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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/629/2019

ATAS/14/2023 du 19.01.2023 ( LAA ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/629/2019 ATAS/14/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 19 janvier 2023

3ème Chambre

 

En la cause

Madame A______, domiciliée à Cranves-Sales (France), comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Manuel MOURO

 

recourante

contre

CAISSE NATIONALE SUISSE D'ASSURANCE EN CAS D'ACCIDENTS - SUVA, représentée par sa Division juridique, sise Fluhmattstrasse 1, LUCERNE

 

 

 

intimée

 


 

 

EN FAIT

 

A.      a. Madame A______ (ci-après : l’assurée), née en 1956, travaillait comme enseignante auprès du Département de l’instruction publique de la culture et du sport de Genève.

b. À ce titre, elle était assurée auprès de la Caisse nationale suisse d’assurance en cas d’accidents (ci-après : SUVA) contre le risque d’accident, professionnel ou non.

B.       a. Le 26 mars 2017, l’assurée a fait une chute dans les escaliers de son domicile. Elle a glissé et est tombée en arrière, heurtant, avec la fesse gauche, le bord de la marche supérieure. Pour arrêter sa chute, elle s’est ensuite retenue, avec sa main droite, à la rampe, dans un mouvement réflexe.

b. Les premiers soins ont été prodigués le jour même par le docteur B______, en France, qui a retenu les diagnostics de contusion et hématome de la fesse gauche, ainsi que de contusion de l’épaule droite. Il a attesté d'une incapacité de travail totale jusqu'au 1er avril 2017 et instauré un traitement conservateur.

c. L’échographie de l’épaule droite réalisée le 22 avril 2017 a montré un traumatisme tendineux de la coiffe des rotateurs, notamment du tendon du muscle supra-épineux, avec une probable atteinte de tendinopathie préexistante.

d. Les échographies de l’épaule droite, effectuées les 31 mai et 16 août 2017, ont mis en évidence une lésion partielle du versant profond du tendon subscapulaire et une lésion fissuraire très probablement transfixiante, sans rétraction tendineuse, du tendon supra-épineux distal et antérieur, s’accompagnant de signes directs de conflit entre le ligament coraco-acromial et le versant superficiel de la bourse sous-acromiale. Le long chef du biceps était en place et en continuité. Les échographies mettaient enfin en évidence l’intégrité des tendons infra-épineux et petit rond.

e. La radiographie de l’épaule droite réalisée le 12 janvier 2018 a montré une arthropathie acromio-claviculaire et une irrégularité du rebord glénoïdien inférieur à intégrer aux antécédents de la patiente. La structure et la morphologie osseuses et les rapports articulaires étaient conservés, les parties molles sans particularité.

f. Une imagerie par résonance magnétique (ci-après : IRM) de la même épaule pratiquée le 17 janvier 2018 a mis en évidence une rupture complète du tendon supra-épineux avec rétractation du moignon tendineux au sommet de la tête humérale et une lésion partielle subtotale de la partie distale et supérieure du tendon subscapulaire avec subluxation médiale du long chef du biceps (qui présentait un aspect de tendinopathie fissuraire au niveau de la partie intra-capsulaire), une fissuration du labrum supérieur, ainsi qu'une infiltration de stade I selon Goutalier des muscles supra-épineux et subscapulaire.

g. Le 13 mars 2018, l’assurée a subi une arthroscopie de l’épaule droite avec réinsertion du sus-épineux, réinsertion du subscapulaire, ténodèse du long chef du biceps et acromioplastie, effectuées par le docteur C______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique et traumatologie de l'appareil locomoteur. Dans le compte rendu opératoire du 15 mars 2018, celui-ci a posé les diagnostics de rupture transfixiante du sus-épineux, rupture haute du subscapulaire, instabilité médiale et latérale du long chef du biceps et conflit antéro-externe.

h. Le 16 juillet 2018, le docteur D______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique et traumatologie de l'appareil locomoteur et médecin d’arrondissement de la SUVA, a émis l’avis que la causalité naturelle entre l’intervention et l’événement du 26 mars 2017 était tout au plus possible : la rétractation tendineuse était conséquente, l’espace sous-acromial réduit et il existait une dégénérescence graisseuse parlant en faveur d’une atteinte ancienne.

i. Le 29 août 2018, le docteur E______, de même spécialité et également médecin d'arrondissement de la SUVA, s’est rallié à l’avis de son confrère.

j. Dans une appréciation plus détaillée, le 8 janvier 2019, le Dr E______ a retenu les diagnostics de lésion de la coiffe des rotateurs de l’épaule droite avec lésion du sus-épineux, lésion du tendon du biceps, lésion partielle du subscapulaire. Il a expliqué que l’ensemble de ces lésions étaient survenues sur une épaule déjà dégénérative, avec une atteinte plutôt de Goutalier II, infiltration graisseuse musculaire, lésions multiples dégénératives de l’épaule, en particulier acromio-claviculaire, mais également glénoïdienne, de sorte que l’existence d’un lien de causalité naturelle entre l’événement du 26 mars 2017 et l’intervention pratiquée en mars 2018 devait être considérée comme étant tout au plus de l’ordre du possible. Le Dr E______ a exprimé l'avis que le mécanisme de chute avec simple contusion de l’épaule n’était pas de nature à expliquer les lésions énumérées.

k. Par décision du 14 novembre 2018, confirmée sur opposition le 22 janvier 2019, la SUVA a refusé de prendre en charge l’intervention chirurgicale du 13 mars 2018, au motif qu’un lien de causalité au moins probable avec l’événement du 26 mars 2017 n’avait pas été établi.

