Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public
ATA/1182/2025 du 28.10.2025 ( AIDSO ) , PARTIELMNT ADMIS
En droit
| RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||||
| POUVOIR JUDICIAIRE A/779/2025-AIDSO ATA/1182/2025 COUR DE JUSTICE Chambre administrative Arrêt du 28 octobre 2025 1ère section |
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dans la cause
A______ recourant
contre
HOSPICE GÉNÉRAL intimé
A. a. A______, né le ______ 1974, bénéficie d’une aide financière de l’hospice général (ci-après l’hospice) depuis mai 1997.
Pour la période du 1er juin 2001 au 30 avril 2025, CHF 573'183.45 lui ont été versés.
b. Il a signé, à plusieurs reprises, le document intitulé « Mon engagement en demandant une aide financière à l'Hospice général » confirmant notamment avoir pris acte de la subsidiarité des prestations d’aide financière versées par l’hospice à toute autre ressource provenant du travail, de la famille, de la fortune et de prestations sociales, s'engager à tout mettre en œuvre pour améliorer sa situation sociale et financière, s'engager à donner immédiatement et spontanément à l’hospice tout renseignement et toute pièce nécessaire à l’établissement de sa situation personnelle, familiale et économique, tant en Suisse qu’à l’étranger, s'engager à informer immédiatement et spontanément l’hospice de tout fait nouveau de nature à entraîner la modification du montant de ses prestations d’aide financière, notamment de toute modification de sa situation personnelle, familiale et économique tant en Suisse qu’à l’étranger, et s'engager à rembourser à l’hospice toute prestation exigible perçue indûment, prendre acte qu'en cas de violation de la loi et en particulier de ses engagements, l'hospice se réservait le droit de réduire ou de supprimer les prestations d'aide financière accordées et, le cas échéant, de déposer une plainte pénale à son encontre.
Ce document a notamment été signé les 4 août 2016, 10 avril 2018 et 9 novembre 2020.
c. Au cours de son suivi, A______ a, à plusieurs reprises, indiqué à son assistante sociale bénéficier d’un suivi médical et rencontrer des difficultés pour entreprendre certaines démarches administratives.
d. Sollicitant la poursuite de l’aide financière, A______ a complété et signé, notamment le 23 octobre 2015 et le 18 mai 2018, des « demandes de prestations d’aide sociale financière » dans lesquelles il a déclaré ne détenir aucun véhicule et n’être titulaire que d’un compte bancaire auprès de la Banque B______ (ci‑après : B______) n° E 1______.
À teneur desdites demandes, il fait l’objet de poursuites pour un montant d’environ CHF 250'000.-.
e. Au mois de juillet 2020, l’hospice a été informé que plusieurs véhicules avaient été inscrits au nom de A______ à l’office cantonal des véhicules (voitures, motocycles, bateaux).
f. Le 12 novembre 2020, A______ a complété et signé une nouvelle « demande de prestations d’aide sociale financière » dans laquelle il a déclaré détenir un ou plusieurs véhicules et n’être titulaire que du compte n° E 1______.
g. Le 8 décembre 2020, A______ a fait l’objet d’un avertissement de la part de l’hospice pour n’avoir pas fourni tous les renseignements et pièces demandées en lien avec ces véhicules, notamment le fait qu’ils appartiendraient à son père, C______.
h. Le 7 et 14 octobre 2021, le service des enquêtes et conformités (ci-après : SEC) de l’hospice a livré un rapport d’enquête dont il ressort notamment que A______ était titulaire d’un compte privé auprès du D______ (ci-après : D______) n° 2______ ouvert le 19 avril 2018. L’intéressé ne l’avait pas évoqué dans le cadre de l’enquête, notamment lors de son audition le 11 août 2021. Selon les extraits bancaires, CHF 21'680.93 avaient été crédités entre le 19 avril 2018 et le 5 juillet 2021, dont CHF 2'146.60 provenant de versements sur son propre compte et CHF 19'534.33 crédités par des tiers, principalement E______ et C______.
i. Lors de l’entretien périodique du 17 novembre 2022, auquel étaient présents père et fils, C______ a déclaré que le compte D______ avait été ouvert par A______ à la demande de C______, car celui-ci avait besoin d’une « carte prépayée ». Les montants crédités provenaient d’un prêt de CHF 12'000.- accordé à E______ pour l’achat d’une voiture. L’emprunteur avait remboursé la somme due sur le compte de son fils, car lui-même se trouvait dans une situation de « divorce difficile et ne voulait pas que sa femme puisse toucher à cet argent ».
