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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3450/2022

ATAS/272/2024 du 22.04.2024 ( AI ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/3450/2022 ATAS/272/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 22 avril 2024

Chambre 6

 

En la cause

 

A______

 

recourante

contre

 

OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE

 

intimé

 


EN FAIT

 

A. a. Madame A______ (ci-après : l'assurée ou la recourante), née le ______ 1979, de nationalité portugaise, a été employée par la B______ en qualité de vendeuse au rayon fleurs depuis le mois de mars 1999, à raison de 35 heures par semaine sur 41 réalisées dans l'entreprise, depuis octobre 2010.

b. L'assurée a déposé une première demande de prestations auprès de l'office de l'assurance-invalidité (ci-après : OAI) en juillet 2011 en raison d'un cancer de l'utérus, qui a fait l'objet d'une décision de refus du fait qu'elle avait repris son travail avant la fin du délai de carence d'une année.

B. a. L'assurée s'est trouvée en arrêt total de travail dès le 1er octobre 2018 en raison d'une tendinopathie et d'une bursite de l'épaule gauche et a perçu des indemnités journalières versées par la SWICA, assurance perte de gain, jusqu'au 29 septembre 2020.

b. Elle a déposé une nouvelle demande de prestations auprès de l'OAI le 14 février 2019, en se prévalant d'une bursite, tendinopathie, arthrose et déchirure de l'épaule gauche.

c. Dans un rapport médical du 22 mars 2019, la docteure C______, spécialiste FMH en médecine interne générale, a listé les antécédents médicaux de l'assurée, soit, dès 2014 des douleurs sous-scapulaires gauches, en février 2015 une tendinopathie du tendon supra-épineux suite à une chute sur l'épaule gauche ayant entrainé quelques mois d'arrêt de travail, en juin 2018 une récidive de la douleur à l'épaule gauche et le 1er octobre 2018 un épisode de vive douleur avec irradiation vers le cou.

d. Le 16 avril 2019, l'assurée a subi une arthroscopie de l'épaule gauche avec réinsertion du sus-épineux, ténodèse du biceps (Juggerknot) et acromioplastie réalisée aux Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG) par le docteur D______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique et traumatologie de l'appareil locomoteur, les diagnostics de rupture superficielle à plus de 50% du sus-épineux, ténosynovite du long chef du biceps et conflit supéro-externe ayant été posés.

e. Dans un rapport médical du 26 août 2019, le docteur E______ du service de chirurgie orthopédique et traumatologie de l'appareil moteur des HUG a parlé d'une évolution lente suite à l'opération.

f. Dans un rapport du 15 octobre 2019, la docteure F______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique et traumatologie de l'appareil locomoteur, a attesté que la capacité de travail de l'assurée était nulle tant dans l'activité habituelle que dans une activité adaptée.

g. Dans un rapport de consultation du 4 novembre 2019, le Dr D______ a fait état d'une mauvaise récupération des amplitudes articulaires de l'assurée, le résultat étant toujours superposable à celui obtenu aux trois mois postopératoires.

h. Dans un rapport médical du 21 février 2020, le docteur G______, spécialiste FMH en médecine physique et réadaptation, a attesté que l'assurée présentait une incapacité totale de travail pour une activité de vendeuse dans un supermarché. Dans une activité tenant compte de l'atteinte à la santé n'impliquant pas le port de charges de plus de 3 kg de façon répétitive et le travail au-dessus des épaules, la capacité de travail était entière. Le Dr G______ renvoyait néanmoins aux HUG pour fixer le début de l'aptitude à la « réadaptation ».

i. Dans un rapport du 3 juin 2020, le service médical régional de l'OAI (ci-après : SMR) a jugé que l'assurée présentait une incapacité totale de travail dans son activité habituelle de vendeuse depuis le 1er octobre 2018 et une capacité de travail entière dans une activité adaptée depuis le 26 août 2019 respectant les limitations de port de charges de plus de 3 kg de façon répétitive et de travail du membre supérieur gauche, en raison d'omalgies gauches sur tendinopathie de la coiffe suturée et arthrose acromio-claviculaire inflammatoire persistante.

