Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public
ATAS/521/2023 du 29.06.2023 ( PC ) , ADMIS PARTIEL
En droit
rÉpublique et | 1.1 canton de genÈve![endif]>![if> | |
POUVOIR JUDICIAIRE
| ||
A/4278/2022 ATAS/521/2023 COUR DE JUSTICE Chambre des assurances sociales | ||
Arrêt du 29 juin 2023 |
En la cause
A______ représentée par le Bureau de comptabilité, soit pour lui B______, mandataire
| recourante |
contre
SERVICE DES PRESTATIONS COMPLÉMENTAIRES
| intimé |
A. a. Madame A______ (ci-après : l'intéressée ou la recourante), née le ______ 1967, était au bénéfice de prestations complémentaires fédérales et cantonales à sa rente d'invalidité depuis 1999. ![endif]>![if>
b. Après avoir hérité de sa mère, décédée en mars 2021, la fortune de l'intéressée s'était élevée à CHF 126'168.-. ![endif]>![if>
B. a. Par décisions du 14 octobre 2022, le service des prestations complémentaires (ci-après : SPC ou l'intimé) a demandé à l'intéressée le remboursement de CHF 25'030.- au total pour des prestations et subsides indûment perçus durant la période du 1er mars 2021 au 31 octobre 2022. En raison du dépassement du seuil de la fortune de CHF 100'000.-, l'intéressée n'avait en effet plus droit aux prestations complémentaires depuis mars 2021.![endif]>![if>
b. Par acte du 4 novembre 2022, l'intéressée a formé opposition à ces décisions, par l'intermédiaire de son conseil, en concluant implicitement à leur annulation et à l'octroi de prestations complémentaires. Elle a fait valoir que sa fortune était inférieure à CHF 100'000.-, après déduction de la franchise de CHF 30'000.- qui n'était pas prise en compte dans le calcul de la fortune selon la loi. ![endif]>![if>
c. Par décision du 12 décembre 2022, le SPC a rejeté l'opposition, au motif que la franchise de CHF 30'000.- n'était pas déduite de la fortune nette déterminante pour le seuil de CHF 100'000.-.![endif]>![if>
C. a. Par acte du 16 décembre 2022, l'intéressée a recouru contre cette décision, par l'intermédiaire de son conseil, en concluant implicitement à son annulation, au motif que sa fortune de CHF 126'168.- au 31 décembre 2021, moins la franchise de CHF 30'000.-, était inférieure au seuil de CHF 100'000.-.![endif]>![if>
b. Dans sa réponse du 17 janvier 2023, l'intimé a conclu au rejet du recours en se référant à sa décision sur opposition en ce qui concerne les motifs.![endif]>![if>
c. Invitée à répliquer, la recourante ne s'est pas manifestée dans le délai qui lui avait été imparti. ![endif]>![if>
1. Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 3 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur les prestations complémentaires à l’assurance-vieillesse, survivants et invalidité du 6 octobre 2006 (LPC - RS 831.30). Elle statue aussi, en application de l'art. 134 al. 3 let. a LOJ, sur les contestations prévues à l'art. 43 de la loi cantonale sur les prestations complémentaires cantonales du 25 octobre 1968 (LPCC - J 4 25).![endif]>![if>
Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.
2. Les dispositions de la LPGA s’appliquent aux prestations complémentaires fédérales à moins que la LPC n’y déroge expressément (art. 1 al. 1 LPC). En matière de prestations complémentaires cantonales, la LPC et ses dispositions d’exécution fédérales et cantonales, ainsi que la LPGA et ses dispositions d’exécution, sont applicables par analogie en cas de silence de la législation cantonale (art. 1A al. 1 LPCC).![endif]>![if>
3. Le 1er janvier 2021 est entrée en vigueur la modification du 21 juin 2019 de la LPGA. Dans la mesure où le recours (du 16 décembre 2022) a été interjeté postérieurement au 1er janvier 2021, il est soumis au nouveau droit (cf. art. 82a LPGA a contrario).![endif]>![if>
4. Le délai de recours est de trente jours (art. 60 al. 1 LPGA ; art. 9 de la loi cantonale sur les prestations fédérales complémentaires à l'assurance-vieillesse et survivants et à l'assurance-invalidité du 14 octobre 1965 [LPFC - J 4 20]) ; art. 43 LPCC ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]). ![endif]>![if>
Le présent recours, qui satisfait aux exigences, peu élevées, de forme et de contenu prescrites par la loi (art. 61 let. b LPGA ; ATAS/689/2017 du 21 août 2017 consid. 4b), et a été interjeté dans le délai prévu par la loi, sera déclaré recevable.
5. Le litige porte sur la question de savoir si c’est à juste titre que l’intimé a requis de la recourante la restitution des prestations complémentaires fédérales et cantonales pour la période courant du 1er mars 2021 au 31 octobre 2022. Plus particulièrement se pose la question de savoir si le seuil de CHF 100'000.-, à partir duquel il n'y a pas de droit aux prestations complémentaires (depuis l'entrée en vigueur du nouveau droit), doit tenir compte de la franchise de CHF 30'000.- appliquée pour établir la fortune déterminante, dans le cadre du calcul du montant des prestations dues. ![endif]>![if>
6. Dans le cadre de la réforme de la LPC, entrée en vigueur le 1er janvier 2021, de nombreuses dispositions ont été modifiées (FF 2016 7249 ; RO 2020 585).![endif]>![if>
6.1 D’après les principes généraux en matière de droit transitoire, on applique, en cas de changement de règles de droit et sauf réglementation transitoire contraire, les dispositions en vigueur lors de la réalisation de l’état de fait qui doit être apprécié juridiquement et qui a des conséquences juridiques (ATF 140 V 41 consid. 6.3.1 et les références).![endif]>![if>
6.2 Selon la règle de base de droit intertemporel, une règle de droit ne produit un effet que sur les états de fait qui se sont déroulés durant sa période de validité. La règle de base de droit intertemporel permet de déterminer le champ d’application temporel d’une loi et d’attribuer un fait à une loi en fonction du moment de la survenance du fait en question. Ainsi, les faits survenus dès l’entrée en vigueur de la loi, soit durant la période de validité de cette dernière, doivent être saisis par la nouvelle loi, alors que les faits survenus avant ou après la période de validité d’une loi ne peuvent en principe pas être saisis par la loi en question (Milena PIREK, L'application du droit dans le temps et la non-rétroactivité, in Les grands principes du droit administratif, 2022, p. 137). ![endif]>![if>
6.2.1 De cette règle de base de droit intertemporel découlent les deux principes généraux de droit intertemporel auxquels l’ordre juridique suisse est soumis, à savoir le principe de non-rétroactivité des lois et le principe de l’effet immédiat de la loi. Ces principes permettent à l’autorité d’application du droit de déterminer, en l’absence de dispositions légales expresses, le champ d’application temporel d’une loi et donc la loi applicable (PIREK, op cit., p. 137-138). ![endif]>![if>
6.2.2 Parce que la période de validité temporelle d’une loi est délimitée par sa date d’entrée en vigueur et celle de son abrogation, une loi ne peut en principe concerner des faits antérieurs à son entrée en vigueur. C’est ce que prescrit le principe de non-rétroactivité des lois (PIREK, op cit., p. 138). ![endif]>![if>
6.2.3 Dans la mesure où une loi entrée en vigueur produit des effets juridiques sur les faits qui se déroulent pendant sa période de validité, elle doit en principe viser les faits qui surviennent ou qui continuent à se dérouler postérieurement à son entrée en vigueur. C’est ce que prescrit le principe de l’effet immédiat de la loi. Si ce principe est moins connu que celui de non-rétroactivité des lois, c’est sans doute parce qu’il exprime une évidence. Le principe de l’effet immédiat de la loi impose en effet le règne exclusif de la nouvelle loi pour l’avenir et donc son application à compter de son entrée en vigueur. La nouvelle loi est en d’autres termes applicable ex nunc et pro futuro à tous les faits postérieurs à sa date d’entrée en vigueur (PIREK, op cit., p. 138). Nul n'a en principe droit au maintien pour le futur de sa situation juridique en cours, au moment de l'entrée en vigueur de la nouvelle loi. Quant aux effets juridiques produits dans le passé, ils sont protégés par le principe de non-rétroactivité des lois (Milena PIREK, L'application du droit public dans le temps : la question du changement de loi, 2018, n° 482 p. 197). ![endif]>![if>
6.2.4 Les principes de non-rétroactivité de la loi et de l'effet immédiat agissent comme des limites temporelles structurantes à l'égard de l'application de la loi nouvelle dans le temps et sont à ce titre des règles de conflit. Ils établissent les règles à suivre par défaut pour l'autorité d'application du droit lorsque la loi change et qu'elle ne prévoit pas de régime particulier en matière de champ d'application temporel de la loi. Selon la doctrine et la jurisprudence, la question du droit applicable en l'absence de dispositions dites transitoires doit en effet être tranchée selon les principes généraux de droit intertemporel (PIREK, L'application du droit public dans le temps, n° 480 p. 195 et les références, dont l'ATF 130 V 329, chapeau). ![endif]>![if>
6.3 Le droit transitoire permet d'instaurer dans certaines circonstances une période de transition pendant laquelle l'ancienne loi peut continuer à s'appliquer temporairement malgré l'entrée en vigueur de la nouvelle loi. On ne peut qualifier le droit transitoire de droit de résolution des conflits temporels, même s'il est vrai qu'il détermine parfois la loi applicable pendant la période de transition (PIREK, L'application du droit public dans le temps, n° 426 p. 171). ![endif]>![if>
6.3.1 Un administré au bénéfice d'un droit acquis ne se verra par exemple pas appliquer la nouvelle loi à la place de l'ancienne loi qui régissait jusque-là sa situation (PIREK, L'application du droit public dans le temps, n° 511 p. 209). ![endif]>![if>
6.3.2 La notion de droits acquis décrit la prétention à la stabilité d'une situation juridique dont disposent les administrés à l'égard de l'État dans certaines circonstances. Reconnaître l'existence de droits acquis revient ainsi à établir que la situation juridique d'un administré doit être protégée face au changement de loi et lui résister ou, le cas échéant, que l'administré doit être indemnisé (PIREK, L'application du droit public dans le temps, n° 652 p. 279-280). Les droits acquis doivent être qualifiés de dérogation au principe de l'effet immédiat de la loi, puisqu'ils permettent la survie de la loi ancienne malgré l'entrée en vigueur de la nouvelle loi (PIREK, L'application du droit public dans le temps, n° 655 p. 281). La garantie des droits acquis permet d'assurer la survie de la loi ancienne dans un cas d'espèce et de confirmer l'application de celle-ci pour l'avenir aux situations juridiques en cours, malgré l'entrée en vigueur de la nouvelle loi (PIREK, L'application du droit public dans le temps, n° 656 p. 281). Les dispositions légales qui garantissent les droits acquis se trouvent en principe dans les dispositions dites transitoires (PIREK, L'application du droit public dans le temps, n° 659 p. 283). ![endif]>![if>
6.3.3 Il faut distinguer la survie temporaire de la loi ancienne de la fixation (assez fréquente) par le législateur dans les dispositions dites transitoires, de l'élément juridiquement déterminant dans le choix du droit applicable. Le moment de la réalisation de cet élément, soit avant ou après l'entrée en vigueur de la nouvelle loi, déterminera si l'élément appartient au domaine de l'ancienne loi ou à celui de la nouvelle loi (PIREK, L'application du droit public dans le temps, n° 985 p. 440). ![endif]>![if>
6.4 Selon l'al. 1 des dispositions transitoires de la modification du 22 mars 2019 (Réforme des PC), l’ancien droit reste applicable pendant trois ans à compter de l’entrée en vigueur de la présente modification aux bénéficiaires de prestations complémentaires (ci-après : PC) pour lesquels la réforme des PC entraîne, dans son ensemble, une diminution de la prestation complémentaire annuelle ou la perte du droit à celle-ci. ![endif]>![if>
6.4.1 D'après le Message du Conseil fédéral relatif à la modification de la loi sur les prestations complémentaires [Réforme des PC] du 16 septembre 2016, « [p]lusieurs mesures proposées par la présente réforme peuvent influencer le calcul de la PC et engendrer pour certaines personnes une réduction du montant des PC ou une perte du droit aux PC. Pour permettre aux personnes concernées de s’adapter à la nouvelle situation financière, les mesures suivantes leur seront applicables trois ans seulement après l’entrée en vigueur de la réforme : adaptation du montant minimal de la PC (art. 9 al. 1) ; répartition de la fortune pour les couples dont un des conjoints vit dans un home ou dans un hôpital (art. 9 al. 3 let. b et c) ; droit des cantons de tenir compte dans le calcul de la PC de la prime effective si elle est d’un montant inférieur à la prime moyenne (art. 10 al. 3 let. d) ; abaissement du montant des franchises sur la fortune totale (art. 11 al. 1 let. c) ; prise en compte intégrale du revenu d’une activité lucrative des conjoints qui n’ont pas droit aux PC (art. 11 al. 1 let. a et art. 11a al. 1). Le nouveau droit s’applique immédiatement aux personnes qui acquièrent le droit aux PC après l’entrée en vigueur de la réforme » (FF 2016 7249 p. 7326). ![endif]>![if>
Ainsi, un délai transitoire de trois ans est prévu pour les personnes dont le droit aux prestations est né avant la réforme. Ces bénéficiaires conservent leurs droits acquis selon l'ancien droit durant ce délai, si la réforme entraîne pour eux, dans l'ensemble, une diminution ou une suppression des prestations (cf. arrêt du Tribunal fédéral 9C_161/2022 du 7 juillet 2022 consid. 3.1 ; arrêt de la Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal du canton de Vaud PC 41/22 - 14/2023 du 3 avril 2023 consid. 3b).
6.4.2 La Circulaire concernant les dispositions transitoires de la réforme des PC établie par l'Office fédéral des assurances sociales (ci-après : OFAS), valable dès le 1er janvier 2021 (ci-après : C-R PC), indique que : ![endif]>![if>
‒ « La réforme des PC entre en vigueur le 1er janvier 2021. Conformément aux dispositions transitoires, l’ancien droit reste applicable pendant trois ans aux bénéficiaires PC pour lesquels la réforme entraîne une réduction des prestations » (ch. 1101) ; ![endif]>![if>
‒ Si le calcul de la PC correspondant au nouveau droit entraîne une diminution de la PC annuelle ou la perte du droit à la PC, le calcul de la PC continue d’être établi selon l’ancien droit jusqu’au 31 décembre 2023 au plus tard (ch. 1102) ;![endif]>![if>
‒ Si le calcul de la PC correspondant au nouveau droit entraîne une augmentation de la PC annuelle ou si le montant de la PC annuelle reste le même, le calcul de la PC est établi selon le nouveau droit à partir du 1er janvier 2021 (ch. 1103) ; ![endif]>![if>
‒ Les dispositions du droit transitoire ne s'appliquent qu'aux cas en cours. À partir du 1er janvier 2021, les nouveaux cas sont exclusivement régis par le nouveau droit (ch. 1301) ; ![endif]>![if>
‒ Sont considérés comme cas en cours ceux pour lesquels le droit à la PC a pris naissance avant le 1er janvier 2021 (ch. 1302) ; ![endif]>![if>
‒ Afin de déterminer si l’ancien ou le nouveau droit est plus favorable aux cas en cours au 1er janvier 2021, il faut dresser une comparaison en établissant un calcul selon l’ancien droit et un autre selon le nouveau droit (ch. 2101) ; ![endif]>![if>
‒ Pour les cas où la fortune au 1er janvier 2021 dépasse le seuil prévu à l’art. 9a, al. 1, LPC, il n’est pas nécessaire d’établir un calcul comparatif, car les conditions d’octroi de la PC ne seraient plus remplies dans le nouveau droit. Dans cette situation, il faut continuer de calculer la PC conformément à l’ancien droit (ch. 2103) ; ![endif]>![if>
‒ Durant le délai transitoire, il n’est nécessaire d’établir un calcul comparatif que pour les cas dans lesquels le calcul de la PC se fonde sur l’ancien droit. Dès que le calcul est établi selon le nouveau droit, ce dernier reste applicable pour le reste de la période transitoire. Seuls sont réservés les cas visés au ch. 3224 (recte : 3324), dernière phrase » (ch. 3104) ‒ étant relevé que le ch. 3324 prévoit que, « en cas de mariage, le calcul comparatif doit également être effectué lorsque la PC de l’un des conjoints est déjà calculée selon le nouveau droit avec pour conséquence possible, un retour à l’ancien droit ».![endif]>![if>
6.4.3 Les directives administratives s'adressent aux organes d'exécution. Elles ne créent pas de nouvelles règles de droit mais sont destinées à assurer l'application uniforme des prescriptions légales, en visant à unifier, voire à codifier la pratique des organes d'exécution. Elles ont notamment pour but d'établir des critères généraux d'après lesquels sera tranché chaque cas d'espèce et cela aussi bien dans l'intérêt de la praticabilité que pour assurer une égalité de traitement des ayants droit. Le juge peut les prendre en considération lorsqu'elles permettent une application correcte des dispositions légales dans un cas d'espèce. Il doit en revanche s'en écarter lorsqu'elles établissent des normes qui ne sont pas conformes aux règles légales applicables (arrêt du Tribunal fédéral 8C_73/2022 du 26 janvier 2023 consid. 4.3.2 et les références). ![endif]>![if>
6.4.4 Le principe du passage au nouveau régime juridique (réforme des PC) peut être revu lorsqu'il était fondé sur un état de fait erroné, à l'inverse de cas où, après ce passage, un nouveau changement de situation surviendrait et rendrait l'ancien droit plus favorable. La C-R PC semble viser de tels cas, et tendre à éviter la possibilité d'allers-retours entre l'ancien et le nouveau droit au gré de changements de situation (arrêt de la Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal du canton de Vaud PC 41/22 - 14/2023 précité consid. 8a). ![endif]>![if>
6.4.5 Au vu de ce qui précède, le nouveau droit est applicable dès son entrée en vigueur aux bénéficiaires de PC pour lesquels la réforme des PC n'entraîne pas une diminution ou une suppression de la PC annuelle. Cela ressort de la lecture a contrario des dispositions transitoires de la modification du 22 mars 2019 (consid. 6.4 ci-dessus). ![endif]>![if>
Ces dispositions transitoires fixent, d'une part, l'élément juridiquement déterminant dans le choix du droit applicable, selon que la réforme des PC entraîne ou pas une diminution ou la suppression de la PC annuelle, au 1er janvier 2021. D'autre part, elles prévoient la période durant laquelle l'ancien droit « survit », dès le 1er janvier 2021, au détriment du nouveau droit pour les bénéficiaires de PC pour lesquels la réforme des PC entraîne, dans son ensemble, une diminution ou la suppression de la PC annuelle.
Dans la mesure où des bénéficiaires de PC ne peuvent pas se prévaloir de la garantie des droits acquis, au 1er janvier 2021, à teneur des dispositions transitoires, il y a lieu de leur appliquer le nouveau droit dès son entrée en vigueur, conformément au principe de l'effet immédiat de la loi. Par voie de conséquence, à défaut de tomber dans le champ d'application des dispositions transitoires, les changements de situation postérieurs au 1er janvier 2021, sous l'empire du nouveau droit, seront régis exclusivement par celui-ci.
6.5 En l'espèce, la recourante était au bénéfice de prestations complémentaires lorsque la réforme des PC est entrée en vigueur. Il ressort du calcul comparatif selon l’ancien et le nouveau droit (cf. dossier intimé pièce 24a) que cette réforme n'entraîne pas une diminution de ces prestations ou la perte du droit à celles-ci dès le 1er janvier 2021. Ainsi, au regard des dispositions transitoires, la recourante ne remplit pas les conditions permettant l'application de l'ancien droit pendant trois ans. C'est donc à juste titre que le calcul desdites prestations a été établi sur la base du nouveau droit à compter du 1er janvier 2021. ![endif]>![if>
Le fait que, au mois de mars 2021, sous l'empire du nouveau droit, la recourante a hérité d'une fortune dépassant le seuil de CHF 100'000.- (art. 9a LPC), entraînant la suppression du droit auxdites prestations (cf. consid. 7-8 ci-dessous), ne rend pas l'ancien droit, plus favorable, applicable, dès le 1er mars 2021, sous peine de porter atteinte au principe de l'effet immédiat de la loi nouvelle. En effet, les dispositions transitoires de la modification du 22 mars 2019 ne prévoient pas, dans l'éventualité où un cas en cours est soumis au nouveau régime au 1er janvier 2021, la possibilité d'un retour à l'ancien droit à la suite d'une modification de l'état de faits durant la période transitoire.
À toute fin utile, l'on relèvera que ces dispositions transitoires ne sont pas constitutives d'inégalité de traitement, au motif qu'un bénéficiaire de PC qui a hérité d'une fortune identique avant le 1er janvier 2021 restera soumis à l'ancien droit dès le 1er janvier 2021, et continuera, par voie de conséquence, à percevoir les prestations complémentaires. C'est le propre d'un changement de législation (ou d'un régime transitoire comme en l'espèce) d'introduire des différences entre des situations (comparables) qui ont pris naissance avant ou après certaines dates. Ces différences ne sont pas en tant que telles contraires à l'égalité de traitement (arrêt du Tribunal fédéral 2C_437/2017 du 5 février 2018 consid. 3.2 et les références).
En définitive, le présent contentieux doit être tranché à l'aune du nouveau droit, y compris pour la période litigeuse s'étendant du 1er mars 2021 au 31 octobre 2022.
7. ![endif]>![if>
7.1 S'agissant des prestations complémentaires fédérales, selon l'art. 25 al. 1 1ère phrase LPGA, en relation avec l'art. 2 al. 1 let. a de l'ordonnance sur la partie générale du droit des assurances sociales du 11 septembre 2002 (OPGA ; RS 830.11), les prestations indûment touchées doivent être restituées par le bénéficiaire ou par ses héritiers. ![endif]>![if>
L'obligation de restituer suppose que soient remplies les conditions d'une révision procédurale (art. 53 al. 1 LPGA) ou d'une reconsidération (art. 53 al. 2 LPGA) de la décision - formelle ou non - par laquelle les prestations en cause ont été allouées (ATF 142 V 259 consid. 3.2 et les références; ATF 138 V 426 consid. 5.2.1 et les références; ATF 130 V 318 consid. 5.2 et les références).
En vertu de l'art. 25 al. 2 1ère phrase LPGA (dans sa teneur en vigueur à compter du 1er janvier 2021), le droit de demander la restitution s'éteint trois ans après le moment où l'institution d’assurance a eu connaissance du fait, mais au plus tard cinq ans après le versement de la prestation.
7.2 Au plan cantonal, l'art. 24 al. 1 1ère phrase LPCC prévoit que les prestations indûment touchées doivent être restituées. Conformément à l’art. 43A LPCC, les décisions et les décisions sur opposition formellement passées en force sont soumises à révision si le bénéficiaire ou le service découvre subséquemment des faits nouveaux importants ou trouve des nouveaux moyens de preuve qui ne pouvaient être produits avant (al. 1). Le SPC peut revenir sur les décisions ou les décisions sur opposition formellement passées en force lorsqu’elles sont manifestement erronées et que leur rectification revêt une importance notable (al. 2). ![endif]>![if>
La restitution peut être demandée dans un délai d'une année à compter de la connaissance du fait qui ouvre le droit à la restitution, mais au plus tard cinq ans après le versement de la prestation (art. 28 LPCC).
7.3 En l'espèce, l'intimé a été informé, en septembre 2022, du montant de la fortune de la recourante consécutivement au décès de sa mère (dossier intimé pièces 27 et 28). Il s'agit d'un fait nouveau découvert après coup susceptible de modifier le calcul des prestations et justifiant avec effet ex tunc la révision procédurale des décisions précédemment rendues d'octroi de prestations complémentaires (arrêt du Tribunal fédéral 9C_522/2021 du 29 juin 2022 consid. 4.1). En réclamant, par décision du 14 octobre 2022, la restitution des prestations complémentaires fédérales et cantonales versées à tort du 1er mars 2021 au 31 octobre 2022, ainsi que des subsides indûment touchés durant cette période (cf. art. 33 al. 1 et 2 LaLAMal), l'intimé a respecté tant le délai relatif de trois ans, respectivement d'une année pour les PCC, à compter du moment où il a eu connaissance des faits que le délai absolu de cinq ans après le versement de la prestation (art. 25 al. 1 1ère phrase et al. 2 – dans sa teneur en vigueur depuis le 1er janvier 2021 – LPGA). ![endif]>![if>
8. En vertu de l'art. 9a al. 1 let. a LPC en vigueur depuis le 1er janvier 2021, les personnes seules dont la fortune nette est inférieure au seuil de CHF 100'000.- ont droit à des prestations complémentaires. ![endif]>![if>
8.1 La fortune nette d'un bénéficiaire de prestations complémentaires comprend notamment les biens mobiliers et immobiliers dont il est propriétaire, tels que les avoirs bancaires, les biens immobiliers sis à l'étranger et la fortune à laquelle il a renoncé (Erwin CARIGIET/Uwe KOCH, Ergänzungsleistungen zur AHV/IV, 2021, ch. 572). ![endif]>![if>
La fortune nette s'obtient après déduction des dettes, mais sans déduction de la franchise sur la fortune (FF 2016 7249 p. 7284).
Selon l'art. 11 al. 1 let. c LPC, dans sa teneur en vigueur depuis le 1er janvier 2021, la franchise sur la fortune s'élève à CHF 30'000.- pour les personnes seules, CHF 50'000.- pour les couples et CHF 15'000.- pour les orphelins et les enfants donnant droit à des rentes pour enfant de l’AVS ou de l’AI.
Toutefois, ces franchises ne trouvent application que pour autant que la personne puisse prétendre à des prestations complémentaires et dans le cadre du calcul du montant de celles-ci. L'art. 9a al. 1 LPC ne prévoit aucune franchise pour l'application du seuil de CHF 100'000.-. Seules les personnes dont la fortune nette est inférieure à ce montant, peuvent avoir droit aux prestations complémentaires, selon le sens littéral clair de la loi (CARIGIET/KOCH, op cit. ch. 570-571). C'est uniquement si la fortune nette n'atteint pas le seuil de fortune que la franchise selon l'art. 11 al. 1 LPC est déduite (op. cit. ch. 574 et les exemples cités ch. 54).
8.2 Selon l'art. 12 al. 3 LPC, le droit à une prestation complémentaire annuelle s’éteint à la fin du mois au cours duquel l’une des conditions dont il dépend cesse d’être remplie. Si, en cours de versement de la prestation complémentaire, la fortune d’une personne ou d’un couple dépasse le montant admissible, le droit à la prestation complémentaire s’éteint à la fin du mois au cours duquel le montant a été dépassé (CARIGIET/KOCH, op cit. ch. 572, note de bas de page ch. 717; Directives concernant les prestations complémentaires à l'AVS et à l'AI établies par l'OFAS, dans leur état au 1er janvier 2022, ch. 2511.03 et 2121.03).![endif]>![if>
9. En l'espèce, la recourante, qui vit seule, dispose d'une fortune nette de CHF 126'168.- après avoir hérité de sa mère le 4 mars 2021 (dossier intimé pièce 27), ce qui en soi n'est pas contesté. Compte tenu du dépassement du seuil de fortune nette de CHF 100'000.- selon l'art. 9a al. 1 let. a LPC, duquel l'on ne retranche pas la franchise sur la fortune, c'est à raison que l'intimé a constaté que la recourante ne pouvait plus prétendre aux prestations complémentaires fédérales (ci-après : PCF), sans qu'il ne soit donc nécessaire d'établir un plan de calcul des PC, comme le mentionne la décision du 14 octobre 2022 (dossier intimé pièce 35 p. 3 à 7). ![endif]>![if>
Ceci dit, c'est au cours du mois de mars 2021 que le seuil de fortune a été dépassé. Ainsi, le droit à la prestation complémentaire annuelle s’est éteint à la fin de ce mois. En conséquence, c'est à compter du 1er avril 2021 que la recourante n'a plus droit auxdites prestations (et non pas dès le 1er mars 2021 comme retenu à tort par l'intimé).
10. Reste à déterminer si, comme le considère l'intimé, l'extinction du droit à la prestation complémentaire en raison du dépassement du seuil de fortune nette de CHF 100'000.- (art. 9a al. 1 let. a LPC) s'applique également en matière de prestations complémentaires cantonales (ci-après : PCC), vu le renvoi de l'art. 1A al. 1 LPCC à la LPC (consid. 2 ci-dessus).![endif]>![if>
À cette fin, il convient d'interpréter l'art. 1A al. 1 LPCC.
10.1 La loi s'interprète en premier lieu selon sa lettre (interprétation littérale). Il n'y a lieu de déroger au sens littéral d'un texte clair par voie d'interprétation que lorsque des raisons objectives permettent de penser que ce texte ne restitue pas le sens véritable de la disposition en cause (arrêt du Tribunal fédéral 9C_630/2020 du 8 septembre 2021 consid. 5.1). Si le texte n'est pas absolument clair, si plusieurs interprétations sont possibles, il convient de rechercher quelle est la véritable portée de la norme, en la dégageant de tous les éléments à considérer, soit notamment des travaux préparatoires (interprétation historique), du but de la règle, de son esprit, ainsi que des valeurs sur lesquelles elle repose, singulièrement de l'intérêt protégé (interprétation téléologique) ou encore de sa relation avec d'autres dispositions légales (interprétation systématique). Le Tribunal fédéral ne privilégie aucune méthode d'interprétation, mais s'inspire d'un pluralisme pragmatique pour rechercher le sens véritable de la norme ; il ne se fonde sur la compréhension littérale du texte que s'il en découle sans ambiguïté une solution matériellement juste (ATF 144 V 313 consid. 6.1 et les arrêts cités).![endif]>![if>
10.1.1 L'interprétation littérale consiste en substance à tirer tous les renseignements possibles du sens littéral de la règle. Il s'agit ainsi de comprendre la signification de chaque mot pris individuellement et de se concentrer sur les relations grammaticales entre les mots telles que résultant de la syntaxe (accords, objet d'une négation) ainsi que de l'usage de la ponctuation. En outre, la manière dont le législateur a ordonné les alinéas d'un article, dont il a divisé le texte (au moyen de titres, sous-titres, etc.) et structuré les notes marginales relève également de l'interprétation littérale.![endif]>![if>
Quant à l'interprétation systématique, elle vise à prendre la mesure de la structure formelle dans laquelle la règle s'intègre : l'ordonnancement des titres, des notes marginales, des alinéas et des phrases donnant un rapport hiérarchique aux règles, ce qui permet souvent d'en déterminer le champ d'application. Il y a également lieu d'examiner les liens établis par le texte légal entre certaines règles, au moyen de renvois plus ou moins explicites à d'autres dispositions. Relève également de l'interprétation systématique le fait de comparer des normes et, lorsqu'elles ont des éléments communs et des différences, d'en tirer des conclusions sur les intentions du législateur (ATAS/1026/2022 du 24 novembre 2022 consid. 8 et la référence).
10.1.2 Le juge ne peut, sous peine de violer le principe de la séparation des pouvoirs, s'écarter d'une interprétation qui correspond à l'évidence à la volonté du législateur, en se fondant, le cas échéant, sur des considérations relevant du droit désirable (de lege ferenda) ; autrement dit, le juge ne saurait se substituer au législateur par le biais d'une interprétation extensive (ou restrictive) des dispositions légales en cause (ATF 130 II 65 consid. 4.2 et les références).![endif]>![if>
10.2 L'interprétation de la loi peut conduire à la constatation d'une lacune. Une lacune proprement dite suppose que le législateur s'est abstenu de régler un point qu'il aurait dû régler et qu'aucune solution ne se dégage du texte ou de l'interprétation de la loi. En revanche, si le législateur a renoncé volontairement à codifier une situation qui n'appelait pas nécessairement une intervention de sa part, son inaction équivaut à un silence qualifié. Quant à la lacune improprement dite, elle se caractérise par le fait que la loi offre certes une réponse, mais que celle-ci est insatisfaisante. D'après la jurisprudence, seule l'existence d'une lacune proprement dite appelle l'intervention du juge, tandis qu'il lui est en principe interdit, selon la conception traditionnelle qui découle notamment du principe de la séparation des pouvoirs, de corriger les silences qualifiés et les lacunes improprement dites, à moins que le fait d'invoquer le sens réputé déterminant d'une norme ne soit constitutif d'un abus de droit, voire d'une violation de la Constitution (ATF 139 I 57 consid. 5.2 et les arrêts cités).![endif]>![if>
11. ![endif]>![if>
11.1 Sous la note « Droit applicable », l'art. 1A al. 1 LPCC stipule que, en cas de silence de la LPCC, les prestations complémentaires cantonales sont régies par : ![endif]>![if>
- la LPC, et ses dispositions d'exécution fédérales et cantonales (let. a) ; ![endif]>![if>
- la LPGA, et ses dispositions d'exécution (let. b). ![endif]>![if>
L'art. 1A al. 2 LPCC énonce que les prestations complémentaires familiales sont régies par :
- les dispositions figurant aux titres IIA et III de la LPCC (let. a) ; ![endif]>![if>
- les dispositions de la LPC auxquelles la LPCC renvoie expressément, ainsi que les dispositions d'exécution de la loi fédérale désignées par règlement du Conseil d'État (let. b) ; ![endif]>![if>
- la LPGA et ses dispositions d'exécution (let. c). ![endif]>![if>
À la suite de l'entrée en vigueur de la réforme de la LPC le 1er janvier 2021, et en particulier de l'art. 9a al. 1 LPC, la LPCC n'a pas été modifiée. La loi cantonale n'a donc pas expressément introduit un seuil d'entrée basé sur la fortune, tel que fixé à l'art. 9a al. 1 LPC, pour l'octroi des PCC.
11.2 Sous l'angle systématique, la LPCC ne subordonne pas l’octroi de prestations complémentaires cantonales à la condition que le requérant ait droit à des prestations complémentaires fédérales (ATAS/748/2017 du 31 août 2017 consid. 8c).![endif]>![if>
11.2.1 Selon l'art. 2 al. 1 LPC, la Confédération et les cantons accordent aux personnes qui remplissent les conditions fixées aux art. 4 à 6 LPC des prestations complémentaires destinées à la couverture des besoins vitaux. ![endif]>![if>
Selon l'art. 2 al. 2 1ère phrase LPC, les cantons peuvent allouer des prestations allant au-delà de celles qui sont prévues par la LPC et fixer les conditions d’octroi de ces prestations.
Les prestations complémentaires à l'AVS, qui appartiennent à la sécurité sociale et ne font pas partie de l'assistance, reposent à la fois sur la LPC et sur les lois adoptées par les cantons, qui en fixent certains éléments particuliers, désignent les organes d'application et peuvent aller au-delà du standard fédéral (ATF 138 II 191 consid. 5.3). Le droit fédéral n'impose pas aux cantons l'obligation d'allouer des prestations complémentaires allant au-delà de celles qui sont prévues par la LPC (ATF 141 I 1 consid. 5.2.2). Les prestations sociales que les cantons peuvent continuer à développer, à teneur de l’art. 2 al. 2 1ère phrase LPC, sont en général calculées selon le principe s’appliquant aux PCF, dont elles se distinguent notamment par des montants supérieurs pour les besoins vitaux, des limites plus élevées pour le loyer et la prise en compte d’autres catégories de dépenses (Michel VALTERIO, Commentaire de la loi fédérale sur les prestations complémentaires à l'AVS et à l'AI, 2015, n. 3 ad art. 2 LPC).
Le canton de Genève a fait usage de la faculté laissée aux cantons par l'art. 2 al. 2 LPC en adoptant la LPCC. C'est ainsi qu'au niveau cantonal genevois, les dépenses reconnues sont plus élevées, en particulier le forfait pour la couverture des besoins vitaux (art. 6 et 3 LPCC en corrélation avec l'art. 3 al. 1 du règlement du 25 juin 1999 relatif aux prestations cantonales complémentaires à l'assurance-vieillesse et survivants et à l'assurance-invalidité [RPCC-AVS/AI - J 4 25.03]). En revanche, le forfait pour le loyer d'un appartement et les frais accessoires y relatifs est le même que celui fixé par le droit fédéral (ATF 141 I 1 consid. 4.2 ; voir à cet égard l'art. 6 LPCC qui renvoie à l'art. 10 al. 1 let. b LPC).
Au vu de ce qui précède, en vertu de l'art. 2 al. 2 LPC, le canton de Genève fixe librement ses prestations cantonales. Ont droit aux prestations complémentaires cantonales les personnes qui remplissent les conditions de l'art. 2 LPCC et dont le revenu annuel déterminant n'atteint pas le revenu minimum cantonal d'aide sociale applicable (art. 4 LPCC).
11.2.2 Plusieurs dispositions de la LPCC se réfèrent à la LPC, tels l'art. 3 al. 3, qui prévoit l'indexation des prestations complémentaires cantonales par le Conseil d'État au taux décidé par le Conseil fédéral pour les prestations complémentaires fédérales, ou l'art. 19, qui calque la modification des prestations sur les règles fédérales en la matière (ATF 135 III 20 consid. 4.6). Ceci dit, la LPCC renvoie expressément, de façon large, à la LPC pour ce qui concerne le droit applicable en cas de silence de la LPCC (art. 1A al. 1 let. a LPCC), à l'inverse de l'art. 1A al. 2 let. b LPCC, qui énonce que la LPC s'applique en matière de prestations complémentaires familiales dans la seule mesure où le droit cantonal y renvoie de manière explicite. ![endif]>![if>
11.2.3 On peut ici établir un parallèle avec la responsabilité de l'employeur pour le dommage subi en raison du non-paiement de cotisations d'assurance, en lien avec le principe de la légalité, consacré à l'art. 5 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 199 (Cst. - RS 101). ![endif]>![if>
La jurisprudence a considéré qu'un renvoi général aux normes de la loi fédérale sur l'assurance-vieillesse et survivants du 20 décembre 1946 (LAVS - RS 831.10) était un renvoi dynamique (sur cette notion, se référant le plus souvent à des normes émanant d'organismes privés, cf. ATF 136 I 316 consid. 2.4.1), et qu'il n'était pas arbitraire en cas de renvoi par la législation cantonale aux dispositions de la LAVS, déclarées applicables par analogie, de retenir que la responsabilité prévue par l'art. 52 LAVS portait également sur les cotisations relatives aux allocations familiales dues en vertu du droit cantonal (par exemple arrêts du Tribunal fédéral 9C_720/2008 du 7 décembre 2009 consid. 5.5.3 dans une cause zurichoise, et 2P.284/1998 du 21 février 2001 consid. 4b/bb rendu dans une cause nidwaldienne).
Elle a aussi admis que le renvoi de la loi fédérale sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité du 25 juin 1982 (LACI - RS 837.0) aux dispositions de la LAVS suffisait à fonder la responsabilité de l'employeur au sens de l'art. 52 LAVS pour l'omission de s'acquitter des contributions dues en vertu de cette loi (ATF 113 V 186 consid. 4b).
Notre Haute Cour a également examiné l'art. 28 de la loi zougoise sur les allocations familiales, dont l'alinéa premier a la teneur suivante : « Soweit dieses Gesetz den Vollzug nicht abschliessend regelt, finden die Bestimmungen des Bundesgesetzes über die Familienzulagen in der Landwirtschaft als ergänzendes Recht Anwendung. », ce qui peut être traduit par « Pour autant que la présente loi ne règle pas son exécution de manière exhaustive, les dispositions de la loi fédérale sur les allocations familiales dans l'agriculture sont applicables à titre de droit supplétif ». Elle a retenu que la loi zougoise ne contient pas de disposition sur la responsabilité, mais un renvoi dynamique à une autre législation, ce qui est problématique eu égard aux exigences de précision de la base légale et de répartition démocratique des compétences, lorsque le droit auquel il est renvoyé contient des dispositions qui, compte tenu de leur signification pour la situation juridique des justiciables, doivent être prévues par une loi ou être démocratiquement légitimes. Un tel renvoi peut toutefois constituer des bases légales suffisantes à certaines conditions. Il faut pour cela qu'il soit suffisamment clair et dénué d'ambiguïté. Dans le cas d'espèce, la norme zougoise se distingue de la disposition du canton de Nidwald ayant fait l'objet de la jurisprudence précitée, en tant qu'elle renvoie non pas à la LAVS, mais à la loi fédérale du 20 juin 1952 sur les allocations familiales dans l'agriculture (LFA - RS 836.1). Un tel renvoi indirect est encore plus problématique au regard du principe de la légalité. De plus, la notion d'exécution (Vollzug), dans son acception tant juridique que dans le langage quotidien, ne recouvre pas une norme de droit matériel instituant une responsabilité. En outre, le droit cantonal des allocations familiales et la LAVS, de rang fédéral, ne présentent pas un lien de connexité suffisant pour renoncer à une base légale claire. Le Tribunal fédéral a conclu que l'art. 28 de la loi cantonale zougoise ne constitue pas une base légale suffisante pour réclamer l'indemnisation du préjudice résultant du non-paiement de cotisations sociales selon le droit cantonal (ATF 134 I 179 consid. 6.4 ; ATAS/79/2020 du 30 janvier 2020 consid. 14a et 14b).
11.2.4 En l'occurrence, comme relevé ci-dessus, l'art. 1A al. 1 LPCC contient un large renvoi aux dispositions de la LPC pour ce qui concerne le droit applicable, en cas de silence de la LPCC. Il existe un lien étroit entre la LPC et la LPCC tant s'agissant du contenu (voir consid. 11.2.2 ci-dessus ; consid. 11.3.1, 11.3.3 et 12.1 ci-dessous) que de la procédure (la LPGA est applicable en matière de PCC en cas de silence de la loi cantonale [art. 1A al. 1 let. b LPCC ; consid. 11.3.2 et 12.2 ci-dessous]). Certes, à l'évidence, l'art. 9a al. 1 LPC était inconnu du législateur genevois lors de l'adoption de l'art. 1A al. 1 LPCC (qui lui est antérieur). Cela étant, comme on le verra plus loin, le législateur genevois s'attendait aux modifications ultérieures de la LPC, et il a souhaité l'introduction du seuil d'entrée basé sur la fortune dans le droit cantonal pour l'octroi des PCC (consid. 11.3.3, 11.3.4, 12.1, et 12.4 ci-dessous). ![endif]>![if>
11.3 Dans le cadre de l'interprétation historique et téléologique de l'art. 1A al. 1 LPCC, l'on relèvera les éléments suivants : ![endif]>![if>
11.3.1 Dans l’exposé des motifs du projet de loi (PL 7893) modifiant diverses lois cantonales relatives à des prestations sociales, en particulier la loi sur les prestations cantonales complémentaires à l'assurance-vieillesse et survivants et à l'assurance-invalidité du 25 octobre 1968 (la référence de cette loi a changé avec effet au 1er novembre 2012 et celle-ci s'intitule depuis lors « loi sur les prestations complémentaires cantonales » [J 4 25]), le Conseil d’État indique que durant des années, la législation fédérale et la législation cantonale en matière de prestations complémentaires se sont développées séparément, entraînant de nombreuses difficultés juridiques, administratives et informatiques, mais qu'à partir de 1990, afin d'éviter ces complications, le Conseil d'État a proposé au Grand Conseil d’aligner, au fur et à mesure des révisions fédérales, le régime genevois des prestations complémentaires cantonales sur le régime fédéral des prestations complémentaires fédérales (Mémorial des séances du Grand Conseil de la République et canton de Genève, séance du jeudi 22 octobre 1998 à 17h - 54e législature - 1re année - 12e session - 40e séance, disponible sur : https://ge.ch/ grandconseil/m/memorial/seances/540112/40/50/#100044431). ![endif]>![if>
Le législateur a effectivement aligné le régime genevois des prestations complémentaires cantonales sur le régime fédéral en la matière, en introduisant dans la législation cantonale les différentes modifications décidées dans le cadre de la troisième révision des prestations complémentaires fédérales, entrée en vigueur le 1er janvier 1998, telles que l'application d'un délai de carence pour les étrangers précédant la demande de prestations (art. 2 al. 2 let. a aLPC du 19 mars 1965; art. 2 al. 3 LPCC en vigueur depuis le 1er janvier 1999), ou du barème dégressif ‒ à l'instar du modèle fédéral (art. 3b al. 1 let. a ch. 3 aLPC) ‒ pour la prise en compte des enfants dans le revenu minimal cantonal d'aide sociale garanti (art. 3 al. 2 LPCC), étant cependant précisé que l’art. 2 LPCC, à l’inverse de la LPC, prévoit des délais de carence pour l’obtention des PCC également pour les requérants suisses (voir la séance du Grand Conseil du jeudi 17 décembre 1998 à 17h - 54e législature - 2e année - 2e session - 57e séance, disponible sur : https://ge.ch/grandconseil/m/memorial/seances/540202/57/8/).
11.3.2 Ensuite, l'exposé des motifs du projet de la loi du 24 mai 2004 modifiant la LPCC (PL 9301) mentionne que, bien que cette loi relève du droit cantonal, elle est concernée par la LPGA. « En effet, l’art. 37 al. 1 LPCC stipule qu’en cas de silence de la loi, la législation fédérale sur les prestations complémentaires et ses dispositions d’exécution sont applicables par analogie. Depuis son entrée en vigueur, la LPGA fait partie intégrante de cette loi fédérale (art. 1 al. 1 LPC). Dans la mesure où la législation fédérale sur les prestations complémentaires s’applique par analogie en matière de prestations complémentaires cantonales, il en va de même pour la LPGA. L’application de la LPGA en matière de LPCC s’impose aussi pour des raisons administratives et des considérations tenant à la sécurité juridique. En effet, dans la mesure où le [SPC] est amené à rendre à la fois des décisions touchant le droit fédéral et le droit cantonal, le traitement rationnel des dossiers exige l’application des mêmes règles de droit, selon une procédure uniforme, ouvrant les mêmes voies de droit pour toutes les décisions, qu’elles soient prises en application du droit fédéral ou du droit cantonal. Enfin, une telle harmonisation correspond aussi à l’intérêt des bénéficiaires puisqu’elle permet de garantir la sécurité juridique et d’éviter des confusions » (p. 42, voir la séance du Grand Conseil du jeudi 24 juin 2004 à 17h - 55e législature - 3e année - 10e session - 50e séance, disponible sur : https://ge.ch/grandconseil/ m/memorial/seances/550310/50/26/). ![endif]>![if>
Le commentaire article par article indique, relativement à l’art. 1A LPCC, que, « actuellement, l’art. 37 al. 1 2e phrase LPCC contient un large renvoi à la législation fédérale sur les prestations complémentaires. Pour garantir la sécurité juridique, il est nécessaire de préciser de façon expresse que ce renvoi inclut la LPGA dans son ensemble, et de mettre ce principe en évidence en le plaçant au début de la loi cantonale. En conséquence, le renvoi figurant actuellement à l’art. 37 al. 1 sera supprimé » (PL 9301 p. 43).
L'art. 1A LPCC, entré en vigueur le 1er octobre 2004, avait la teneur suivante : « En cas de silence de la loi, la loi fédérale sur les prestations complémentaires à l'assurance-vieillesse, survivants et invalidité (LPC), du 19 mars 1965, et ses dispositions d'exécution fédérales et cantonales, ainsi que la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales (LPGA), du 6 octobre 2000, et ses dispositions d'exécution, sont applicables par analogie ».
11.3.3 La loi fédérale du 19 mars 1965 sur les prestations complémentaires à l'AVS et à l'AI a ensuite été abrogée et remplacée par la loi du même nom adoptée le 6 octobre 2006 et en vigueur depuis le 1er janvier 2008, à la suite de l'adoption de la loi fédérale du 6 octobre 2006 concernant l'adoption et la modification d'actes dans le cadre de la réforme de la péréquation financière et de la répartition des tâches entre la Confédération et les cantons (RPT ; RO 2007 p. 5779 ; ATF 135 III 20 consid. 4.2).![endif]>![if>
Dans l'exposé des motifs relatif au projet de loi 10101 du 30 août 2007 modifiant la loi sur les prestations fédérales complémentaires à l'assurance-vieillesse et survivants et à l'assurance-invalidité du 14 octobre 1965, le Conseil d'État relève en particulier que « les changements induits par la RPT, dans le domaine des prestations complémentaires, sont importants pour le canton en termes financiers (…) », et que, dans le cadre de cette réforme, la nouvelle LPC du 6 octobre 2006, ainsi que la loi fédérale sur les institutions destinées à promouvoir l’intégration des personnes invalides (LIPPI - RS 831.26), adoptée également le 6 octobre 2006, « ont des conséquences sur le dispositif cantonal genevois en vigueur en matière de prestations complémentaires et nécessitent l'adaptation » de la loi cantonale sur les PCF et de la loi cantonale sur les PCC (PL 10101 p. 8-9, voir la séance du Grand Conseil du jeudi 20 septembre 2007 à 17h - 56e législature - 2e année - 11e session - 54e séance, disponible sur : https://ge.ch/grandconseil/m/memorial/seances/560211/54/47/).
Au chapitre III concernant les conséquences sur les prestations cantonales, le Conseil d'État indique que, en faisant usage de la compétence que lui confère l'art. 1a al. 4 aLPC (du 19 mars 1965), le canton de Genève
« verse, en sus des prestations complémentaires fédérales, des prestations complémentaires cantonales, destinées à couvrir un revenu minimum cantonal d'aide sociale. Ces prestations sont versées sur la base [de la loi cantonale sur les PCC]. La compétence de verser ces prestations est maintenue par le nouveau droit (cf. art. 2 al. 2 nouvelle LPC) ».
Il ajoute que « [d]ans la mesure où les conditions pour l'obtention des prestations complémentaires cantonales sont calquées sur celles du droit fédéral, la loi cantonale sur les PCC doit être adaptée à cette nouvelle loi » pour tenir compte des changements introduits par le droit fédéral. À cet égard, le Conseil d'État mentionne notamment :
« (…) la loi cantonale sur les PCC est calquée sur la LPC. En effet, d'une part, elle prévoit une clause de renvoi général au droit fédéral (art. 1A) et, d'autre part, les dispositions du droit fédéral sont retranscrites au niveau de la loi cantonale. Cela concerne en particulier les dispositions relatives au calcul de ces prestations (soit le revenu déterminant, les dépenses reconnues et la fortune). Afin d'assurer une coordination optimale avec le droit fédéral, le présent projet propose, pour les dispositions relatives au calcul des prestations, un renvoi exprès aux dispositions du droit fédéral (cf. la modification des articles 5, lettre a, 6 et 7 de la loi cantonale sur les PCC). On évite ainsi tout risque de décalage entre le droit fédéral et le droit cantonal, tout en réservant les spécificités du régime cantonal. Cela n'a pas d'incidence sur le fond, ni sur la situation des ayants droits » (PL 10101 p. 13-15).
Le commentaire par article dudit projet de loi apporte la précision suivante à propos de l'art. 1A de la loi cantonale sur les PCC :
« La clause de renvoi général au droit fédéral est adaptée pour tenir compte de la nouvelle LPC. Par ce renvoi général au droit fédéral, on prévient toute lacune qui pourrait exister dans le régime cantonal »
(op. cit. p. 18).
S'agissant de l'art. 7 de la loi cantonale sur les PCC en lien avec la fortune, le projet de loi indique :
« Pour la définition des éléments composant la fortune, il est également renvoyé au droit fédéral (alinéa 1). En application du droit fédéral, la fortune est évaluée en application de la législation fiscale cantonale (alinéa 2) »
(op. cit., p. 19).
Tous les articles destinés à modifier les lois cantonales concernées par la réforme du droit supérieur ont ensuite été adoptés sans amendements et sans opposition par la Commission des affaires sociales chargée d'étudier ledit projet de loi (PL 10101-A p. 3, disponible sur : https://ge.ch/ grandconseil/data/texte/PL10101A.pdf).
11.3.4 Enfin, dans l'exposé des motifs du projet de loi du 19 août 2020 modifiant la loi d'application de la loi fédérale sur l'assurance-maladie du 29 mai 1997 (LaLAMal - J 3 05), lequel « vise à tenir compte de la modification du 22 mars 2019 de la loi fédérale sur les prestations complémentaires à l’AVS et à l’AI (Réforme des PC), et de ses dispositions d’exécution, dont l’entrée en vigueur a été fixée par le Conseil fédéral au 1er janvier 2021 », le Conseil d'État relève qu'il est « nécessaire, pour se conformer au droit supérieur, de reporter dans le droit cantonal les modifications apportées concernant la détermination du montant minimal de la prestation complémentaire annuelle, de même que ses impacts sur la détermination du droit au subside d'assurance-maladie et sur le montant de ce dernier. Les premiers francs de la prestation complémentaire annuelle devant être consacrés à la réduction des primes, il est donc nécessaire d'apporter des modifications au niveau de la LaLAMal » (PL 12756 p. 3, voir la séance du Grand Conseil du jeudi 27 août 2020 à 14h - 2e législature - 3e année - 4e session 16e séance, disponible sur : https://ge.ch/grandconseil/m/memorial/seances/020304/16/22/). ![endif]>![if>
Le Conseil d'État mentionne que, dans ce contexte, les adaptations nécessaires portent sur :
- a. l’adaptation du montant minimal de la PC qui résulte du nouvel art. 9 al. 1 LPC ; ![endif]>![if>
- b. la prise en compte de la prime d’assurance-maladie, en tant que dépense effective, dans le calcul de la PC au sens du nouvel art. 10 al. 3 let. d LPC ; et ![endif]>![if>
- c. les dispositions transitoires de la modification du 22 mars 2019, qui aménagent un régime transitoire durant trois ans (PL 12756 p. 5). ![endif]>![if>
Le Conseil d'État met en évidence que :
- l’adaptation du montant minimal de la PC au plan fédéral implique de « modifier la teneur de l’art. 22 al. 7 LaLAMal afin de définir le montant du subside qui sera accordé aux bénéficiaires de PC-AVS/AI » (PL 12756 p. 6) ; ![endif]>![if>
- « pour les bénéficiaires de prestations complémentaires, la prime pour l’assurance obligatoire des soins (montant forfaitaire annuel) est prise en compte en tant que dépenses reconnues dans le calcul de la PC (actuel art. 10 al. 3 let. d LPC), car elle entre en ligne de compte pour la garantie du minimum vital. Dans le droit fédéral en vigueur, le montant pris en compte à ce titre n’est cependant pas la prime individuelle, mais est un montant forfaitaire correspondant à la prime moyenne dans le canton ou la région tarifaire de l’assuré. Pour éviter des situations de surindemnisation, les cantons doivent pouvoir procéder au calcul de la PC sur la base de la prime effective, et non sur la base du montant forfaitaire, si la prime effective est inférieure au montant de la prime moyenne. C’est ce que permet le nouvel art. 10 al. 3 let. d LPC (…). À Genève, pour des raisons historiques, une réduction de primes a toutefois été versée aux bénéficiaires de PC en marge du système des PC, et ce nonobstant le fait que le montant forfaitaire qui entre dans les dépenses représente la réduction des primes. L’adoption du nouvel art. 10 al. 3 let. d LPC constitue ainsi l’occasion d’adapter la pratique genevoise relative aux primes d’assurance-maladie, laquelle a été considérée par la chambre administrative (recte: chambre des assurances sociales) de la Cour de justice comme contestable, dans la mesure où, à teneur des dispositions légales applicables, la prime d’assurance-maladie moyenne est une dépense à prendre en compte dans le calcul des prestations complémentaires, au même titre que le loyer, et non pas une prestation distincte (…). La mise en conformité de la pratique genevoise s’avère également indispensable dans le cadre de l’application des dispositions transitoires de la modification du 22 mars 2019 » (PL 12756 p. 6-7) ; ![endif]>![if>
- « les deux mesures évoquées sous lettres a et b supra sont susceptibles, au même titre que d’autres mesures proposées dans le cadre de la réforme des PC, d’influencer le calcul de la PC et d’engendrer pour certaines personnes une réduction du montant des PC ou une perte du droit aux PC. Afin de permettre aux personnes concernées de s’adapter à la nouvelle situation financière, le nouveau droit est toutefois assorti de dispositions transitoires visant à maintenir les droits acquis durant une période transitoire de trois ans, soit du 1er janvier 2021 au 31 décembre 2023 (…). Concrètement, il découle des dispositions transitoires (…) que le [SPC] va devoir effectuer un double calcul pour les bénéficiaires actuels et accorder le droit aux prestations complémentaires fédérales selon le calcul le plus favorable. Il en ira de même en matière de prestations complémentaires cantonales, compte tenu du fait que la [LPCC] contient un large renvoi à la législation fédérale sur les prestations complémentaires (art. 1A al. 1 LPCC qui renvoie à la législation fédérale en cas de silence de la LPCC) » (PL 12756 p. 7-8). ![endif]>![if>
À cet égard, le Conseil d'État ajoute que « il est important que les modalités de calcul soient similaires entre le nouveau droit et l'ancien afin de permettre aux bénéficiaires de pouvoir comprendre les décisions rendues par le SPC durant [la] période transitoire. Il en découle que pour effectuer le calcul comparatif selon l’ancien droit, le SPC sera amené à inclure, à titre de dépenses, le montant de la prime moyenne cantonale pour le calcul des PC-AVS/AI » (PL 12756 p. 11-12).
Dans un rapport du 12 janvier 2021, la commission de la santé chargée d'étudier le projet de loi PL 12756 constate qu'un des éléments marquants de la réforme des PC est la modification de la prise en compte de la fortune. « D’une part, les montants de la fortune admis ont été revus à la baisse. D’autre part, un plafond au-delà duquel il n’y a pas de droit aux prestations est introduit. Auparavant une part de fortune était prise en compte selon qu’il s’agissait de PCF ou de PCC, respectivement pour un 1/5e ou un 1/10e de la différence entre la fortune réelle et la limite de fortune autorisée (recte: 1/10e pour les bénéficiaires de rentes de vieillesse en matière de PCF [art. 11 al. 1 let. c LPC] ; 1/5e pour ces mêmes bénéficiaires en matière de PCC [art. 5 let. c LPCC]). Elle était ensuite convertie en revenus. Ce qui contribuait à la détermination du droit à une prestation. Avec la réforme, une limite maximale de la fortune de CHF 100'000.- pour une personne et de CHF 200'000.- pour un couple est établie. Au-delà de celle-ci le service n’entrera plus en matière » (PL 12756-A p. 4, disponible sur : https://ge.ch/grandconseil/data/texte/PL12756A.pdf).
Sur question d'un commissaire PDC, Monsieur C______, directeur de l'office de l'intégration et de l'action sociale du département de la cohésion sociale, répond, au sujet du seuil de la fortune, que « la réforme va impacter les personnes au moment de l’entrée dans le dispositif. Il évoque l’exemple d’une personne disposant de CHF 175'000.-. Il explique qu’à l’époque une partie de la fortune aurait été convertie en revenu au titre des 1/5e et 1/10e convertis en revenus et la personne aurait obtenu des prestations. Avec la réforme, tant que la personne n’aura pas consommé la part de fortune dépassant la part admise, elle ne percevra pas de prestations (…). Au-delà du plafond de CHF 100'000.- pour une personne seule, il n'y a pas d'entrée en matière » (PL 12756-A p. 7).
Un commissaire UDC « revenant sur la question du plafond de CHF 100'000.- émet l’hypothèse qu’il puisse y avoir là une double imposition : la part de l’impôt que les personnes paient si elles ont plus de CHF 100'000.- de fortune et, de l’autre côté, le fait qu’elles doivent consommer leur fortune sous peine de ne pas être aidées. Il suppose également que la personne pourrait avoir un problème de santé qui viendrait obérer sa fortune et donc potentiellement léser des héritiers potentiels. Ce qui ne lui paraît pas équitable et lui semble un vecteur d’appauvrissement des personnes âgées » (PL 12756-A p. 7).
L'art. 51 LaLAMal (intitulé « Dispositions transitoires ») al. 8 (relatif à la modification du 29 janvier 2021) entré en vigueur le 1er avril 2021, prévoit effectivement que « [p]our les personnes qui sont au bénéfice de prestations complémentaires à l’AVS/AI au moment de l’entrée en vigueur de la modification du 22 mars 2019 de la loi fédérale sur les prestations complémentaires à l’AVS et à l’AI, du 6 octobre 2006 (Réforme des PC), le montant de la prestation complémentaire doit être calculé selon l’ancien et le nouveau droit pendant la période transitoire de trois ans. Pour effectuer le calcul selon l’ancien droit, les dépenses reconnues comprennent le montant forfaitaire annuel pour l’assurance obligatoire des soins, à concurrence du montant de la prime moyenne cantonale ».
12. ![endif]>![if>
12.1 Au vu de ce qui précède, le législateur, suivant en cela le Conseil d'État, a entendu soumettre les PCC à un régime similaire à celui qui régit les PCF, en alignant, au fil des révisions fédérales, le régime genevois des prestations complémentaires sur le régime fédéral, puis en opérant un renvoi aux dispositions du droit fédéral (par ex. : l'art. 5 LPCC pour ce qui est du revenu déterminant, l'art. 6 en ce qui concerne les dépenses déductibles, l'art. 7 LPCC s'agissant de la définition et de l'évaluation de la fortune), tout en réservant expressément les spécificités du régime cantonal (par ex. : les adaptations énoncées aux let. a à c de l'art. 5 LPCC, le montant destiné à garantir le revenu minimum cantonal d'aide sociale défini à l'art. 3 LPCC qui remplace le montant destiné à la couverture des besoins vitaux [art. 10 al. 1 let. a LPC], le délai de carence ouvrant le droit du réfugié aux prestations complémentaires cantonales est plus long [10 ans ; art. 2 al. 3 LPCC] que dans la LPC [5 ans ; art. 5 al. 2 LPC]). ![endif]>![if>
12.2 Il ressort des travaux préparatoires relatifs à l’application de la LPGA en matière de PCC que le souci de garantir la sécurité juridique et l’harmonisation des pratiques administratives a plaidé pour une application uniforme de la procédure, y compris des voies de droit, pour toutes les décisions reposant tant sur le droit fédéral que cantonal. Ces considérations ont été prises en partant de l’idée que l’art. 37 al. 1 aLPCC (actuellement : art. 1A al. 1 LPCC) contenait un large renvoi à la LPC, qui s’appliquait par analogie en cas de silence de la LPCC (consid. 11.3.2 ci-dessus).![endif]>![if>
12.2.1 Le renvoi à la LPGA prévu à l’art. 1A al. 1 let. b LPCC permet de procéder à une interprétation uniforme de notions figurant certes dans la LPCC, mais qui ne font aucune référence expresse à la LPGA. À titre d'exemple, dans un arrêt ATAS/1235/2013 du 12 décembre 2013, la chambre de céans s’est posée la question de savoir, dans la mesure où l’art. 2 al. 1 let. a LPCC ne renvoie pas de façon expresse à l’art. 13 LPGA, si la notion de domicile et de résidence habituelle selon l’art. 2 al. 1 let. a LPCC, à teneur duquel « ont droit aux prestations complémentaires cantonales les personnes qui ont leur domicile et leur résidence habituelle sur le territoire de la République et canton de Genève », est identique à celle de l’art. 13 LPGA, et donc à celle de l’art. 4 al. 1 LPC qui prévoit que « les personnes qui ont leur domicile et leur résidence habituelle (art. 13 LPGA) en Suisse ont droit à des prestations complémentaires dès lors qu’elles » remplissent l’une des conditions énumérées aux lettres a à d. En procédant à l’interprétation historique et téléologique de l’application de la LPGA en matière de PCC, la chambre de céans est parvenue à la conclusion que la notion de domicile et de résidence habituelle de l’art. 2 al. 1 let. a LPCC doit manifestement être interprétée de la même manière que celle de l’art. 13 LPGA et donc de celle de l’art. 4 LPC en matière de PCF, le législateur cantonal ayant eu, à cet égard, clairement l’intention d’harmoniser les notions du droit cantonal avec celles du droit fédéral (consid. 5a et 5b). ![endif]>![if>
12.2.2 Le renvoi à la LPGA prévu à l’art. 1A al. 1 let. b LPCC, qui « inclut la LPGA dans son ensemble » (consid. 11.3.2 ci-dessus), signifie également qu’une règle contenue dans la LPGA (par ex. : la restitution du délai [art. 41 LPGA]), mais nullement dans la LPCC (la loi cantonale est muette à propos de la restitution du délai), s’applique en matière de PCC. ![endif]>![if>
12.3 Le renvoi à la LPC prévu à l’art. 1A al. 1 let. a LPCC permet de définir des notions sujettes à discussion figurant dans la LPCC, tel qu’elles sont interprétées en matière de PCF. ![endif]>![if>
Par exemple, dans un arrêt ATAS/748/2017 du 31 août 2017, la chambre de céans a eu l’occasion de déterminer si la condition de la durée de résidence en Suisse ininterrompue de dix ans précédant la date du dépôt de la demande de prestations est réalisée, malgré le fait que le recourant n’est pas et n’a jamais été au bénéfice d’une autorisation de séjour valable.
En matière de PCF, la chambre de céans a rappelé qu’il avait déjà été jugé que ne peut compter comme temps de résidence en Suisse, en vertu de l’art. 5 al. 1 et 2 LPC, que le temps durant lequel les étrangers requérant des prestations complémentaires étaient au bénéfice d’un permis de séjour valable (consid. 4-7). Dans sa teneur en vigueur à l’époque des faits, l’art. 5 disposait que « les étrangers doivent avoir résidé en Suisse de manière ininterrompue pendant les dix années précédant immédiatement la date à laquelle ils demandent la prestation complémentaire (délai de carence) » (al. 1). « Pour les réfugiés et les apatrides, le délai de carence est de cinq ans » (al. 2).