Père et fils ont précisé que A______ avait remis les montants crédités à son père mais qu’il n’y avait pas de « trace écrite ».
j. Lors de l’entretien de bilan du 15 juin 2023 avec son assistante sociale et la responsable d’unité du centre d’action sociale (ci-après : CAS) de F______, A______ a indiqué qu’il n’avait plus pensé au compte D______, qu’il n’y comprenait rien et qu’il s’agissait des « magouilles » de son père.
k. Par décision du 19 juin 2024, le CAS de F______ a demandé à A______ la restitution du montant de CHF 20'109.50 correspondant aux prestations d’aide sociale financière qu’il avait perçues en trop pour la période allant du mois de mai 2017 au mois d’avril 2024. Un tableau était joint, détaillant la somme.
B. a. Par courrier du 16 août 2024, sous l’intitulé « contestation de la décision de restitution des prestations », A______ a « contesté formellement la décision de restitution de prestations ».
Il était profondément surpris et en désaccord avec cette décision car il n’avait, en aucun cas, eu l’intention de frauder le système. Il n’avait pas réalisé qu’il devait déclarer le changement de situation. Il s’agissait d’une erreur administrative de sa part. Il joignait une reconnaissance de dette du 1er mars 2018 de CHF 14'000.-, établie par E______, au bénéfice de son père, laquelle devait « apporter les éléments nécessaires à la révision de la décision ». Il n’était pas toujours en mesure de gérer seul ses démarches administratives. L’ouverture du compte en question avait été réalisée à la demande de son père.
Il s’était occupé de fournir tous les documents nécessaires à l’ouverture du compte, pensant agir en toute bonne foi. Il n’avait jamais eu l’intention de dissimuler un quelconque montant et s’était entièrement fié à son père. Sa situation financière personnelle ne lui permettait en aucun cas de procéder au remboursement de la somme réclamée. Les fonds qui lui avaient été indûment versés avaient été remis à son père et il n’était pas en mesure de les récupérer. Il s’agissait d’une difficulté majeure à prendre en compte dans l’examen de sa situation. Il était convaincu qu’une fois ces éléments examinés, l’hospice comprendrait que la situation résultait d’une omission de sa part et non d’une volonté de percevoir indûment des prestations.
b. Le 20 août 2024, l’hospice a accusé réception de sa « demande de remise ».
c. Par décision du 4 février 2025, intitulé « suite à la demande de remise », le directeur général de l’hospice général a refusé ladite demande et confirmé la décision du CAS de F______ en tant qu’elle demandait à A______ le remboursement du montant de CHF 20'109.50 en capital.
Il ressortait de sa demande que celle-ci était circonscrite aux faits relatifs au compte bancaire au D______. Or, les prestations d’aide sociale financière accordées à l’intéressé ne tenaient pas compte de l’ensemble de ses ressources, l’hospice n’ayant notamment pas connaissance de l’existence du compte précité et des sommes qui y avaient été créditées. A______ avait intentionnellement contrevenu à son obligation légale de renseigner et aux engagements pris par ses soins, excluant sa bonne foi. La reconnaissance de dette mentionnant spécifiquement le compte litigieux était datée du 1er mars 2018. Or, à cette date, le compte bancaire n’existait pas encore. La véracité de cette reconnaissance de dette était en conséquence mise en doute. Les allégations concernant la remise des fonds provenant du compte bancaire litigieux en main de son père n’étaient attestées d’aucune manière. Enfin, il n’était pas acceptable d’être au bénéfice d’une aide sociale financière ordinaire de l’hospice et d’utiliser sa fortune personnelle et récemment acquise pour désintéresser un créancier. Même à considérer que l’intéressé ait fait preuve de négligence, celle-ci excluait la condition de la bonne foi au sens de la loi sur l’insertion et l'aide sociale individuelle du 22 mars 2007 (LIASI - J 4 04).