j. Dans le cadre des mesures d'intervention précoce mises en place par l'OAI, l'assurée a bénéficié d'une mesure d'orientation personnalisée (job coaching) du 1er septembre au 30 octobre 2019, puis d'une formation d'assistante administrative du 17 février au 30 septembre 2020 en vue de l'exercice d'une activité adaptée.

k. Le 9 novembre 2020, l'OAI a communiqué à l'assurée qu'elle bénéficierait d'un placement à l'essai en entreprise du 9 novembre 2020 au 7 mai 2021. Le stage était prévu à 70% jusqu'au 30 novembre 2020, puis à 80%.

l. La mesure a été arrêtée le 19 janvier 2021 après que l'assurée a présenté un certificat médical d'arrêt de travail à 100%. Selon l'entreprise qui l'avait occupée, il s'agissait d'une personne sérieuse voulant faire de son mieux, mais l'accumulation des horaires de cours et des heures de travail à ses douleurs ne lui permettait pas d'être efficace.

m. La division réadaptation professionnelle de l'OAI a jugé, dans un rapport du 26 janvier 2021, que l'emploi administratif réalisé durant le placement à l'essai était compatible aux conclusions du SMR et à la formation suivie par l'assurée.

n. Par projet de décision du 22 février 2021, l'OAI a indiqué vouloir rejeter la demande de prestations. Il a retenu que l'assurée avait un statut mixte, se consacrant à 80% à son activité professionnelle et, pour les 20% restants, à l'accomplissement de ses travaux habituels dans le ménage. L'assurée était totalement incapable de travailler dans son activité habituelle mais avait une capacité entière de travail dans une activité adaptée dès le 26 août 2019, de sorte qu'elle présentait une invalidité dans la sphère professionnelle de 10%, correspondant à sa perte de gain après comparaison des revenus, alors qu'elle n'avait aucun empêchement dans son ménage. Une invalidité de 10% n'ouvrait pas le droit à des prestations de l'assurance-invalidité.

o. Le 4 mars 2021, l'assurée a contesté le projet de décision, relevant que son état de santé avait empiré car d'autres problèmes médicaux étaient apparus, attestés par la Dre C______.

p. Dans un rapport du 27 mai 2021, la docteure H______, spécialiste FMH en neurochirurgie, a posé les diagnostics suivants : probable névralgie du nerf d'Arnold avec échec du traitement infiltratif, cervicalgie irradiant le dermatome C6 gauche jusqu'au pouce, lombalgies chroniques et lombo-cruralgie L4/L3 non déficitaire, hernie discale C5/C6 droite en contact avec la moelle (côté asymptomatique). La patiente était plus gênée par les douleurs au niveau cervical à gauche que par ses lombalgies. Le pronostic concernant la colonne cervicale était peu favorable, du fait que plusieurs infiltrations avaient été un échec.

q. La docteure I______, spécialiste FMH en anesthésiologie, a rédigé un rapport le 7 juin 2021, dans lequel elle a diagnostiqué des omalgies gauches et des lombalgies chroniques associées à des modifications structurelles, des douleurs chroniques diffuses primaires, ainsi qu'un état dépressif à titre de diagnostics avec effet sur la capacité de travail. La capacité de travail de l'assurée dans une activité adaptée dépendait d'un reconditionnement physique et d'une prise en charge psychothérapeutique. L'activité devait éviter les efforts modérés à sévères, les mouvements répétitifs du membre supérieur gauche et devait permettre de changer régulièrement de position. Au surplus, les scores de qualité de vie de l'assurée étaient inférieurs à la moyenne de la population générale dans tous les domaines courants de la vie (ménage, loisirs et activités sociales).

r. Dans un rapport du 3 septembre 2021, la docteure J______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, et Madame K______, psychologue, auprès desquelles la recourante avait débuté un suivi en avril 2021, ont diagnostiqué un trouble de l'adaptation avec réaction dépressive prolongée et syndrome somatique (F43.21).

s. À la demande du SMR, une expertise bidisciplinaire en rhumatologie et psychiatrie a été confiée aux docteurs L______, spécialiste FMH en médecine interne générale et rhumatologie, et M______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, réalisée au sein du N______ (ci-après : N______).

