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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2843/2023

ATAS/314/2024 du 10.05.2024 ( AI ) , ADMIS/RENVOI

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/2843/2023 ATAS/314/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 10 mai 2024

Chambre 3

 

En la cause

A______

représenté par Me Andrea VON FLÜE, avocat

 

recourant

 

contre

OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE

intimé

 


EN FAIT

 

A. a. Monsieur A______ (ci-après : l’assuré), ressortissant d’origine portugaise s’est établi en Suisse en 2008.

b. L’assuré y a travaillé en tant que maçon, accomplissant des missions temporaires.

B. a. Le 28 septembre 2009, l’assuré a déposé une demande de prestations auprès de l’office de l’assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après : l’OAI), en invoquant des hernies discales ayant entraîné une incapacité de travail totale depuis le 30 juin précédent.

b. Après avoir recueilli différents rapports médicaux, le Service médical régional de l’assurance-invalidité (SMR) a considéré, le 20 juillet 2010, que la capacité de travail de l'assuré était nulle dès juin 2009 dans l’activité habituelle, mais complète à partir du 5 janvier 2010 dans une activité sans port de charges de plus de 5 à 10 kg, permettant d'alterner les positions assise et debout et d’éviter les positions statiques ou en porte-à-faux.

c. Le 8 février 2012, l’OAI a procédé au calcul du degré d’invalidité. Pour le revenu après invalidité, il s’est référé au revenu selon l’Enquête suisse sur la structure des salaires (ESS) 2010 (TA1, ligne Total, niveau 4) adapté à la durée normale de travail de 41.6 heures en 2010, soit CHF 61'414.-. Il a retenu un abattement de 10%, portant ce revenu à CHF 55'273.-. Comparé au revenu sans atteinte à la santé de CHF 65'678.-, cela l’a conduit à un taux d’invalidité de 15.8%.

d. Par décision du 25 avril 2012, l’OAI a nié le droit de l’assuré à des prestations.

e. Saisie d’un recours contre cette décision, la Cour de céans l’a partiellement admis par arrêt du 4 mars 2013 (ATAS/228/2013). Constatant que l’OAI n’avait pas tenu compte dans l’examen de la capacité de travail de l’assuré de l’atteinte à l’épaule gauche opérée en octobre 2012 et signalée le 5 novembre 2012 par le docteur B______, spécialiste FMH en rhumatologie, elle a renvoyé la cause à l’OAI pour instruction complémentaire et nouvelle décision. S’agissant du revenu sans invalidité, la Cour de céans a retenu qu’il devait être fixé en fonction des salaires applicables selon la Convention collective de travail dans le secteur de la construction, et s’élevait à CHF 65'860.- en 2012.

C. a. Après avoir réuni des rapports médicaux supplémentaires, l’OAI a confié une expertise à la doctoresse C______, spécialiste FMH en rhumatologie. Dans son rapport du 17 juillet 2015, celle-ci a diagnostiqué avec répercussions sur la capacité de travail des lombalgies L4-L5 et L5-S1, avec un status après foraminotomie bilatérale, des sciatalgies intermittentes L5-S1 droites, une ostéophytose marginale postérieure au niveau L5-S1 en contact avec la racine L5 droite ; ainsi que des omalgies gauches à l’effort, avec status après ténotomie du long chef du biceps, lâchage de la ténodèse en mai 2013, et réparation du sus-épineux sous arthroscopie le 6 décembre 2013. Les limitations étaient les suivantes : éviter les déplacements répétitifs en marchant, privilégier l’alternance des positions debout et assise toutes les 1h30, éviter la montée et la descente des escaliers, le travail en hauteur, la marche sur terrain inégal, les mouvements répétitifs en flexion-extension et les rotations du rachis, la manipulation bimanuelle impliquant l’abduction-rotation externe et répétitive d’objets de plus de 3 kg, le port de charges étant limité à 5 kg ou 8 kg de façon occasionnelle. L’experte a conclu à une incapacité de travail totale en tant que maçon depuis le 30 septembre 2009, ainsi que dans toute activité du 1er mars 2012 au 30 septembre 2014. Dans une activité adaptée, l’incapacité de travail en lien avec l’atteinte lombaire était nulle depuis le 1er juin 2010. La capacité de travail était de 80% depuis le 1er septembre 2014 dans une activité adaptée en lien avec les troubles à l’épaule.