C. a. Par acte posté le 5 mars 2025, A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision de remise. Il avait fait le maximum pour prouver sa bonne foi. Son intention n’était nullement de vouloir frauder ou profiter de quelque manière que ce soit. Il avait fourni tous les documents demandés et ne pouvait pas faire plus. Sa situation n’avait pas évolué. Il demandait que la décision soit revue et un arrangement qui satisfasse toutes les parties trouvé. Il concluait en sollicitant du juge qu’il reconsidère la décision et lui accorde la remise à laquelle il estimait avoir droit.
b. L’hospice a conclu au rejet du recours. Le litige portait sur le rejet de la demande de remise. Or, l’intéressé ne contestait pas avoir omis de déclarer l’existence de son compte bancaire D______, qu’il avait pourtant ouvert durant son suivi, le 19 avril 2018 et qu’il avait par ailleurs tu dans le cadre de la procédure d’enquête. Il était contesté que l’ensemble des pièces ait été produit, la remise des relevés bancaires n’étant pas suffisante en soi et la reconnaissance de dette étant douteuse. La bonne foi était contestée puisque l’intéressé ne pouvait ignorer l’existence du compte litigieux qu’il avait ouvert et le fait que celui-ci était de nature à influer sur le principe d’une aide financière par l’hospice, ou à tout le moins sur le montant de ladite aide. Il n’avait pas non plus vérifié auprès de son assistante sociale les éventuelles conséquences de l’ouverture de ce compte.
c. Dans sa réplique, A______ a renouvelé sa volonté de trouver une solution à ce « terrible problème » qui lui causait beaucoup d’inquiétude quant à son avenir.
Selon une attestation de son médecin traitant du 13 mai 2025, le patient souffrait de troubles de l’attention, de la mémoire et de la concentration et de problèmes pour gérer des demandes administratives. Il pouvait, « à des moments », signer des attestations ou des demandes sans avoir conscience de ce qu’il avait effectué. Ses troubles étaient récurrents et « n’étaient pas assez améliorés par un traitement spécifique qu’il prenait chaque jour ».
d. Lors de l’audience de comparution personnelle des parties du 18 septembre 2025, A______ a confirmé qu’il bénéficiait toujours de prestations de l’hospice. Le compte D______ avait été « fait » pour son père. C’était ce dernier qui lui avait demandé de l’ouvrir, notamment « pour des histoires avec sa femme ». Il avait fourni tous les justificatifs. Ce compte permettait à son père de se faire rembourser. A______ allait retirer l’argent et il le redonnait à C______, qui l’avait toujours aidé. Quand il retirait des petites sommes, c’était aussi à la demande de son père. Il avait complètement « zappé » d’en parler à l’hospice. E______ était l’ami de son père. Il ignorait pourquoi ce dernier voulait qu’un compte soit ouvert plutôt que de payer directement son père.
Cette « histoire de compte » le dépassait complètement. Il n’y comprenait rien. Quand son père lui en avait parlé, il lui avait dit que, à son avis, il n’avait pas le droit d’y procéder, mais son père lui avait expliqué que ça ne poserait pas de problème, que cela « n’était pas pareil et que c’était une autre personne qui lui devait de l’argent à lui ». Autant il avait bénéficié de l’aide de son père, autant il lui arrivait de se retrouver dans des situations inextricables en lien avec celui-ci. Il n’avait pas imaginé, ayant d’autres préoccupations quotidiennes, que si un petit montant tel qu’un remboursement de chauffage lui était crédité, cela serait problématique pour l’hospice. Cela faisait 30 ans qu’il était à l’hospice. On ne lui en n’avait jamais parlé.
Les représentants de l’hospice ont contesté n’avoir jamais parlé au recourant de la problématique des montants crédités sur son compte tels qu’un remboursement de frais de chauffage. La lettre du 16 août 2024 avait été considérée comme une demande de remise dès lors que A______ ne contestait ni le montant réclamé ni les calculs, et ne faisait état que de sa bonne foi et de sa situation financière difficile.