C.      a. Par acte du 15 février 2019, l’assurée a interjeté recours devant la Cour de céans en concluant à ce que la SUVA soit condamnée à prendre en charge l'intervention du 13 mars 2018.

b. Invitée à se déterminer, l’intimée, dans sa réponse du 25 mars 2019, a conclu au rejet du recours.

c. La recourante a informé la Cour de céans qu’elle avait interpellé le Dr C______ afin qu’il se détermine plus précisément et qu’elle était sans nouvelles de sa part. Dès lors, elle sollicitait son audition.

d. Après plusieurs convocations et annulations d’audience, une audience d’enquêtes a enfin pu avoir lieu en date du 21 novembre 2019, au cours de laquelle le Dr C______ a expliqué les raisons pour lesquelles il considérait que les atteintes étaient corrélées au traumatisme.

e. Dans sa détermination du 16 janvier 2020, l'intimée a campé sur sa position, faisant valoir que l'avis du Dr C______ n'était pas de nature à jeter le doute sur celui de son médecin d'arrondissement. Elle reproche notamment au Dr C______ de ne pas avoir abordé la question de la dégénérescence de la coiffe des rotateurs chez les personnes âgées de moins de 70 ans. Elle fait valoir que 10% des personnes entre 50 et 59 ans souffrent d'une atteinte asymptomatique, ce chiffre atteignant 20% chez les sujets entre 60 et 69 ans. À l'appui de ses dires, l’intimée produit un article intitulé « The evidence-based shoulder evaluation », publié dans le « Current sports medicine reports » en 2014.

f. La recourante a également persisté dans ses conclusions, en produisant à leur appui un rapport du Dr C______ du 5 juin 2020, dans lequel ce dernier s'inscrit en faux contre l'affirmation selon laquelle une contusion ou un coup sur l'épaule ne pourrait pas causer une lésion de la coiffe des rotateurs. Il met également en doute l'appréciation du Dr E______ concernant la réduction de l'espace sous-acromial.

g. L'intimée a alors produit une nouvelle appréciation du Dr E______. Ce dernier y explique que l'index acromial de 0,76 – supérieur à 0,7 – interprété sur la radiographie du 12 janvier 2018 évoque une dégénérescence de la coiffe des rotateurs.

h. Par écriture du 21 août 2020, la recourante a sollicité la mise sur pied d’une expertise judiciaire en produisant un nouveau rapport du Dr C______ du 11 août 2020, dans lequel ce médecin déclare que les signes radiologues classiques ne sont pas fiables pour déterminer l'origine traumatique – versus dégénérative – des lésions de la coiffe des rotateurs. Le médecin invoque à son tour un article, intitulé « How to discriminate between acute traumatic and chronic degenerative rotator cuff lesions : an analysis of specific criteria on radiography and magnetic resonance imaging » et publié dans le « Journal of shoulder and elbow surgery » en 2015.

i. Le 28 octobre 2021 (ATAS/1115/2021), la Cour de céans a ordonné une expertise judiciaire, dont elle a confié le mandat à la doctoresse F______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique et traumatologie de l’appareil locomoteur.

j. Le 19 novembre 2021, l’intimée a requis la récusation de la Dresse F______ et proposé en lieu et place les docteurs G______ ou H______, tous deux spécialistes FMH en chirurgie orthopédique et traumatologie de l’appareil locomoteur.

k. Par courrier du 3 décembre 2021, la recourante a soutenu que la demande de récusation de la Dresse F______ n’était pas fondée, et, subsidiairement, suggéré en tant qu’expert le docteur I______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique et traumatologie de l’appareil locomoteur.

m. Par arrêt incident du 15 décembre 2021 (ATAS/1292/2021), la Cour de céans a admis la demande de récusation de la Dresse F______, au motif que celle-ci partageait – catégoriquement – le même avis que les membres du groupe d’experts épaule/coude de la Société suisse d’orthopédie, selon lesquels un choc direct sur l’épaule sans réception sur le membre supérieur en extension est apte à générer une lésion transfixiante, ce qui pouvait faire douter de son objectivité en la matière. En lieu et place, la Cour de céans a mandaté le docteur J______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique et traumatologie de l’appareil locomoteur.

n. Après avoir pris connaissance du dossier, examiné la recourante et obtenu une copie de l’échographie du 22 avril 2017, le Dr J______ a retenu, dans un rapport daté du 28 avril 2022, les diagnostics intermédiaires (22 avril 2017) de contusion et hématome de la fesse gauche, distorsion de l’épaule droite et remaniement du tendon du sus-épineux probablement en partie préexistante, sans brèche large avec discussion d’une fissuration et les diagnostics finaux de contusion et hématome de la fesse gauche, distorsion de l’épaule droite, conflit sous-acromial, arthrose de l’articulation acromio-claviculaire et rupture antéro-supérieure de la coiffe de l’épaule droite avec rupture complète (transfixiante) du tendon du sus-épineux, avec rétraction au sommet de la tête humérale, lésion partielle supérieure du tendon du subscapulaire, subluxation du long chef du biceps avec aspect de tendinopathie fissuraire et status après reconstruction de la coiffe des rotateurs, acromioplastie et ténodèse du long chef du biceps le 15 mars 2018.

Au vu des pièces au dossier et de l’anamnèse, le Dr J______ est d’avis que l’accident a uniquement décompensé un état maladif préexistant et que le statu quo sine a été atteint après la deuxième infiltration, le 16 août 2018. Les douleurs et l’aggravation qui ont suivi sont dues à la progression de l’état dégénératif. Quant au statu quo ante, il a été atteint quatre mois après l’intervention du 15 mars 2018.

o. L’intimée s’est ralliée aux conclusions de l’expert, en se référant à une appréciation de son médecin-conseil du 9 mai 2022.

p. Quant à la recourante, elle a critiqué, par courriers des 27 juin et 18 novembre 2022, le rapport du 28 avril 2022 sur plusieurs points, en se fondant notamment sur un avis du Dr C______ du 31 octobre 2022.

q. Par courrier du 7 novembre 2022, la Cour de céans a réclamé à l'expert tous les documents qu'il se serait procuré en sus du dossier qui lui avait été soumis pour rédiger son expertise.

r. Le 14 décembre 2022, la Cour a communiqué pour information aux parties le seul document ajouté au dossier par l'expert, à savoir un bref rapport du centre d'imagerie médicale du Léman du 22 avril 2017 (échographie de l'épaule droite de l'assurée, apparaissant sous le nom de K______), en les informant qu'à défaut d'observations de leur part, la cause serait gardée à juger le 28 décembre 2022.

