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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3718/2021

ATAS/44/2023 du 30.01.2023 ( AI )

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/3718/2021 ATAS/44/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Ordonnance d’expertise du 30 janvier 2023

9ème Chambre

 

En la cause

Monsieur A______, domicilié à GENÈVE, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Pierre-Bernard PETITAT

recourant

 

contre

OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE, sis rue des Gares 12, GENÈVE

intimé

 


 

EN FAIT

A. a. Monsieur A______ (ci-après : l’assuré ou le recourant), de nationalité suisse et portugaise est né le ______ 1982. Il est célibataire, sans enfant.

b. Les parents de l’assuré vivent dans la banlieue française de Genève. L’assuré a également un frère ainé et une sœur jumelle.

c. Il a obtenu un certificat fédéral de capacité en 2002 de peintre en bâtiment. Après avoir travaillé pendant environ sept ans au service de B______ et avoir ensuite alterné missions temporaires et indemnités de chômage, il a été engagé le 16 juillet 2018 par C______ (ci-après C______) sise dans le canton de Genève, en qualité de peintre en bâtiment à temps plein pour un salaire annuel de CHF 67'839.-, sur la base d’un salaire horaire de CHF 29.65 et avec un treizième salaire contractuel.

d. Par courrier daté du 6 mars 2019, C______ a résilié le contrat de travail de l’assuré avec effet au 31 mars 2019.

B. a. Le docteur D______, médecin praticien (généraliste) et médecin traitant de l’assuré, a diagnostiqué chez l’assuré un épisode dépressif sévère sans symptômes psychotiques (code F32.2 de la classification statistique internationale des maladies et des problèmes de santé connexes de l’Organisation mondiale de la santé, 10ème édition [2008 pour la dernière version française] [ci-après CIM-10]) ayant débuté au cours du mois de janvier 2019, ainsi qu’une dépendance liée à l’utilisation de dérivés du cannabis (code F12.2 CIM-10) remontant au début des années 2000. Il a considéré que l’assuré était totalement incapable de travailler dans toute activité depuis le 30 janvier 2019 en raison de l’épisode dépressif sévère. La dépendance liée à l’utilisation de dérivés du cannabis n’avait en revanche pas d’impact sur sa capacité de travail.

b. Par formulaire, reçu le 4 juillet 2019 par l’Office de l'assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après : l’OAI ou l’intimé), l’assuré a déposé une demande de prestations de l’assurance-invalidité (ci-après : AI).

c. Dans un rapport daté du 24 juillet 2019 et rédigé pour le compte de l’assurance privée perte de gain maladie de C______, le docteur E______, médecin spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, a retenu que l’assuré souffrait d’un épisode dépressif sévère sans symptômes psychotiques (code F32.2 CIM-10) engendrant des limitations fonctionnelles. L’assuré souffrait également d’une dépendance liée à l’utilisation de dérivés du cannabis (code F12.2 CIM-10), sans que celle-ci soit source de limitations fonctionnelles. Selon le Dr E______, la capacité de travail de l’assuré était nulle jusqu’au 30 septembre 2019, puis de 50 % jusqu’à la mi-octobre et entière par la suite, vu le pronostic favorable de l’évolution du trouble dépressif.

d. Dans un rapport daté du 7 juillet 2020, le docteur F______, médecin spécialiste FMH en allergologie et immunologie clinique, a relevé que l’assuré présentait une hypersensibilité aux solvants et aux isocyanates contenues dans les peintures. Au vu des symptômes engendrés par cette hypersensibilité, notamment de l’asthme, des céphalées et des troubles digestifs fonctionnels, la capacité de travail de l’assuré dans son ancienne activité de peintre en bâtiment était nulle. La capacité de travail de celui-ci était en revanche entière dans une activité adaptée.

e. Dans un rapport adressé à l’OAI et daté du 8 juillet 2020, le docteur G______, médecin spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie et psychiatre traitant de l’assuré, a retenu que l’assuré souffrait d’un trouble dépressif récurrent, épisode actuellement sévère sans symptômes psychotiques (code F33.2 CIM-10), d’une dépendance liée à l’utilisation de dérivés du cannabis (code F12.2 CIM-10) et d’un trouble mixte de la personnalité (code F61 CIM-10) sous la forme d’une personnalité avec des traits immatures et impulsifs et quelques traits narcissiques. La capacité de travail de l’assuré était nulle en l’état et potentiellement de 70 % dans un milieu professionnel adapté. Le Dr G______ mentionnait également qu’il suivait l’assuré depuis le 23 octobre 2019 mais que leur relation médicale était « erratique », l’assuré ne se rendant pas systématiquement à ses rendez-vous, tout en requérant parfois une consultation en urgence et ne suivant qu’aléatoirement les traitements prescrits.

f. Dans un rapport daté du 10 juin 2021, le docteur H______, médecin spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie mandaté par l’OAI pour réaliser une expertise, a considéré que l’assuré souffrait d’une dépendance liée à l’utilisation de dérivés du cannabis (code F12.2 CIM-10) et d’une dysthymie (code F34.1 CIM-10). Il était en rémission s’agissant de son trouble dépressif récurrent (code F33.4 CIM-10) et présentait une accentuation de certains traits de sa personnalité (code Z73.1 CIM-10). De l’opinion du Dr H______, l’assuré était pleinement capable de travailler dans son ancienne activité de peintre en bâtiment ou dans une activité sans responsabilités depuis le 1er octobre 2019. Le Dr H______ mentionnait encore une tendance de l’assuré à l’exagération caricaturale, une très mauvaise coopération thérapeutique, respectivement une absence de volonté de traiter ses troubles, et notamment de réduire sa consommation de cannabis, ainsi qu’une discrépance entre ses plaintes et ses habitudes de vie.

g. Dans un rapport daté du 2 juillet 2021 se fondant sur l’expertise susmentionnée du Dr H______, la doctoresse I______, médecin spécialiste FMH en médecine interne générale du Service médical régional romand de l’assurance-invalidité (ci-après : SMR) a retenu une incapacité de travail totale de l’assuré du 31 janvier au 30 septembre 2019, suivie d’une capacité de travail entière, y compris dans l’ancienne activité de peintre en bâtiment.

