chaise, attestant d’une douleur et d’une gêne, notamment une sensibilité sur la crête tibiale gauche. Il la jugeait autonome dans les gestes du déshabillage, de l’habillage et des soins corporels et mentionnait que l’assurée s’était déplacée, de façon tout à fait autonome et aisée, de la salle d’attente à la salle d’examen, en utilisant les cannes sans appui. Selon l’expert, l’assurée pouvait assumer une activité de 8h30 par jour, depuis le 25 mai 2019 ; il n’y avait aucune baisse de rendement et sa capacité de travail était de 100%, sans aucune limitation fonctionnelle.
o. L’OAI a interpellé l’expert rhumatologue en date du 25 février 2021 pour lui demander son analyse concernant la nouvelle incapacité de travail suite à l’accident intervenu en juillet 2019. Ce dernier a répondu, en date du 6 avril 2021, confirmant une incapacité de travail de 100%, qui était attestée par le Dr C______, depuis le 10 juillet 2019, jusqu’au mois de novembre 2019, après quoi, selon le même médecin, la capacité de travail avait été portée à 80%, dès novembre 2019 puis à 100% dès mars 2020. S’agissant d’éventuelles discordances entre les appréciations des médecins traitants et son rapport, l’expert rhumatologue mentionnait « aucune discordance ».
p. Dans son rapport du 20 mai 2021, la docteure L______, du SMR de l’OAI, s’est fondé sur le rapport d’expertise, mentionnant que l’expert rhumatologue notait une évolution progressivement favorable, depuis février 2020, indiquant qu’au jour de l’expertise, il ne retenait plus de limitations fonctionnelles objectives et que le status clinique ne montrait pas de signe d’algoneurodystrophie.
B. a. Suite à l’avis médical du SMR, l’OAI a communiqué à l’assurée un nouveau projet de décision daté du 6 juillet 2021, refusant une rente d’invalidité et des mesures professionnelles, en reconnaissant une incapacité de travail dans l’activité habituelle, entre le 13 septembre 2018 et le 24 mai 2019, puis du 10 juillet 2019 au 23 mai 2020 et en concluant que la capacité de gain était rétablie à l’issue du délai de carence le 1er juillet 2020, soit trois mois après l’amélioration constatée en mars 2020 par l’office. Dès lors que les deux périodes d’incapacité de travail avaient duré, chacune, moins d’une année et que la reprise professionnelle avait duré au moins 30 jours, entre la première et la deuxième période, le droit à la rente ne pouvait être ouvert.
b. Le mandataire de l’assurée, par courrier du 3 septembre 2021, a indiqué que cette dernière s’opposait au projet de décision du 6 juillet 2021 car elle contestait avoir recouvré une pleine capacité de travail entre les deux périodes d’incapacité de travail retenues par l’OAI. Par ailleurs, l’assurée considérait que l’expertise du Dr J______ ne revêtait aucune valeur probante, dès lors qu’elle ne s’était pas sentie écoutée par le rhumatologue et que ce dernier n’avait fait que critiquer les choix thérapeutiques de son réseau de soins, ainsi que ses propres choix. Le dossier avait été analysé de manière très superficielle, sans motivation suffisante et sans que l’expert n’indique les raisons pour lesquelles il se distançait de l’évaluation des médecins traitants de l’assurée. S’ensuivait une liste d’éléments qui, selon l’assurée, montraient des contradictions entre les observations des médecins traitants et les appréciations de l’expert rhumatologue. L’assurée mentionnait, notamment, un certificat médical du 27 août 2021, par lequel la Dre E______ confirmait qu’elle pouvait travailler à un taux de 50%, dès le 27 août 2021, avec une réévaluation le 11 novembre 2021.
c. Par décision du 12 janvier 2022, l’OAI a confirmé son refus de rente d’invalidité et de mesures professionnelles, en reprenant la motivation du projet de décision du 6 juillet 2021.
C. a. Par acte de son mandataire, remis au greffe universel, en date du 11 février 2022, l’assurée a interjeté recours contre la décision du 12 janvier 2022 auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci‑après : la chambre de céans). Elle a conclu, préalablement, à ce qu’une enquête ménagère soit ordonnée, ainsi qu’une expertise judiciaire rhumatologique et neurologique et principalement, à ce que la décision querellée soit annulée sous suite de frais et dépens et que l’OAI soit condamné à verser une rente entière d’invalidité, du 1er octobre 2019 au 31 octobre 2021, avec intérêts moratoires. En substance, l’assurée se fondait sur les appréciations médicales de ses médecins traitants qui étaient antagonistes aux conclusions de l’expert rhumatologue, le Dr J______. L’assurée reprenait les critiques déjà mentionnées dans le cadre de la procédure d’audition et concluait que l’expertise ne présentait aucune valeur probante. S’agissant de la fixation du taux d’invalidité de l’assurée, cette dernière mentionnait que l’incapacité de travail avait débuté le 13 septembre 2018 et était demeurée totale, de manière quasiment ininterrompue, entre septembre 2018 et août 2021, raison pour laquelle elle concluait à l’octroi d’une rente entière d’invalidité du 1er octobre 2019 au 30 novembre 2021, soit trois mois après l’amélioration de sa capacité de travail. Dès lors que l’OAI n’avait pas ordonné d’enquête ménagère, il fallait transposer la répercussion de l’atteinte à la santé de la recourante sur les domaines courant de sa vie, soit un taux de 50% tel que l’avait estimé le Dr F______.