Dans le rapport d'expertise du 18 juin 2022, l'expert rhumatologue a diagnostiqué un syndrome sous acromial gauche après l'opération d'avril 20l9, un syndrome cervical non déficitaire sur discopathie étagée et un syndrome lombaire non déficitaire sur probable discopathie ayant des répercussions sur la capacité de travail, tandis que les diagnostics de névralgie d'Arnold et de chondropathie focale du condyle fémoral externe du genou gauche n'étaient pas incapacitants. L'expertisée présentait des douleurs localisées à l'épaule gauche, irradiées au trapèze et au membre supérieur gauche accompagnées de paresthésies jusqu'au pouce gauche, des douleurs nocturnes l'obligeant à se lever, des cervicalgies, en particulier en position assise, ainsi que des lombalgies et des douleurs au membre inférieur gauche accompagnées de gonalgies et irradiées jusqu'à la région plantaire. La capacité de travail dans l'activité habituelle était nulle et celle dans une activité adaptée évitant le port fréquent de charges supérieures à 5 kg, les travaux au-dessus de l'horizontale et la station assise et debout prolongée, était entière sans diminution de rendement depuis le 21 février 2020, date du rapport du Dr G______. Enfin, l'expert a jugé que toutes les activités ménagères respectant les limitations fonctionnelles pouvaient être exécutées, la « capacité de travail » en tant que ménagère étant évaluée à 70%.

Sur le plan psychiatrique, l'expert n'a relevé aucun diagnostic incapacitant.

Consensuellement, les experts ont retenu une capacité de travail nulle dans l'activité habituelle, une capacité de travail entière dans une activité adaptée hormis durant la période du 18 avril 2019 à février 2020 et une capacité de 70% en tant que ménagère.

t. Le 7 juillet 2022, le SMR s'est rallié à l'expertise bidisciplinaire. Il a estimé que la capacité de travail dans l'activité habituelle était nulle depuis le 1er octobre 2018, mais entière dans une activité adaptée depuis toujours, en dehors d'une période d'incapacité totale du 16 avril 2019 au 21 février 2020.

u. Par décision du 30 septembre 2022, l'OAI a accordé à l'assurée une rente entière d'invalidité, du 1er octobre 2019 au 30 avril 2020. Compte tenu de son statut mixte, l'assurée présentait un degré d'invalidité de 80% jusqu'au 30 avril 2020, soit trois mois après l'amélioration de son état de santé. Elle ne pouvait prétendre à l'octroi de prestations par la suite, la perte de gain s'élevant à 10%. D'autres mesures professionnelles n'étaient pas adéquates.

C. a. Par courrier du 11 octobre 2022 adressé à l'OAI et transmis à la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la chambre de céans) pour objet de sa compétence, l'assurée a formé recours à l'encontre de la décision du 30 septembre 2022, relevant qu'elle était dans l'incapacité de travailler et sollicitant que ses médecins ou elle-même soient contactés. Elle a produit un nouveau rapport de la Dre C______ du 11 octobre 2022 dans lequel cette dernière estimait que la décision ne tenait pas compte de la situation actuelle de la recourante, de nouveaux problèmes de santé étant apparus depuis le 14 janvier 2021, justifiant une incapacité totale de travail et l'octroi d'une rente complète.