C. a. Par projet de décision daté du 8 juillet 2021, l’OAI a informé l’assuré qu’il comptait rendre une décision établissant qu’il n’avait droit ni à des mesures d’ordre professionnel, ni à une rente d’invalidité. Son degré d’invalidité était de 9 %, soit un taux inférieur tant au seuil de 40 % nécessaire pour fonder le droit à une rente d’invalidité, qu’au seuil d’environ 20 % nécessaire pour ouvrir l’accès à des mesures de reclassement professionnel de l’assurance-invalidité.

b. Par décision datée du 27 septembre 2021 et reçue le 1er octobre 2021, l’OAI a nié le droit de l’assuré aux mesures d’ordre professionnel et à une rente d’invalidité.

c. Dans un rapport daté du 11 novembre 2021, la doctoresse J______, médecin praticienne suivant l’assuré depuis le 24 septembre 2020, a mentionné que sa capacité de travail était nulle dans son ancienne activité et de 50 % au plus dans une activité adaptée du fait de violentes céphalées d’origine anxiodépressive qui s’aggravaient.

d. Dans un rapport daté du 22 novembre 2021, le Dr D______ a noté que l’état de santé de l’assuré ne s’améliorait pas mais qu’il ne présentait pas de limitations fonctionnelles sur le plan somatique. Il mentionnait une absence sensible de collaboration de l’intéressé dont la personnalité révélait des traits immatures, impulsifs et rigides.

e. Dans un rapport daté du 30 décembre 2021, le Dr G______ a déclaré qu’il ne souscrivait pas à l’appréciation du Dr H______ du 10 juin 2021 et de la Dresse I______ du 2 juillet 2021. L’assuré était incapable de travailler dans toute activité. Son trouble dépressif s’était en effet aggravé depuis le rapport précédent et son contexte social s’était dégradé. L’assuré souffrait en outre de crises migraineuses (céphalées) et était au bénéfice d’une psychothérapie avec des séances deux à quatre fois par mois et d’un traitement médicamenteux. Il considérait certes l’assuré comme immature, mais sans qu’il y ait lieu de retenir une dramatisation des plaintes de ce dernier.

D. a. Par acte du 1er novembre 2021, l’assuré a recouru contre cette décision auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice, concluant à l’octroi de prestations de l’assurance-invalidité en sa faveur, subsidiairement au renvoi de la cause à l’OAI pour complément d’instruction, sous suite de frais et dépens.

En substance, le recourant a contesté le taux d’invalidité de 9 % retenu par l’assurance-invalidité.

b. Par réponse du 30 novembre 2021, l’intimé a conclu au rejet du recours.

L’intimé considérait que le taux d’invalidité de 9 % correspondait aux informations ressortant du rapport du Dr H______, lequel prévalait sur l’avis contraire des médecins traitants.

c. Par déterminations du 21 décembre 2021 et 5 janvier 2022, le recourant a persisté dans son argumentation et a produit un rapport complémentaire du Dr G______ daté du 30 décembre 2021.

d. Dans un avis du 27 janvier 2022, le SMR s’est déterminé sur les rapports de la Dresse J______, du Dr D______ et du Dr G______ et a considéré que ceux-ci ne permettaient pas de remettre en cause les conclusions du rapport du Dr H______.

e. Le 2 février 2022, l’intimé s’est déterminé sur les observations complémentaires du recourant et sur le rapport complémentaire du Dr G______ et, après avoir requis une détermination du SMR, a maintenu sa position quant à la force probante de l’expertise du Dr H______.

f. Par pli du 11 octobre 2022, la chambre de céans a informé les parties de son intention de mettre en œuvre une expertise psychiatrique et leur a communiqué le nom de l’expert pressenti, ainsi que les questions qu’elle avait l’intention de lui poser, en leur impartissant un délai pour faire valoir une éventuelle cause de récusation et se déterminer sur les questions posées.

g. Par écriture du 25 octobre 2022, l’intimé a informé la chambre de céans qu’il s’opposait à une expertise judiciaire, précisant qu’une expertise psychiatrique figurait déjà au dossier. Si la chambre persistait dans son intention, l’intimé n’avait pas de motifs de récusation contre l’expert, mais proposait des questions complémentaires à lui poser.

h. Le 25 novembre 2022, le recourant a récusé le médecin pressenti, au motif qu’il avait été mandaté 53 fois par l’intimé sur la période du 1er janvier au 30 septembre 2022. Quatre médecins étaient proposés à sa place, dont la doctoresse K______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie.

i. Par pli du 2 décembre 2022, la chambre de céans a invité l’intimé à sa déterminer sur la proposition d’experts du recourant, étant précisé qu’à ce stade seule la Dresse K______ était en mesure de réaliser l’expertise.

j. Le 20 décembre 2022, l’intimé a indiqué qu’il n’avait pas de motifs de récusation à faire valoir à l’encontre des experts proposés par le recourant.

Cette écriture a été transmise au recourant.

EN DROIT

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).

Selon l’art. 69 al. 1 let. a LAI, les décisions des offices AI cantonaux peuvent directement faire l’objet d’un recours devant le tribunal des assurances du domicile de l’office concerné.

La compétence de la chambre de céans pour juger du cas d’espèce est ainsi a priori établie.