b. Le 10 septembre 2015, le SMR a retenu une incapacité de travail de 100% dès le 1er juin 2010. Dans une activité adaptée aux limitations rachidiennes, la capacité de travail était totale dès le 4 juin 2010. Pour les limitations rachidiennes et de l’épaule gauche, la capacité de travail dans une activité adaptée était nulle dès le 1er mars 2012, et de 80% dès le 1er octobre 2014.

c. Le 7 mars 2016, l’OAI a mis l’assuré au bénéfice d’une orientation professionnelle de trois mois aux Etablissements publics pour l’intégration (EPI). Dans leur rapport à l’OAI du 20 juin 2016, ceux-ci ont relevé qu’en raison des limitations fonctionnelles importantes de l’assuré, il n’avait pas été possible de dégager une orientation professionnelle avec poste de travail adapté. Celui-ci était focalisé sur sa problématique de santé. La mesure avait été poursuivie à mi-temps dans l’atelier de réentraînement. Après deux semaines, l’assuré avait été en incapacité de travail à 100%. En accord avec l’OAI, il avait été mis un terme à la mesure.

d. Le 21 novembre 2016, l’OAI a recalculé le degré d’invalidité de l’assuré, se fondant sur le salaire déterminé par l’arrêt précédent de la Cour de céans après indexation pour le revenu sans invalidité et sur l’ESS 2014 pour le revenu d’invalide. Le taux d’invalidité était de 28.9%.

e. Par décision du 5 juillet 2017, l’OAI a reconnu à l’assuré un degré d’invalidité de 100% et lui a octroyé une rente entière d’invalidité du 1er mars 2013 au 31 décembre 2014. Dans une activité adaptée, la capacité de travail était de 80% à partir d’octobre 2014. Dès cette date, le degré d’invalidité - de 29% - se révélait insuffisant pour maintenir le droit à une rente d’invalidité, de sorte que la rente était supprimée à fin décembre 2014. Des mesures professionnelles n’étaient pas indiquées.

f. L’assuré a interjeté recours contre cette décision auprès de la Cour de céans, qui l’a rejeté par arrêt du 6 décembre 2018 (ATAS/1124/2018). Elle a en substance retenu que l’expertise de la Dresse C______ avait pleine valeur probante et que les rapports du Dr B______ ne permettaient pas de remettre en cause ses conclusions. S’agissant du degré d’invalidité, elle a considéré que les importantes limitations fonctionnelles justifiaient un abattement de 20%, ce qui portait le degré d’invalidité à 37.5%, ce qui restait insuffisant pour maintenir le droit à la rente après le 31 décembre 2014.

g. A son tour saisi d’un recours de l’assuré contre l’arrêt précité, le Tribunal fédéral l’a rejeté le 26 juillet 2019 (9C_65/2019).

D. a. L’assuré a repris une activité de maçon dans le cadre de missions temporaires en mai 2021.

b. Le 23 août 2021, l’assuré a été victime d’un accident sur un chantier, entraînant une fracture du versant latéral supérieur du rostre calcanéen du pied droit.

Le Dr B______ a attesté une incapacité de travail totale dès cette date.

La SUVA, assureur-accidents, a pris en charge les suites du cas et a versé des indemnités journalières dès le 26 août 2021.

c. L’assuré a déposé une nouvelle demande de prestations auprès de l’OAI en date du 11 janvier 2022 en raison de la fracture du pied subie en août 2021.

d. Dans un rapport du 18 février 2022, les docteurs D______ et E______, spécialistes FMH en chirurgie orthopédique, ont diagnostiqué une entorse sévère du Chopart et fracture du rostre calcanéen antérieur à droite. L’assuré avait été traité par contention plâtrée durant six semaines, puis par physiothérapie. Les douleurs étaient encore présentes. L’assuré n’avait pas pu reprendre son activité professionnelle. Un scanner réalisé en novembre 2021 avait mis en évidence un status après fracture du rostre calcanéen en voie de consolidation. Les traumatismes avec fracture de ce carrefour pouvaient donner lieu à des suites compliquées, et il n’était pas rare que les patients présentent des symptômes pendant plus d'une année. Actuellement, un traitement conservateur était préconisé, avec des supports plantaires pour décharger la zone affectée, et une infiltration serait tentée. La physiothérapie devait se poursuivre. Il fallait à tout prix éviter une intervention chirurgicale dans ce genre de situation.