Les parties ont confirmé qu’aucune curatelle n’était en cours. L’assistante sociale avait posé la question à A______, lorsqu’elle avait repris le dossier en mai 2018. Tous deux étaient arrivés à la conclusion qu’en l’état cela n’était pas nécessaire. A______ continuait à gérer seul les questions administratives, tout en demandant parfois de l’aide, notamment à la gestionnaire de son dossier.
e. Dans ses observations finales, l’hospice s’en est rapporté à justice quant au droit applicable au vu de l’entrée en vigueur de la loi sur l'aide sociale et la lutte contre la précarité du 23 juin 2023 (LASLP - J 4 04). Les difficultés alléguées par le recourant ne suffisaient pas à établir une incapacité telle qu’elle aurait pu entraver la compréhension de son obligation de transparence envers l’hospice, ni remettre en cause l’appréciation de son absence de bonne foi. La situation du recourant ne remplissait pas l’une des deux conditions cumulatives nécessaires à l’obtention de la remise sollicitée.
f. Le recourant n’ayant pas souhaité produire d’observations finales, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.
1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a et 63 al. 1 let. c de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).
2. À titre liminaire, il convient de déterminer le droit applicable.
2.1 Le 1er janvier 2025 sont entrés en vigueur la LASLP et son règlement d'application du 17 avril 2024 (RASLP - J 4 04.01), abrogeant la LIASI et son règlement d'exécution du 25 juillet 2007 (RIASI - J 4 04.01).
2.2 Conformément aux principes généraux du droit intertemporel, lorsqu'un changement de droit intervient au cours d'une procédure administrative contentieuse ou non contentieuse, la question de savoir si le cas doit être tranché sous l'angle du nouveau ou de l'ancien droit se pose. En l'absence de dispositions transitoires, s'il s'agit de tirer les conséquences juridiques d'un événement passé constituant le fondement de la naissance d'un droit ou d'une obligation, le droit applicable est celui en vigueur au moment dudit événement. Dès lors, en cas de changement de règles de droit, la législation applicable reste en principe celle qui était en vigueur lors de la réalisation de l'état de fait qui doit être apprécié juridiquement ou qui a des conséquences juridiques (ATA/813/2022 du 17 août 2022 consid. 2b ; Thierry TANQUEREL/Frédéric BERNARD, Manuel de droit administratif, 3e éd., 2025, n. 406 ss).
2.3 À teneur de ses dispositions transitoires, la LASLP s'applique dès son entrée en vigueur à toutes les personnes bénéficiant des prestations prévues par la LIASI (art. 81 al. 1 LASLP). Les art. 48 à 54 LASLP s'appliquent aux prestations d'aide financière versées en application de l'ancienne loi, dans la mesure où elles auraient donné lieu à restitution selon cette loi et si l'action en restitution n'est pas prescrite au moment de l'abrogation de ladite loi (art. 81 al. 2 LASLP).
L'action en restitution se prescrit par cinq ans, à partir du jour où l'hospice a eu connaissance du fait qui ouvre le droit au remboursement. Le droit au remboursement s'éteint au plus tard dix ans après la survenance du fait (art. 36 al. 5 LIASI et 48 al. 5 et 51 al. 5 LASLP).
2.4 En l’occurrence, la LASLP contient des dispositions transitoires de sorte que les principes généraux du droit intertemporel ne trouvent pas application.
Le recourant a bénéficié de prestations d'aide financière remboursables en vertu de la LIASI entre le 1er mai 2017 et le 30 avril 2024. Les prestations d’aide financière versées en application de la LIASI ont donné lieu à restitution selon cette loi. L’action en restitution n’était pas prescrite au 1er janvier 2025, dès lors que l’hospice a eu connaissance de l’existence du compte D______ à la reddition du rapport d’enquête en octobre 2021, soit moins de cinq ans avant cette date, la décision de restitution ayant au surplus été prononcée le 19 juillet 2024.
Il s'ensuit que la LASLP est applicable in casu, sans que la décision de restitution prononcée en 2024 n’ait d’influence sur le droit applicable, conformément aux dispositions transitoires précitées (ATA/589/2025 du 27 mai 2025 consid. 2.1).
Il est précisé que les dispositions topiques ont un contenu similaire à celles de la LIASI – sous une réserve, en l'espèce favorable au recourant –, conformément aux considérants qui suivent.
3. Le litige porte sur la demande de restitution du montant de CHF 20'109.50, correspondant aux prestations financières versées pendant la période allant du 1er mai 2017 au 30 avril 2024, ainsi que sur le refus de remise y relatif.
3.1 La LASLP a pour but de renforcer la cohésion sociale, de prévenir l'exclusion et de lutter contre la précarité (art. 1 al. 1 LASLP). Elle vise à venir en aide aux personnes dans le besoin et à favoriser durablement l'autonomie, l'insertion sociale et l'insertion professionnelle (art. 1 al. 2 LASLP). Avec le RASLP, elle concrétise l'art. 12 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) et l'art. 39 al. 1 de la Constitution de la République et canton de Genève du 14 octobre 2012 (Cst-GE - A 2 00).
3.2 Le document intitulé « Mon engagement en demandant une aide financière à l'Hospice général » concrétise l'obligation de collaborer et de renseignement. Le bénéficiaire ou son représentant légal doit immédiatement déclarer à l'hospice tout fait nouveau de nature à entraîner la modification du montant des prestations d'aide financière qui lui sont allouées ou leur suppression (art. 45 al. 1 LASLP ; ATA/1304/2021 du 30 novembre 2021 consid. 3a ; ATA/93/2020 du 28 janvier 2020 consid. 3a). Il atteste notamment du fait que le bénéficiaire a été informé du caractère subsidiaire des prestations d'aide financière exceptionnelle et du fait que des prestations sociales ou d'assurances sociales ne peuvent se cumuler avec les prestations d'aide financière dont elles doivent être déduites (ATA/993/2025 du 9 septembre 2025 consid. 4.2).
3.3 La personne qui demande des prestations d’aide financière ou son représentant légal doit fournir gratuitement tous les renseignements nécessaires pour établir son droit et fixer le montant des prestations d’aide financière (art. 44 al. 1 LASLP).
La personne au bénéfice de prestations d’aide financière ou son représentant légal doit immédiatement déclarer à l’hospice tout fait nouveau de nature à entraîner la modification du montant des prestations d’aide financière qui lui sont allouées ou leur suppression (art. 45 al. 1 LASLP).
3.4 L’aide sociale est soumise au principe de subsidiarité, lequel est rappelé par l’art. 12 Cst. La personne dans le besoin doit avoir épuisé les possibilités d’auto‑prise en charge, les engagements de tiers et les prestations volontaires de tiers (ATA/1148/2024 du 1er octobre 2024 consid. 6.1 ; ATA/1116/2024 du 24 septembre 2024 consid. 2.1 ; Guido WIZENT, Sozialhilferecht, 2e éd., 2023, n. 422 ss). L'aide est subsidiaire, de manière absolue, à toute autre ressource, mais elle est aussi subsidiaire à tout revenu que le bénéficiaire pourrait acquérir par son insertion sociale ou professionnelle (ATF 146 I 1 consid. 8.2.1 ; ATA/649/2024 du 28 mai 2024 consid. 3.2 ; ATA/417/2024 du 26 mars 2024 consid. 3.8 ; MGC 2005-2006/I A p. 259 à propos de l'art. 9 LIASI, lequel a été largement repris par l'art. 22 LASLP, PL 13119 p. 82).
3.5 L’art. 24 al. 1 LASLP décrit le cercle des bénéficiaires des prestations d’aide financière en prévoyant qu’y ont droit les personnes qui ont leur domicile et leur résidence effective sur le territoire genevois (let. a), ne sont pas en mesure de subvenir à leur entretien (let. b) et répondent aux autres conditions de la loi
(let. c), lesquelles sont cumulatives.
L’aide financière ordinaire est calculée selon les modalités prévues par les art. 31 ss LASLP (art. 24 al. 2 LASLP).
3.6 L'art. 48 LASLP dispose qu'est considérée comme étant perçue indûment toute prestation qui a été touchée sans droit (al. 1). Par décision écrite, l'hospice réclame au bénéficiaire, à sa succession ou à ses héritiers qui l'ont acceptée, le remboursement de toute prestation d'aide financière perçue indûment par la suite de sa négligence ou de sa faute (al. 2). Le remboursement des prestations indûment touchées peut-être réclamé si le bénéficiaire, sans avoir commis de faute ou de négligence, n'est pas de bonne foi (al. 3). L'action en restitution se prescrit par cinq ans, à partir du jour où l'hospice a eu connaissance du fait qui ouvre le droit au remboursement. Le droit au remboursement s'éteint au plus tard dix ans après la survenance du fait (al. 5).
De jurisprudence constante, toute prestation obtenue en violation de l'obligation de renseigner l'hospice est une prestation perçue indûment (ATA/993/2025 précité consid. 4.4 ; ATA/1263/2024 du 29 octobre 2024 consid. 4.4 ; ATA/595/2024 du 14 mai 2024 consid. 3.5).
3.7 Conformément à l'art. 49 LASLP, la personne qui était de bonne foi n'est tenue au remboursement, total ou partiel, que dans la mesure où elle ne serait pas mise, de ce fait, dans une situation difficile (al. 1). Dans ce cas, elle doit formuler par écrit une demande de remise dans un délai de 30 jours dès l'entrée en force de la décision exigeant le remboursement. Cette demande de remise est adressée à l'hospice général (al. 2). L'exposé des motifs de la LASLP montre qu'un rapprochement avec le droit des assurances sociales a été voulu (PL 13119 p. 103).
De jurisprudence constante, les conditions de la bonne foi et de la condition financière difficile sont cumulatives (ATA/595/2024 précité consid. 4.1 et les références citées). La condition de la bonne foi doit être réalisée dans la période où le bénéficiaire concerné a reçu les prestations indues dont la restitution est exigée (arrêt du Tribunal fédéral 8C_766/2007 du 17 avril 2008 consid. 4 ; ATA/595/2024 précité consid. 4.1 ; ATA/50/2024 du 16 janvier 2024 consid. 4.1).
3.8 L'entrée en force formelle d'une décision administrative, qui équivaut à son caractère définitif, correspond au moment à partir duquel elle ne peut plus être contestée par un moyen juridictionnel ordinaire, c'est-à-dire un recours, une opposition ou une réclamation (Jacques DUBEY/Jean-Baptiste ZUFFEREY, Droit administratif général, 2e éd., 2025, n. 1343 s. ; cf. également art. 53 al. 1 let. a LPA).
3.9 En l'espèce, l’objet du litige doit être préalablement précisé.
L’hospice a rendu une décision intitulée « demande de restitution de prestations ». Dans sa correspondance du 16 août 2024, l’intéressé a indiqué « contester la décision de restitution de prestations ». Il contestait formellement la décision de restitution de prestations qui lui avait été notifiée. Il était profondément surpris et en désaccord avec cette décision, car il n’avait en aucun cas une intention de couler le système. Il relevait qu’il n’était pas en mesure de gérer seul ses démarches administratives et détaillait le rôle de son père, notamment les démarches que ce dernier lui avait demandé d’entreprendre. Il produisait notamment une reconnaissance de dette établie au nom de son père. Il concluait qu’il était convaincu qu’une fois « ces éléments examinés, vous comprendrez que cette situation résulte d’une mission de ma part et non d’une volonté de percevoir indûment des prestations ».
L’hospice a accusé réception de la correspondance sous l’intitulé « votre demande de remise ». Une décision sur demande de remise a été rendue et fait l’objet de la présente procédure. Toutefois, la décision initiale portait sur une demande de restitution. L’intéressé a contesté cette décision dans le délai de réclamation. La requalification qu’en a faite l’autorité intimée en « demande de remise » ne relève que de son interprétation. Comme l’ont confirmé en audience les représentants de l’hospice, cette voie a été prise au motif que le justiciable se prévalait de sa bonne foi et évoquait ses difficultés financières. Toutefois, d’une part, à aucun moment l’intéressé n’évoque le terme de remise. D’autre part, dès le début de la lettre, il indique contester devoir rembourser le montant querellé. C’est en conséquence à tort que l’hospice s’est limité à traiter la correspondance comme une demande de remise, privant l’intéressé d’une voie de recours et par voie de conséquence de l’analyse du bien-fondé de la décision de restitution tant par le directeur de l’hospice qu’éventuellement par la chambre de céans, voire le Tribunal fédéral.
3.10 Se pose dès lors préalablement la question du bien-fondé de la décision de restitution.
Le recourant bénéficie de prestations d'aide sociale depuis le 1er mai 1997.
Il a, à plusieurs reprises, signé le document « mon engagement ». Il a régulièrement déclaré n’avoir qu’un seul compte bancaire, auprès de la B______. Ce n’est que dans le cadre du rapport d’enquête des 7 et 14 octobre 2021 que l’existence du compte auprès du D______, ouvert le 19 avril 2018, est apparue. L’intéressé l’a tu le 18 mai 2018 lors d’un entretien avec son assistante sociale. Il a de même omis d’évoquer ce compte le 12 novembre 2021 lorsqu’il a rempli une nouvelle demande auprès de l’hospice. Il n’en a enfin pas parlé dans le cadre de la procédure d’enquête. Le recourant ne conteste pas ne pas avoir déclaré ce compte à l’hospice, contrairement à son devoir de collaborer et de le renseigner. Entendu en audience il déclare l’avoir « zappé ». Or, CHF 21'680.93 ont été crédités sur ce compte entre le 19 avril 2018 et le 5 juillet 2021.
Par ailleurs, le recourant ne conteste pas avoir bénéficié de quelques crédits sur son compte B______ dont il n’a pas été tenu compte à savoir CHF 5.15 en mai 2017 au titre de revenus SUISA, puis, ponctuellement, entre le 1er mai 2018 et le 30 avril 2024, 19 versements totalisant CHF 1'008.25.
Le montant total des revenus non déclarés s’élève ainsi à CHF 22'694.30 pour la période du 1er mai 2017 au 30 avril 2024. Sur ce montant, CHF 20'109.50 ont été avancés à tort par l’hospice et font l’objet de la demande de restitution.
Cette violation de son devoir de renseignements par le recourant a mené l’hospice à lui verser des prestations d’aide sociale financière supérieures à son droit. Un décompte mensuel précis est versé au dossier que le recourant ne conteste pas. La demande de restitution de prestations de CHF 20'109.50 est en conséquence fondée.
Dès lors que les prestations d'aide financière litigieuses ont été acquises en violation de l'obligation de renseigner, elles constituent, conformément à la jurisprudence constante, des prestations obtenues indûment, remboursables en vertu de l'art. 48 al. 2 LASLP.
Il est encore précisé que les difficultés d’ordre médical rencontrées par l’intéressé, sans être niées, n’ont pas, de l’avis des deux parties, une intensité qui impliquerait une mise sous curatelle. Elles ne sont dès lors pas de nature à infléchir le raisonnement qui précède.
3.11 S'agissant du refus de remise, le recourant prétend que les deux conditions en sont remplies, ce que l'intimé conteste. Dès lors, toutefois, que c'est la LASLP qui s'applique au présent litige, celle-ci prévoit expressément, à son art. 49 al. 2, que la demande de remise ne peut être formulée qu'après l'entrée en force de la décision exigeant le remboursement. Le contentieux y relatif est dès lors prématuré, la décision de remboursement n'entrant en force qu'à l'expiration du délai de recours contre le présent arrêt ou, en cas de recours au Tribunal fédéral, le jour où celui-ci prononcera son arrêt (art. 61 de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 - LTF - RS 173.110). La décision sur opposition attaquée doit dès lors être annulée en tant qu'elle refuse la remise, le recours devant être admis sur ce point même s'il doit en aller ainsi sur la base d'autres motifs que ceux soulevés dans le recours (ATA/1075/2025 précité consid. 3.11).
Les considérants qui précèdent conduisent à l'admission partielle du recours et à l'annulation de la décision attaquée en tant qu'elle porte sur la demande de remise.
4. Vu la nature du litige, aucun émolument ne sera perçu (art. 87 al. 1 LPA ; art. 11 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03). Malgré son issue, il ne sera pas alloué d'indemnité de procédure, dès lors que le seul motif retenu pour l'admission partielle du recours n'a pas été soulevé par le recourant (art. 87 al. 2 LPA).
* * * * *
PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE
à la forme :
déclare recevable le recours interjeté le 5 mars 2025 par A______ contre la décision sur opposition de l’Hospice général du 4 février 2025 ;
au fond :
l'admet partiellement ;
annule la décision sur opposition de l'Hospice général du 4 février 2025 en tant qu'elle porte sur la demande de remise, conformément aux considérants ;
la confirme pour le surplus ;
dit qu'il n'est pas perçu d'émolument, ni alloué d'indemnité de procédure ;
dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;
communique le présent arrêt à A______ ainsi qu'à l'Hospice général.
Siégeant : Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, présidente, Florence KRAUSKOPF, Patrick CHENAUX, juges.
Au nom de la chambre administrative :
| le greffier-juriste :
F. SCHEFFRE
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| la présidente siégeant :
F. PAYOT ZEN-RUFFINEN |
Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.
| Genève, le
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| la greffière :
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