2.             Interjeté dans les formes prévues par la loi (art. 89B de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]) et dans le délai de recours de trente jours qui courait jusqu’au dimanche 31 octobre 2021 et dont l’échéance était donc reportée au lundi 1er novembre 2021 (art. 38 al. 3 et 60 LPGA), le recours est a priori recevable.

3.             Le litige porte sur le droit du recourant aux prestations de l’assurance-invalidité, et singulièrement sur son degré d’invalidité.

3.1 Selon le recourant, le rapport du Dr E______ du 24 juillet 2019, l’expertise du Dr H______ du 10 juin 2021 et l’avis médical du SMR du 2 juillet 2021 ne peuvent être suivis en ce qu’ils retiennent une capacité de travail de 100 %. Il ressort au contraire des rapports de ses médecins traitants que les troubles psychiatriques dont il souffre ne permettent pas une reprise d’activité à plein temps, même dans une activité adaptée.

3.2 Selon l’intimé, l’expertise du Dr H______ respecte les exigences jurisprudentielles en matière d’expertises administratives. Le seul fait que les médecins traitants aient une opinion différente de sa capacité de gain ne signifie pas que ladite expertise soit dépourvue de force probante. Celle-ci doit au contraire prévaloir sur l’avis des médecins traitants qui doit être apprécié avec une certaine réserve. En se fondant sur l’expertise du Dr H______, il faut retenir que la capacité de travail du recourant est entière dès le 1er octobre 2019, tant dans son ancienne activité que dans une activité adaptée, et que celui-ci n’a en conséquence droit ni à des mesures de reclassement professionnel, ni à une rente d’invalidité.

4.             Le 1er janvier 2022, sont entrées en vigueur les modifications de la LAI du 19 juin 2020 (développement continu de l’AI ; RO 2021 705).

En cas de changement de règles de droit, la législation applicable reste, en principe, celle en vigueur au moment où les faits juridiquement déterminants se sont produits et le juge se fonde, en règle générale, sur l'état de fait réalisé à la date déterminante de la décision litigieuse (ATF 148 V 21 consid. 5.3 ; ATF 146 V 364 consid. 7.1 ; ATF 144 V 210 consid. 4.3.1).

En l’occurrence, la décision querellée a été rendue antérieurement au 1er janvier 2022, de sorte que les dispositions légales applicables seront citées dans leur ancienne teneur.

5.             Est réputée invalidité, l'incapacité de gain totale ou partielle présumée permanente ou de longue durée, résultant d'une infirmité congénitale, d'une maladie ou d'un accident (art. 8 al. 1 LPGA et 4 al. 1 LAI). Selon l’art. 7 LPGA, est réputée incapacité de gain toute diminution de l'ensemble ou d'une partie des possibilités de gain de l'assuré sur le marché du travail équilibré qui entre en considération, si cette diminution résulte d'une atteinte à la santé physique, mentale ou psychique et qu'elle persiste après les traitements et les mesures de réadaptation exigibles (al. 1). Seules les conséquences de l’atteinte à la santé sont prises en compte pour juger de la présence d’une incapacité de gain. De plus, il n’y a incapacité de gain que si celle-ci n’est pas objectivement surmontable (al. 2).

En vertu de l’art. 28 al. 2 LAI, l’assuré a droit à une rente entière s’il est invalide à 70% au moins, à un trois-quarts de rente s'il est invalide à 60% au moins, à une demi-rente s’il est invalide à 50% au moins, ou à un quart de rente s’il est invalide à 40% au moins.

Selon l’art. 17 al. 1 LAI, l’assuré a droit au reclassement dans une nouvelle profession si son invalidité rend cette mesure nécessaire et que sa capacité de gain peut ainsi, selon toute vraisemblance, être maintenue ou améliorée. Selon la jurisprudence, une mesure de reclassement implique que le degré d’invalidité de l’assuré soit d’au moins 20% environ (ATF 139 V 399 consid. 5.3 ; ATF 130 V 488 consid. 4.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_500/2020 du 1er mars 2021 consid. 2 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_320/2020 du 6 août 2020 consid. 2.2).

6.             Les atteintes à la santé psychique peuvent, comme les atteintes physiques, entraîner une invalidité au sens de l'art. 4 al. 1 LAI en liaison avec l'art. 8 LPGA. Le fait qu’une personne souffre d’un trouble à la santé de nature psychique ne signifie cependant pas qu’elle soit totalement incapable de travailler dans tous les domaines ; son incapacité de gain doit donc être examinée concrètement, comme pour les autres troubles à la santé (ATF 143 V 409 consid. 4.2.1 ; ATF 142 V 106 consid. 4.3).

6.1 La reconnaissance de l’existence d’une atteinte à la santé psychique suppose la présence d’un diagnostic émanent d’un psychiatre et s’appuyant selon les règles de l’art sur les critères d’un système de classification reconnu, tel la CIM ou le DSM-IV (ATF 141 V 281 consid. 2.1 et 2.1.1; ATF 130 V 396 consid. 6.3).

Dans l’ATF 141 V 281, le Tribunal fédéral a revu et modifié en profondeur le schéma d'évaluation de la capacité de travail, respectivement de l'incapacité de travail, en cas de syndrome douloureux somatoforme et d'affections psychosomatiques comparables. Il a notamment abandonné la présomption selon laquelle les troubles somatoformes douloureux ou leurs effets pouvaient être surmontés par un effort de volonté raisonnablement exigible (ATF 141 V 281 consid. 3.4 et 3.5) et introduit un nouveau schéma d'évaluation au moyen d'un catalogue d'indicateurs (procédure d’évaluation structurée normative de la capacité de travail) (ATF 141 V 281 consid. 7.1 et 7.2). Le Tribunal fédéral a ensuite étendu ce nouveau schéma d'évaluation aux autres affections psychiques (ATF 143 V 418 consid. 4.3 et 4.4 ; voir également : ATF 145 V 215 consid. 5.3.3). Aussi, le caractère invalidant d'atteintes à la santé psychique doit être établi dans le cadre d'un examen global, en tenant compte de différents indicateurs, au sein desquels figurent notamment les limitations fonctionnelles et les ressources de la personne assurée, de même que le critère de la résistance du trouble psychique à un traitement conduit dans les règles de l'art (ATF 141 V 281 consid. 4.3 et 4.4, avec la modification prévue à l’ATF 143 V 418 consid. 8.1).