e. L’assuré a subi une arthrographie et une infiltration du pied droit le 23 février 2022.

f. Le 9 juin 2022, la doctoresse F______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique, a signalé que l’infiltration pratiquée en février n’avait pas amené de bénéfice. L’assuré était invalidé par les douleurs et présentait une très importante boiterie. Une nouvelle chirurgie devait être envisagée au vu de l’échec du traitement conservateur.

g. Le docteur G______, spécialiste FMH en chirurgie et médecin d’arrondissement de la SUVA, a considéré dans une appréciation du 6 janvier 2023 que le pied droit de l’assuré était au degré de la vraisemblance prépondérante déjà altéré avant l’accident. L’imagerie révélait des anomalies anciennes. Ce médecin retenait un traumatisme sérieux avec fracture non déplacée du calcanéum, dans un contexte d'antécédents d'arthrose et de fractures certainement anciennes, avec fragments osseux corticalisés, géodes et fragments osseux intra-articulaires du Chopart et du carrefour calcanéo-cuboïdien et talo-naviculaire du pied droit. Ces lésions dégénératives n’étaient pas récentes, ni consécutives à l’accident d’août 2021 qui avait causé la fracture du calcanéum. Les nombreuses lésions de type dégénératif étaient bien visibles sur les scanners réalisés en août et novembre 2021. Lors du scanner de novembre 2021, le radiologue considérait que la fracture était guérie, puisqu’il confirmait sa consolidation. Les fragments osseux étaient toujours présents, et non modifiés de façon significative par les lésions traumatiques. La SUVA avait couvert l’accident plus de 15 mois, en raison de la déstabilisation temporaire de l'état pathologique ancien, ce qui allait largement au-delà de la période de guérison de la fracture. Compte tenu de la consolidation de la fracture et du retour à l'état antérieur, les suites accidentelles ne jouaient plus de rôle délétère. Il conviendrait que l’assuré « s'annonce en maladie » pour les suites des arthroses multiples de son pied droit.

h. Par décision du 18 janvier 2023, la SUVA a mis un terme aux prestations au 25 janvier 2023, se référant à l’avis du Dr G______ selon lequel le statu quo ante était atteint au plus tard à cette date.

i. Dans un rapport du 16 janvier 2023, le Dr B______ a mentionné une lithiase rénale droite dans le passé, sans rechute. L’assuré avait par ailleurs été opéré d'une cholécystite le 10 décembre 2021. Ces atteintes n’avaient pas d’incidence sur sa capacité de travail. Au sujet des diagnostics avec répercussions sur la capacité de travail, ce rhumatologue a précisé que les gonalgies d'effort sur troubles dégénératifs étaient plutôt calmes, l’assuré n’ayant quasiment aucune activité physique. L'épaule gauche était toujours en rééducation par physiothérapie, avec des limitations fonctionnelles intéressant tous les gestes au-dessus de l'horizontale. Les suites de la fracture du rostre calcanéen faisaient encore l’objet d’un suivi par le Dr D______ et ses confrères.

j. Dans un rapport du 31 mars 2023, le Dr D______ a diagnostiqué avec incidence sur la capacité de travail un traumatisme multi-étagé du pied, avec un status après entorse sévère du Chopart, avec une fracture impaction du rostre calcanéen et des troubles dégénératifs post-traumatiques du carrefour calcanéo-cuboïdo-talo-naviculaire. On notait également une fracture par impaction au niveau du Lisfranc médial sur le premier cunéiforme, en regard de l'articulation avec le premier métatarsien. Il y avait des limitations fonctionnelles à la marche et à la station debout prolongée, et les douleurs étaient limitantes. L’assuré n’était pas en mesure de reprendre son activité professionnelle si elle impliquait des charges. Le Dr D______ a indiqué que la reprise devait se faire selon l'évolution des douleurs, et que la capacité de travail dans une activité adaptée serait complète.

k. Les médecins du service de chirurgie orthopédique des HUG ont examiné l’assuré le 11 avril 2023. Au vu de l'échec du traitement conservateur et de la persistance de douleurs fortement invalidantes, une arthroscopie pour arthrodèse des articulations sous-talienne et calcanéo-cuboïdienne et allongement gastrocnémien était proposée. Ils en espéraient une diminution partielle des douleurs, afin de permettre une reprise des activités quotidiennes et du travail.