b. Par réponse du 24 mars 2022, l’OAI a conclu au rejet du recours en raison du fait que, même si les médecins traitants avaient une appréciation différente, cela n’était pas déterminant pour remettre en cause la valeur probante du rapport médical de l’expert J______. S’agissant de la période d’incapacité de travail, l’OAI maintenait qu’il y avait une réelle reprise du travail, qui avait duré plus de 30 jours, ce qui avait interrompu l’incapacité de travail, raison pour laquelle l’argumentation de la recourante devait être rejetée.
c. Par réplique du 21 avril 2022, la recourante a persisté dans ses conclusions, considérant l’absence de valeur probante de l’expertise et rappelant qu’il n’y avait pas eu de reprise de l’activité, mais une tentative de reprise, qui n’avait pas abouti, raison pour laquelle il n’était pas raisonnable de soutenir que l’assurée avait présenté une aptitude au travail de 30 jours consécutifs.
d. Par duplique du 17 mai 2022, l’intimé a persisté dans ses conclusions.
e. La chambre de céans a appointé une audience de comparution personnelle, en date du 19 janvier 2023, et auditionné la Dre E______ en qualité de témoin.
Lors de l’audience, la recourante a expliqué que, dès le début de l’année 2019, elle avait repris, peu à peu, le travail avec une place aménagée, soit un tabouret pour poser le pied gauche pendant qu’elle était assise. En accord avec la direction, elle n’avait pas repris les enseignements où elle devait être debout, auprès des élèves. Elle s’était donc chargée, pendant les mois de mai et juin 2019, des cours en position assise, pendant que sa remplaçante, au mois de mai, s’occupait des laboratoires. Dès la fin du mois de juin, elle était partie en vacances et s’était cassé l’orteil, au début du mois de juillet, ce qui avait déclenché une importante algie dans son pied, qui était devenu très sensible au toucher. Au mois de septembre 2019, elle avait tenté de reprendre son travail, comme auparavant, c’est-à-dire à 80% et son directeur lui avait donné le minimum d’heures, en partant du principe qu’elle pourrait les compenser lorsqu’elle irait mieux ; d’autre part, elle avait utilisé le crédit accumulé en réserve de carrière et enfin, elle avait pris des classes avec lesquelles elle n’avait pas besoin de faire de laboratoires, qui requéraient une position debout. Elle avait vite constaté qu’elle était très fatiguée et avait demandé un allégement de travail en ne se rendant plus en classe. À la fin de l’année, elle avait dû cesser totalement son travail. S’agissant des tâches ménagères, son époux l’aidait parfois à mettre et débarrasser la table et s’occupait de toutes les courses, les repas et la lessive. Elle disposait d’une aide-ménagère, qui venait une fois par semaine, ce qui était déjà le cas avant 2018. L’aide-ménagère passait l’aspirateur, nettoyait la poussière et s’occupait de tout ce qui concernait le ménage. La famille vivait en duplex mais la chambre de l’assurée était au rez-de-chaussée et cette dernière devait utiliser un siège pour la douche, le bain, la toilette et lorsqu’elle préparait le petit-déjeuner. Pendant longtemps, elle avait eu de grosses difficultés pour son habillement, en raison de la douleur, mais à présent, la situation s’améliorait. Sur le plan financier, elle ne percevait plus d’indemnités perte de gain et avait depuis, septembre 2021, un poste à 50% en lieu et place de celui qu’elle occupait précédemment à 80%.
La représentante de l’OAI a considéré qu’il n’était pas nécessaire de réaliser l’expertise judiciaire demandée par la recourante, estimant que l’expertise administrative avait une pleine valeur probante, étant rappelé que, selon les experts, il n’y avait aucun signe de quelque chose d’anormal en matière neurologique.