6.2 Si un expert retient l’existence d’un ou plusieurs troubles médicaux de nature psychiatrique, il doit ainsi procéder à une évaluation de la capacité de travail du recourant en application de la procédure structurée normative.

En principe, seul un trouble psychique grave est susceptible d’entrainer une incapacité de gain ; le cas échéant, il reviendra donc à l’expert de motiver de manière détaillée en quoi il existe des éléments qui permettent de conclure à une incapacité de travail de l’assuré en présence d’un trouble psychique de gravité moyenne ou légère (ATF 148 V49 consid. 6.2.2 ; ATF 143 V 40 consid. 4.5.2).

Les indicateurs de la procédure structurée normative sont classés comme suit :

I. Catégorie « degré de gravité fonctionnelle »

Les indicateurs relevant de cette catégorie représentent l’instrument de base de l’analyse. Les déductions qui en sont tirées devront, dans un second temps, résister à un examen de la cohérence.

A. Axe « atteinte à la santé »

1. Caractère prononcé des éléments et des symptômes pertinents pour le diagnostic

Les constatations relatives aux manifestations concrètes de l’atteinte à la santé diagnostiquée permettent de distinguer les limitations fonctionnelles causées par cette atteinte de celles dues à des facteurs non assurés. Le point de départ est le degré de gravité minimal inhérent au diagnostic. Il doit être rendu vraisemblable compte tenu de l’étiologie et de la pathogenèse de la pathologie déterminante pour ce diagnostic (ATF 141 V 281 consid. 4.3.1.1).

2. Succès du traitement et de la réadaptation ou résistance à ces derniers

Le déroulement et l'issue d'un traitement médical sont en règle générale aussi d'importants indicateurs concernant le degré de gravité du trouble psychique évalué. Il en va de même du déroulement et de l'issue d'une mesure de réadaptation professionnelle. Ainsi, l'échec définitif d'une thérapie médicalement indiquée et réalisée selon les règles de l'art de même que l'échec d'une mesure de réadaptation - malgré une coopération optimale de l'assuré - sont en principe considérés comme des indices sérieux d'une atteinte invalidante à la santé. A l'inverse, le défaut de coopération optimale conduit plutôt à nier le caractère invalidant du trouble en question (ATF 141 V 281 consid. 4.3.1.2 : arrêt du Tribunal fédéral 9C_618/2019 du 16 mars 2020 consid. 8.2.1.3). Dans ce cadre, une coopération de l'assuré en vue de son intégration sur le marché du travail malgré son trouble est un indicateur important du caractère invalidant ou non dudit trouble: un échec de son intégration malgré sa coopération optimale est un indice important du caractère invalidant de l'atteinte à la santé de l'assuré, alors qu'une absence de coopération est un indice fort d'absence d'incapacité de gain (ATF 141 V 281 consid. 4.3.1.2).

3. Comorbidités

Il est nécessaire de procéder à une approche globale de l’influence du trouble avec l’ensemble des pathologies concomitantes. Toute atteinte psychique à la santé différente de celle faisant l’objet de la procédure d’évaluation structurée de la capacité de travail et ayant un impact sur les ressources/capacités de l’assuré doit être prise en compte, y compris lorsqu’elle n’est pas invalidante en tant que telle (ATF 143 V 418 consid. 4.3.1.3 [réformant sur ce point l’ATF 141 V 281 consid. 4.3.1.3] ; voir également : arrêt du Tribunal fédéral 9C_756/2018 du 17 avril 2019 consid. 5.2.3).

B. Axe « personnalité » (diagnostic de la personnalité, ressources personnelles)

Le « complexe personnalité » englobe, à côté des formes classiques du diagnostic de la personnalité qui vise à saisir la structure et les troubles de la personnalité, le concept de ce qu’on appelle les « fonctions complexes du moi » qui désignent des capacités inhérentes à la personnalité, permettant des déductions sur la gravité de l’atteinte à la santé et de la capacité de travail (par exemple : auto-perception et perception d’autrui, contrôle de la réalité et formation du jugement, contrôle des affects et des impulsions, intentionnalité et motivation) (ATF 141 V 281 consid. 4.3.2). Étant donné que l’évaluation de la personnalité est davantage dépendante de la perception du médecin examinateur que l’analyse d’autres indicateurs, les exigences de motivation sont plus élevées (ATF 141 V 281 consid. 4.3.2).

C. Axe « contexte social »

Si des difficultés sociales ont directement des conséquences fonctionnelles négatives, elles continuent à ne pas être prises en considération. En revanche, le contexte de vie de l’assuré peut lui procurer des ressources mobilisables, par exemple par le biais de son réseau social ; il faut cependant toujours veiller ne pas indemniser par ce biais une situation sans lien avec l'impact de l'atteinte à la santé (ATF 141 V 281 consid. 4.3.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_717/2019 du 30 septembre 2020 consid. 6.2.5.3). À l’inverse, des ressources préservées ne sauraient être inférées de relations maintenues avec certains membres de la famille dont la personne assurée est dépendante (arrêt du Tribunal fédéral 9C_55/2020 du 22 octobre 2020 consid. 5.2).