En matière de PCC, la chambre de céans a relevé que l’art. 2 al. 3 LPCC, qui prescrit que « le requérant étranger, le réfugié ou l’apatride doit avoir été domicilié dans le canton de Genève et y avoir résidé effectivement, sans interruption, durant les dix années précédant la demande prévue à l’article 10 » est quasiment calqué sur l’art. 5 al. 1 LPC. Constatant que le législateur genevois a entendu aligner le plus possible le régime des PCC sur celui des PCF, la chambre de céans a en substance retenu que, pour les PCC également, il ne faut prendre en compte, sauf si le principe de la bonne foi commande le contraire, que les périodes de séjour dûment autorisé pour vérifier si les étrangers requérant de telles prestations remplissent la condition d’une résidence habituelle en Suisse durant le nombre d’années exigé lors du dépôt de la demande desdites prestations (consid. 8).
Selon cette jurisprudence, les termes « en cas de silence de la présente loi » au début de l’alinéa 1 de l’art. 1A LPCC doivent donc être interprétés dans le sens que lorsqu’une condition du droit de fond n'est pas mentionnée dans la LPCC, la LPC (let. a), et donc, sa disposition topique en la matière, s’applique également aux PCC, sauf disposition contraire, à l'instar de l'application de la LPGA pour les PCC (let. b) lorsqu'un point du droit de procédure fait défaut dans la LPCC.
12.4 Les travaux préparatoires au sujet de la modification de la LaLAMal visant à déterminer, compte tenu de la réforme des PC, les modalités d’application des subsides à l’assurance-maladie corollaires aux prestations complémentaires (PL 12756-A p. 1) démontrent que la volonté du législateur était d'appliquer le seuil d’entrée basé sur la fortune dans le droit cantonal. En effet, dans le rapport de la commission de la santé chargée d’étudier le projet de loi PL 12756, il a été rappelé que, avant la réforme, une part de la fortune était prise en compte (après déduction de la franchise) à raison de 1/10e en matière de PCF et de 1/5e en matière de PCC pour un bénéficiaire de rentes de vieillesse, mais qu’avec la réforme, au-delà du plafond fixé, le SPC n’entrera pas en matière (PL 12756-A p. 4, 7, 11 et 12). Il n’est pas concevable que le législateur genevois ait ici fait mention de la part de la fortune à inclure dans le calcul des PCC, s’il n’avait pas envisagé que le plafond fixé par le nouveau droit pour les PCF ne s’appliquait pas aux PCC. En d'autres termes, si, aux yeux du législateur cantonal, le seuil d'entrée basé sur la fortune était étranger au droit cantonal, il se serait limité à mentionner la part de la fortune prise en compte au titre des PCF.![endif]>![if>
Il est à cet égard à relever que la LPCC ne prévoit pas non plus de dispositions transitoires identiques à celles qui ont été adoptées dans la LPC dans le cadre de cette réforme. Ce nonobstant, les dispositions transitoires de la modification du 22 mars 2019 (Réforme des PC) sont également applicables en matière de PCC, en raison du renvoi large à la LPC selon l’art. 1A al. 1 LPCC (consid. 11.3.4 ci-dessus ; PL 12756 p. 8), en ce sens que le SPC doit effectuer un calcul comparatif selon l’ancien et le nouveau droit pour déterminer lequel est plus favorable au bénéficiaire de PCC.
12.5 Il ressort des développements qui précèdent que, en l'absence d'une révision législative de la LPCC à la suite de la réforme de la LPC entrée en vigueur le 1er janvier 2021 (et donc en l'absence d'une disposition cantonale divergente), le canton de Genève applique également depuis cette date le seuil d'entrée sur la fortune pour l'octroi des PCC du fait du renvoi général qu'opère la LPCC à la LPC, la loi cantonale étant muette à ce sujet. ![endif]>![if>
13. ![endif]>![if>
13.1 En conséquence, pour les mêmes motifs que ceux exposés au consid. 8 et 9 ci-dessus, la recourante n'a pas droit aux PCC. ![endif]>![if>
13.2 Ceci étant précisé, selon l'art. 18 al. 3 LPCC, le droit à une prestation s’éteint à la fin du mois où l’une des conditions dont il dépend n’est plus remplie. ![endif]>![if>
Cette règle est identique à celle prévue à l'art. 12 al. 3 LPC (consid. 8.2 ci-dessus).
Il en découle que, pour les mêmes motifs que ceux développés au consid. 9 ci-dessus, le droit aux PCC s'est éteint à compter du 1er avril 2021, et non pas dès le 1er mars 2021.
13.3 La recourante ayant reçu en mars 2021 des PCF de CHF 83.- et des PCC de CHF 866.-, ainsi qu'un subside d'assurance-maladie de CHF 306.-, la somme à restituer s'élève à CHF 23'775.- (25'030 - 83 - 866 - 306). ![endif]>![if>
14. Au vu de ce qui précède, le recours est très partiellement admis et la décision du 12 décembre 2022 réformée dans le sens que la recourante est condamnée à restituer, pour la période du 1er avril 2021 au 31 octobre 2022, la somme de CHF 23'775.-. ![endif]>![if>
15. La recourante, représentée par un mandataire professionnellement qualifié (art. 9 al. 1 LPA), obtenant partiellement gain de cause, une indemnité lui sera accordée à titre de participation à ses frais et dépens (art. 61 let. g LPGA; art. 6 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en matière administrative du 30 juillet 1986 [RFPA - E 5 10.03]; art. 89H al. 3 LPA), même si elle n'a pas conclu à l'octroi de dépens. L'indemnité est en effet octroyée d'office, l'art. 89H al. 3 LPA ‒ à teneur duquel une indemnité est allouée au recourant qui obtient gain de cause ‒ n'exigeant pas de requête de l'assuré (Stéphane GRODECKI/Romain JORDAN, Code annoté de procédure administrative genevoise, 2017, n. 1098). ![endif]>![if>
L'indemnité est fixée en l'espèce à CHF 300.-, au vu de l'issue de la cause, de la brièveté de l'acte du recours (une seule page) et du fait que la recourante n'a pas répliqué.
16. Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. fbis LPGA a contrario).![endif]>![if>
PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :
Statuant
conformément à l'art. 133 al. 2 LOJ
À la forme :
1. Déclare le recours recevable. ![endif]>![if>
Au fond :
2. L'admet très partiellement.![endif]>![if>
3. Réforme la décision sur opposition du 12 décembre 2022 dans le sens que la recourante est condamnée à restituer la somme de CHF 23'775.-. ![endif]>![if>
4. Alloue à la recourante une indemnité de CHF 300.- à titre de dépens, à la charge de l'intimé. ![endif]>![if>
5. Dit que la procédure est gratuite.![endif]>![if>
6. Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public (art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 - LTF - RS 173.110). Le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.![endif]>![if>
La greffière
Nathalie LOCHER |
| La présidente
Valérie MONTANI |
Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le
OPINION SÉPARÉE
(art. 119 de la Constitution de la République et canton de Genève [Cst-GE – A 2 00] et 28 al. 5 et 6 du règlement de la Cour de Justice du 20 juin 2014 [RCJ - E 2 05.47])
Il ne nous est pas possible de souscrire à l’opinion majoritaire de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice, dans la présente affaire, pour les raisons qui suivent.
Depuis le 1er janvier 2021, seules les personnes dont la fortune est inférieure à CHF 100'000.- peuvent avoir droit aux prestations complémentaires fédérales (art. 9a al. 1 let. a LPC). L’arrêt pose la question de savoir si l’introduction du seuil d’entrée sur la fortune s’applique également aux prestations complémentaires cantonales.
Après avoir procédé à une interprétation littérale, systématique, historique et téléologique de l’art. 1A al. 1 LPCC, l’arrêt retient qu’en l'absence d'une révision législative de la LPCC à la suite de la réforme de la LPC, le canton de Genève applique également le seuil d'entrée sur la fortune pour l'octroi des prestations complémentaires cantonales du fait du renvoi général qu'opère la LPCC à la LPC, la loi cantonale étant muette à ce sujet.
Nous ne nous rallions pas à ce point de vue. L’art. 2 al. 2 LPC autorise les cantons à allouer des prestations allant au-delà de celles qui sont prévues par la LPC et à fixer les conditions d’octroi de ces prestations. Les cantons bénéficient d’une autonomie quasi complète. Dans cette latitude offerte aux cantons, seule la perception de cotisations d’employeurs est interdite (art. 2 al. 2, 2e phr. LPC).
En l’occurrence, le canton de Genève ne s’est pas aligné sur le système fédéral. Depuis la réforme de la LPC, entrée en vigueur le 1er janvier 2021, le législateur cantonal n’a pas adopté de disposition fixant un seuil d’entrée sur la fortune pour les prestations complémentaires cantonales. Ainsi, faute de base légale, il n’est pas possible d’imposer un tel seuil aux personnes sollicitant des prestations complémentaires cantonales en application de la LPCC, sauf à empiéter sur la compétence du législateur cantonal. On relèvera d’ailleurs que la question est délicate, le Conseil fédéral ayant proposé de ne pas introduire un seuil d’entrée sur la fortune en raison des conséquences indésirables que cela entraînerait chez les couples dont un des conjoints vit dans un home (FF 2016 p. 7286).
L’arrêt se fonde sur le renvoi opéré par l’art. 1A al. 1 LPCC à la LPC pour justifier l’application du seuil d’entrée sur la fortune aux prestations complémentaires cantonales. Cette disposition suppose toutefois un silence de la LPCC, ce qui fait défaut en l’espèce. Aujourd’hui comme avant la réforme de la LPC, la loi cantonale n’appelle aucune intervention du juge s’agissant de la fortune à prendre en compte pour le calcul des prestations complémentaires cantonales.