Entendue en qualité de témoin, la Dre E______, médecin traitant de la recourante, a déclaré qu’elle avait commencé à suivre cette dernière au début de l’année 2019, en lieu et place de la rhumatologue précédente, la Dre B______. Dans un premier temps, elle avait mis la priorité sur la gestion de la douleur, raison pour laquelle elle avait adressé la recourante au centre de la douleur et parallèlement, elle avait conseillé à cette dernière de chercher un soutien psychologique auprès d’un professionnel. Elle confirmait que, dans son rapport médical du 16 décembre 2019, elle avait indiqué que l’incapacité de travail de la recourante était de 50%, du 4 novembre au 9 décembre 2019 et que les limitations fonctionnelles étaient la station debout prolongée et le déplacement, étant précisé que la fracture du troisième orteil gauche, qui s’était produite pendant l’été 2019, avait aggravé la situation des douleurs. Selon le médecin traitant, la maladie dont souffrait la recourante avait la particularité qu’il était difficile d’estimer sa durée, car cela pouvait aller de quelques mois à plusieurs années. Elle confirmait avoir répondu, dans un de ses courriers, qu’elle ne disposait pas de l’outillage permettant de déterminer précisément la capacité de travail de la recourante, mais elle considérait que cette dernière pouvait continuer son activité habituelle, sous réserve de ses limitations fonctionnelles. Sur question du conseil de la recourante, elle confirmait avoir constaté une hypersensibilité à la douleur, ainsi qu’un gonflement du pied de la patiente, dès la fin de l’année 2019, ce qui l’avait amenée à considérer qu’elle était incapable de travailler à 100%. L’évolution de la situation de l’assurée s’était faite de manière sinusoïdale, avec de courtes périodes de rémission et sans qu’il soit possible de prévoir quand l’état se stabiliserait. Elle ajoutait que la patiente montrait une forte volonté de reprendre son activité, raison pour laquelle, lorsque son état s’améliorait, elle avait une tendance à ne pas attendre une stabilisation, pour reprendre ses activités. S’agissant plus particulièrement de la fracture de l’orteil en juillet 2019, il était vrai que, normalement, ce type d’événement ne déployait plus ses effets après six semaines, mais elle avait constaté que les douleurs de la recourante s’étaient renforcées, ce qui était confirmé par des points objectifs tels que le fait que le pied était gonflé et qu’il y avait ce phénomène de pied chaud / pied froid et d’hypersensibilité à la douleur. Sur question de la représentante de l’OAI, elle a confirmé qu’elle avait considéré que, pour la rentrée de septembre 2021, la recourante avait une capacité de travail de 50%, avec les mêmes limitations fonctionnelles et en tenant compte des éventuelles comorbidités qui pouvaient augmenter son algie, comme l’incident qui lui était arrivé en juillet 2019. S’agissant de l’estimation de l’expert rhumatologue, selon laquelle la capacité de travail de l’assurée était de 100% à partir de mars 2021, bien qu’elle ne puisse pas, avec certitude, déterminer la capacité de travail de l’assurée, elle avait constaté que cette dernière souffrait énormément à ce moment-là et ne pouvait, ni se tenir debout, ni se déplacer. Enfin, elle considérait qu’il y avait encore des risques à l’heure actuelle et que la situation de l’assurée n’était pas encore stabilisée.
f. Par courrier du 25 janvier 2023, la chambre de céans a informé les parties de son intention d’ordonner une expertise rhumatologique et de la confier au docteur M______, spécialiste FMH en rhumatologie.
g. Les parties n’ont pas fait valoir de motif de récusation à l’encontre de l’expert proposé.
h. Par courrier du 8 mars 2023, la chambre de céans a communiqué un projet de mission d’expertise aux parties, qui se sont déterminées. L’OAI n’avait pas de remarques particulières, si ce n’est qu’il considérait qu’il était superflu d’ordonner une expertise judiciaire. La recourante a proposé l’ajout de quelques questions supplémentaires, dont la chambre de céans a tenu compte.
i. L’expert M______ a rendu son rapport en date du 15 février 2024. Il a retenu un diagnostic d’algodystrophie (ou SDRC), relevant que cette complication était assez rare, mais bien connue et pouvait survenir chez un faible pourcentage de personnes qui avaient subi une opération élective du pied, ce qui était le cas de l’assurée, qui avait été opérée d’un névrome de Morton, au pied gauche, en septembre 2018. Les limitations fonctionnelles étaient : d’éviter de marcher plus de 30 minutes d’affilée, si cela déclenchait des douleurs, éviter la position debout plus de 30 minutes, pour la même raison, ainsi que la marche en terrain irrégulier, la position accroupie ou à genoux et l’exposition au froid. Il considérait que l’activité habituelle était une activité partiellement adaptée, mais estimait qu’il y avait une perte de rendement de 10% en raison du traitement médicamenteux de Gabapantine, qui pouvait perturber la capacité de concentration. L’incapacité de travail de la recourante était de 100% depuis le 13 septembre 2018, 60% dès le 1er janvier 2019, 34% dès le 1er mars 2019, 25% dès le 6 mai 2019 et de 0% dès le 25 mai 2019. L’incapacité de travail était à nouveau applicable, à raison de 50% depuis le 4 novembre 2019, 100% depuis le 6 janvier 2020, 90% depuis le 24 août 2020, 50% dès le 20 août 2021 et enfin 10% (correspondant à la diminution de rendement) depuis le 11 août 2023.
j. Appelé à se prononcer sur le résultat de l’expertise, l’OAI a répondu, par courrier du 6 mars 2024, que son SMR, dans un avis du 4 mars 2024, demandait un complément d’expertise afin de déterminer la capacité de travail dans une activité adaptée, dès le mois de janvier 2019.
k. L’assurée, quant à elle, a répondu par courrier du 12 mars 2024 que le rapport d’expertise était convaincant, mais qu’il était ambigu sur la question de sa capacité de travail actuelle dans son activité habituelle et qu’il méritait d’être complété sur la question de sa capacité dans la tenue du ménage, entre 2021 et 2023.
l. Par courrier du 10 avril 2024, la chambre de céans a rejeté la demande de complément d’expertise formulée par l’OAI, en raison du fait que l’expert s’était déjà clairement prononcé dans son rapport d’expertise, sur le fait qu’il ne lui était pas possible d’établir a posteriori ce qu’aurait été l’évolution de la capacité de travail de l’assurée dans une activité adaptée. S’agissant de la demande de la recourante, la requête a également été écartée dès lors que la question de la capacité dans les travaux du ménage était habituellement estimée dans le cadre d’une enquête ménagère et non pas par le médecin qui se prononçait sur la capacité de travail dans l’activité professionnelle. La chambre de céans a également fixé un délai au 30 avril 2024 pour que l’OAI se détermine sur les éléments chiffrés mentionnés par la recourante dans son courrier du 12 mars 2024 et sur l’opportunité d’une enquête ménagère.
m. Par courrier du 13 mai 2024, l’OAI a jugé qu’il n’était pas nécessaire de mettre en œuvre une enquête à domicile car, dans le cas d’espèce, le degré d’empêchement dans les travaux habituels n’avait pas d’influence sur le droit aux prestations. S’agissant des éléments chiffrés avancés par la recourante, l’OAI a estimé qu’ils concordaient avec ses calculs et justifiaient l’octroi d’une rente entière, dès le 1er novembre 2020, fondée sur un taux d’invalidité de 72%, puis d'un quart de rente d’invalidité, dès le 1er décembre 2021, fondé sur un degré d’invalidité de 42.40% puis de 40% dès 2022. Toutefois, compte tenu de la capacité de travail de 90%, dès le 11 août 2023, telle qu’elle était reconnue par l’expert judiciaire, l’OAI précisait que la rente ne pouvait perdurer, comme le soutenait la recourante, au-delà du 30 novembre 2023.
n. Après réception de la détermination de l’OAI, la recourante n’a pas réagi.
o. Sur ce, la cause a été gardée à juger, ce dont les parties ont été informées.
p. Les autres faits et documents seront mentionnés, en tant que de besoin, dans la partie « en droit » du présent arrêt.
1. Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05) en vigueur dès le 1er janvier 2011, la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).
Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.
2. À teneur de l'art. 1 al. 1 LAI, les dispositions de la LPGA s'appliquent à l'assurance-invalidité, à moins que la loi n'y déroge expressément.
3. Le 1er janvier 2021 est entrée en vigueur la modification du 21 juin 2019 de la LPGA. Dans la mesure où le recours a été interjeté postérieurement au 1er janvier 2021, il est soumis au nouveau droit (cf. art. 82a LPGA a contrario).
4. Le 1er janvier 2022 sont entrées en vigueur les modifications de la LAI du 19 juin 2020 (développement continu de l’AI ; RO 2021 705).
En cas de changement de règles de droit, la législation applicable reste, en principe, celle en vigueur au moment où les faits juridiquement déterminants se sont produits et le juge se fonde, en règle générale, sur l'état de fait réalisé à la date déterminante de la décision litigieuse (ATF 144 V 210 consid. 4.3.1 ; ATF 132 V 215 consid. 3.1.1 et les références).
En l’occurrence, les faits déterminants sont antérieurs au 1er janvier 2022, de sorte que les dispositions légales applicables seront citées dans leur ancienne teneur.
5. Le délai de recours est de 30 jours (art. 56 LPGA ; art. 62 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).
Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, le recours est recevable.
6. Le litige porte sur le bien-fondé de la décision de l’OAI du 12 janvier 2022, refusant toute prestation invalidité à l’assurée.
7.
7.1 Est réputée invalidité, l'incapacité de gain totale ou partielle présumée permanente ou de longue durée, résultant d'une infirmité congénitale, d'une maladie ou d'un accident (art. 8 al. 1 LPGA et 4 al. 1 LAI). Selon l’art. 7 LPGA, est réputée incapacité de gain toute diminution de l'ensemble ou d'une partie des possibilités de gain de l'assuré sur le marché du travail équilibré qui entre en considération, si cette diminution résulte d'une atteinte à la santé physique, mentale ou psychique et qu'elle persiste après les traitements et les mesures de réadaptation exigibles (al. 1). Seules les conséquences de l’atteinte à la santé sont prises en compte pour juger de la présence d’une incapacité de gain. De plus, il n’y a incapacité de gain que si celle-ci n’est pas objectivement surmontable (al. 2 en vigueur dès le 1er janvier 2008).
7.2 En vertu de l’art. 28 al. 2 LAI, l’assuré a droit à une rente entière s’il est invalide à 70% au moins, à un trois quarts de rente s'il est invalide à 60% au moins, à une demi-rente s’il est invalide à 50% au moins, ou à un quart de rente s’il est invalide à 40% au moins.
7.3 Pour évaluer le taux d'invalidité, le revenu que l'assuré aurait pu obtenir s'il n'était pas invalide est comparé avec celui qu'il pourrait obtenir en exerçant l'activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré (art. 16 LPGA et art. 28a al. 1 LAI).
7.4 Il y a lieu de préciser que selon la jurisprudence, la notion d'invalidité, au sens du droit des assurances sociales, est une notion économique et non médicale ; ce sont les conséquences économiques objectives de l'incapacité fonctionnelle qu'il importe d'évaluer (ATF 110 V 273 consid. 4a). L’atteinte à la santé n’est donc pas à elle seule déterminante et ne sera prise en considération que dans la mesure où elle entraîne une incapacité de travail ayant des effets sur la capacité de gain de l’assuré (arrêt du Tribunal fédéral I 654/00 du 9 avril 2001 consid. 1).
7.5 En vertu des art. 28 al. 1 et 29 al. 1 LAI, le droit à la rente prend naissance au plus tôt à la date dès laquelle l’assuré a présenté une incapacité de travail (art. 6 LPGA) d’au moins 40% en moyenne pendant une année sans interruption notable et qu’au terme de cette année, il est invalide (art. 8 LPGA) à 40% au moins, mais au plus tôt à l’échéance d’une période de six mois à compter de la date à laquelle l’assuré a fait valoir son droit aux prestations conformément à l’art. 29 al. 1 LPGA. Selon l’art. 29 al. 3 LAI, la rente est versée dès le début du mois au cours duquel le droit prend naissance.
8.
8.1 Pour pouvoir calculer le degré d’invalidité, l’administration (ou le juge, s’il y a eu un recours) a besoin de documents qu’un médecin, éventuellement d’autres spécialistes, doivent lui fournir. La tâche du médecin consiste à porter un jugement sur l’état de santé et à indiquer dans quelle mesure et pour quelles activités l’assuré est, à ce motif, incapable de travailler (ATF 140 V 193 consid. 3.2 et les références ; ATF 125 V 256 consid. 4 et les références). En outre, les données médicales constituent un élément utile pour déterminer quels travaux on peut encore, raisonnablement, exiger de l’assuré (ATF 125 V 256 consid. 4 et les références).
8.2 Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales (cf. art. 61 let. c LPGA), le juge n'est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu'en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l'affaire sans apprécier l'ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L'élément déterminant pour la valeur probante d'un rapport médical n'est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. À cet égard, il importe que les points litigieux importants aient fait l'objet d'une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu'il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l'expert soient bien motivées (ATF 134 V 231 consid. 5.1 ; ATF 133 V 450 consid. 11.1.3 ; ATF 125 V 351 consid. 3).
Sans remettre en cause le principe de la libre appréciation des preuves, le Tribunal fédéral des assurances a posé des lignes directrices en ce qui concerne la manière d'apprécier certains types d'expertises ou de rapports médicaux.
8.3 Le juge ne s'écarte pas sans motifs impératifs des conclusions d'une expertise médicale judiciaire, la tâche de l'expert étant précisément de mettre ses connaissances spéciales à la disposition de la justice afin de l'éclairer sur les aspects médicaux d'un état de fait donné. Selon la jurisprudence, peut constituer une raison de s'écarter d'une expertise judiciaire le fait que celle-ci contient des contradictions, ou qu'une surexpertise ordonnée par le tribunal en infirme les conclusions de manière convaincante. En outre, lorsque d'autres spécialistes émettent des opinions contraires aptes à mettre sérieusement en doute la pertinence des déductions de l'expert, on ne peut exclure, selon les cas, une interprétation divergente des conclusions de ce dernier par le juge ou, au besoin, une instruction complémentaire sous la forme d'une nouvelle expertise médicale (ATF 143 V 269 consid. 6.2.3.2 et les références ; ATF 135 V 465 consid. 4.4. et les références ; ATF 125 V 351 consid. 3b/aa et les références).
8.4 Un rapport du SMR a pour fonction d'opérer la synthèse des renseignements médicaux versés au dossier, de prendre position à leur sujet et de prodiguer des recommandations quant à la suite à donner au dossier sur le plan médical. En tant qu'il ne contient aucune observation clinique, il se distingue d'une expertise médicale (art. 44 LPGA) ou d'un examen médical auquel il arrive au SMR de procéder (art. 49 al. 2 du règlement sur l’assurance-invalidité du 17 janvier 1961 [RAI - RS 831.201] ; ATF 142 V 58 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_542/2011 du 26 janvier 2012 consid. 4.1). De tels rapports ne sont cependant pas dénués de toute valeur probante, et il est admissible que l'office intimé, ou la juridiction cantonale, se fonde de manière déterminante sur leur contenu. Il convient toutefois de poser des exigences strictes en matière de preuve ; une expertise devra être ordonnée si des doutes, même faibles, subsistent quant à la fiabilité ou à la pertinence des constatations effectuées par le SMR (ATF 142 V 58 consid. 5 ; ATF 135 V 465 consid. 4.4 et 4.6 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_371/2018 du 16 août 2018 consid. 4.3.1).
8.5 En ce qui concerne les rapports établis par les médecins traitants, le juge peut et doit tenir compte du fait que, selon l'expérience, le médecin traitant est généralement enclin, en cas de doute, à prendre parti pour son patient en raison de la relation de confiance qui l'unit à ce dernier (ATF 125 V 351 consid. 3b/cc). S'il est vrai que la relation particulière de confiance unissant un patient et son médecin traitant peut influencer l'objectivité ou l'impartialité de celui-ci (cf. ATF 125 V 351 consid. 3a 52 ; ATF 122 V 157 consid. 1c et les références), ces relations ne justifient cependant pas en elles-mêmes l'éviction de tous les avis émanant des médecins traitants. Encore faut-il démontrer l'existence d'éléments pouvant jeter un doute sur la valeur probante du rapport du médecin concerné et, par conséquent, la violation du principe mentionné (arrêt du Tribunal fédéral 9C_973/2011 du 4 mai 2012 consid. 3.2.1).