II. Catégorie « cohérence »

Il convient ensuite d’examiner si les conséquences qui sont tirées de l’analyse des indicateurs de la catégorie « degré de gravité fonctionnel » résistent à l’examen sous l’angle de la catégorie « cohérence ». Cette seconde catégorie comprend les indicateurs liés au comportement de l’assuré. Dans ce contexte, un comportement incohérent est un indice que les limitations évoquées seraient dues à d’autres raisons qu’une atteinte à la santé (arrêt du Tribunal fédéral 9C_618/2019 du 16 mars 2020 consid. 8.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_756/2018 du 17 avril 2019 consid. 5.2.4).

A. Limitation uniforme du niveau des activités dans tous les domaines comparables de la vie

Il s’agit ici de se demander si l’atteinte à la santé limite l’assuré de manière semblable dans son activité professionnelle ou dans l’exécution de ses travaux habituels et dans les autres activités (par exemple, les loisirs). Le critère du retrait social utilisé jusqu’ici doit désormais être interprété de telle sorte qu’il se réfère non seulement aux limitations mais également aux ressources de l’assuré et à sa capacité à les mobiliser. Dans la mesure du possible, il convient de comparer le niveau d’activité sociale de l’assuré avant et après la survenance de l’atteinte à la santé (ATF 141 V 281 consid. 4.4.1).

B. Poids de la souffrance révélé par l’anamnèse établie en vue du traitement et de la réadaptation

La mesure dans laquelle les traitements sont mis à profit ou alors négligés par l’assuré, permet d’évaluer le poids effectif des souffrances (ATF 141 V 281 consid. 4.4.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_569/2017 du 18 juillet 2018 consid. 5.5.2). Tel n’est toutefois pas le cas lorsque le comportement est influencé par la procédure assécurologique en cours, en ce sens qu’il ne faut pas conclure à l’absence de lourdes souffrances lorsque le refus ou la mauvaise acceptation du traitement recommandé est la conséquence d’une incapacité (inévitable) de l’assuré à reconnaître sa maladie (anosognosie) (ATF 141 V 281 consid. 4.4.2). Les mêmes principes s’appliquent pour les mesures de réadaptation ; un comportement incohérent de l'assuré est là aussi un indice que la limitation fonctionnelle est due à d’autres raisons qu’à l'atteinte à la santé assurée (ATF 141 V 281 consid. 4.4.2).

6.3 Pour des motifs de proportionnalité, il est possible de renoncer à une appréciation selon la grille d’évaluation normative et structurée si elle n’est pas nécessaire. Il en va ainsi notamment lorsqu’il n’existe aucun indice en faveur d’une incapacité de travail durable ou lorsque l’incapacité de travail est niée sous l’angle psychique sur la base d’un rapport probant établi par un médecin spécialisé et que d’éventuelles appréciations contraires n’ont pas de valeur probante du fait qu’elles proviennent de médecins n’ayant pas une qualification spécialisée ou pour d’autres raisons fondées (ATF 145 V 215 consid. 7 ; ATF 143 V 418 consid. 7.1 ; ATF 143 V 409 consid. 4.5.3).

7.             Pour évaluer un droit à une prestation sociale dépendant de l’état médical d’un assuré, il faut pouvoir se fonder sur des opinions médicales probantes (ATF 134 V 231 consid. 5.1).

7.1 Il n’existe pas de règles systématiques absolues en matière d’appréciation de rapport médicaux, le principe général restant l’appréciation libre de ceux-ci par le juge (ATF 143 V 124 consid. 2.2.2). Ainsi, la force probante d’un rapport d’expertise dépend en premier lieu sur le contenu de celui-ci, à savoir s’il est complet (au regard du /des trouble(s) médical/aux potentiel(s) de l’assuré), s'il se base sur l'anamnèse, les « plaintes » de l'assuré et tous les autres éléments factuels disponibles, s'il est clair dans son appréciation de la situation médicale et si le ou les résultat(s) auquel il parvient est/sont motivé(s) (ATF 134 V 231 consid. 5.1 ; ATF 125 V 351 consid. 3a ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_290/2021 du 12 octobre 2021 consid. 3.2).

7.2 Selon la jurisprudence fédérale, il est possible de distinguer trois types d’expertises médicales : les expertises ordonnées auprès d’un expert indépendant par l’autorité judiciaire sur la base de l’art. 61 let. c LPGA et du droit cantonal (expertise judiciaire), les expertises ordonnées auprès d’un expert indépendant par l’autorité sociale sur la base de l’art. 44 LPGA (expertise administrative) et les rapports médicaux requis par une assurance sociale auprès de médecins qui lui sont subordonnés, ou réalisés par un médecin sur commande de l’assuré (expertise de partie). Le seul fait qu’un médecin soit régulièrement mandaté par une assurance sociale pour réaliser des expertises n’est pas de nature à affecter son impartialité selon le Tribunal fédéral (ATF 137 V 210 consid. 1.3.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_514/2021 du 27 avril 2022 [destiné à la publication aux ATF] consid. 3.5 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_343/2020 du 22 avril 2021 consid. 4.3).

S’il est évident que la force probante d’une expertise judiciaire est complète (ATF 125 V 351 consid. 3b/aa), le juge doit également accorder pleine valeur probante aux expertises administratives pour autant que celles-ci ne contiennent pas de contradiction et qu'aucun autre élément fondé ne remette en cause leur pertinence (ATF 137 V 210 consid. 1.3.4 et 2.3 ; ATF 125 V 351 consid. 3b/bb ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_290/2021 du 12 octobre 2021 consid. 3.2). En revanche, une expertise commandée par une partie ou réalisée par un médecin interne à une assurance dispose certes d’une certaine force probante, mais celle-ci est clairement inférieure à celle réalisée par un médecin indépendant (ATF 135 V 465 consid. 4.4 ; ATF 125 V 351 consid. 3b/cc et 3b/ee), en ce sens qu’un tel rapport médical peut avant tout permettre de remettre en doute une expertise administrative ou judiciaire (ATF 125 V 351 consid. 3c). Ainsi, lorsqu'une décision administrative sociale ne s'appuie que sur l'avis d'un médecin interne à l'assureur social et qu'il existe des doutes, même minimes, sur la pertinence de l'appréciation de ce médecin, il y a lieu de mettre en œuvre une expertise administrative ou une expertise judiciaire (ATF 135 V 465 consid. 4.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_347/2021 du 10 novembre 2021 consid. 4.4).

