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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1983/2022

ATAS/621/2023 du 23.08.2023 ( LCA ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/1983/2022 ATAS/621/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 23 août 2023

Chambre 8

 

En la cause

A______
représenté par Maître Louise BONADIO, avocate

 

demandeur

 

contre

GROUPE MUTUEL ASSURANCES GMA SA

 

défenderesse

 


EN FAIT

 

A. a. Monsieur A______ (ci-après : l’assuré ou le demandeur), né le ______ 1972, travaille à titre d’indépendant en tant que conseiller financier à l’Étude des avocats B______. À ce titre, il est assuré auprès de MUTUEL ASSURANCES SA, aujourd’hui GROUPE MUTUEL ASSURANCES GMA SA (ci-après : l’assurance perte de gain ou la défenderesse) contre le risque de perte de gain.

b. Depuis le 7 juillet 2014, l’assuré est en incapacité de travail à des degrés variables, pour laquelle il a été indemnisé par l'assurance perte de gain. En novembre 2019, l'assuré a requis les prestations de l'assurance-invalidité.

c. Dans son rapport du 7 avril 2020, le docteur C______, spécialiste FMH en urologie, a fait état de lourds problèmes urologiques et de plusieurs interventions au niveau hémorroïdaire pour des thromboses, ainsi que des décompensations dans un status hémorroïdaire très gênant en 2019. Au début de l’année 2020, une intervention aux niveaux anal et urologique avait eu lieu, dans les suites de laquelle l’assuré avait souffert d’importants douleurs et saignements durant six semaines, nécessitant des lavages et soins réguliers (6 à 8 par jour) et empêchant toute activité professionnelle correcte. Il n’y a plus eu de complication infectieuse, mais des troubles mictionnels importants avec des urges disparaissant lentement après l’intervention. Courant mars, l’assuré avait présenté pendant deux semaines des diarrhées surabondantes inexpliquées (10 par jour) accompagnées d’une forte fièvre persistante et d’un syndrome inflammatoire. Néanmoins, avec le médecin-conseil de l’assurance perte de gain, la mise en place d’une reprise de travail à un petit pourcentage à partir de février avait été convenue pour démontrer la bonne volonté de l’assuré qui était très décidé à reprendre une vie la plus normale possible. Ce médecin voyait l’assuré pour des contrôles hebdomadaires avec des massages prostatiques réguliers. L’évolution était lente, mais favorable. La situation post-opératoire au niveau hémorroïdaire étant enfin stabilisée et la situation s’améliorant lentement au niveau mictionnel, une reprise du travail progressive était envisageable, d’où la prescription d’un arrêt de travail à 70% pour le mois d’avril.

d. Le 28 avril 2020, le Dr C______ a informé l’assurance perte de gain que l’évolution des dernières semaines était défavorable avec, au niveau proctologique, l’apparition d’une lésion suspecte nécessitant une nouvelle intervention et, au niveau urologique, une récidive infectieuse sur obstruction récidivante qui nécessitera également une nouvelle intervention endoscopique en même temps que l’intervention proctologique. Ces interventions seront organisées une fois l’urgence sanitaire terminée. L’assuré était traité de manière symptomatique, avec difficultés, par des antidouleurs et des soins locaux.

e. Le 12 juin 2020, le docteur D______, spécialiste FMH en médecine interne, a procédé à une expertise de l’assuré. Dans son rapport du 15 juin 2020, l’expert a mentionné dans les plaintes que l’assuré souffrait de fuites urinaires et qu’il portait des protections qu’il devait changer deux fois par jour. Il présentait également de faux besoins avec des urgences et des douleurs du périnée. Il était par ailleurs gêné par la présence d’un polype anal avec le sentiment d’avoir un corps étranger entre les fesses. Au status clinique, l’expert a constaté que l’assuré n’éprouvait pas, durant l’entretien d’une heure et demie, le besoin d’accéder aux lieux d’aisance. Les diagnostics étaient une hyperactivité vésicale avec status après prostatite aigue en avril 2014, ainsi qu'après dilatation d’une sténose urétrale pré-sphinctérienne et après chirurgie hémorroïdaire en janvier 2020. À cela s’ajoutait un syndrome métabolique avec obésité de classe I, hypogonadisme, hypertension artérielle et diabète de type II, non insulino requérant. Actuellement, persistait une pollakiurie avec des urgences mictionnelles 6 à 10 fois par jour associées à des fuites. Cette affection perturbait la qualité de vie, mais ne pouvait être considérée comme handicapante ou limitant les activités professionnelles dans une activité administrative permettant l’accès aux WC. La perte de rendement était de l’ordre de 5 heures par semaine et d’une heure pour les soins médicaux, soit inférieure à 20%. La capacité de travail était complète depuis longtemps. La cure d’hémorroïdes du 9 janvier 2020 avait pu être à l’origine d’une totale incapacité de travail durant trois à quatre semaines.