 

EN DROIT

 

1.             La Cour de céans a examiné sa compétence et la recevabilité du recours dans son arrêt ATAS/1115/2021, de sorte qu’il y a lieu d’y renvoyer.

2.             La modification du 25 septembre 2015 de la loi fédérale sur l'assurance-accidents du 20 mars 1981 (LAA - RS 832.20), apportant notamment des modifications à l’art. 6 LAA, est entrée en vigueur le 1er janvier 2017.

Dans la mesure où l'accident est survenu après cette date, le droit de la recourante aux prestations d'assurance est soumis au nouveau droit (cf. dispositions transitoires relatives à la modification du 25 septembre 2015 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_662/2016 du 23 mai 2017 consid. 2.2). Les dispositions légales seront donc citées ci-après dans leur teneur en vigueur depuis le 1er janvier 2017.

3.             Comme cela ressort de l’ordonnance d’expertise, le litige porte sur le point de savoir si l’intimée doit prendre en charge l’opération du 13 mars 2018, singulièrement s’il existe un rapport de causalité naturelle entre les troubles à l’épaule droite ayant justifié l’intervention et la chute survenue le 26 mars 2017.

4.              

4.1 Selon l'art. 6 al. 1 LAA, les prestations d'assurance sont allouées en cas d'accident professionnel, d'accident non professionnel et de maladie professionnelle. Par accident, on entend toute atteinte dommageable, soudaine et involontaire, portée au corps humain par une cause extérieure extraordinaire qui compromet la santé physique, mentale ou psychique ou qui entraîne la mort (art. 4 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) ; ATF 129 V 402 consid. 2.1, ATF 122 V 230 consid. 1 et les références).

Aux termes de l’art. 6 al. 2 LAA, l’assurance alloue aussi ses prestations pour les lésions corporelles suivantes, pour autant qu'elles ne soient pas dues de manière prépondérante à l'usure ou à une maladie : les fractures (let. a), les déboîtements d'articulations (let. b), les déchirures du ménisque (let. c), les déchirures de muscles (let. d), les élongations de muscles (let. e), les déchirures de tendons (let. f), les lésions de ligaments (let. g) et les lésions du tympan (let. h).

La notion de lésion corporelle assimilée à un accident a pour but d'éviter, au profit de l'assuré, la distinction souvent difficile entre maladie et accident. Aussi les assureurs-accidents LAA doivent-ils assumer un risque qui, en raison de la distinction précitée, devrait souvent être couvert par l'assurance-maladie (voir notamment ATF 123 V 43 consid. 2b).

La lésion de la coiffe des rotateurs, plus particulièrement la rupture de plusieurs tendons, figure dans la liste de l'art. 6 al. 2 let. f LAA dans sa teneur en vigueur depuis le 1er janvier 2017 (ATF 146 V 51 consid. 7.3 ; 123 V 43 ; arrêts du Tribunal fédéral 8C_412/2019 du 9 juillet 2020 consid. 5.1 ; 8C_169/2019 du 10 mars 2020 consid. 5.1).

4.2 L’assurance-accidents est tenue à prestations dès qu’une lésion corporelle comprise dans la liste est diagnostiquée (Jenny CASTELLA, Les lésions corporelles assimilées à un accident à l’aune de la première révision de la LAA, in RSAS 2020 p. 3). Il s’agit d’une présomption légale que ladite lésion est assimilée à un accident. L’assureur peut toutefois prouver que cette lésion est due de manière prépondérante à l’usure ou à une maladie (Pierre GABUS / Lucile BONAZ, Le nouveau droit des lésions corporelles assimilées à un accident : une révolution silencieuse, in RSAS 2019 p. 377). Pour que la preuve libératoire soit admise, il appartient à l’assureur-accidents de démontrer, au degré de la vraisemblance prépondérante, en se fondant sur des avis médicaux probants, que la lésion corporelle est due, à plus de 50% de tous les facteurs en cause, à l’usure ou à une maladie (ATF 146 V 51 consid. 8.2.2).

4.3 Dans l’ATF 146 V 51, le Tribunal fédéral a notamment détaillé la marche à suivre.

Ainsi, à réception de l’annonce d’une lésion figurant dans la liste de
l’art. 6 al. 2 LAA, l’assureur doit déterminer si les critères d’un accident au sens de l’art. 4 LPGA sont réalisés :

-        dans l’affirmative, l’assureur doit prendre en charge les conséquences de l’atteinte, conformément à l’art. 6 al. 1 LAA, et ce, jusqu’à ce que l’accident ne représente plus la cause naturelle et adéquate de l’atteinte, en d’autres termes, jusqu’à ce que l’atteinte à la santé repose uniquement sur des causes étrangères à l’accident ou encore, jusqu’à ce que le statu quo ante vel sine soit atteint (consid. 5.1, 8.5 et 9.1) ;

-        dans la négative, l’assureur doit examiner une prise en charge sous l’angle de l’art. 6 al. 2 LAA ; d’emblée, il y a présomption de la responsabilité de l’assureur-accidents pour les suites d’une de ces lésions, à moins qu’il ne démontre que celle-ci est due de manière prépondérante – donc à plus de 50% (consid. 8.2.2.1 et 8.6) – à l’usure ou à une maladie (consid. 8.2.2.2 concernant les notions d’usure et de maladie ; consid. 9.1 pour le surplus) ; ce n’est qu’alors que l’obligation de prester de l’assurance-accidents prend fin (voir Jenny CASTELLA, op. cit., p. 35).

4.4 Il découle de ce qui précède qu’en présence d’une lésion apparaissant sur la liste de la disposition précitée, il convient d’examiner si l’atteinte peut être rattachée à la notion ordinaire d’accident. Dans l’affirmative, l’assuré bénéficie de l’application de l’art. 36 al. 1 LAA. L’assureur ne peut donc se libérer de son obligation de prester que s’il démontre que l’atteinte à la santé est exclusivement due à la maladie. En fin de compte, ce n’est que dans les cas où les lésions ne sont pas consécutives à un accident que l’art. 6 al. 2 LAA est d’un intérêt pour l’assuré (ibidem).

4.5 En vertu de l'art. 36 al. 1 LAA, les prestations pour soins, les remboursements de frais ainsi que les indemnités journalières et les allocations pour impotent ne sont pas réduits lorsque l'atteinte à la santé n'est que partiellement imputable à l'accident. Lorsqu'un état maladif préexistant est aggravé ou, de manière générale, apparaît consécutivement à un accident, le devoir de l'assurance-accidents d'allouer des prestations cesse si l'accident ne constitue pas la cause naturelle (et adéquate) du dommage, soit lorsque ce dernier résulte exclusivement de causes étrangères à l'accident. Tel est le cas lorsque l'état de santé de l'intéressé est similaire à celui qui existait immédiatement avant l'accident (statu quo ante) ou à celui qui existerait même sans l'accident par suite d'un développement ordinaire (statu quo sine). A contrario, aussi longtemps que le statu quo sine vel ante n'est pas rétabli, l'assureur-accidents doit prendre à sa charge le traitement de l'état maladif préexistant, dans la mesure où il s'est manifesté à l'occasion de l'accident ou a été aggravé par ce dernier (ATF 146 V 51 consid. 5.1 et les références). En principe, on examinera si l'atteinte à la santé est encore imputable à l'accident ou ne l'est plus (statu quo ante ou statu quo sine) sur le critère de la vraisemblance prépondérante, usuel en matière de preuve dans le domaine des assurances sociales (ATF 129 V 177 consid. 3.1 et les références), étant précisé que le fardeau de la preuve de la disparition du lien de causalité appartient à la partie qui invoque la suppression du droit (ATF 146 V 51 précité consid. 5.1 et les références ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_606/2021 du 5 juillet 2022 consid. 3.2).

5.              

5.1 La plupart des éventualités assurées (par exemple la maladie, l'accident, l'incapacité de travail, l'invalidité, l'atteinte à l'intégrité physique ou mentale) supposent l'instruction de faits d'ordre médical. Or, pour pouvoir établir le droit de l'assuré à des prestations, l'administration ou le juge a besoin de documents que le médecin doit lui fournir (ATF 122 V 157 consid. 1b). Pour apprécier le droit aux prestations d'assurances sociales, il y a lieu de se baser sur des éléments médicaux fiables (ATF 134 V 231 consid. 5.1).

5.2 Selon le principe de la libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales (cf. art. 61 let. c LPGA), le juge n'est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu'en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l'affaire sans apprécier l'ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L'élément déterminant pour la valeur probante d'un rapport médical n'est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. À cet égard, il importe que les points litigieux importants aient fait l'objet d'une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu'il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l'expert soient bien motivées (ATF 134 V 231 consid. 5.1 ; 133 V 450 consid. 11.1.3 ; 125 V 351 consid. 3).

5.3 Sans remettre en cause le principe de la libre appréciation des preuves, le Tribunal fédéral des assurances a posé des lignes directrices en ce qui concerne la manière d'apprécier certains types d'expertises ou de rapports médicaux (ATF 125 V 351 consid. 3b).

5.3.1 Ainsi, le juge ne s'écarte pas sans motifs impératifs des conclusions d'une expertise médicale judiciaire, la tâche de l'expert étant précisément de mettre ses connaissances spéciales à la disposition de la justice afin de l'éclairer sur les aspects médicaux d'un état de fait donné. Selon la jurisprudence, peut constituer une raison de s'écarter d'une expertise judiciaire le fait que celle-ci contient des contradictions, ou qu'une surexpertise ordonnée par le tribunal en infirme les conclusions de manière convaincante. En outre, lorsque d'autres spécialistes émettent des opinions contraires aptes à mettre sérieusement en doute la pertinence des déductions de l'expert, on ne peut exclure, selon les cas, une interprétation divergente des conclusions de ce dernier par le juge ou, au besoin, une instruction complémentaire sous la forme d'une nouvelle expertise médicale (ATF 125 V 351 consid. 3b/aa et les références).

5.3.2 S'agissant de la valeur probante des rapports établis par les médecins traitants, le juge peut et doit tenir compte du fait que, selon l'expérience, le médecin traitant est généralement enclin, en cas de doute, à prendre parti pour son patient en raison de la relation de confiance qui l'unit à ce dernier. Ainsi, la jurisprudence accorde plus de poids aux constatations faites par un spécialiste qu'à l'appréciation de l'incapacité de travail par le médecin de famille (ATF 125 V 351 consid. 3b/cc et les références).

Au surplus, on ne saurait remettre en cause une expertise ordonnée par l'administration ou un juge et procéder à de nouvelles investigations du seul fait qu'un ou plusieurs médecins traitants ont une opinion contradictoire. Il n'en va différemment que si ces médecins font état d'éléments objectivement vérifiables ayant été ignorés dans le cadre de l'expertise et qui sont suffisamment pertinents pour remettre en cause les conclusions de l'expert (arrêt du Tribunal fédéral 9C_405/2008 du 29 septembre 2008 consid. 3.2).

6.              

6.1 La procédure dans le domaine des assurances sociales est régie par le principe inquisitoire d'après lequel les faits pertinents de la cause doivent être constatés d'office par l'assureur (art. 43 al. 1 LPGA) ou, éventuellement, par le juge (art. 61 let. c LPGA). Ce principe n'est cependant pas absolu. Sa portée peut être restreinte par le devoir des parties de collaborer à l'instruction de l'affaire. Celui-ci comprend en particulier l'obligation de ces dernières d'apporter, dans la mesure où cela peut être raisonnablement exigé d'elles, les preuves commandées par la nature du litige et des faits invoqués, faute de quoi elles risquent de devoir supporter les conséquences de l'absence de preuves (ATF 125 V 193 consid. 2 ; VSI 1994, p. 220 consid. 4). Si le principe inquisitoire dispense les parties de l'obligation de prouver, il ne les libère pas du fardeau de la preuve, dans la mesure où, en cas d'absence de preuve, c'est à la partie qui voulait en déduire un droit d'en supporter les conséquences, sauf si l'impossibilité de prouver un fait peut être imputée à la partie adverse. Cette règle ne s'applique toutefois que s'il se révèle impossible, dans le cadre de la maxime inquisitoire et en application du principe de la libre appréciation des preuves, d'établir un état de fait qui correspond, au degré de la vraisemblance prépondérante, à la réalité (ATF 139 V 176 consid. 5.2 et les références).

6.2 Si l’administration ou le juge, se fondant sur une appréciation consciencieuse des preuves fournies par les investigations auxquelles ils doivent procéder d’office, sont convaincus que certains faits présentent un degré de vraisemblance prépondérante et que d’autres mesures probatoires ne pourraient plus modifier cette appréciation, il est superflu d’administrer d’autres preuves (appréciation anticipée des preuves ; ATF 122 II 464 consid. 4a ; 122 III 219 consid. 3c). Une telle manière de procéder ne viole pas le droit d’être entendu selon l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101 ; SVR 2001 IV n. 10 p. 28 consid. 4b), la jurisprudence rendue sous l’empire de l’art. 4 aCst. étant toujours valable (ATF 124 V 90 consid. 4b ; 122 V 157 consid. 1d).

6.3 Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d'être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c'est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu'un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 ; 126 V 353 consid. 5b ; 125 V 193 consid. 2 et les références). Aussi n'existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l'administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l'assuré (ATF 126 V 319 consid. 5a).

7.              

7.1 En l'espèce, la recourante a chuté dans les escaliers le 26 mars 2017. Suite à cette chute, la recourante a souffert de douleurs à l’épaule. Une échographie effectuée le 22 avril 2017, soit près d’un mois après la chute, a montré un remaniement du tendon du muscle supra-épineux, probablement en partie préexistant au traumatisme, sans brèche large visible, et l’existence d’une fissuration a été discutée. Par ailleurs, un épanchement liquidien dans la bourse sous-acromio-deltoïdienne et le long du biceps – qui est en place dans la gouttière bicipitale – a également été discuté. Aucune macro-calcification dense n’était visible.

L'IRM du 17 janvier 2018 a, quant à elle, objectivé – entre autres – une rupture transfixiante complète du tendon sus-épineux avec rétraction tendineuse au sommet de la tête humérale et une lésion partielle subtotale de la partie distale et supérieure du tendon subscapulaire avec une subluxation médiale du long chef du biceps lequel présentait un aspect de tendinopathie fissuraire au niveau de sa partie intracapsulaire. Une fissuration du labrum supérieur ainsi qu’une infiltration de stade I selon Goutalier des muscles supra-épineux et subscapulaires ont également été constatées.

Le 13 mars 2018, suite à cette IRM, la recourante a subi une arthroscopie de l’épaule droite, avec réinsertion du sus-épineux, réinsertion du subscapulaire, ténodèse du long chef du biceps et acromioplastie, intervention que l’intimée refuse de prendre en charge faute de lien de causalité naturelle.

Il convient d’examiner la valeur probante du rapport du Dr J______, expert judiciaire.

7.2 Ledit rapport remplit sur le plan formel toutes les exigences auxquelles la jurisprudence soumet la valeur probante d’un tel document. Il contient une anamnèse détaillée, le résumé des pièces principales du dossier, les indications subjectives de la recourante, des observations cliniques, ainsi qu'une discussion générale du cas. Les conclusions de l’expert, qui résultent d'une analyse complète de la situation médicale, sont claires et bien motivées.

7.2.1 Avant d’aborder le fond, la Cour de céans relèvera que, dans la mesure où l’atteinte à l’épaule droite a été ressentie consécutivement à une chute qui doit être qualifiée d’accident, la cause doit être examinée exclusivement sous l’angle de l’art. 6 al. 1 LAA. Dans ce contexte, la recourante bénéficie de l’application de l’art. 36 al. 1 LAA et l’intimée ne peut se libérer de son obligation de prester que si elle démontre que l’atteinte à la santé est exclusivement due à la maladie. L’intimée ne peut donc refuser de prendre en charge l’intervention en question que si elle est en mesure de rendre vraisemblable que le statu quo ante vel sine a été atteint avant la date d’opération. En d’autres termes, l’intimée ne doit pas prendre en charge l’intervention chirurgicale si, avant la date d’opération, l'état de santé de la recourante était similaire à celui existant immédiatement avant l'accident (statu quo ante) ou à celui qui existerait même sans l'accident par suite d'un développement ordinaire (statu quo sine).

7.2.2 Le Dr J______ a retenu deux groupes de diagnostics, en fonction de la date à laquelle ils peuvent être posés. Ainsi, en date du 22 avril 2017 (première échographie), il a notamment évoqué les diagnostics de contusion et hématome de la fesse gauche (26 mars 2017), distorsion de l’épaule droite (26 mars 2017) et remaniement du tendon du sus-épineux probablement en partie préexistante, sans brèche large, avec discussion d’une fissuration. À titre de diagnostics finaux, il a retenu ceux de contusion et hématome de la fesse gauche (26 mars 2017), distorsion de l’épaule droite (26 mars 2017), conflit sous-acromial, arthrose de l’articulation acromio-claviculaire, rupture antéro-supérieure de la coiffe de l’épaule droite avec rupture complète (transfixiante) du tendon du sus-épineux avec rétractation au sommet de la tête humérale, lésion partielle supérieure du tendon du subscapulaire, subluxation du long chef du biceps avec aspect de tendinopathie fissuraire et status après reconstruction de la coiffe des rotateurs, acromioplastie et ténodèse du long chef du biceps (15 mars 2018).

Le Dr J______ a ensuite expliqué qu’une rupture de la coiffe des rotateurs peut survenir, soit à la suite d’une force extérieure violente (traumatique), soit spontanément, à la suite d’un processus dégénératif.

-        Pour déterminer si la rupture, dans le cas d’espèce, était d’origine traumatique ou dégénérative, l’expert a examiné plusieurs paramètres :

tout d’abord, il a décrit le mécanisme lésionnel et considéré qu’une chute dans l’escalier, sur la fesse gauche, avec retenue à la rampe d’escalier de la main droite, n’était pas en mesure de déchirer un tendon sain.

-        Il a ensuite expliqué que l’âge de la recourante revêt une importance décisive, puisqu’il reflète le degré de processus physiologique du vieillissement et de la diminution de la résistance des tendons. Il a ensuite rappelé que 10% environ de la population souffre de douleurs à l’épaule durant sa vie et que 50% des ruptures s’agrandissent. À partir de 60 ans, une rupture s’élargit particulièrement vite.

-        Les facteurs intrinsèques, tels que l’existence d’un rétrécissement constitutionnel (comme un acromion proéminent) ou acquis (suite à une arthrose de l’articulation acromio-claviculaire) de l’espace sous-acromial sont également déterminants. Dans un tel cas, les tendons glissant en-dessous sont endommagés de manière chronique, ce qui peut conduire à une lésion antéro-supérieure, comme dans le cas présent.

-        Les facteurs extrinsèques, tels qu’une surcharge professionnelle ou sportive importante de l’épaule due à des microtraumatismes répétés sur une longue période, peuvent également favoriser une lésion tendineuse.

-        Le Dr J______ a en outre expliqué, s’agissant des symptômes au moment de la blessure et au fil du temps, qu’en présence d’une rupture traumatique, le patient souffre de douleurs intenses, souvent accompagnées d’une perte totale de la fonction de l’épaule (pseudo-paralysie) pendant une période limitée. En revanche, en présence d’une extension aiguë ou décompensation d’une lésion dégénérative préexistante, il n’y a souvent pas de limitation fonctionnelle initiale importante.

Dans le cas de la recourante, les douleurs après la chute ont été supportables, puisqu’elle a pu travailler le lendemain. Aucun examen complémentaire n’a été effectué et il n’y a pas eu de suivi. L’arrêt de travail délivré n’était que de 4 jours. La recourante a renoncé à l’IRM proposée. Pour l’expert, ces éléments permettent de conclure que la souffrance n’était pas excessive.

-        Les résultats des examens d’imagerie sont également pertinents, dès lors qu’ils permettent de détecter a posteriori et de manière fiable, des modifications dégénératives préexistantes à l’événement. Le Dr J______ a donc comparé les modifications morphologiques visibles sur l’échographie du 22 avril 2017 et celles constatées sur l’IRM du 17 janvier 2018 :

 

échographie (22.04.17)

IRM (17.01.18)

tendon du supra-épineux (SE)

remaniement du tendon, fissuration, tendinopathie préexistante, sans brèche visible (pas de rupture évidente)

rupture complète, étendue dans toute sa largeur, avec rétractation jusqu’au sommet de la tête

long chef du biceps (LCB)

tendon intact, en position anatomique mais avec un épanchement péri-tendineux important

tendon subluxé, épaissi, fissuré

subscapulaire (SSC)

lésion partielle proche de l’articulation

extension de la lésion jusqu’à niveau sous-fascial

Comparant l’échographie d’avril 2017 et l’IRM de janvier 2018, le Dr J______ a considéré que les modifications dégénératives avaient donc rapidement progressé.

-        Enfin, pour l’expert, vu l’acromioplastie effectuée en plus de la suture du tendon, il doit être considéré que, pour le Dr C______, le conflit sous-acromial constituait la cause principale de l’apparition du problème à l’épaule.

L’expert a encore relevé que la première échographie ne montrait pas de rupture claire de la coiffe. En effet, le tendon du muscle sus-épineux présentait un remaniement en partie préexistant au traumatisme sans une brèche large et une fissuration était seulement discutée. Par ailleurs, les examens d’imagerie ont clairement montré la présence d’un conflit sous-acromial (arthrose acromio-claviculaire, sclérose du trochiter, forme de l’acromion, ligament coraco-acromial) et la présence de modifications dégénératives préexistantes (tendinopathie fissuraire, bursite sous-acromial).

Au vu de ces différents éléments, le Dr J______ est d’avis que l’accident n’a fait que décompenser un état maladif préexistant. Le statu quo sine, soit le moment où l’état de santé de la recourante a été similaire à celui qui serait survenu tôt ou tard, même sans accident, par la suite d’un développement ordinaire, a été atteint à la suite de la deuxième infiltration, le 16 août 2017. La réapparition ultérieure des douleurs et l’aggravation y consécutive sont dues à une progression des modifications dégénératives préexistantes et le statut quo ante (soit le moment où l’état de santé de la recourante a été similaire à celui existant immédiatement avant l’accident) a été atteint 4 mois après l’intervention chirurgicale du 15 mars 2018.

Pour ces raisons, le Dr J______ a qualifié le lien de causalité entre l’accident et l’opération de seulement possible.

Pour la Cour de céans, les explications du Dr J______ sont détaillées, claires, bien motivées et convaincantes.

7.3 Lorsqu'une appréciation repose sur une évaluation médicale complète, il faut, pour la contester, faire état d'éléments objectivement vérifiables qui auraient été ignorés dans le cadre de l'expertise et suffisamment pertinents pour en remettre en cause les conclusions. En d'autres termes, il faut faire état d'éléments objectifs précis qui justifieraient, d'un point de vue médical, d'envisager la situation selon une perspective différente ou, à tout le moins, la mise en œuvre d'un complément d'instruction (voir notamment l'arrêt du Tribunal fédéral 9C_618/2014 du 9 janvier 2015 consid. 6.2.3).

7.3.1 Comme déjà indiqué, la question litigieuse est celle de savoir si la rupture de la coiffe des rotateurs opérée en mars 2018 est consécutive à la chute dans les escaliers du 26 mars 2017.

L’expert est d’avis que tel n’est pas le cas, ce que la recourante conteste en se référant notamment à un article du Dr I______ (Lésions transfixiantes dégénératives, accidentelles ou assimilées de la coiffe des rotateurs, publié in Forum médical suisse, 2019 ; 19 (15-16) : 260-267) et à un rapport du Dr C______ du 31 octobre 2022. Elle soutient que la chute dans les escaliers était susceptible d’entraîner la rupture de la coiffe des rotateurs, que les douleurs et leur intensité ne sauraient permettre de déterminer la nature de la rupture de la coiffe (dégénérative ou traumatique) et que l’échographie du 22 avril 2017 était de mauvaise qualité et ne permettait pas de nier l’existence d’une rupture de la coiffe.

D’emblée, la Cour de céans relève qu’à l’exception de celles concernant l’adéquation de l’événement assuré et l’ultrason d’avril 2017, les critiques de la recourante ne trouvent aucun écho médical. En effet, alors même qu’il explique avoir lu l’expertise du Dr J______, le Dr C______ ne soulève aucun élément objectif permettant de s’en écarter ou d’appuyer les reproches de sa patiente.

Cela étant précisé, il convient d’examiner les critiques formulées à l’encontre du rapport d’expertise.

7.3.2 En premier lieu, la recourante fait grief à l’expert d’avoir retenu qu’une chute dans les escaliers n’est pas susceptible d’entraîner la rupture d’un tendon sain. Se référant à l’article du Dr I______ et au rapport du Dr C______ du 31 octobre 2022, elle soutient le contraire.

Dans son article, le Dr I______ considère qu’une action vulnérante appropriée avec mouvement passif violent du bras en arrière et en dedans, ou du bras stabilisé musculairement, en se retenant par exemple pour éviter une chute d’échafaudage ou dans les escaliers, doit être prise en considération en tant que mécanisme lésionnel adéquat (article précité p. 263). Quant au Dr C______, il se réfère à un article rédigé par Richard W. NYFFELER, Nicholas SCHENK et Philipp BISSIG, intitulé Can a simple fall cause a rotator cuff tear? Literature review and biomechanical considerations (trouvé à l’adresse suivante : https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC8178131/pdf/264_2021_Article_5012.pdf). Dans cet article, les auteurs ont étudié la littérature relative aux chutes. Ils ont notamment décrit le mécanisme de chute de la manière suivante. Les personnes qui glissent ou trébuchent ne se laissent pas simplement tomber. En bougeant leurs bras, elles essaient de retrouver leur équilibre ou d'atteindre un support proche, comme une main courante. Si la chute ne peut être évitée, les bras sont utilisés comme une mesure de protection pour amortir l'impact sur le sol et prévenir les blessures aux hanches, aux épaules et à la tête. Dans l’une des études évoquées dans l’article, la plupart des chutes étudiées étaient latérales et frontales. Par conséquent, le bras qui heurte le sol peut soit être forcé sur le côté ou poussé vers l'extérieur, ce qui entraîne une adduction et rotation interne ou abduction et rotation externe de l'épaule respectivement. Dans le premier cas, les tendons sus- et sous épineux sont les plus fortement sollicités. Dans le second cas, le tendon sous-scapulaire et l'intervalle des rotateurs sont soumis à de fortes contraintes.

Cependant, la présente situation et celles évoquées dans l’article du Dr I______ et celui auquel se réfère le Dr L______ sont différentes. En effet, la recourante n’a pas chuté sur son épaule. Elle ne s’est pas non plus retenue à la rampe, évitant par-là la chute. Elle est tombée sur sa fesse gauche, puis, seulement, s’est retenue à la main courante. La majeure partie de l’énergie a donc touché les fesses de la recourante, ce qu’elle ne conteste du reste pas.

Dès lors, le premier grief de la recourante doit être écarté.

Au demeurant, quand bien même l’accident devrait être considéré comme susceptible d’entraîner une telle lésion, cela ne signifie pas encore que tel a été le cas en l’espèce.

7.3.3 La recourante commente ensuite plusieurs passages de l’expertise, sans toutefois faire état d'éléments objectivement vérifiables qui auraient été ignorés et suffisamment pertinents pour en remettre en cause les conclusions. En réalité, elle manifeste surtout, sous points 2 et 3 de ses observations du 27 juin 2022, son désaccord avec les conclusions de l’expert, ce qui n’est de loin pas suffisant pour remettre en question la valeur probante des conclusions de celui-ci.

7.3.4 L’assurée critique en troisième lieu l’analyse du Dr J______ portant sur l’importance de ses douleurs suite à la chute, arguant, d’une part, qu’il s’agit d’une notion subjective variant d’un individu à l’autre, d’autre part, que la douleur ne figure pas au nombre des critères énoncés par le Dr I______ pour distinguer entre rupture traumatique et rupture dégénérative de la coiffe des rotateurs. Dans ce contexte, la recourante se questionne également sur les conclusions de l’expert en lien avec les infiltrations effectuées, l’expert estimant que si, à la suite d’une infiltration, un soulagement complet ou important de la douleur est observé, à tout le moins temporairement, la cause de la douleur est due à un conflit sous-acromial.

Force est toutefois de constater que le Dr C______ n’a pas critiqué ce point de l’expertise, de sorte que l’argumentation de la recourante ne s’appuie sur aucun substrat médical et doit être écartée.

7.3.5 La recourante est également d’avis que l’échographie d’avril 2017 présente des carences auxquelles l’IRM a remédié et que, partant, le Dr J______ ne pouvait s’y fier pour se prononcer sur le caractère accidentel de l’atteinte.

 

échographie (22.04.17)

échographies des 31 mai et 16 août 2017

IRM (17.01.18)

tendon du supra-épineux (SE)

remaniement du tendon, discussion de fissuration, tendinopathie préexistante, sans brèche visible (pas de rupture évidente)

lésion fissuraire d’allure transfixiante sans rétraction tendineuse, avec signe de conflit sous-acromial entre le ligament coraco-acromial et le versant superficiel de la bourse sous-acromiale

rupture complète, étendue dans toute sa largeur, avec rétraction jusqu’au sommet de la tête

long chef du biceps (LCB)

tendon intact, en position anatomique mais avec un épanchement péri-tendineux important

tendon bien en place dans sa gouttière et visualisé en continuité

tendon subluxé, épaissi, fissuré

subscapulaire (SSC)

lésion partielle proche de l’articulation

lésion partielle du versant profond

extension de la lésion jusqu’à niveau sous-fascial

Force est de constater que les constatations faites lors de l’échographie du 22 avril 2017 et celles effectuées lors des échographies des 31 mai et 16 août 2017 sont superposables. En substance, sur ces trois échographies, seule une lésion fissuraire a été contestée au niveau du tendon du supra-épineux, alors que l’IRM a montré une rupture complète de ce tendon. Le tendon du long chef du biceps est intact sur les trois échographies et seule une lésion partielle du versant profond a été constatée au niveau du subscapulaire. En réalité, la situation semble s’être surtout aggravée entre l’été 2017 et le mois de janvier 2018.

Au demeurant, un consensus d’experts a conclu que, pour l’identification des lésions de la coiffe des rotateurs, la sensibilité et la spécificité de l’échographie sont comparables à celles de l’IRM. Sauf exceptions, l’échographie apparaît en particulier fiable pour l’identification des bursites, des tendinopathies ou des ruptures affectant la coiffe des rotateurs ou le long chef du biceps (Laure Brulhart, Apport de l’échographie dans les tendinopathies, in revue médicale suisse du 11 mars 2015). Or, dans le cas d’espèce, l’échographie a montré des atteintes à la coiffe des rotateurs, sous forme de fissures ou ruptures partielles. Le fait que les constatations de l’échographie ne conviennent pas à la recourante ne permet pas de remettre en question la qualité de cet examen. Au demeurant, la position défendue par la recourante est contredite par les constatations de l’IRM du 15 janvier 2018, laquelle a montré une infiltration de stade I selon Goutalier des muscles subscapulaires et supra-épineux. Or, dans l’article auquel la recourante se réfère à de nombreuses reprises, en présence d’une rupture traumatique des tendons sus-épineux et sous-scapulaire, une infiltration graisseuse faible mettrait quoi qu’il en soit 19 mois, respectivement 17 mois pour s’installer. Or, seuls 10 mois se sont écoulés entre l’événement du 25 mars 2017 et l’IRM du 15 janvier 2018, ce qui constitue un élément supplémentaire pour considérer qu’aucune déchirure ne pouvait être décelée en avril 2017.

7.3.6 Dans son rapport du 31 octobre 2022, le Dr C______ critique enfin le point de vue du Dr J______, selon lequel une acromioplastie peut être considérée comme indicative d’un conflit sous-acromial à l’origine de la pathologie. Pour le Dr C______, une acromioplastie est effectuée d’office lors d’une chirurgie, afin de limiter le risque d’une nouvelle lésion. Ce médecin en conclut qu’il n’y a pas de lien avec le diagnostic de conflit sous-acromial.

Si, par principe, l’opérateur précité procède à une acromioplastie, il n’en demeure pas moins que, dans le cas de la recourante, un conflit sous-acromial a été évoqué à plusieurs reprises (cf. échographie de l’épaule droite du 31 mai 2017 et compte rendu opératoire du 15 mars 2018 dans lequel un conflit antéro-externe est mentionné). Or, le conflit sous-acromial résulte de la compression des tendons de la coiffe des rotateurs et de la bourse sous-acromiale entre la grande tubérosité et le bord latéral de l’acromion et la déchirure tendineuse peut notamment être la conséquence finale d’un conflit sous-acromial (cf. Elise Wagner, Daniel Arditi, Pierre-André Guerne et Cédric Lanier, Épaule douloureuse atraumatique : diagnostic radiologique, in revue médicale suisse n° 399).

Vu le contexte, la conclusion du Dr J______ n’est pas contestable et, même si le Dr C______ allègue procéder par principe à une acromioplastie pour éviter une nouvelle lésion, cela laisse tout de même sous-entendre un risque au niveau de l’acromion et donc une atteinte à ce niveau-là.

7.3.7 Force est ainsi de constater, au vu de ce qui précède, que l’expert a pris sa décision sur la base de plusieurs éléments convergents : le mécanisme lésionnel (chute dans les escaliers en premier lieu sur le fesses), l’âge, les symptômes au moment de la blessure et leur évolution, l’examen clinique, les résultats de l’échographie d’avril 2017 et ceux de l’IRM de janvier 2018 et la réponse aux mesures thérapeutiques.

C’est l’ensemble de ces éléments qui a conduit le Dr J______ à retenir une origine dégénérative à la rupture de la coiffe et non un élément isolé. Rien ne permet de s’écarter de ses conclusions.

8.             Il ressort de ce qui précède que l’expertise du Dr J______ doit être considérée comme probante. Dans cette mesure, une nouvelle expertise ne saurait être ordonnée, étant précisé, dans ce contexte, que c’est la Cour de céans – et non la SUVA – qui a proposé le Dr J______ en qualité d’expert. Partant, les remarques de la recourante quant au fait que la SUVA aurait suggéré un expert dont les vues seraient plus conformes aux siennes et à ses intérêts est totalement hors de propos.

Par ailleurs, par appréciation anticipée des preuves, la Cour de céans renoncera également à entendre l’expert. En effet, il ressort de ce qui précède que les critiques de la recourante ne remettent pas en question la valeur probante de l’expertise, de sorte que l’audition de son auteur s’avère superflue.

9.             Au vu de ce qui précède, le recours du 15 février 2019 est rejeté.

La recourante, qui succombe, n’a pas droit à des dépens.

Par ailleurs, les assureurs sociaux qui obtiennent gain de cause devant une juridiction de première instance n'ont en principe pas le droit à une indemnité de dépens (ATF 126 V 149 consid. 4).

Pour le surplus, la procédure est gratuite.

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Dit que la procédure est gratuite.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Christine RAVIER

 

La présidente

 

 

 

 

Karine STECK

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral de la santé publique par le greffe le