S’agissant en particulier des troubles dépressifs (ATF 145 V 361consid. 3.1 ; ATF 143 V 409 consid. 4.5.2.), le juge social doit contrôler si l’expert a respecté le cadre de la procédure structurée normative (ATF 141 V 281 consid. 5.2.2 et 5.2.3). Lorsque l’expert n’a pas respecté ce cadre, les conclusions de son rapport d’expertise quant à la capacité de travail de l’assuré ne lient pas le juge (ATF 148 V 49 consid. 6.2.1 ; ATF 145 V 361 consid. 4.3).

8.             En l’occurrence, l’expertise du Dr H______ du 10 juin 2021, réalisée sur mandat de l’intimé, doit être qualifiée d’expertise administrative.

Le contenu du rapport d’expertise se fonde avant tout sur un entretien personnel d’un peu plus de trois heures réalisé le 27 janvier 2021, soit d’une part sur le contenu des déclarations du recourant et, d’autre part, sur les observations réalisées par le Dr H______ à cette occasion, ainsi que sur le résultat de tests psychométriques.

8.1 L’expert considère que le recourant ne présente pas d’anhédonie (réduction/absence de perceptions d’émotions positives) ou d’aboulie (réduction/absence de volonté de réalisation), qu’il a une vie sociale qui n’est pas insignifiante et qu’il démontre un certain degré d’organisation et de dynamisme, vu qu’il a pu mettre en vente un appartement lui appartenant. Cela conduit le Dr H______ à admettre que le trouble dépressif constaté par le Dr E______ dans son rapport du 24 juillet 2019 est en rémission depuis le mois d’octobre 2019 et que le recourant ne souffre plus que d’une dysthymie (abaissement chronique et durable de l'humeur, persistant au moins plusieurs années, dont la gravité est inférieure à celle d’un trouble dépressif récurrent léger) (code F34.1 CIM-10) sans influence sur sa capacité de travail, et d’une dépendance liée à l’utilisation de dérivés du cannabis (code F12.2 CIM-10) préexistante, qui est également sans influence sur sa capacité de travail.

8.2  

8.2.1 S’agissant du trouble de dépendance liée à l’utilisation de dérivés du cannabis, l’analyse du Dr H______ rejoint celle du Dr E______. Par ailleurs, aucun avis médical ne diverge clairement de cette appréciation médicale. On doit ainsi considérer qu’il existe un consensus médical s’agissant de l’absence d’impact de ce trouble à la santé sur la capacité de gain de l’assuré de sorte que la mise en œuvre d’une procédure probatoire structurée n’était pas nécessaire.

8.2.2 S’agissant en revanche du trouble dépressif subi par l’assuré, la motivation du Dr H______ comporte des lacunes. Celui-ci conclut en effet à la rémission de ce trouble et à une absence de toute limitation fonctionnelle en lien avec celui-ci tout en précisant « Il n’y a pas d’élément objectif qui nous permette de nous écarter de l’appréciation du Dr E______ dans son expertise du 24.07.2019. » (rapport d’expertise du Dr H______ du 10 juin 2021, ch. 8.1). Or, le Dr E______ avait conclu à l’existence d’un épisode dépressif sévère sans symptômes psychotiques (code F32.2 CIM-10) à l’été 2019 et avait fait mention d’un pronostic favorable en particulier dans la mesure où l’assuré réduisait sa consommation de cannabis, recherchait des soins spécialisés et du fait de la préservation du contexte social (cf. rapport d’expertise du Dr E______ du 24 juillet 2019, p. 14s.). La motivation du rapport du Dr H______ mentionne clairement que sur ces trois points la situation est au moins aussi défavorable qu’elle l’était à l’époque de l’expertise du Dr E______, voire plus défavorable, l’assuré ne prenant pas de médicaments, ayant une très importante consommation de cannabis et dormant parfois dans sa voiture après avoir vendu son logement.

À la lecture du rapport du Dr H______, il n’est pas possible de comprendre comment un assuré qui souffrait d’un épisode dépressif sévère à l’été 2019, comme l’admet Dr H______, pouvait néanmoins être entièrement capable de travailler au 1er octobre 2019 alors même que la quasi-totalité des facteurs d’évolution favorables mentionnés par le Dr E______ étaient absents. Cette évolution surprenante de l’état de santé du recourant aurait soit nécessité une explication détaillée de la part du Dr H______, soit celui-ci aurait dû motiver pourquoi il ne se ralliait pas au diagnostic de dépression sévère du Dr E______ et considérait qu’il n’existait pas de trouble psychiatrique d’une gravité aussi importante que celle retenue par ce médecin. Cela vaut d’autant plus que le contenu du rapport du Dr H______ contredit l’analyse posée par le Dr G______ dans son rapport 8 juillet 2020, lequel conclut à l’existence d’un trouble dépressif récurrent, épisode actuel sévère sans symptômes psychotiques (code F33.2
CIM-10) avec une évolution médiocre. Une expertise d’un médecin-traitant a certes une force probante en principe inférieure à celle d’un expert administratif indépendant. L’analyse du trouble dépressif potentiel par le Dr H______ fait cependant l’objet d’une motivation brève (moins d’une page, sans analyse systématique des critères diagnostics pourtant explicités sur trois pages par le Dr H______ lui-même), alors même qu’elle contredit l’appréciation du psychiatre traitant.