b. Le 9 novembre 2022, l'intimé a conclu au rejet du recours et à la confirmation de la décision attaquée, l'expertise bidisciplinaire du 18 juin 2022 étant probante et le nouveau rapport de la médecin traitante n'amenant aucun élément nouveau.

c. Par courrier du 30 novembre 2022, la recourante a relevé que les experts qu'elle avait consultés s'étaient prononcés sur ses problèmes de santé des années 2019 et 2020, et non sur ses nouvelles atteintes à la santé présentes depuis 2021.

d. La chambre de céans a entendu les parties le 6 mars 2023 en audience de comparution personnelle.

e. Dans son écriture du 14 mars 2023, l'intimé a admis qu'il convenait de verser la rente d'invalidité jusqu'au 30 mai 2020 et non jusqu'au 30 avril 2020. S'agissant de la capacité de travail de la recourante dès février 2020 compte tenu de la nouvelle opération de juin 2020, les experts avaient été rendus attentifs à celle-ci par la recourante et en avaient tenu compte dans leurs rapports respectifs. L'activité d'assistante administrative était en outre adaptée au vu des conclusions de l'expertise, une telle activité permettant l'alternance des positions, bien qu'elle s'effectue majoritairement assise. Enfin, le service de réadaptation considérait que la recourante avait les compétences et la formation nécessaires pour un poste administratif, si bien qu'une nouvelle mesure professionnelle ou une aide au placement n'étaient pas opportunes.

f. Le 12 mars 2023, à la demande de la chambre de céans, la Dre C______ a donné des informations médicales complémentaires et a communiqué en annexe à son rapport, les documents suivants :

-          rapport de consultation du Dr D______ du 12 mai 2020, proposant de réaliser une résection du centimètre externe de clavicule à l'épaule gauche en raison de douleurs persistantes au niveau acromio-claviculaire n'ayant pas cédé malgré un traitement conservateur bien conduit et une infiltration ;

-          rapport de consultation ambulatoire de suivi du Dr D______ du 12 août 2020 : la recourante rapportait une décompensation douloureuse à la suite d'une collision avec une personne lors de ses courses ; l'examen clinique six semaines après l'opération mettait en avant des amplitudes articulaires limitées, tandis que le bilan radiologique ne montrait pas de signes d'ossification hétérotopique ; le traitement anti-inflammatoire, la physiothérapie et les auto-étirements devaient être poursuivis ;

-          rapport de consultation ambulatoire de suivi du Dr D______ du 25 septembre 2020 : l'évolution était stagnante à l'anamnèse et l'examen clinique était superposable au précédent avec de fortes contractures dans la région du trapèze.

g. Également en réponse aux questions de la chambre de céans, la docteure O______, spécialiste FMH en psychiatre et psychothérapie, a donné le 24 mars 2023 des renseignements médicaux complémentaires.

h. Il en est de même du Dr D______, lequel a répondu aux questions de la chambre de céans le 1er juin 2023.

i. Par écriture du 29 juin 2023, l'intimé a indiqué qu'il modifiait sa position dans le sens que le droit de la recourante à une rente d'invalidité était reconnu jusqu'en décembre 2020, sur la base d'une incapacité de travail jusqu'en octobre 2020. Il se ralliait à un avis du SMR du 19 mai 2023, selon lequel il fallait reconnaître, sur le plan somatique, une incapacité totale de travail du 16 avril 2019 au 10 décembre 2020, soit six mois après la seconde opération.

j. Le 2 octobre 2023, la chambre de céans a ordonné une expertise judiciaire bidisciplinaire confiée aux docteurs P______, spécialiste FMH en rhumatologie, et Q______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie.

k. Le 11 décembre 2023, le Dr Q______ a rendu son rapport d’expertise, lequel retient un diagnostic de dysthymie entrainant depuis avril 2021 des limitations fonctionnelles (diminution de l’énergie disponible, du plaisir et de la motivation, à faire des choses et de l’estime de soi). Le trouble n’était pas incapacitant.

l. Le 19 janvier 2024, le Dr P______ a rendu son rapport d’expertise, lequel posait les diagnostics :

-     d’atteinte multiple de l’épaule gauche avec rupture partielle du sus-épineux, tendinopathie du long chef du biceps, arthropathie acromio-claviculaire et conflit sous-acromial ;

-     de douleurs de l’épaule gauche chroniques secondaires persistantes après deux interventions chirurgicales, avec facteurs psychosociaux, douleur intense, détresse modérée, interférence sévère persistante ;

-     de cervicalgies chroniques dans un contexte de troubles dégénératifs avec facteurs psychosociaux, douleur intense, détresse modérée, interférence sévère persistante ;

-     de syndrome fémoro-patellaire sur chondropathie rotulienne, avec douleur du genou gauche chronique avec facteurs psychosociaux, douleur modérée, détresse modérée, interférence légère, intermittente ;

-     de lombalgie chronique primaire, avec facteurs psychosociaux, douleur modérée, détresse modérée, interférence légère, intermittente ;

-     d’anomalie congénitale du pouce droit traitée chirurgicalement à deux reprises.

La capacité de travail était de 50% dans une activité adaptée, soit sans activité au‑dessus de la ligne horizontale de l’épaule, pas de port de charge répété de plus de quelques kilos et pas de travail nécessitant une force lors de l’utilisation de la pince pouce-index.

Les experts judiciaires ont procédé à une évaluation consensuelle, laquelle conclut à une capacité de travail de 50% depuis le 1er avril 2021, en raison des limitations physiques et psychiques (celles-ci limitant les capacités d’énergie, de motivation et d’adaptation). Le pronostic avec mise en place d’un traitement recommandé par l’expert rhumatologue devait être vérifié dans un délai de douze mois.

m. Le 16 février 2024, le SMR a estimé que l’expertise judiciaire bidisciplinaire était convaincante et qu’il fallait retenir une capacité de travail de l’assurée de 50% dès le 1er avril 2021, dans une activité adaptée, à réévaluer dans un an.

n. Le 28 février 2024, l’OAI a relevé que l’expertise judiciaire, convaincante, pouvait être suivie et qu’il ne se justifiait pas de mettre ses frais à sa charge, les experts s’étant écartés de l’évaluation des médecins-traitants ainsi que de celle du N______.

o. Le 14 mars 2024, l’OAI a calculé le degré d’invalidité de la recourante, sur la base d’une activité exercée à un taux de 50%, et l’a fixé à 59%. La recourante avait droit à une rente entière d’invalidité depuis le 1er octobre 2019 et à une demi-rente dès le 1er juillet 2021.

p. Le 5 avril 2024, la recourante a observé que le Dr P______ estimait qu’un taux de travail de 50% n’était exigible qu’à la condition que les pathologies soient sous contrôle, ce qui n’était pas le cas, de sorte qu’elle était totalement incapable de travailler. Les frais d’expertise devaient être mis à charge de l’OAI.

 

EN DROIT

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.              

2.1 À teneur de l'art. 1 al. 1 LAI, les dispositions de la LPGA s'appliquent à l'assurance-invalidité, à moins que la loi n'y déroge expressément.

2.2 Le 1er janvier 2021 est entrée en vigueur la modification du 21 juin 2019 de la LPGA. Dans la mesure où le recours a été interjeté postérieurement au 1er janvier 2021, il est soumis au nouveau droit (cf. art. 82a LPGA a contrario).

2.3 Le 1er janvier 2022 sont entrées en vigueur les modifications de la LAI du 19 juin 2020 (développement continu de l’AI ; RO 2021 705) ainsi que celles du 3 novembre 2021 du règlement sur l’assurance-invalidité du 17 janvier 1961 (RAI -RS 831.201; RO 2021 706).

En cas de changement de règles de droit, la législation applicable est celle qui était en vigueur lors de la réalisation de l'état de fait qui doit être apprécié juridiquement ou qui a des conséquences juridiques, sous réserve de dispositions particulières de droit transitoire (ATF 136 V 24 consid. 4.3 et la référence).

En l’occurrence, la décision querellée concerne un premier octroi de rente dont le droit est né avant le 1er janvier 2022, de sorte que les dispositions légales applicables seront citées dans leur ancienne teneur.

3.             Le délai de recours est de trente jours (art. 56 LPGA ; art. 62 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).

Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, compte tenu du fait qu’un recours déposé devant une autorité incompétente doit être transmis d’office à la juridiction administrative compétente (comme y a procédé l'intimé) et le recourant en être averti, l’acte de recours étant réputé déposé à la date à laquelle il a été adressé à la première autorité (art. 64 al. 2 et 89A LPA ; cf. aussi art. 30 et 58 al. 3 LPGA), le recours est recevable.

4.             Compte tenu des dernières conclusions des parties, le litige porte sur le droit de la recourante à une rente d'invalidité supérieure à une demi-rente postérieurement à juillet 2021.

5.             Selon la jurisprudence, une décision par laquelle l'assurance-invalidité accorde une rente d'invalidité avec effet rétroactif et, en même temps, prévoit l'augmentation, la réduction ou la suppression de cette rente, correspond à une décision de révision au sens de l’art. 17 LPGA (ATF 130 V 343 consid. 3.5.2 ; ATF 125 V 413 consid. 2d et les références ; VSI 2001 p. 157 consid. 2). Tout changement important des circonstances propre à influencer le degré d'invalidité, et donc le droit à la rente, peut motiver une révision selon l'article 17 LPGA. La rente peut être révisée non seulement en cas de modification sensible de l'état de santé, mais aussi lorsque celui-ci est resté en soi le même, mais que ses conséquences sur la capacité de gain ont subi un changement important (ATF 130 V 343 consid. 3.5 ; ATF 113 V 273 consid. 1a ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_1006/2010 du 22 mars 2011 consid 2.2).

Dans le cadre d'une révision de rente dans la constellation susvisée, la date de la modification est déterminée conformément à l'art. 88a RAI (ATF 131 V 164 consid. 2.2 p. 165 ; ATF 125 V 413 consid. 2d ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_134/2015 consid. 4.1 et les références). En revanche, l'art. 88bis RAI n'est pas applicable dans cette éventualité, du moment que l'on ne se trouve pas en présence d'une révision de la rente au sens strict (ATF 125 V 413 consid. 2d ; arrêt du Tribunal fédéral I 621/04 du 12 octobre 2005 consid. 3.2 et les références ; voir aussi le ch. 4018 de la Circulaire de l'OFAS sur l'invalidité et l'impotence dans l'assurance-invalidité [CIIAI], valable à partir du 1er janvier 2013).

6.              

6.1 Est réputée invalidité, l'incapacité de gain totale ou partielle présumée permanente ou de longue durée, résultant d'une infirmité congénitale, d'une maladie ou d'un accident (art. 8 al. 1 LPGA et 4 al. 1 LAI). Selon l’art. 7 LPGA, est réputée incapacité de gain toute diminution de l'ensemble ou d'une partie des possibilités de gain de l'assuré sur le marché du travail équilibré qui entre en considération, si cette diminution résulte d'une atteinte à la santé physique, mentale ou psychique et qu'elle persiste après les traitements et les mesures de réadaptation exigibles (al. 1). Seules les conséquences de l’atteinte à la santé sont prises en compte pour juger de la présence d’une incapacité de gain. De plus, il n’y a incapacité de gain que si celle-ci n’est pas objectivement surmontable (al. 2 en vigueur dès le 1er janvier 2008).

6.2 En vertu de l’art. 28 al. 2 LAI, l’assuré a droit à une rente entière s’il est invalide à 70% au moins, à un trois quarts de rente s'il est invalide à 60% au moins, à une demi-rente s’il est invalide à 50% au moins, ou à un quart de rente s’il est invalide à 40% au moins.

Pour évaluer le taux d'invalidité, le revenu que l'assuré aurait pu obtenir s'il n'était pas invalide est comparé avec celui qu'il pourrait obtenir en exerçant l'activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré (art. 16 LPGA et art. 28a al. 1 LAI).

Il y a lieu de préciser que selon la jurisprudence, la notion d'invalidité, au sens du droit des assurances sociales, est une notion économique et non médicale; ce sont les conséquences économiques objectives de l'incapacité fonctionnelle qu'il importe d'évaluer (ATF 110 V 273 consid. 4a). L’atteinte à la santé n’est donc pas à elle seule déterminante et ne sera prise en considération que dans la mesure où elle entraîne une incapacité de travail ayant des effets sur la capacité de gain de l’assuré (arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 654/00 du 9 avril 2001 consid. 1).

6.3 En vertu des art. 28 al. 1 et 29 al. 1 LAI, le droit à la rente prend naissance au plus tôt à la date dès laquelle l’assuré a présenté une incapacité de travail (art. 6 LPGA) d’au moins 40% en moyenne pendant une année sans interruption notable et qu’au terme de cette année, il est invalide (art. 8 LPGA) à 40% au moins, mais au plus tôt à l’échéance d’une période de six mois à compter de la date à laquelle l’assuré a fait valoir son droit aux prestations conformément à l’art. 29 al. 1 LPGA. Selon l’art. 29 al. 3 LAI, la rente est versée dès le début du mois au cours duquel le droit prend naissance.

7.              

7.1 Pour pouvoir calculer le degré d’invalidité, l’administration (ou le juge, s’il y a eu un recours) a besoin de documents qu’un médecin, éventuellement d’autres spécialistes, doivent lui fournir. La tâche du médecin consiste à porter un jugement sur l’état de santé et à indiquer dans quelle mesure et pour quelles activités l’assuré est, à ce motif, incapable de travailler (ATF 140 V 193 consid. 3.2 et les références ; ATF 125 V 256 consid. 4 et les références). En outre, les données médicales constituent un élément utile pour déterminer quels travaux on peut encore, raisonnablement, exiger de l’assuré (ATF 125 V 256 consid. 4 et les références).

Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales (cf. art. 61 let. c LPGA), le juge n'est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu'en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l'affaire sans apprécier l'ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L'élément déterminant pour la valeur probante d'un rapport médical n'est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. À cet égard, il importe que les points litigieux importants aient fait l'objet d'une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu'il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l'expert soient bien motivées (ATF 134 V 231 consid. 5.1 ; ATF 133 V 450 consid. 11.1.3 ; ATF 125 V 351 consid. 3).

Sans remettre en cause le principe de la libre appréciation des preuves, le Tribunal fédéral des assurances a posé des lignes directrices en ce qui concerne la manière d'apprécier certains types d'expertises ou de rapports médicaux.

7.2 Le juge ne s'écarte pas sans motifs impératifs des conclusions d'une expertise médicale judiciaire, la tâche de l'expert étant précisément de mettre ses connaissances spéciales à la disposition de la justice afin de l'éclairer sur les aspects médicaux d'un état de fait donné. Selon la jurisprudence, peut constituer une raison de s'écarter d'une expertise judiciaire le fait que celle-ci contient des contradictions, ou qu'une surexpertise ordonnée par le tribunal en infirme les conclusions de manière convaincante. En outre, lorsque d'autres spécialistes émettent des opinions contraires aptes à mettre sérieusement en doute la pertinence des déductions de l'expert, on ne peut exclure, selon les cas, une interprétation divergente des conclusions de ce dernier par le juge ou, au besoin, une instruction complémentaire sous la forme d'une nouvelle expertise médicale (ATF 143 V 269 consid. 6.2.3.2 et les références ; ATF 135 V 465 consid. 4.4. et les références ; ATF 125 V 351 consid. 3b/aa et les références).