8.6 On ajoutera qu'en cas de divergence d’opinion entre experts et médecins traitants, il n'est pas, de manière générale, nécessaire de mettre en œuvre une nouvelle expertise. La valeur probante des rapports médicaux des uns et des autres doit bien plutôt s'apprécier au regard des critères jurisprudentiels (ATF 125 V 351 consid. 3a) qui permettent de leur reconnaître pleine valeur probante. À cet égard, il convient de rappeler qu'au vu de la divergence consacrée par la jurisprudence entre un mandat thérapeutique et un mandat d'expertise (ATF 124 I 170 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral I 514/06 du 25 mai 2007 consid. 2.2.1, in SVR 2008 IV Nr. 15 p. 43), on ne saurait remettre en cause une expertise ordonnée par l'administration ou le juge et procéder à de nouvelles investigations du seul fait qu'un ou plusieurs médecins traitants ont une opinion contradictoire. Il n'en va différemment que si ces médecins traitants font état d'éléments objectivement vérifiables ayant été ignorés dans le cadre de l'expertise et qui sont suffisamment pertinents pour remettre en cause les conclusions de l'expert (arrêt du Tribunal fédéral 8C_755/2020 du 19 avril 2021 consid. 3.2 et les références).
9. Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 ; ATF 126 V 353 consid. 5b ; ATF 125 V 193 consid. 2 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 135 V 39 consid. 6.1 et la référence).
10. Conformément au principe inquisitoire qui régit la procédure dans le domaine des assurances sociales, le juge des assurances sociales doit procéder à des investigations supplémentaires ou en ordonner lorsqu'il y a suffisamment de raisons pour le faire, eu égard aux griefs invoqués par les parties ou aux indices résultant du dossier. Il ne peut ignorer des griefs pertinents invoqués par les parties pour la simple raison qu'ils n'auraient pas été prouvés (VSI 5/1994 220 consid. 4a). En particulier, il doit mettre en œuvre une expertise lorsqu'il apparaît nécessaire de clarifier les aspects médicaux du cas (ATF 117 V 282 consid. 4a ; RAMA 1985 p. 240 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral I 751/03 du 19 mars 2004 consid. 3.3). Lorsque le juge des assurances sociales constate qu'une instruction est nécessaire, il doit en principe mettre lui-même en œuvre une expertise lorsqu'il considère que l'état de fait médical doit être élucidé par une expertise ou que l'expertise administrative n'a pas de valeur probante (ATF 137 V 210 consid. 4.4.1.3 et 4.4.1.4). Un renvoi à l’administration reste possible, notamment quand il est fondé uniquement sur une question restée complètement non instruite jusqu'ici, lorsqu'il s'agit de préciser un point de l'expertise ordonnée par l'administration ou de demander un complément à l'expert (ATF 137 V 210 consid. 4.4.1.3 et 4.4.1.4 ; SVR 2010 IV n. 49 p. 151, consid. 3.5 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_760/2011 du 26 janvier 2012 consid. 3).
11. Selon la jurisprudence constante du Tribunal fédéral, l’art. 45 al. 1 LPGA constitue une base légale suffisante pour mettre les coûts d’une expertise judiciaire à la charge de l’assureur (ATF 143 V 269 consid. 6.2.1 et les références), lorsque les résultats de l'instruction mise en œuvre dans la procédure administrative n'ont pas une valeur probatoire suffisante pour trancher des points juridiquement essentiels et qu'en soi un renvoi est envisageable en vue d'administrer les preuves considérées comme indispensables, mais qu'un tel renvoi apparaît peu opportun au regard du principe de l'égalité des armes (ATF 139 V 225 consid. 4.3).
Cette règle ne saurait entraîner la mise systématique des frais d'une expertise judiciaire à la charge de l'autorité administrative. Encore faut-il que l'autorité administrative ait procédé à une instruction présentant des lacunes ou des insuffisances caractérisées et que l'expertise judiciaire serve à pallier les manquements commis dans la phase d'instruction administrative. En d'autres mots, il doit exister un lien entre les défauts de l'instruction administrative et la nécessité de mettre en œuvre une expertise judiciaire (ATF 137 V 210 consid. 4.4.2). Tel est notamment le cas lorsque l'autorité administrative a laissé subsister, sans la lever par des explications objectivement fondées, une contradiction manifeste entre les différents points de vue médicaux rapportés au dossier, lorsqu’elle aura laissé ouvertes une ou plusieurs questions nécessaires à l'appréciation de la situation médicale ou lorsqu'elle a pris en considération une expertise qui ne remplissait manifestement pas les exigences jurisprudentielles relatives à la valeur probante de ce genre de documents. En revanche, lorsque l'autorité administrative a respecté le principe inquisitoire et fondé son opinion sur des éléments objectifs convergents ou sur les conclusions d'une expertise qui répondait aux réquisits jurisprudentiels, la mise à sa charge des frais d'une expertise judiciaire ordonnée par l'autorité judiciaire de première instance, pour quelque motif que ce soit (à la suite par exemple de la production de nouveaux rapports médicaux ou d'une expertise privée), ne saurait se justifier (ATF 139 V 496 consid. 4.4 et les références ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_580/2019 du 6 avril 2020 consid. 5.1).
12. En l’espèce, l’OAI a, dans un premier temps, conclu au refus de prestations invalidité puis, après réception du rapport d’expertise judiciaire, a accepté d’octroyer des prestations pendant une période limitée.
De son côté, la recourante a conclu à l’octroi d’une rente entière d’invalidité du 1er octobre 2019 au 31 octobre 2021 suivi de l’octroi d’une demi-rente d’invalidité dès le 1er novembre 2021. Après expertise judiciaire, 1a recourante a conclu à l’octroi d’une rente entière d’invalidité jusqu’au 20 novembre 2021, puis à une rente correspondant à un taux d’invalidité de 42.3%, dès le 21 novembre 2021. Néanmoins, elle considère qu’en raison de la persistance de ses symptômes, elle ne dispose pas d’une capacité de travail actuelle de 90% de son taux habituel de 80%, depuis le 11 août 2023, et s’oppose, sur ce point uniquement, aux conclusions de l’expert, estimant que son droit à la rente de 40% perdure au-delà du 30 novembre 2023 et pour l’avenir.
Appelé à se prononcer sur la détermination de l’assurée, l’OAI estime qu’au-delà du 30 novembre 2023, la recourante perd son droit à la rente, dès lors qu’elle est créditée par l’expert d’une capacité de travail de 90% de son taux habituel de 80%, depuis le 11 août 2023.
12.1 En premier lieu, il sied de se prononcer sur la valeur probante du rapport d’expertise du Dr M______ du 15 février 2024.
Le rapport du rhumatologue correspond en tous points aux exigences en la matière. Il a été établi en parfaite connaissance du dossier médical, dont les éléments sont présentés et commentés dans le rapport. L’expert a complété les pièces médicales par un entretien téléphonique avec le médecin traitant de l’assurée, le docteur N______, qui lui a envoyé ses notes par e-mail sécurisé. L’anamnèse médicale, familiale et professionnelle est complète ; l’expert a rapporté ses observations cliniques de manière détaillée à la suite d’un entretien approfondi, de plus de deux heures, lors duquel l’assurée a pu exposer ses plaintes et a décrit une journée-type. Les diagnostics retenus sont soigneusement motivés, et le Dr M______ a précisé sur quels critères il se fondait, en confirmant le diagnostic pour lequel il s’est, notamment, référé à la littérature scientifique. Il a bien analysé la capacité de gain de la recourante à la lumière des indicateurs développés par la jurisprudence. Il a en outre exposé, de manière convaincante, pour quelles raisons il se ralliait aux avis des autres intervenants ou au contraire s’en écartait. Ses conclusions sont, elles aussi, claires et motivées.
Contrairement aux reproches formulés par la recourante dans ses observations, on ne voit pas en quoi l’appréciation de l’expert serait ambiguë en ce qui concerne sa capacité de travail dans l’activité actuelle (observations du 12 mars 2024, p. 1).
En effet, l’expert s’est clairement déterminé sur la capacité de l’assurée à exercer une activité lucrative adaptée à ses limitations fonctionnelles, lui reconnaissant une capacité de travail globale de 90 % de son taux habituel (de 80%) dès le 11 août 2023 (rapport, p. 56, ch. 6.1 à 6.3). La diminution de rendement, chiffrée à 10%, due à la prise de Gabapentine pouvant diminuer la concentration, a été suffisamment motivée, ainsi que la compatibilité du taux de 90% avec les limitations fonctionnelles (rapport, p. 57, ch. 6.3.2), tout en admettant que l’activité habituelle est partiellement adaptée, ce qui a été, par ailleurs, décrit par la recourante dans sa réplique.
À cet égard, les reproches de la recourante, tels qu’ils sont exposés, semblent se rapporter davantage à l’adaptation de l’activité de cette dernière, qui ne peut plus assumer pleinement ses tâches d’enseignement en laboratoire, ce qui a conduit à des aménagements acceptés par son employeur. Néanmoins, ces éléments n’ont pas de rapport avec sa santé, mais plutôt avec son statut administratif d’enseignante en chimie devant exercer une partie de son travail en position debout, lorsqu’elle travaille en laboratoire. Or, il n’y a pas lieu d’en tenir compte lors de l’établissement de sa capacité de travail, dès lors que l’on peut exiger de l’assurée qu’elle exerce une activité adaptée à ses limitations fonctionnelles, même si cela ne correspond pas intégralement aux contours du poste d’enseignante en chimie qu’elle occupait jusqu’à présent, dans la mesure où cela limite son activité en laboratoire. La recourante a d’ailleurs admis ce fait (PV d’audience du 19 janvier 2023 et rapport, p. 10), déclarant qu’elle s’était arrangée pour adapter son poste à ses limitations fonctionnelles, depuis septembre 2021, tout en ajoutant que, si elle avait pu, elle aurait poursuivi ses activités comme auparavant. Étant encore précisé que, lors de l’analyse des limitations fonctionnelles, l’expert a estimé que l’assurée pouvait rester en position debout pendant 30 minutes (rapport, p. 5, ch. 5), ce qui lui permet d’assumer, partiellement pendant cette durée limitée, un enseignement en laboratoire en position debout.
Compte tenu de ces éléments, la chambre de céans considère que le rapport d’expertise du Dr M______ présente une pleine valeur probante et fait siennes ses appréciations concernant les taux et les dates d’incapacité de travail, tels qu’exposés dans la partie « en fait » (consid. C, let. i).
12.2 En ce qui concerne la demande de la recourante d’ordonner une enquête ménagère, celle-ci n’est pas nécessaire dans la mesure où le rapport d’expertise décrit l’environnement socio-économique et la journée-type de la recourante (rapport, p. 45 et 46, ch. 2.5 et 2.6) dont il ressort, notamment, qu’elle a pris des vacances en Italie, conduit une voiture automatique, va prendre de temps en temps le café avec une amie, travaille partiellement et peut bénéficier de l’aide de son mari pour les sorties avec son fils de 13 ans.
Elle ne mentionne, spontanément, aucune limitation, pour les courses ou les travaux du ménage, précisant qu’elle ne reçoit plus d’amis depuis qu’elle est malade et qu’elle ne peut pas accompagner son mari pour les événements qui impliquent des déplacements à pied (e.g. Lake parade).
Lors de son audition du 19 janvier 2023, la recourante a déclaré que, s’agissant des tâches ménagères, son époux l’aidait parfois à mettre et débarrasser la table et s’occupait de toutes les courses, les repas et la lessive. Elle disposait d’une aide-ménagère, qui venait une fois par semaine, ce qui était déjà le cas avant 2018. Cette dernière passait l’aspirateur, nettoyait la poussière et s’occupait de tout ce qui concernait le ménage.
Compte tenu de ces éléments, la chambre de céans considère qu’il est établi, au degré de la vraisemblance prépondérante, que l’assurée ne présente pas d’incapacité à exercer les travaux ménagers, dans la mesure où il y a lieu de tenir compte de l’exigibilité d’une aide fournie par son époux. Dès lors que d’autres mesures probatoires ne pourraient plus modifier cette appréciation, il est superflu d’administrer d’autres preuves (appréciation anticipée des preuves ; ATF 122 II 464 consid. 4a ; ATF 122 III 219 consid. 3c) et notamment d’effectuer une enquête ménagère.
12.3 S’agissant des allégations de la recourante quant à la quotité de ses revenus, (soit un gain annuel de CHF 148'619.20, selon courrier du 12 mars 2024, p. 2) l’OAI en a tenu compte dans sa détermination du 13 mai 2024 pour calculer le taux d’invalidité (annexes « comparaison des revenus », retenant un revenu annuel sans invalidité de CHF148’619.-), étant précisé que ladite détermination lui a été communiquée et qu’elle ne l’a pas contestée.
Par ailleurs, les dates retenues par l’OAI pour calculer le début et la fin du droit à la rente correspondent à celles figurant dans la détermination de la recourante du 12 mars 2024, p. 2, sauf en ce qui concerne la capacité de travail de 90% retenue par l’expert, dès le 11 août 2023, appréciation qui est contestée par l’assurée, mais confirmée par la chambre de céans (cf. consid 12.1 in fine, supra) qui retient donc une capacité de travail de 90% de son taux de 80%.
Partant, la recourante doit se voir reconnaître le droit à une rente d’invalidité entière, dès le 1er novembre 2020, puis un quart de rente du 1er décembre 2021 jusqu’au 30 novembre 2023. Dès le 1er décembre 2023, le droit à une rente d’invalidité s’éteint.
12.4 En ce qui concerne les frais d’expertise, la chambre de céans a exposé ses doutes quant à la valeur probante de l’expertise administrative effectuée par le Dr J______, dans son ordonnance d’expertise du 12 juin 2023 (consid. 12). Force est de constater que l’expert judiciaire n’a pas suivi les conclusions du Dr J______, notamment quant à la prétendue absence de limitations fonctionnelles.
Comme cela est exposé, supra sous consid. 11, la jurisprudence du Tribunal fédéral a confirmé que les frais d’expertise peuvent être mis à la charge de l’autorité qui a procédé à une instruction présentant des lacunes ou des insuffisances caractérisées.
En l’occurrence, la chambre de céans admet qu’il n’était peut-être pas manifeste pour l’intimé que les exigences jurisprudentielles, relatives à la valeur probante de l’expertise administrative effectuée par le Dr J______, n’étaient pas remplies, raison pour laquelle les frais de l’expertise judiciaire ne seront pas mis à sa charge.
13. La recourante, assistée par un mandataire professionnellement qualifié et obtenant partiellement gain de cause, a droit à une indemnité à titre de participation à ses frais et dépens, que la chambre de céans fixera à CHF 3'000.- (art. 61 let. g LPGA ; art. 89H al. 3 LPA ; art. 6 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 [RFPA - E 5 10.03]).
14. Étant donné que, depuis le 1er juillet 2006, la procédure n'est plus gratuite (art. 69 al. 1bis LAI), au vu du sort du recours, il y a lieu de condamner l'intimé au paiement d'un émolument de CHF 200.-.
PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :
Statuant
À la forme :
1. Déclare le recours recevable.
Au fond :
2. L’admet partiellement.
3. Annule la décision de l’intimé du 12 janvier 2022.
4. Renvoie la cause à l’intimé, pour nouvelle décision, au sens des considérants.
5. Alloue à la recourante, à la charge de l’intimé, une indemnité de CHF 3’000.- à titre de participation à ses frais et dépens.
6. Met un émolument de CHF 200.- à la charge de l’intimé.
7. Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.
La greffière
Véronique SERAIN |
| Le président
Philippe KNUPFER |
Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le