En outre, le rapport du Dr H______ ne procède pas à une analyse de la capacité de travail du recourant selon la procédure d’évaluation structurée normative, même sous une forme sommaire, alors même qu’il se range à la conclusion du Dr E______ sur l’existence d’un épisode dépressif sévère sans symptômes psychotiques jusqu’en septembre 2019 à tout le moins. Or, il apparait impossible de retenir l’existence d’une dépression grave accompagnée d’importantes limitations fonctionnelles à l’été 2019 puis la présence d’une capacité de travail entière au 1er octobre de la même année sans réaliser une analyse motivée en conformité avec la procédure d’évaluation structurée posée par la jurisprudence fédérale.

8.2.3 S’ajoute à ce qui précède que l’absence de pathologie incapacitante chez le recourant est sérieusement remise en doute par les rapports des médecins traitants.

Dans son rapport du 8 juillet 2020, le Dr G______ a relevé qu’il était « difficile de présager de la capacité de travail. { } Dans une activité adaptée, dans un milieu professionnel qui soit souple, moins source de conflit. Avec une hiérarchie à l’écoute on pourrait s’attendre à un taux 70%. ». Dans son rapport du 30 décembre 2021, le Dr G______ relève que la capacité de travail du recourant est nulle et qu’il est « impossible d’imaginer monsieur A______ reprendre une activité à l’heure actuelle même adaptée. ».

Dans son rapport du 8 juillet 2020, le Dr G______ mentionne un investissement limité du recourant dans des activités fantasmatiques, des sources limitées de satisfaction, et une asthénie (fatigue). Dans son rapport du 30 décembre 2021, il souligne que l’état psychiatrique du recourant s’est aggravé depuis. Celui-ci apparait fragilisé face à ses épisodes dépressifs et ses relations sociales se sont dégradées. En outre, le Dr G______ mentionne une aggravation des symptômes somatiques sous forme de migraines. Cet élément est corroboré par le rapport de la Dresse J______ du 11 novembre 2021. Enfin, le recourant accepterait désormais de collaborer sur le plan thérapeutique. Quant au Dr D______, médecin généraliste du recourant, il note dans son rapport du 22 novembre 2021 que l’état de celui-ci ne s’améliore pas depuis le début de sa prise en charge.

Il apparait ainsi que ces médecins émettent des avis divergents de ceux exposés dans l’expertise administrative du Dr H______ qui sont de nature à remettre en cause la force probante des conclusions de celui-ci étant donné leur caractère lacunaire.

8.3 En conclusion, les manques dont souffrent le rapport du Dr H______ ne permettent pas à la chambre de céans de considérer que les conclusions de l’expert administratif sont suffisamment convaincantes pour retenir une capacité de travail totale de l’assuré depuis le 1er octobre 2019, alors même que celle-ci est contestée de manière crédible et motivée par les médecins traitants de l’assuré, y compris un expert psychiatre.

Cependant, les rapports médicaux du SMR et des médecins traitants ne suffisent à l’inverse pas à eux seuls pour considérer le complexe de faits comme suffisamment clarifié pour que la chambre de céans puisse trancher la cause.

Dans cette situation, il apparait nécessaire de mettre en œuvre une expertise médicale judiciaire.

9.             Il convient encore de définir brièvement l’objet de cette expertise.

9.1 À la lecture des rapports médicaux figurant au dossier, une expertise médicale apparaît nécessaire afin de déterminer si l’assuré souffre d’un trouble de nature psychiatrique, et en particulier d’un trouble dépressif (catégorie F32 à F34
CIM-10 et catégorie 6A7 CIM 11).

Si tel s’avérait être le cas, l’expert devrait alors procéder à l’évaluation de la capacité de travail du recourant dans son ancienne activité et dans une autre activité adaptée à ses limitations fonctionnelles suivant le cadre jurisprudentiel posé aux considérants 6.1 et 6.2.

9.2 La réponse aux questions médicales qui se posent dans le cas d’espèce nécessite la désignation d’un médecin spécialiste en psychiatrie et psychothérapie.

En conséquence, la désignation en tant qu’expert judiciaire de la Dresse K______ apparaît appropriée.


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant préparatoirement

I. Ordonne une expertise psychiatrique de Monsieur A______ et commet à cette fin la Doctoresse K______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, à Veyrier.

II. Dit que la mission de l’experte sera la suivante :

A.       Prendre connaissance du dossier de la cause.

B.       Si nécessaire, prendre tous renseignements auprès des médecins ayant traité la personne expertisée.

C.       Examiner et entendre la personne expertisée et, si nécessaire, ordonner d’autres examens, en particulier un examen neuropsychologique.

D.       Établir un rapport détaillé comprenant les éléments suivants :

1.             Anamnèse détaillée (avec la description d’une journée-type)

2.             Plaintes de la personne expertisée

3.             Status clinique et constatations objectives

4.             Diagnostics (selon un système de classification reconnu)

Préciser quels critères de classification sont remplis et de quelle manière (notamment l’étiologie et la pathogénèse).

4.1 Avec répercussion sur la capacité de travail

4.1.1 Dates d'apparition

4.2 Sans répercussion sur la capacité de travail

4.2.1 Dates d'apparition

4.3 Quel est le degré de gravité de chacun des troubles diagnostiqués (faible, moyen, grave) ?

4.4 Dans quelle mesure les atteintes diagnostiquées limitent-elles les fonctions nécessaires à la gestion du quotidien ? (N’inclure que les déficits fonctionnels émanant des observations qui ont été déterminantes pour le diagnostic de l’atteinte à la santé, en confirmant ou en rejetant des limitations fonctionnelles alléguées par la personne expertisée)

4.5 Y a-t-il exagération des symptômes ou constellation semblable ? (discordance substantielle entre les douleurs décrites et le comportement observé ou l’anamnèse, allégation d'intenses douleurs dont les caractéristiques demeurent vagues, absence de demande de soins médicaux, plaintes très démonstratives laissant insensible l'expert, allégation de lourds handicaps malgré un environnement psychosocial intact)

4.6 Dans l’affirmative, considérez-vous que cela suffise à exclure une atteinte à la santé significative ?

5.             Limitations fonctionnelles

5.1. Indiquer les limitations fonctionnelles en relation avec chaque diagnostic

5.1.1 Préciser la date d’apparition de ces limitations

5.2 Les plaintes sont-elles objectivées ?

6.             Traitement

6.1 Examen du traitement suivi par la personne expertisée et analyse de son adéquation.

6.1.1 Dans ce cadre, effectuer un dosage sanguin des traitements psychotropes que prend la personne expertisée, afin d’évaluer la compliance et/ou la biodisponibilité.