8.             Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 126 V 353 consid. 5b et les références ; ATF 125 V 193 consid. 2 et les références ; cf. ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 135 V 39 consid. 6.1 et la référence).

9.             En l’espèce, la chambre de céans a estimé qu’une instruction médicale complémentaire se justifiait, par la mise en œuvre d’une expertise judiciaire bidisciplinaire rhumatologique et psychiatrique.

Celle-ci conclut à une capacité de travail de la recourante de 50% dès le 1er avril 2021, dans une activité adaptée aux limitations fonctionnelles retenues.

9.1 Fondé sur toutes les pièces du dossier, relatant les plaintes de la recourante, comprenant une anamnèse complète, une description d’une journée-type, posant des diagnostics et limitations fonctionnelles clairs, le rapport d’expertise judiciaire bidisciplinaire répond aux critères jurisprudentiels précités pour qu’il lui soit reconnu une pleine valeur probante.

9.2 L’intimé estime que les conclusions de cette expertise peuvent être suivies.

Quant à la recourante, elle relève que l’expert P______ estime qu’une capacité de travail de 50% n’est possible qu’à la condition que ses pathologies soient sous contrôle, ce qui n’est pas le cas.

À cet égard, l’expert P______, contrairement à l’avis de la recourante, a clairement indiqué que les pathologies cervicales et de l’épaule gauche ainsi que les douleurs chroniques limitaient partiellement (à un taux de 50%) la capacité de travail de la recourante dans une activité adaptée. Cette conclusion a été reprise dans l’appréciation bidisciplinaire consensuelle du 18 janvier 2024, étant par ailleurs relevé que l’évocation de la condition que les pathologies soient sous contrôle a été mentionnée par l’expert P______ en relation avec l’exigibilité d’une activité d’assistante administrative et non pas de toute activité adaptée.

9.3 Au demeurant, les conclusions de l’expertise bidisciplinaire judiciaire peuvent être suivies, la recourante étant reconnue totalement incapable de travailler du 1er octobre 2018 au 31 mars 2021 et capable de travailler à un taux de 50% dans une activité adaptée dès le 1er avril 2021.

Le calcul de degré d’invalidité effectué par l’intimé n’est par ailleurs pas contesté.

10.         En conséquence, le recours sera partiellement admis et la décision de l’intimé du 30 septembre 2022 sera réformée dans le sens que la recourante a droit à une rente entière d’invalidité du 1er octobre 2019 au 30 juin 2021 et à une demi-rente d’invalidité dès le 1er juillet 2021.

La recourante, qui n’est pas représentée en justice et qui n’a pas allégué avoir déployé des efforts dépassant la mesure de ce que tout un chacun consacre à la gestion courante de ses affaires, n’a pas droit à des dépens (art. 61 let. g LPGA ; art. 6 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en matière administrative du 30 juillet 1986 [RFPA - E 5 10.03]).

Au vu du sort du recours, il y a lieu de condamner l’intimé au paiement d'un émolument de CHF 200.- (art. 69 al. 1 bis LAI).

Pour le surplus, les frais de l’expertise judiciaire seront laissés à charge de l’État (ATF 143 V 269 ; ATF 137 V 210).

 

 

 

 


 

PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L’admet partiellement.

3.        Réforme la décision de l’intimé du 30 septembre 2022 dans le sens que la recourante a droit à une rente entière d’invalidité du 1er octobre 2019 au 30 juin 2021 et à une demi-rente d’invalidité dès le 1er juillet 2021.

4.        Met un émolument de CHF 200.- à la charge de l’intimé.

5.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Adriana MALANGA

 

La présidente

 

 

 

 

Valérie MONTANI

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le