l. Le 9 mai 2023, le SMR a retenu une aggravation avec un status après entorse sévère du Chopart avec une fracture impaction du rostre calcanéen et des troubles dégénératifs post-traumatiques du carrefour calcanéo-cuboïdo-talo-naviculaire, une fracture par impaction au niveau du Lisfranc médial sur le premier cunéiforme, des lombalgies L4-L5 et L5-S1 et des omalgies gauches. L’incapacité de travail était totale depuis le 23 août 2021. Les limitations fonctionnelles, en sus des douleurs limitantes, consistaient à éviter la station debout prolongée, le maintien debout en porte-à-faux du tronc, les mouvements répétitifs en flexion-extension du rachis lombaire et les mouvements en rotation, la marche sur terrain instable, le travail en hauteur, le port de charges de plus de 5 kg ou 8 kg occasionnellement, le soulèvement de charges du sol, le travail au-dessus de la ligne des épaules, et le travail répétitif en rotation externe-abduction, même en-dessous de 90° d'abduction. Le début de l'aptitude à la réadaptation était fixé au 25 janvier 2023.

m. A la même date, l’OAI a calculé le degré d’invalidité de l’assuré. Pour le revenu après invalidité, il s’est référé au revenu selon l’ESS 2020 (TA1_tirage_skill_level, ligne Total, niveau 1), soit CHF 65'292.- indexé et adapté à la durée normale de travail de 41.7 heures en 2023. Le revenu sans atteinte à la santé était de CHF 73'210.- en 2023. La comparaison de ces revenus aboutissait à un taux d’invalidité de 10.82%.

n. Le 15 mai 2023, l’OAI a adressé à l’assuré un projet de décision, dont il ressortait qu’il comptait lui reconnaître le droit à une rente entière du 1er août 2022 au 30 avril 2023.

o. Dans un courrier du 30 mai 2023 à l’OAI, le Dr B______ a relevé qu’il serait judicieux de reporter la décision sur le droit aux prestations de l’assurance-invalidité de quelques mois, au vu de l’intervention chirurgicale programmée.

p. Cette intervention a eu lieu le 2 juin 2023 aux HUG. Elle a consisté en une arthroscopie du Chopart avec excision des fragments libres intra-articulaires, une synovectomie, et un Strayer endoscopique du pied. L’indication était une arthrose post-traumatique de Chopart dans un contexte de mal-union du processus antérieur du calcanéum du pied droit.

q. Le 27 juin 2023, le SMR a estimé que la nouvelle intervention ne modifiait pas ses précédentes conclusions. Elle entraînait une incapacité de travail de six semaines. L’assuré présentait une capacité de travail totale dans une activité adaptée dès le 25 janvier 2023, à l'exception de la période per et post-opératoire.

r. Par décision du 17 juillet 2023, l’OAI a reconnu à l’assuré le droit à une rente entière du 1er août 2022 au 30 avril 2023. Dès le 25 janvier 2023, le degré d’invalidité s’élevait à 11%. Ce taux n’ouvrait pas le droit à des mesures d’ordre professionnel.

E. a. L’assuré a interjeté recours contre cette décision auprès de la Cour de céans le 11 septembre 2023 en concluant, principalement, à son annulation, à la mise en œuvre d’une expertise judiciaire pluridisciplinaire et, subsidiairement, à l’octroi de mesures de réadaptation. Il fait valoir que l’intimé s’est fondé sur la décision de la SUVA pour le début de la réadaptation. Or, si la SUVA a mis un terme à ses prestations, c’est non en raison d’une capacité de travail retrouvée dans une activité adaptée, mais parce qu’elle considérait que les lésions du recourant n’étaient plus en lien avec l’accident.

Le recourant produit un courrier du 27 juillet 2023 du Dr B______, qui mentionne des lombalgies d’effort, une épaule gauche douloureuse et une boiterie douloureuse après une arthroscopie de la cheville le 2 juin 2023, nécessitant une rééducation intensive en cours. Les limitations fonctionnelles sont incompatibles avec la profession de maçon et excluent toutes les activités du bras gauche au-dessus de l’horizontale, le port de charges de plus de 5 kg, les travaux en flexion antérieure du tronc et la marche sur plus de 500 mètres avec une canne anglaise.

b. Dans sa réponse du 5 octobre 2023, l’intimé a conclu au rejet du recours.

Il modifie ses conclusions en ce sens que le recourant doit être considéré comme apte à l’exercice d’une activité adaptée à 80% et non 100% dès le 25 janvier 2023.

L’intimé se réfère à l’appréciation du médecin d’arrondissement de la SUVA, qu’il estime convaincante. Il affirme s’être également fondé sur les rapports des médecins traitants pour déterminer la capacité de travail et les limitations fonctionnelles du recourant. L'intervention chirurgicale du 2 juin 2023 a été prise en compte par le SMR, qui a retenu une incapacité de travail de six semaines pour ce motif. Il n’existe aucun élément de nature à modifier les conclusions de ce service.

S'agissant des mesures d'ordre professionnel, au vu de la capacité de travail de 80% et des limitations fonctionnelles retenues, il convient d'admettre qu'un nombre significatif d'activités légères était adapté et accessible sans formation particulière.

La doctoresse H______ reprend les précédentes conclusions du SMR. Le courrier du Dr B______ du 27 juillet 2023 n'apporte selon elle pas d'élément médical objectif nouveau. Les diagnostics de l'assuré sont connus du SMR. Le Dr D______ a reconnu une capacité de travail de 100% dans une activité adaptée. La capacité de travail admise dans une activité adaptée s’élève cependant à 80%.

c. La doctoresse I______, spécialiste FMH en médecine interne, a attesté une incapacité de travail totale de l’assuré du 30 septembre au 31 octobre 2023.

d. Dans un rapport du 11 décembre 2023 transmis à l’intimé, les médecins des HUG ont rapporté que le recourant se déplace avec une canne. L’évolution est stagnante. Un nouveau contrôle sera organisé trois mois plus tard et une série de neuf séances de physiothérapie a été prescrite en septembre.

 

 

EN DROIT

 

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             La modification du 21 juin 2019 de la LPGA entrée en vigueur le 1er janvier 2021 est applicable au litige, dès lors que le recours n’était pas encore pendant à cette date (art. 82a LPGA a contrario).

3.             Le recours a été déposé dans les forme et délai prévus par la loi (art. 56ss LPGA), de sorte qu’il est recevable.

4.             Il convient en préambule de rappeler ce qui suit au sujet du droit applicable.

4.1 En vertu de l’art. 28 LAI dans sa teneur en vigueur jusqu’au 31 décembre 2021, l’assuré a droit à une rente d’invalidité aux conditions suivantes : sa capacité de gain ou sa capacité d’accomplir ses travaux habituels ne peut pas être rétablie, maintenue ou améliorée par des mesures de réadaptation raisonnablement exigibles (let. a) ; il a présenté une incapacité de travail (art. 6 LPGA) d’au moins 40% en moyenne durant une année sans interruption notable (let. b) ; au terme de cette année, il est invalide (art. 8 LPGA) à 40% au moins (let. c) (al. 1). L’assuré a droit à une rente entière s’il est invalide à 70% au moins, à trois quarts de rente s’il est invalide à 60% au moins, à une demi-rente s’il est invalide à 50% au moins ou à un quart de rente s’il est invalide à 40% au moins (al. 2).

L’art. 29 LAI dispose que le droit à la rente prend naissance au plus tôt à l’échéance d’une période de six mois à compter de la date à laquelle l’assuré a fait valoir son droit aux prestations conformément à l’art. 29 al. 1 LPGA, mais pas avant le mois qui suit le 18ème anniversaire de l’assuré (al. 1). Le droit ne prend pas naissance tant que l’assuré peut faire valoir son droit à une indemnité journalière au sens de l’art. 22 (al. 2).

4.2 La LAI a connu une novelle le 19 juin 2020, entrée en vigueur le 1er janvier 2022. Dans ce cadre, le système des quarts de rente jusque-là applicable a été remplacé par un système linéaire de rentes (Message concernant la modification de la loi fédérale sur l'assurance-invalidité [Développement continu de l'assurance-invalidité], FF 2017 2442).

L’art. 28b LAI en vigueur depuis le 1er janvier 2022 dispose que la quotité de la rente est fixée en pourcentage d’une rente entière (al. 1). Pour un taux d’invalidité compris entre 50 et 69%, la quotité de la rente correspond au taux d’invalidité (al. 2). Pour un taux d’invalidité supérieur ou égal à 70%, l’assuré a droit à une rente entière (al. 3). L’al. 4 détaille les taux de rente correspondant aux degrés d’invalidité entre 40% et 50%.

La lettre b des dispositions transitoires relatives à cette modification prévoit notamment que pour les bénéficiaires de rente dont le droit à la rente est né avant l’entrée en vigueur de ladite modification et qui n’avaient pas encore 55 ans à cette date, la quotité de la rente ne change pas tant que leur taux d’invalidité ne subit pas de modification au sens de l’art. 17 al. 1 LPGA (al. 1). La quotité de la rente reste également inchangée après une modification du taux d’invalidité au sens de l’art. 17 al. 1 LPGA si l’application de l’art. 28b de la loi se traduit par une baisse de la rente en cas d’augmentation du taux d’invalidité ou par une augmentation de la rente en cas de réduction (al. 2). Le Message précise que la quotité de la rente est calculée conformément au nouveau système si son taux d’invalidité a subi une modification d’au moins 5 points de pourcentage (FF 2017 2504). On rappellera ici que l’art. 17 LPGA régissant la révision du droit à la rente en cas de modification du taux d’invalidité s’applique également à la décision par laquelle une rente échelonnée dans le temps est accordée avec effet rétroactif (arrêt du Tribunal fédéral 9C_244/2020 du 5 janvier 2021 consid. 4.3.1).

4.3 Selon la jurisprudence, lorsque la décision dont est recours a été rendue après le 1er janvier 2022, il y a lieu conformément aux principes de droit intertemporel généralement applicables (cf. sur ce point ATF 144 V 210 consid. 4.3.1) de déterminer en vertu du droit applicable jusqu’au 31 décembre 2021 si un droit à la rente est né avant cette date. Lorsque le droit à la rente est né après cette date, le nouveau droit est applicable (arrêt du Tribunal fédéral 9C_60/2023 du 20 juillet 2023 consid. 2.2).

4.4 En l’espèce, le droit à la rente serait né au plus tôt une année après l’accident, soit en août 2022. C’est ainsi le nouveau droit qui est applicable.

5.             La notion d'invalidité selon l'art. 8 LPGA est en principe identique dans l'assurance-accidents et l'assurance-invalidité (ATF 126 V 288 consid. 2d ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 853/05 du 28 décembre 2006 consid. 4.1.1). Si le Tribunal fédéral a confirmé le caractère uniforme de la notion d'invalidité dans les différentes branches d’assurance, il a renoncé à la pratique consistant à accorder en principe plus d'importance à l'évaluation effectuée par l'un des assureurs sociaux, indépendamment des instruments dont il dispose pour instruire le cas et de l'usage qu'il en a fait dans un cas concret. Certes, il faut éviter que des assureurs procèdent à des évaluations divergentes dans un même cas. Mais même si un assureur ne peut en aucune manière se contenter de reprendre, sans plus ample examen, le taux d’invalidité fixé par un autre assureur, une évaluation entérinée par une décision entrée en force ne peut pas rester simplement ignorée. Toutefois, il convient de s'écarter d'une telle évaluation lorsqu'elle repose sur une erreur de droit ou sur une appréciation insoutenable ou encore lorsqu'elle résulte d'une simple transaction conclue avec l'assuré. À ces motifs de divergence, il faut ajouter des mesures d'instruction extrêmement limitées et superficielles, ainsi qu'une évaluation pas du tout convaincante ou entachée d'inobjectivité. Enfin, un assureur social ne saurait être contraint, par le biais des règles de coordination de l'évaluation de l'invalidité, de répondre de risques qu'il n'assure pas, notamment, pour un assureur-accidents, une invalidité d'origine maladive non professionnelle. Le principe d'uniformité de la notion d'invalidité n'a pas pour conséquence de libérer les assureurs sociaux de l'obligation de procéder dans chaque cas et de manière indépendante à l'évaluation de l'invalidité. En aucune manière un assureur ne peut se contenter de reprendre simplement et sans plus ample examen le taux d’invalidité fixé par l'autre assureur, car un effet obligatoire aussi étendu ne se justifierait pas (arrêt du Tribunal fédéral des assurances U 323/04 du 30 août 2005 consid. 4.1).

6.             Le droit à des prestations de l’assurance-accidents découlant d'un sinistre suppose d'abord un lien de causalité naturelle entre l'événement dommageable de caractère accidentel et l'atteinte à la santé. Cette exigence est remplie lorsqu'il y a lieu d'admettre que, sans cet événement accidentel, le dommage ne se serait pas produit du tout, ou qu'il ne serait pas survenu de la même manière (ATF 129 V 177 consid. 3.1). Selon l'art. 36 al. 1 de la loi fédérale sur l’assurance-accidents (LAA – RS 832.20), les prestations pour soins, les remboursements de frais ainsi que les indemnités journalières et les allocations pour impotent ne sont pas réduits lorsque l'atteinte à la santé n'est que partiellement imputable à l'accident. Lorsqu'un état maladif préexistant est aggravé ou, de manière générale, apparaît consécutivement à un accident, le devoir de l'assurance-accidents d'allouer des prestations cesse si l'accident ne constitue pas la cause naturelle (et adéquate) du dommage, soit lorsque ce dernier résulte exclusivement de causes étrangères à l'accident. Tel est le cas lorsque l'état de santé de l'intéressé est similaire à celui qui existait immédiatement avant l'accident (statu quo ante) ou à celui qui existerait même sans l'accident par suite d'un développement ordinaire (statu quo sine) (arrêt du Tribunal fédéral 8C_481/2019 du 7 mai 2020 consid. 3.1). 

7.             Pour pouvoir trancher le droit aux prestations, l'administration ou l'instance de recours a besoin de documents que le médecin ou d'autres spécialistes doivent lui fournir. La tâche du médecin consiste à porter un jugement sur l'état de santé et à indiquer dans quelle mesure et pour quelles activités l'assuré est incapable de travailler. En outre, les données médicales constituent un élément utile pour déterminer quels travaux on peut encore, raisonnablement, exiger de l'assuré (ATF 125 V 256 consid. 4, ATF 115 V 133 consid. 2). Ces données médicales permettent généralement une appréciation objective du cas. Elles l’emportent sur les constatations qui peuvent être faites à l’occasion d’un stage d’observation professionnelle, lesquelles sont susceptibles d’être influencées par des éléments subjectifs liés au comportement de l’assuré pendant le stage (arrêt du Tribunal fédéral 8C_713/2019 du 12 août 2020 consid. 5.2).

Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales (cf. art. 61 let. c LPGA), le juge n’est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu’en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l’affaire sans apprécier l’ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L’élément déterminant pour la valeur probante d’un rapport médical n’est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. À cet égard, il convient que les points litigieux importants aient fait l’objet d’une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu’il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu’il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l’expert soient bien motivées (ATF 125 V 351 consid. 3; ATF 122 V 157 consid. 1c). Une expertise médicale établie sur la base d’un dossier peut avoir valeur probante pour autant que celui-ci contienne suffisamment d’appréciations médicales qui, elles, se fondent sur un examen personnel de l’assuré (RAMA 2001 n° U 438 p. 346 consid. 3d).

8.             En l’espèce, l’intimé s’est fondé sur la décision de la SUVA pour retenir que le recourant était apte à reprendre une activité adaptée dès le 25 janvier 2023.

Or, le Dr G______ – sur l’appréciation duquel repose la décision de la SUVA – ne s’est nullement prononcé sur la capacité de travail du recourant dans une activité adaptée. Ce médecin s’est uniquement déterminé sur la nature traumatique ou dégénérative des troubles du recourant au-delà de janvier 2023, pour conclure que ceux-ci n’étaient alors plus imputables à l’accident. Le fait qu’il ait suggéré que le recourant s’adresse à son assureur-maladie pour la suite de la prise en charge suggère du reste que l’atteinte au pied droit nécessitait encore à cette date une prise en charge médicale. Les autres éléments au dossier confirment que le traitement de l’atteinte au pied droit n’était pas terminé le 25 janvier 2023. On soulignera dans ce contexte que l’intervention pratiquée le 2 juin 2023 était déjà évoquée en juin 2022 par la Dresse F______. C’est ici le lieu de rappeler que, selon la jurisprudence, dans des causes relevant de l'assurance-invalidité, l'examen porte sur la capacité de travail dans l'activité habituelle tant que l'état de santé de l’assuré n'est pas stabilisé, et sur la capacité de travail exigible dans une activité adaptée depuis sa stabilisation (arrêt du Tribunal fédéral 9C_881/2010 du 23 août 2011 consid. 3.2 ; ATAS/56/2016 du 27 janvier 2016 consid. 10 ; cf. également ATAS/784/2016 du 29 septembre 2016 consid. 11). On peut ici se référer par analogie aux principes permettant de retenir la stabilisation de l’état de santé dans l’assurance-accidents, qui est admise lorsque la continuation du traitement médical ne permet plus d’attendre une sensible amélioration de l'état de l'assuré (cf. art. 19 al. 1 LAA, ATF 134 V 109 consid. 4.3).

Conformément à ce qui précède, l’intimé ne pouvait retenir d’exigibilité dans une activité adaptée sans examiner si l’état était stabilisé en janvier 2023, ce qui paraît douteux au vu de l’arthroscopie alors envisagée. De plus, en toute hypothèse, le SMR ne peut être suivi lorsqu’il soutient, de manière uniquement prospective, que l’intervention réalisée en juin 2023 n’entraînerait qu’une incapacité de travail de six semaines, faute de rapport médical probant sur ce point établi à la suite de cette intervention. A ce sujet, le Dr B______ a du reste indiqué plus de six semaines après l’intervention que la rééducation était encore en cours, et la physiothérapie s’est poursuivie au-delà de septembre 2023 selon le rapport des médecins des HUG de décembre 2023. En outre, il apparaît que le recourant se déplaçait à cette date encore avec une canne, et que son périmètre de déplacement était limité.

Par surabondance, contrairement à ce que semble affirmer le SMR, qui soutient avoir fixé la date de l’exigibilité d’une activité adaptée en fonction des rapports des médecins traitants, aucun d’entre eux n’a attesté la possibilité d’une telle reprise en janvier 2023. En particulier, si le Dr D______ a indiqué en mars 2023 que la capacité de travail serait au plan orthopédique complète dans une activité respectant les limitations fonctionnelles, il n’a pas répondu à la question sur la date de cette reprise. Dans la mesure où il a dans ce même rapport exposé que la reprise devait être évaluée en fonction des douleurs, alors limitantes, on ne peut en inférer de manière claire que l’exercice d’une activité adaptée était envisageable à cette date.

Compte tenu de ces éléments, les éléments au dossier ne permettent pas de conclure à l’exigibilité d’une activité adaptée en janvier 2023.

Il convient en outre de souligner que le SMR n’a guère analysé les éventuelles limitations fonctionnelles additionnelles résultant de la nouvelle atteinte au pied droit. De plus, le calcul du degré d’invalidité de l’intimé de mai 2023 ne tient pas compte de la capacité de travail réduite de 20% admise par la Dresse C______ en 2015 déjà, ni de l’abattement de 20% sur le revenu d’invalide qu’a retenu la Cour de céans dans son arrêt du 6 décembre 2018.

Compte tenu de ces éléments, la décision de l’intimé n’est pas conforme au droit.

8.1 Celui-ci n’ayant pas instruit la situation médicale du recourant à satisfaction de droit, il sied de lui renvoyer la cause pour instruction complémentaire (ATF 137 V 210 consid. 4.4.1.3 et 4.4.1.4), en interpellant les médecins traitants du recourant et en confiant au besoin une expertise à un spécialiste en rhumatologie ou en chirurgie orthopédique, laquelle devra le cas échéant être mise en œuvre de manière conforme aux exigences en matière de droit d’être entendu (cf. art. 44 LPGA).

A l’issue de ces mesures, il appartiendra à l’intimé de rendre une nouvelle décision sur le droit aux prestations du recourant.

9.             Le recours est partiellement admis.

Le recourant a droit à des dépens, qui seront fixés à CHF 2'000.- (art. 61 let. g LPGA).

La procédure en matière d’octroi de prestations de l’assurance-invalidité n’étant pas gratuite (art. 69 al. 1bis LAI), l’intimé supporte l’émolument de procédure de CHF 200.-.

 

***


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L’admet.

3.        Annule la décision de l’intimé du 17 juillet 2023.

4.        Renvoie la cause à l’intimé pour instruction complémentaire et nouvelle décision au sens des considérants.

5.        Dit que le recourant a droit à une indemnité de dépens de CHF 2'000.-.

6.        Met un émolument de CHF 200.- à la charge de l’intimé.

7.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Diana ZIERI

 

La présidente

 

 

 

 

Karine STECK

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le