B. a. Le 29 juin 2020, l’assurance perte de gain a informé l’assuré que, selon son expert, il subissait une perte de rendement d'au maximum 20%. Dans la mesure où une indemnité journalière n’était allouée qu’en cas d’incapacité de travail de 25%, l’assuré n’avait plus droit à cette prestation. Elle lui verserait encore les indemnités journalières à 80% jusqu’au 31 mars 2020, puis à 40% du 1er au 12 avril 2020.

b. Le 20 juillet 2020, le Dr C______ s’est étonné de l’appréciation de la capacité de travail à au moins 80% par l’expert. Il a rappelé qu'il avait évalué l'incapacité à 70%, mais qu’il avait proposé, au vu d’une sensible amélioration, de porter cette incapacité de travail à 50% au moins jusqu’à la nouvelle intervention en septembre 2020. Les suites post-opératoires avaient été compliquées au niveau proctologique et par la persistance de la symptomatologie liée à l’hyperactivité vésicale sévère, laquelle pouvait être extrêmement handicapante et influencer gravement la qualité de vie, notamment au niveau psychologique. Ce médecin a enfin relevé que la profession de l’assuré imposait de fréquentes réunions d'au minimum une heure et des entretiens avec des clients qui ne pouvaient être interrompus à tout moment par des allers-retours aux toilettes.

c. Par courrier du 31 juillet 2020, l’assurance perte de gain a persisté dans son refus de prester au-delà du 12 avril 2020.

d. Le 17 août 2020, le Dr C______ a procédé à un examen urodynamique. Il a retenu les diagnostics de troubles mictionnels de la phase de stockage sur hyperactivité détrusorienne avec une proprioception nettement augmentée, de contractions non inhibées traduisant une hyperactivité détrusorienne et de phase de vidange équivoque évoquant une possible récidive sténotique.

e. Le 20 août 2020, le docteur E______, spécialiste FMH en urologie, a attesté que l’incapacité de travail de l’assuré semblait tout à fait justifiée, après analyse du dossier et face au diagnostic de syndrome d’hyperactivité vésicale sur hyperactivité détrusorienne, et en tenant compte de l’activité professionnelle de l’assuré.

f. Dans son courrier du 22 août 2020, le Dr C______ a informé l’assurance perte de gain que le bilan urodynamique confirmait, voire amplifiait, très clairement son diagnostic clinique d’hyperactivité vésicale majeure. Cela étant, il maintenait les pourcentages d’arrêt de travail.

g. Le 14 septembre 2020, le Dr D______ a procédé à une expertise complémentaire sur la base du bilan urodynamique. Il a constaté que les plaintes étaient toujours les mêmes et qu’il n’y avait pas de fait médical nouveau. Partant, il maintenait les conclusions de son expertise.

h. Par certificat du 17 septembre 2020, le professeur F______, spécialiste FMH en chirurgie, proctologie et périnéologie, a attesté qu’il suivait l’assuré en binôme avec le Dr C______. Au vu de la complexité de la situation médicale aux niveaux urologique et proctologique, il ne pouvait qu’entériner les arrêts de travail ordonnés par ce dernier médecin.

i. Par courrier du 17 septembre 2020, l’assurance perte de gain a maintenu sa position.

j. Le 24 septembre 2020, l’assuré a subi une cystoscopie, une urétrotomie interne avec incision du col et ablation des lithiases. Selon le Prof. F______, la capacité de travail était nulle du 24 septembre au 26 octobre 2020. Par la suite, ce médecin a prolongé l’incapacité de travail jusqu’au 28 novembre 2020.

k. Le 2 novembre 2020, le Dr C______ et le Prof. F______ ont établi une « expertise » urologique pelvienne. Ils ont confirmé une incapacité de travail de 70% durant la période litigieuse du 12 avril au 24 septembre 2020, au vu des urgences mictionnelles accompagnées de pertes d’urine traduisant des troubles du stockage sévère et des troubles de la vidange avec diminution du jet et sensation de vidange incomplète, ainsi que des mictions de longue durée nécessitant des séjours aux toilettes prolongés. Ce type de troubles empêchait un travail constant et régulier.

l. Le 9 avril 2021, l’assuré a été soumis une expertise par le docteur G______, spécialiste FMH en urologie. Dans son rapport du 14 avril 2021, l’expert a posé les diagnostics de status post prostatite post-opératoire récidivante et de status post sténose urétrale récidivante. Les diagnostics suivants n’avaient pas de répercussion sur la capacité de travail : status post-chirurgie proctologique depuis le 1er janvier 2021 (recte 2020), le syndrome métabolique et l’hyperactivité vésicale résiduelle depuis le 1er janvier 2021 (recte 2020). La situation paraissait pour l’instant stabilisée et la capacité de travail était évaluée à 100% sans diminution de rendement hors de nouvelles complications. Pour la période du 12 avril au 23 septembre 2020, cet expert se ralliait aux conclusions de l’expertise du Dr D______ concernant la capacité de travail sur le plan strictement urologique. La durée d’incapacité de travail attestée par l'urologue traitant paraissait disproportionnée par rapport aux plaintes urologiques, mais pourrait s’expliquer par la sommation du retentissement des douleurs proctologiques post-opératoires, des douleurs hypogastriques prémictionnelles et par la souffrance psychologique liée aux problèmes de pollakiurie et d’incontinence. N’étant pas spécialiste de la douleur, il n’était pas en mesure d’évaluer l’effet comportemental de cette sommation des douleurs proctologiques et urinaires associées aux troubles mictionnels, étant précisé que ces derniers n’empêchaient pas la reprise du travail.

m. Dans son avis du 10 mai 2021, le docteur H______, spécialiste FMH en médecine interne et médecin-conseil de l’assurance perte de gain, a proposé de suivre les conclusions de l’expertise du Dr G______.

n. Dans son avis du 14 mai 2021, le service médical de l'assurance-invalidité pour la Suisse romande (ci-après: SMR) a considéré que l'assuré présentait une pleine capacité de travail depuis la date de l'expertise du Dr D______ en juin 2020 avec une baisse de rendement de 20%.

C. a. Le 17 mai 2021, l’assurance perte de gain a maintenu sa position sur la base de l’expertise du Dr G______.

b. Par courrier du 16 juin 2021, le Dr C______ a contesté le refus de prise en charge de l’incapacité de travail durant la période du 12 avril au 23 septembre 2020, dans la mesure où le Dr G______ a considéré que la prise en compte de la situation globale urologique et proctologique justifierait l’arrêt de travail durant cette période. La composante proctologique était bien présente pendant toute cette période et s’ajoutait aux troubles urologiques majeurs, ce qui expliquait l’incapacité de travail de l’assuré. La pathologie urologique était chronique et l’assuré suivait actuellement un traitement antibiotique pour une nouvelle récidive infectieuse compliquée. Toutefois, il avait repris le travail.

c. Dans son courriel du 14 juillet 2021, le médecin-conseil de l’assurance perte de gain a relevé que l’intervention double du 9 janvier 2021 (recte 2020) par le Dr C______, urologue, (dilatation urétrale) et le Prof. F______, proctologue, (cure d’hémorroïdes et sphinctérotomie a minima) provoquait normalement une incapacité de travail de 4 à 6 semaines, en raison de la nécessité des lavages sous la douche de l’anus 6-8 fois par jour à cause des saignements, de la cicatrisation et des douleurs. Or, le Dr C______ n’avait pas signalé des saignements incessants avec nécessité de douches 8 fois par jour qui se seraient prolongés durant toute la période litigieuse. Lors de l’intervention du 24 septembre 2021 (recte 2020), le Prof. F______ n’avait pas fait état de problème hémorroïdaire. De surcroît, durant la période litigieuse, il y avait une obligation de télétravail à cause de la pandémie et l’assuré passait au bureau rendre visite à ses collègues.

d. Par courrier du 21 juillet 2021, l’assurance perte de gain a persisté dans son refus de prendre en charge la période d’incapacité de travail litigieuse.

e. Dans son expertise urologique sur dossier du 20 octobre 2021, le professeur I______ du service d’urologie des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG) a considéré que les incapacités de travail prescrites par le Dr C______ étaient tout à fait justifiées, cohérentes et logiques, au vu du handicap très important engendré par la pathologie urologique, étant précisé que la pathologie proctologique avait également influencé d’une manière plus que significative la capacité de travail.

f. Dans son courriel du 27 octobre 2021, le Dr H______ de l’assurance perte de gain a dénié une valeur probante à l’expertise du Prof. I______, en relevant qu’il s’agissait d’une expertise demandée par le Dr C______ à son collègue aux HUG. Cette expertise n’apportait en outre aucun élément nouveau probant.

g. Par projet de décision du 24 février 2022, l’office de l’assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après : OAI) a informé l’assuré qu’il ressortait de son instruction médicale que son incapacité de travail était de 25% dès le 1er mai 2019, de 50% dès le 1er juillet 2019, de 100% dès le 25 juillet 2019, et enfin de 20% dès le 12 juin 2020. À l’échéance du délai d’attente d’un an, le 1er mai 2020, son incapacité de travail et de gain était de 100%. Cela étant, il pouvait prétendre à une rente entière d’invalidité pour le mois de mai 2020.

D. a. Le 14 juin 2022, l’assuré a saisi la Cour de céans d’une demande en paiement à l’encontre de l’assurance perte de gain, en concluant au paiement des indemnités journalières à 100% durant la période du 1er avril au 23 septembre 2020, sous déduction des indemnités versées en avril, avec intérêts à 5%, sous suite de dépens. Préalablement, il a conclu à la mise en œuvre d’une expertise multidisciplinaire urologique et proctologique. Il a notamment relevé que le Dr D______ n’était pas un spécialiste en la matière et que le Dr G______ avait réservé des problèmes proctologiques avec des douleurs extrêmement intenses et saignements répétés, nécessitant la prise d’antalgiques majeurs. Il avait par ailleurs précisé qu’une expertise proctologique pourrait permettre de répondre à la question de l’appréciation de la capacité de travail durant la période litigieuse. Or, selon l’expertise du Prof. I______, la pathologie proctologique avait influencé aussi d’une manière plus que significative la capacité de travail.

Le demandeur a précisé en outre que la reprise du travail prévue initialement pour le 13 avril 2020 n'avait pas pu être réalisée à cause de problèmes urologiques (résurgence et persistance de troubles mictionnels et d'incontinences urges) et proctologiques.

b. Dans sa réponse du 15 août 2022, la défenderesse a conclu au rejet de la demande, en se fondant sur les expertises des Drs D______ et G______.

c. Dans sa réplique du 19 septembre 2022, le demandeur a conclu à ce que la réponse de la défenderesse soit déclarée irrecevable et a persisté dans ses conclusions quant au fond. Il a à cet égard relevé que les signataires de la réponse de la défenderesse ne pouvaient engager celle-ci, à moins de disposer d’un pouvoir spécial. Concernant les faits, il a allégué que, pendant la pandémie, le système de documentation et informatique de l’Étude ne permettait pas un télétravail complet, de sorte que des exceptions ou tournus à l’Étude avaient dû être mis en place. L’obligation de télétravail avec la multiplication des visio-conférences et téléphones n’avait pas non plus rendu l’accès aux toilettes plus simple.

d. Dans sa duplique du 22 novembre 2022, la défenderesse a relevé que sa réponse avait bel et bien été signée par deux personnes disposant du pouvoir de signature collective à deux selon l’inscription au registre du commerce. Pour le surplus, elle a maintenu ses conclusions.

e. Suite à la production du dossier de l'assurance-invalidité ordonnée par la Cour de céans, la défenderesse a requis le 8 août 2023 que cette assurance transmette sa décision définitive. Au cas où une décision ne devait pas encore avoir été rendue, elle a demandé la suspension de la cause jusqu'à ce que l'OAI ait statué.

f. Par écritures du 11 août 2023, le demandeur s'est opposé à la suspension, tout en précisant que l'OAI n'avait à ce jour pas encore rendu une décision définitive. Il attendait au contraire l'arrêt de la Cour de céans dans la présente cause.

g. Sur ce, la cause a été gardée à juger.


 

EN DROIT

 

1.             Conformément à l'art. 7 du Code de procédure civile suisse du 19 décembre 2008 (CPC - RS 272) et à l'art. 134 al. 1 let. c de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations relatives aux assurances complémentaires à l’assurance-maladie sociale prévue par la LAMal, relevant de la loi fédérale sur le contrat d'assurance, du 2 avril 1908 (loi sur le contrat d’assurance, LCA - RS 221.229.1).

Selon la police d’assurance, le contrat est régi par la LCA.

La compétence de la chambre de céans à raison de la matière pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             L'art. 46a LCA prescrit que le for se définit selon la loi du 24 mars 2000 sur les fors (LFors) qui a été abrogée au 1er janvier 2011 par l’entrée en vigueur du CPC, auquel il convient désormais de se référer. Sauf disposition contraire de la loi, pour les actions dirigées contre une les personnes morales, le for est celui de de leur siège (art. 10 al. 1 let. b CPC), étant précisé que l’art. 17 al. 1 CPC consacre la possibilité d’une élection de for écrite.

En l’occurrence, l’art. 33 ch. 2 des CGA, édition du 1er janvier 2011, pour la couverture collective d'une indemnité journalière maladie stipule qu'en cas de contestations, sont compétents au choix soit les tribunaux du domicile suisse des personnes assurées ou des ayants droit, soit ceux du siège de l’assureur.

Le demandeur ayant son domicile à Genève, la chambre de céans est compétente à raison du lieu pour connaître de la présente demande.

3.              

3.1 La demande satisfait aux conditions de forme de l'art. 244 CPC. Elle est par conséquent recevable.

3.2 Quant à la recevabilité de la réponse à la demande du 15 août 2022, la défenderesse a établi que les signataires de ces écritures avaient le pouvoir de la représenter.

4.             L'objet du litige est la question de savoir si le demandeur présentait une incapacité de travail entre le 1er avril et 23 septembre 2020 ouvrant le droit aux indemnités journalières, ainsi que le taux d'incapacités de travail durant cette période.

5.             Les parties ont renoncé à une audience de débats.

6.             Le demandeur est au bénéfice d'un contrat d'assurance perte de gain couvrant les conséquences d'une incapacité de travail pendant 730 jours, selon la police d'assurance de B______ Étude d'avocats, établie le 22 mars 2016.

Aux termes de l'art. 12 ch. 1 CGA, l'indemnité journalière est allouée en cas d'incapacité de travail à partir de 25%.

7.             La procédure simplifiée s'applique aux litiges portant sur des assurances complémentaires à l’assurance-maladie sociale au sens de la LAMal (art. 243 al. 2 let. f CPC) et la chambre de céans établit les faits d'office (art. 247 al. 2 let. a CPC).

8.             En principe, un fait est tenu pour établi lorsque le juge a pu se convaincre de la vérité d'une allégation. La loi, la doctrine et la jurisprudence ont apporté des exceptions à cette règle d'appréciation des preuves. L'allégement de la preuve est alors justifié par un « état de nécessité en matière de preuve » (Beweisnot), qui se rencontre lorsque, par la nature même de l'affaire, une preuve stricte n'est pas possible ou ne peut être raisonnablement exigée, en particulier si les faits allégués par la partie qui supporte le fardeau de la preuve ne peuvent être établis qu'indirectement et par des indices (ATF 132 III 715 consid. 3.1 ; ATF 130 III 321 consid. 3.2). Tel peut être le cas de la survenance d'un sinistre en matière d'assurance-vol (ATF 130 III 321 consid. 3.2) ou de l'existence d'un lien de causalité naturelle, respectivement hypothétique (ATF 132 III 715 consid. 3.2). Le degré de preuve requis se limite alors à la vraisemblance prépondérante (die überwiegende Wahrscheinlichkeit), qui est soumise à des exigences plus élevées que la simple vraisemblance (die Glaubhaftmachung). La vraisemblance prépondérante suppose que, d'un point de vue objectif, des motifs importants plaident pour l'exactitude d'une allégation, sans que d'autres possibilités ou hypothèses envisageables ne revêtent une importance significative ou n'entrent raisonnablement en considération (ATF 133 III 81 consid. 4.2.2 ; ATF 132 III 715 consid. 3.1 ; ATF 130 III 321 consid. 3.3).

9.              

9.1 En l'espèce, le demandeur a fait l'objet le 12 juin 2020 d'une première expertise par le Dr D______. L’expert mentionne dans les plaintes que l’assuré est gêné par des fuites urinaires et qu’il porte des protections qu’il devait changer deux fois par jour. Il souffre également de faux besoins avec des urgences et des douleurs du périnée. Il est par ailleurs gêné par la présence d’un polype anal avec le sentiment d’avoir un corps étranger entre les fesses. Au status clinique, l’expert constate que l’assuré n’éprouve pas, durant l’entretien d’une heure et demie, le besoin d’accéder aux lieux d’aisance. Les diagnostics de l'expert sont les suivants : hyperactivité vésicale avec status après prostatite aigue en avril 2014, ainsi qu'après dilatation d’une sténose urétrale pré-sphinctérienne et après chirurgie hémorroïdaire en janvier 2020 ; syndrome métabolique avec obésité de classe I ; hypogonadisme ; hypertension artérielle et diabète de type II, non insulino requérant. Une pollakiurie avec des urgences mictionnelles 6 à 10 fois par jour associées à des fuites persiste au moment de l'expertise. Cette affection perturbe la qualité de vie, mais ne peut être considérée comme handicapante ou limitant l'activité professionnelle dans un métier administratif permettant l’accès aux WC. La perte de rendement est de l’ordre de 5 heures par semaine et d’une heure pour les soins médicaux, soit inférieure à 20%. La capacité de travail est complète depuis longtemps. La cure d’hémorroïdes du 9 janvier 2020 a pu être à l’origine d’une totale incapacité de travail durant trois à quatre semaines.

Le 14 septembre 2020, le Dr D______ maintient dans son expertise complémentaire ses conclusions, sur la base d'un bilan urodynamique, les plaintes étant restées identiques et en l'absence d'éléments nouveaux.

9.2 Le 2 novembre 2020, le Dr C______ et le Prof. F______ procèdent à une « expertise » urologique pelvienne et confirment une incapacité de travail de 70% durant la période du 12 avril au 24 septembre 2020, au vu des urgences mictionnelles accompagnées de pertes d’urine traduisant des troubles du stockage sévère et des troubles de la vidange avec diminution du jet et sensation de vidange incomplète, ainsi que des mictions de longue durée nécessitant des séjours aux toilettes prolongés. Ce type de troubles empêche un travail constant et régulier.

9.3 Le 9 avril 2021, l’assuré est soumis à une expertise par le Dr G______. Celui-ci pose les diagnostics de status post prostatite post-opératoire récidivante et de status post sténose urétrale récidivante. Les diagnostics suivants n’ont pas de répercussion sur la capacité de travail : status post-chirurgie proctologique depuis le 1er janvier 2021 (recte 2020), le syndrome métabolique et l’hyperactivité vésicale résiduelle depuis le 1er janvier 2021 (recte 2020). La situation paraît pour l’instant stabilisée. La capacité de travail est de 100% sans diminution de rendement hors de nouvelles complications. Pour la période du 12 avril au 23 septembre 2020, cet expert se rallie aux conclusions de l’expertise du Dr D______ concernant la capacité de travail sur le plan strictement urologique. La durée d’incapacité de travail attestée par l'urologue traitant paraît disproportionnée par rapport aux plaintes urologiques, mais pourrait s’expliquer par la sommation du retentissement des douleurs proctologiques post-opératoires, des douleurs hypogastriques prémictionnelles et par la souffrance psychologique liée aux problèmes de pollakiurie et d’incontinence. N’étant pas spécialiste de la douleur, cet expert n'est pas en mesure d’évaluer l’effet comportemental de cette sommation des douleurs proctologiques et urinaires associées aux troubles mictionnels, étant précisé que ces derniers n’empêchent pas la reprise du travail.

9.4 Dans son expertise urologique du 20 octobre 2021, le Prof. I______ considère que les incapacités de travail prescrites par le Dr C______ sont tout à fait justifiées, cohérentes et logiques, au vu du handicap très important engendré par la pathologie urologique, étant précisé que la pathologie proctologique a également influencé d’une manière plus que significative la capacité de travail.

10.          

10.1 S'agissant de la valeur probante des expertises et appréciations précitées, le rapport du 2 novembre 2020 des Dr C______ et Prof. F______ ne constitue assurément pas une expertise, n'ayant pas été réalisée par des médecins indépendants, mais par les médecins traitants.

L'appréciation du Prof. I______ du 20 octobre 2021 ne remplit pas non plus les critères d'une expertise par un médecin indépendant, ce médecin étant lié au Dr C______, dès lors qu'ils travaillent tous les deux aux HUG et sont collègues.

Quant aux rapports des Drs D______ et G______, ils émanent de médecins indépendants. Leurs expertises ont été réalisées en pleine connaissance du dossier médical, prennent en considération les plaintes du demandeur, reposent sur un examen clinique approfondi et contiennent des conclusions motivées et a priori convaincantes.

Certes, le Dr D______ n'est ni urologue ni proctologue. Toutefois, son appréciation de la capacité de travail sur le plan urologique est confirmée par le Dr G______ qui, lui, est urologue.

Partant, une pleine valeur probante peut en principe être attribuée à ces expertises.

10.2 Le 16 juin 2021, le Dr C______ conteste que la capacité de travail pendant la période litigieuse du 12 avril au 23 septembre 2020 était entière avec diminution de rendement, dans la mesure où le Dr G______ admet que la prise en compte de la situation globale urologique et proctologique pourrait justifier l’arrêt de travail durant cette période. Selon le Dr C______, la composante proctologique était bien présente pendant toute cette période et s’ajoutait aux troubles urologiques majeurs, ce qui explique l’incapacité de travail du demandeur.

Toutefois, dans son rapport du 7 avril 2020, ce médecin fait état de ce que le demandeur a souffert d’importantes douleurs et saignements seulement durant six semaines, nécessitant des lavages et soins réguliers (6 à 8 par jour), et de ce que les troubles mictionnels importants avec des urges disparaissent lentement après l’intervention. Il mentionne également en mars 2020 des diarrhées surabondantes inexpliquées (10 par jour) pendant deux semaines, accompagnées d’une forte fièvre persistante et d’un syndrome inflammatoire. L’évolution est lente, mais favorable. En particulier, la situation post-opératoire au niveau hémorroïdaire est stabilisée et la situation s’améliore lentement au niveau mictionnel.

Cependant, le 28 avril 2020, le Dr C______ atteste que l’évolution des dernières semaines est défavorable avec, au niveau proctologique, l’apparition d’une lésion suspecte nécessitant une nouvelle intervention et, au niveau urologique, une récidive infectieuse sur obstruction récidivante qui nécessitera également une nouvelle intervention endoscopique en même temps que l’intervention proctologique. En attendant ces interventions, le demandeur était traité par des antidouleurs.

Il n'en demeure pas moins que dans l'expertise du Dr D______, en juin 2020, le demandeur ne se plaint pas de problèmes proctologiques, à part de la présence d'un polype anal, mais essentiellement de troubles urologiques. Quant à la présence du polype, elle n'est en principe pas handicapante dans une activité légère et indépendante, telle que celle exercée par le demandeur, même s'il y a toujours une gêne qui, ajoutée aux atteintes urologiques majeures, affecte sans aucun doute la qualité de vie. De l'anamnèse dans l'expertise du Dr D______ ressort en outre que le demandeur souffrait de douleurs insoutenables avec des saignements pendant six semaines après la cure hémorroïdaire effectuée par le Prof. F______ (p. 8). Par la suite, il n'est cependant pas fait état de plaintes particulières au niveau proctologique.

Par ailleurs, dans son rapport du 20 juillet 2020, le Dr C______ admet que la capacité de travail pourrait être portée à 50% jusqu'à l'intervention prévue en septembre 2020, au vu de la sensible amélioration.

Le Dr E______, dans son rapport du 20 août 2020, justifie l’incapacité de travail certifiée par le Dr C______ en raison du diagnostic de syndrome d’hyperactivité vésicale sur hyperactivité détrusorienne et non par des troubles proctologiques.

Quant au certificat du 17 septembre 2020 du Prof. F______, proctologue, dans lequel il entérine les arrêts de travail ordonnés par le Dr C______, il est trop sommaire et ne permet pas de comprendre pourquoi, sur le plan proctologique, la capacité de travail du demandeur est affectée.

Le rapport du 2 novembre 2020 du Dr C______ et du Prof. F______, qui a toutefois été rédigé manifestement par le premier, confirme l'incapacité de travail de 70% durant la période litigieuse du 12 avril au 24 septembre 2020 uniquement en raison des atteintes urologiques. Au niveau proctologique, il est fait état d'un canal anal avec ulcération post résection de polype, de petites marisques et d'un sphincter normotone et, dans le résumé de la situation, d'une prolifération polypoïdes bénignes probablement d'origine inflammatoire. Il existe une gêne à ce niveau sous forme d'un polype entraînant des troubles de la défécation.

L'expertise urologique sur dossier du Prof. I______ ne précise pas en quoi la pathologie proctologique aurait influencé « d'une manière plus que significative » la capacité de travail. Il n'évoque que des problèmes urologiques et se contente de mentionner au niveau proctologique des polypes anorectaux récidivants ayant nécessité des excisions le 30 juillet 2019, ainsi que le 9 janvier et le 24 septembre 2020.

Il ne résulte donc pas des rapports et expertises médicaux que le demandeur a souffert pendant la période litigieuse, soit quatre mois après la cure hémorroïdaire, encore de problèmes proctologiques avec des douleurs importantes. Ce n'est qu'après l'expertise du Dr G______ que le Dr C______ met en avant des troubles à ce niveau. Cette dernière expertise ne permet cependant pas non plus d'étayer que le demandeur était très diminué à cause des atteintes proctologiques.

Le demandeur allègue dans sa demande qu'il devait se rendre aux toilettes toutes les demi-heures et y rester longtemps, pendant la période litigieuse. Des contractions dans le ventre et des brûlures accompagnaient ces problèmes avec de faux besoins et pertes d'urines. Dès l'été 2020, il a subi une récidive d'une sténose urétrale, l'obligeant à pousser longuement pour vider la vessie. À cela s'ajoutaient pendant la période litigieuse des infections urinaires à répétition avec fièvre et, au niveau proctologique, des saignements et violentes douleurs suite à l'apparition d'un nouveau polype rectal l'empêchant d'aller normalement à selle et se vider complètement. Il était aussi gêné en permanence par des selles résiduelles. La nécessité de pratiquer au moins six douches de la zone anale par jour avait également perduré. Ces problèmes l'avaient finalement également atteint au niveau psychique.

Toutefois, une bonne partie de ces allégations n'est pas mentionnée dans les expertises ni même par les médecins traitants dès avril 2020. Pourtant, le demandeur ne reproche pas aux experts une anamnèse incomplète. Partant, il ne peut en être tenu compte.

Par ailleurs, le demandeur exerce une activité légère avec des toilettes à côté de son bureau. Étant indépendant, il est libre d'organiser son horaire. En ce qui concerne les réunions et les entretiens avec ses clients, il est à relever qu'il n'avait pas besoin d'aller aux toilettes durant l'entretien d'une heure et demie lors de l'expertise avec le Dr D______, entretien qui a eu lieu durant la période litigieuse. Au demeurant, les réunions et entretiens étant généralement planifiés à l'avance, il est vraisemblablement possible de développer des stratégies pour ne pas devoir fréquenter les lieux d'aisance durant ceux-ci, par exemple en limitant la boisson dans les heures les précédant.

Cela étant, au degré de la vraisemblance prépondérante, la Cour de céans estime qu'il n'est pas établi au degré de la vraisemblance prépondérante que les atteintes proctologiques avaient une incidence sur la capacité de travail. Partant, elle se rallie aux conclusions des expertises des Drs D______ et G______.

La situation médicale étant suffisamment élucidée, il n'est pas nécessaire de procéder à une expertise urologique et proctologique. Le demandeur sera dès lors débouté de cette requête.

11.         Au vu de ce qui précède, la demande sera rejetée.

12.         Pour le surplus, il n'est pas alloué de dépens à la charge du demandeur (art. 22 al. 3 let. b de la loi d'application du code civil suisse et d’autres lois fédérales en matière civile du 11 octobre 2012 [LaCC - E 1 05]) ni perçu de frais judiciaires (art. 114 let. e CPC).

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare la demande recevable.

Au fond :

2.        La rejette.

3.        Dit que la procédure est gratuite.

4.        Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile (Tribunal fédéral suisse, avenue du Tribunal fédéral 29, 1000 Lausanne 14), sans égard à sa valeur litigieuse (art. 74 al. 2 let. b LTF). Le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoqués comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Stefanie FELLER

 

La présidente suppléante

 

 

 

 

Maya CRAMER

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l'Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers (FINMA) par le greffe le