6.1.2 Effectuer un dosage sanguin et/ou urinaire des diverses substances psychoactives, afin d’évaluer les consommations de la personne expertisée.

6.2 Est-ce que la personne expertisée s'est engagée ou s'engage dans les traitements qui sont raisonnablement exigibles et possiblement efficaces dans son cas ?

6.2.1 Se prononcer sur l’exigibilité de soins (psychothérapie et traitements psychotropes).

6.3 En cas de refus ou mauvaise acceptation d’une thérapie, cette attitude doit-elle être attribuée à une incapacité de la personne expertisée à reconnaître sa maladie ?

6.4 Propositions thérapeutiques et analyse de leurs effets sur la capacité de travail de la personne expertisée.

6.5 En cas de dépendance à des substances psychoactives, une abstinence est-elle exigible ?

7.             Personnalité

7.1 Est-ce que la personne expertisée présente un trouble de la personnalité selon les critères diagnostiques des ouvrages de référence et si oui, lequel ? Quel code ?

7.2 Est-ce que la personne expertisée présente des traits de la personnalité pathologiques et, si oui, lesquels ?

7.3 Le cas échéant, quelle est l'influence de ce trouble de personnalité ou de ces traits de personnalité pathologiques sur les limitations éventuelles et sur l'évolution des troubles de la personne expertisée ?

7.4 La personne expertisée se montre-t-elle authentique ou y a-t-il des signes d'exagération des symptômes ou de simulation ?

8.             Ressources

8.1 Quelles sont les ressources résiduelles de la personne expertisée sur le plan somatique ?

8.2 Quelles sont les ressources résiduelles de la personne expertisée sur les plans :

a) psychique

b) mental

c) social et familial. En particulier, la personne expertisée peut-elle compter sur le soutien de ses proches ?

9.             Cohérence

9.1 Est-ce que le tableau clinique est cohérent, compte tenu du ou des diagnostic(s) retenu(s) ou y a-t-il des atypies ?

9.2 Est-ce que ce qui est connu de l'évolution correspond à ce qui est attendu pour le ou les diagnostic(s) retenu(s) ?

9.3 Est-ce qu'il y a des discordances entre les plaintes et le comportement de la personne expertisée, entre les limitations alléguées et ce qui est connu des activités et de la vie quotidienne de la personne expertisée ? En d’autres termes, les limitations du niveau d’activité sont-elles uniformes dans tous les domaines (professionnel, personnel) ?

9.4 Quels sont les niveaux d’activités sociales et d’activités de la vie quotidienne (dont les tâches ménagères) et comment ont-ils évolué depuis la survenance de l’atteinte à la santé ?

9.5 Dans l’ensemble, le comportement de la personne expertisée vous semble-t-il cohérent et pourquoi ?

10.         Capacité de travail

Sur la base des réponses aux questions précédentes, analyser la capacité de travail de l’assuré en indiquant son taux et l’évolution de celui-ci pour chaque diagnostic :

10.1 La personne expertisée est-elle capable d’exercer son activité lucrative habituelle ?

10.1.1 Si non, ou seulement partiellement, pourquoi ? Quelles sont les limitations fonctionnelles qui entrent en ligne de compte ?

10.1.2 Depuis quelle date sa capacité de travail est-elle réduite / nulle ?

10.2 La personne expertisée est-elle capable d’exercer une activité lucrative adaptée à ses limitations fonctionnelles ? 

10.2.1 Si non, ou dans une mesure restreinte, pour quels motifs ? Quelles sont les limitations fonctionnelles qui entrent en ligne de compte ?

10.2.2 Si oui, quel est le domaine d’activité lucrative adapté ? A quel taux ? Depuis quelle date ?

10.2.3 Dire s’il y a une diminution de rendement et la chiffrer.

10.3 Des mesures médicales sont-elles nécessaires préalablement à la reprise d’une activité lucrative ? Si oui, lesquelles ?

10.4 Quel est votre pronostic quant à l’exigibilité de la reprise d’une activité lucrative ?

11.         Appréciation d'avis médicaux du dossier

11.1 Êtes-vous d’accord avec l’avis du Dr E______ du 24 juillet 2019 ? Si non, pourquoi ?

11.2 Êtes-vous d'accord avec les avis du Dr G______ du 8 juillet 2020 et du 31 décembre 2021 ? Si non, pourquoi ?

11.3 Êtes-vous d’accord avec le rapport d’expertise du Dr H______ du 10 juin 2021 ? Si non, pourquoi ?

12.         Quel est le pronostic ?

13.         Des mesures de réadaptation professionnelle sont-elles à votre avis envisageables ?

14.         Faire toutes autres observations ou suggestions utiles.

II. Invite l’experte à déposer son rapport en trois exemplaires auprès de la chambre de céans dans un délai de quatre mois courant dès la réception de la présente ordonnance.

III. Réserve le fond ainsi que le sort des frais jusqu’à droit jugé au fond.

 

La greffière

 

Sylvie CARDINAUX

 

La présidente

 

Eleanor McGREGOR

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties le