Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public
ATA/1126/2025 du 14.10.2025 ( MARPU ) , REJETE
En droit
| RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||||
| POUVOIR JUDICIAIRE A/1804/2025-MARPU ATA/1126/2025 COUR DE JUSTICE Chambre administrative Arrêt du 14 octobre 2025 |
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dans la cause
A______ SA recourante
représentée par Mes Tarkan GÖKSU et Arnaud CONSTANTIN, avocats
contre
VILLE DE B______ - DÉPARTEMENT DE L'AMÉNAGEMENT, DES CONSTRUCTIONS ET DE LA MOBILITÉ
et
C______ SA et D______
représentées par Mes Nicolas OLLIVIER, Laura AZARIA et Thomas WIDMER, avocats intimées
A. a. A______ SA (ci-après : A______), dont le siège se trouve à E______ (FR), a notamment pour but de fournir des prestations d'études techniques de tous genres, en particulier dans le domaine de la construction industrielle.
b. C______ SA, dont le siège est à F______, a pour but tous travaux de serrurerie générale et constructions métalliques, montage et pose de toutes constructions métal et verre de sécurité ; achat et vente de matières premières et de produits préfabriqués concernant la serrurerie.
c. D______ (ci-après : D______), société dont le siège est à G______ aux Pays‑Bas, a pour but la fabrication de portes métalliques, de fenêtres, de leurs cadres et l’usinage.
d. Le 4 juin 2024, la Ville de B______ (ci-après : la ville) a déposé auprès du département du territoire (ci-après : DT) une demande d'autorisation de construire, enregistrée sous le n° DD 1______/1, portant sur des transformations intérieures et extérieures du bâtiment d'H______ (ci-après : H______), sis au 7, rue I______. Celui-ci est inscrit à l'inventaire des immeubles dignes d'être protégés depuis 2015.
e. Le 4 novembre 2024, la commission des monuments, de la nature et des sites (ci‑après : CMNS) a rendu un préavis favorable avec dérogation et souhaits.
À teneur du préavis, le projet prévoyait le remplacement de la quasi-totalité des menuiseries métalliques du bâtiment par de nouvelles menuiseries, dotées de vitrages isolants qui respectaient le partitionnement et la finesse des profilés des menuiseries existantes. Considérant les différents prototypes proposés réalisés in situ et la proposition de conserver au niveau du futur hall d'entrée certaines des menuiseries métalliques d'origine avec l'adjonction d'une seconde fenêtre à l'intérieur, elle admettait les interventions proposées, sous réserve qu'une solution permettant le réemploi des fenêtres remplacées soit étudiée et présentée.
f. Par décision du 20 décembre 2024, le DT a délivré l'autorisation de construire sollicitée, précisant que les conditions figurant dans les préavis mentionnés dans ladite décision, dont le préavis de la CMNS, devaient être respectées.
B. a. Le 5 novembre 2024, la ville a publié sur la plate‑forme « www.simap.ch » un appel d'offres public, soumis aux accords internationaux, en procédure ouverte pour l'exécution de travaux de fenêtres et de portes extérieures CFC 2______. TI portant sur le H______, en lien avec la DD 1______/1.
b. Selon les documents de l'appel d'offres, les critères de notation étaient le prix (30%), les références (25%), l'organisation (20%) et la qualité technique (25%). Il était indiqué, dans la rubrique portant sur la qualité technique : « respect de la section des profilés des fenêtres : largeur 30 mm et profondeur 80 à 100 mm ».
c. Le document intitulé « soumission n° 2______300 ; CFC 2______.3 - Fenêtres et portes extérieures » indiquait notamment, en son ch. 041.100 (système de fenêtres), ce qui suit : « fenêtre en acier ; produit de référence pour les détails type D______ SL-ISO PLUS ou similaire : profilés acier plein à rupture de pont thermique ; section du profilé : profondeur mm 86 pour les éléments ouvrants ; section visible de face : maximum mm 30 pour éléments fixes ; bords de tous les profilés à arête vive ».
Il prévoyait également, en son ch. 055.320 (fenêtres en acier), ce qui suit : « produit de référence pour les détails type D______ SL-ISO PLUS ou similaire : profilés acier plein à rupture de pont thermique ; section du profilé : profondeur 80 mm pour parties fixes ; section visible de face : maximum mm 30 pour éléments fixes ».
Enfin, son ch. 055.420 contenait la mention suivante : « dimensions : produit de référence pour les détails type D______ SL-ISO PLUS ou similaire : profilés acier plein à rupture de pont thermique ; section du profilé : profondeur 100 mm pour parties fixes, mm 86 pour les éléments ouvrants ; section visible de face : maximum mm 30 pour éléments fixes ».
d. En vue de présenter une offre, A______ a demandé à D______ et à C______ SA, respectivement titulaire du brevet sur le produit D______ SL‑ISO PLUS (mentionné dans les documents d'appel d'offres) et distributrice dudit produit en Suisse, de lui soumettre une offre concernant la fourniture de profilés D______ SL‑ISO PLUS, ce qu'elles ont refusé de faire, dans la mesure où elles prévoyaient également de déposer une offre.
e. A______ a également demandé à J______ SA, fournisseur de matériaux de construction, de lui fournir des profilés D______, ce que celle-ci a également refusé de faire, D______ étant détentrice d'un brevet sur lesdits profilés. Le fournisseur a néanmoins précisé, dans un courriel du 15 janvier 2025, qu'il pouvait fournir un produit alternatif répondant aux caractéristiques techniques de l'appel d'offres, moyennant quelques adaptations sur la base d'un produit de série, par exemple la série W 75TB.
f. A______ a déposé une offre pour un montant de CHF 5'996'161.10.
Elle offrait un profilé FORSTER UNICO XS ou similaire de 38 x 80 mm, en section creuse et avec des bords pliés, mais pouvait également réaliser le profilé avec du 30 x 80 mm.
g. Trois autres sociétés, soit K______ SA, L______ SA et le consortium C______ D______ ont également soumis une offre.
h. Dans son offre, le consortium C______ D______ a proposé des profilés D______ SL30 ISO PLUS, avec une profondeur de 80 à 100 mm et de 30 mm.
i. Le 27 janvier 2025, la ville a procédé à l'ouverture des offres.
j. Une séance a eu lieu le 6 février 2025 en présence du service des monuments et des sites (ci-après : SMS), d'un représentant de la direction du patrimoine bâti et des architectes du projet, l'objectif de la séance étant la « consultation du SMS ».
Selon le rapport de séance, le représentant de la direction du patrimoine bâti informait que plusieurs offres avaient été déposées avec des variantes proposées en profil FORSTER UNICO XS et seulement une offre en D______. Il se demandait si le profil FORSTER était une possibilité.
Le représentant du SMS a répondu que c'était le prototype D______ qui avait convaincu la CMNS d'accepter le remplacement des fenêtres, car proche de l'existant. En revanche, il n'y avait pas de validation avec des profilés plus épais et une forme plus massive à l'intérieur.
k. L______ SA et K______ SA ont été exclues de la procédure.
l. Par décisions du 12 mai 2025, la ville a également exclu A______ et adjugé le marché au consortium C______ D______.
C. a. Le recours interjeté par A______ contre la décision d’exclusion devant la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) a été enregistré sous le numéro de cause A/1803/2025.
b. Le 26 mai 2025, la chambre administrative a fait interdiction à la ville de conclure le contrat d'exécution de l'offre jusqu'à droit jugé sur la requête en octroi de l'effet suspensif.
c. Par arrêt du 26 août 2025, la chambre administrative a rejeté le recours de A______ contre son exclusion (ATA/920/2025).
ca. La recourante avait été exclue au motif que son offre ne répondait pas aux conditions du cahier des charges. Selon le pouvoir adjudicateur, le profilé FORSTER qu'elle avait présenté était un profilé en section creuse et non pleine ; ses bords étaient pliés et n'étaient donc pas à « arête vive ». Enfin, la largeur du profilé FORSTER était de 38 mm alors qu'elle aurait dû être de 30 mm au maximum.
Il n'était pas contesté que la recourante avait fourni une offre comportant un profilé FORSTER UNICO XS ou similaire de 38 x 80 mm, en section creuse avec des bords pliés.
Les conditions selon lesquelles 1) les fenêtres devaient avoir une largeur maximale de 30 mm, 2) le profilé devait avoir une section pleine et 3) les bords devaient être à arête vive étaient expressément prévues dans le cahier des charges, conformément à l'art. 27 RMP. La recourante ne s'étant pas conformée à ces spécifications techniques, son offre n'était pas conforme au cahier des charges. Même à prendre en compte sa précision selon laquelle elle pourrait également réaliser les fenêtres avec du 30 x 80 mm, ce qui n'était du reste qu'une hypothèse, il n'en demeurait pas moins que le produit proposé ne serait pas encore conforme au cahier des charges, les cadres proposés par la recourante n'étant pas conçus en acier plein ni avec des arêtes vives. En outre, on ne saurait considérer que la recourante avait proposé un produit similaire au produit de type D______ SL-ISO PLUS. Si les soumissionnaires avaient certes la possibilité d'inclure dans leurs offres un produit similaire à la référence D______ SL-ISO PLUS, conformément à l'art. 28 al. 2 let. b RMP, ledit produit devait correspondre aux spécifications techniques. Or, tel n'était pas le cas de l'offre de la recourante.
Le vice était important. Le marché en cause était un marché de construction portant sur le remplacement des fenêtres du H______, inscrit à l'inventaire et donc immeuble digne d'être protégé (art. 7 al. 1 de la loi sur la protection des monuments, de la nature et des sites du 4 juin 1976 - LPMNS - L 4 05). Dans son préavis favorable du 4 novembre 2024, la CMNS avait relevé que les nouvelles menuiseries métalliques proposées respectaient le partitionnement et la finesse des profilés des menuiseries existantes. Le 6 février 2025, le SMS, également spécialiste de la protection du patrimoine, avait confirmé que c'était le prototype D______ qui avait convaincu la CMNS d'accepter le remplacement des fenêtres, car celui-ci était proche de l'existant. Par conséquent, le respect des dimensions prévues par le prototype D______ et de ses caractéristiques techniques revêtait une importance particulière et était déterminant pour l'adjudication. Or, l'offre de la recourante s'en écartait de manière notable, puisqu'elle prévoyait un profilé dépassant de 8 mm (soit de plus de 25%) la largeur autorisée et conçu en section creuse (et non pas pleine) ainsi que des bords pliés, alors que ceux‑ci devraient être, selon le descriptif technique, à « arête vive ». Le 6 février 2025, le SMS avait d'ailleurs précisé, en tant que de besoin, que des profilés plus épais que le prototype D______ et ayant une forme plus massive à l'intérieur, tels que ceux proposées par la recourante, ne pouvaient être validés.
cb. Si les pièces du dossier montraient certes qu'offrir un profilé en section pleine, avec des arêtes vives et une section visible de maximum de 30 mm n'était pas une tâche nécessairement facile, notamment parce que la société D______ et C______ SA avaient refusé de lui fournir le produit D______, il ressortait du courriel du 15 janvier 2025, adressé par J______ SA à la recourante, que celle-là pouvait fournir un produit alternatif répondant aux caractéristiques techniques, moyennant quelques adaptations sur la base d'un produit de série, par exemple la série W 75TB. La recourante aurait ainsi pu se procurer un produit similaire au produit D______.
D'ailleurs, dans ces conditions, le fait que D______ dispose d'un brevet sur les profilés mentionnés dans l'appel d'offres n'était en soi pas problématique, les soumissionnaires disposant de la possibilité de fournir un produit « similaire » conforme au cahier des charges, ce qui était indiqué dans les documents d'appel d'offres, comme le permettait l'art. 28 al. 2 RMP dans de telles circonstances. Il n'y avait dès lors pas non plus de violation des principes d'égalité de traitement et de la garantie d'une concurrence efficace de ce point de vue.
cc. La recourante se plaignait de la préimplication de l'adjudicataire et estimait que celui-ci aurait dû être exclu de la procédure.
Ce grief n'avait toutefois pas à être analysé dans le cadre de la procédure contre la décision d’exclusion, puisque celle-ci ne concernait que le bien-fondé de l'exclusion de la recourante et ne saurait s'étendre à la seule situation de l'adjudicataire. Cela s'imposait d'autant plus que celui-ci n'était pas partie à la procédure.
D. a. Par acte remis à la poste le 22 mai 2025, A______ a également interjeté recours auprès de la chambre administrative contre l'adjudication.
Elle a conclu à ce que la décision d’adjudication soit réformée en ce sens que le marché lui était attribué. Subsidiairement, la décision devait être annulée et ordre devait être donné à la ville de lui adjuger le marché. Plus subsidiairement, la décision devait être annulée, la cause renvoyée à la ville pour instruction et nouvelle adjudication. Encore plus subsidiairement, il devait être constaté que l’adjudication au consortium ou à C______ SA était illicite et que la recourante avait droit à une indemnité de CHF 25'440.- pour l’établissement de son offre. Sur mesures provisionnelles, il devait être fait interdiction à la ville de conclure le contrat. Préalablement, elle sollicitait différents documents.
b. Le 26 mai 2025, la chambre administrative a fait interdiction à la ville de conclure le contrat d'exécution de l'offre jusqu'à droit jugé sur la requête en octroi de l'effet suspensif.
c. La ville a conclu au rejet du recours.
d. Le consortium a conclu au rejet du recours. Ayant été exclue, la recourante n’avait plus la qualité pour contester l’adjudication du marché. La conclusion principale en adjudication du marché à la recourante était irrecevable compte tenu de la marge d’appréciation dont bénéficiait le pouvoir adjudicateur. Tout au plus, la cause pourrait être renvoyée à ce dernier pour nouvelle décision. Elle ne disposait pas de chances raisonnables de se voir attribuer le marché en cas d’admission de son recours. La décision d’exclusion était justifiée.
e. Dans ses écritures de réplique des 14 juillet et 5 septembre 2025, le consortium a persisté dans ses conclusions.
Il devait être ordonné l’édition du brevet de D______ sur les dimensions des profilés de 30 mm avec les éventuels caviardages nécessaires par le consortium, respectivement par D______.
f. Le 12 septembre 2025, la cause a été gardée à juger, ce dont les parties ont été informées.
g. Dans une écriture spontanée du 19 septembre 2025, la ville a relevé que les exigences de la CMNS étaient connues dès le 5 octobre 2023, date à laquelle l’instance avait validé la variante dite V4, à savoir le remplacement complet des fenêtres existantes avec des profilés similaires à ceux existants.
La différence de 8 mm du profilé correspondait à un écart de plus de 25% avec ce qui était exigé dans le marché. Il était faux de soutenir que le produit Forster était similaire, voire assimilable à celui demandé.
h. Le 6 octobre 2025, la ville a relevé que, à sa connaissance, l’arrêt de la chambre de céans du 26 août 2025 n’avait pas fait l’objet d’un recours au Tribunal fédéral et que la décision d’exclusion de A______ était dès lors définitive. Elle sollicitait une décision rapide sur effet suspensif.
i. Par décision du 8 octobre 2025, le président de la chambre administrative a refusé d’octroyer l’effet suspensif au recours.
1. Le recours a été interjeté en temps utile et devant la juridiction compétente (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10 ; art. 15 al. 1bis let. d et al. 2 de l’accord intercantonal sur les marchés publics du 25 novembre 1994 - AIMP - L 6 05 ; art. 3 al. 1 de la loi autorisant le Conseil d’État à adhérer à l’accord intercantonal sur les marchés publics du 12 juin 1997 - L-AIMP - L 6 05.0 ; art. 55 let. c et 56 al. 1 du règlement sur la passation des marchés publics du 17 décembre 2007 - RMP - L 6 05.01).
2. La question de la qualité pour recourir de la recourante souffrira de rester indécise compte tenu de ce qui suit, la chambre de céans ayant toutefois relevé dans son arrêt du 26 août 2025 que le grief d’une éventuelle préimplication serait traité dans la présente procédure.
3. La recourante sollicite l'apport de l'ensemble du dossier d'adjudication, y compris les offres des entreprises K______ SA et L______ SA et du consortium D______ et C______ SA (adjudicataire), du rapport d'adjudication et du rapport de validation du prototype par le service des monuments et des sites (ci‑après : SMS) dans le cadre de la procédure de demande définitive ainsi que l’édition du brevet de D______ sur les dimensions des profilés de 30 mm, avec les éventuels caviardages nécessaires.
3.1 Tel qu’il est garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) le droit d’être entendu comprend notamment le droit pour l’intéressé d’offrir des preuves pertinentes et d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 148 II 73 consid. 7.3.1 ; 145 I 167 consid. 4.1). Le droit de faire administrer des preuves n’empêche cependant pas le juge de renoncer à l’administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s’il acquiert la certitude que celles-ci ne l’amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 145 I 167 consid. 4.1 ; 144 II 427 consid. 3.1.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_452/2024 du 16 janvier 2025 consid. 2.1).
3.2 En l'espèce et comme déjà jugé par la chambre administrative dans la cause A/1803/2025, la ville a produit l'offre de l'adjudicataire, non caviardée, selon l'accord de celle-ci, le tableau d'évaluation de son offre ainsi que deux pièces contenant les documents pertinents concernant la validation du prototype par le SMS. Il a donc été fait droit aux demandes de la recourante en tant qu'elles concernent ces éléments.
La procédure porte sur l’éventuelle préimplication et la production tardive d’une attestation par l’adjudicataire. Les offres de K______ SA et L______ SA ne sont dès lors pas pertinentes pour la solution du litige. Leur production ne sera par conséquent pas ordonnée.
L’édition du brevet ne sera pas ordonnée dès lors que la chambre administrative a déjà jugé que, d’une part, le fait que D______ dispose d'un brevet sur les profilés mentionnés dans l'appel d'offres n'était en soi pas problématique, les soumissionnaires disposant de la possibilité de fournir un produit « similaire » et, d’autre part, qu’il était possible de se procurer des produits répondant aux caractéristiques exigées par le pouvoir adjudicateur.
Pour le surplus, la recourante s'est vu offrir la possibilité de faire valoir ses arguments par écrit. Elle s'est ainsi exprimée de manière circonstanciée sur l'objet du litige et a produit les pièces auxquelles elle s'est référée dans ses écritures. Il en va de même de la ville. La chambre de céans dispose ainsi d'un dossier qui lui permet de statuer en connaissance de cause.
Il ne sera donc pas procédé aux actes d'instruction sollicités.
4. La recourante se plaint de la constatation inexacte des faits pertinents, la ville ayant, selon elle, retenu à tort qu'elle n'avait pas soumis une offre de base et que son offre n'était pas conforme au cahier des charges ce qui aurait permis l’adjudication du marché au consortium.
Ce grief a toutefois été tranché dans la cause parallèle, la chambre de céans ayant retenu qu’en tous les cas l’offre de la recourante ne correspondait pas au cahier des charges et/ou au descriptif technique.
Au vu de sa motivation, ce grief, d’ores et déjà tranché par la chambre de céans, doit être rejeté en tant qu’il serait recevable dans la présente cause.
5. La recourante contestant que son offre n'était pas conforme au cahier des charges, se plaint également d'une inégalité de traitement et d'un défaut de concurrence efficace.
Ce grief a été tranché dans la cause parallèle, la chambre de céans ayant retenu que l’offre de la recourante ne correspondait pas au cahier des charges et/ou au descriptif technique et que par voie de conséquence les principes d’égalité de traitement et de concurrence efficace avaient été respectés.
Au vu de sa motivation, ce grief, d’ores et déjà tranché par la chambre de céans, doit être rejeté en tant qu’il serait recevable dans la présente cause.
6. La recourante se plaint d’une confusion entre les critères de participation et d’aptitudes pris en compte qui aurait conduit à son exclusion.
À l’instar des griefs précédents, celui-ci a été tranché dans la cause parallèle, la chambre de céans ayant retenu que la question de savoir si ces spécifications techniques doivent être considérées comme des critères d'aptitude n'est dès lors pas déterminante, puisqu'une offre qui n'est, comme en l'espèce, pas conforme au cahier des charges, peut être écartée (art. 42 al. 1 let. a RMP).
Au vu de sa motivation, ce grief, d’ores et déjà tranché par la chambre de céans, doit être rejeté en tant qu’il serait recevable dans la présente cause.
7. La recourante relève que le consortium ne remplissait pas les conditions de participation faute d’avoir produit à temps l’attestation en matière d’assurances sociales. Le document avait été produit tardivement, le 23 janvier 2025, au lieu du 22 janvier à 11 heures, était rédigé en anglais et signé électroniquement. Même à considérer qu’un délai supplémentaire puisse être accordé, ce qui était contesté, le document ne remplissait pas les exigences d’une attestation en matière d’AVS. Conformément à l’art. 32 al. 1 let. a RMP, l’offre du consortium n’aurait pas dû être prise en compte.
7.1 Une offre est écartée d'office lorsque le soumissionnaire a rendu une offre tardive, incomplète ou non conforme aux exigences ou au cahier des charges (art. 42 al. 1 let. a RMP). L’autorité adjudicatrice examine la conformité des offres au cahier des charges (art. 39 RMP).
Les offres déposées doivent comporter notamment diverses attestations qui, pour être valables, « ne doivent pas être antérieures de plus de trois mois à la date fixée pour leur production, sauf dans les cas où elles ont, par leur contenu, une durée de validité supérieure » (art. 32 al. 3 RMP).
7.2 Le droit des marchés publics est formaliste, comme la chambre de céans l’a déjà rappelé à plusieurs reprises (ATA/271/2012 du 8 mai 2012 consid. 10 ; ATA/10/2009 du 13 janvier 2009 ; ATA/95/2008 du 4 mars 2008 ; ATA/79/2008 du 19 février 2008 ; ATA/250/2006 du 9 mai 2006 ; ATA/150/2006 du 14 mars 2006) et c’est dans le respect de ce formalisme que l’autorité adjudicatrice doit procéder à l’examen de la recevabilité des offres et à leur évaluation.
L’interdiction du formalisme excessif, tirée de la garantie à un traitement équitable des administrés énoncée à l’art. 29 Cst., ne permet pas d’exclure une offre présentant une informalité de peu de gravité. C’est dans ce sens que des erreurs de calculs et d’écritures peuvent être rectifiées (art. 39 al. 2 RMP) et que des explications peuvent être demandées aux soumissionnaires relatives à leurs aptitudes et à leurs offres (art. 40 et 41 RMP).
7.3 Il ressort de la jurisprudence de la chambre de céans que la pratique - plus souple - de la ville consistant à séparer les offres proprement dites des attestations, et à donner un bref délai aux soumissionnaires pour remédier à tout défaut dans la production desdites attestations n'est pas mise en cause. Les autorités adjudicatrices peuvent se montrer plus ou moins strictes par rapport au respect des exigences formelles, mais doivent en tout état respecter l'égalité de traitement entre soumissionnaires (ATA/350/2020 du 16 avril 2020 ; ATA/401/2012 du 26 juin 2012 consid. 7 et 9 et les références citées).
7.4 En l’espèce, conformément à sa pratique, la ville a accordé un délai complémentaire au 27 janvier 2025 à 11 heures à l’entreprise étrangère pour fournir l’attestation concernant le respect des obligations sociales qui manquait. Cette information résulte du tableau des attestations, complété par l’unité soumission du pouvoir adjudicateur. L’attestation manquante a été remise par le consortium le 23 janvier 2025, soit dans le délai complémentaire imparti. Il n'est pour le surplus pas allégué que l’égalité de traitement sur ce point n’aurait pas été respectée.
Dans ces conditions, le grief de remise tardive de l’attestation doit être écarté, pour autant qu’il soit recevable, ce qui souffrira de rester indécis.
8. La recourante s’est plainte, dans la cause parallèle, de la préimplication de l'adjudicataire et estimait que celui-ci aurait dû être exclu de la procédure.
8.1 Ce grief n'a pas été analysé dans le cadre de la procédure concernant le bien-fondé de l'exclusion de la recourante, au motif notamment que l’adjudicataire n’était pas partie à la procédure. L’arrêt du 26 août 2025 précisait que le grief de préimplication de l'adjudicataire serait analysé, en tant que de besoin, dans le cadre de la présente procédure.
8.2 La libre concurrence doit être garantie pour l'obtention des fournitures et des prestations de construction et de services (art. 17 al. 1 RMP).
8.3 Aux termes de l'art. 31 RMP, ne peuvent présenter d'offre les membres de l'autorité adjudicatrice qui participent à la préparation et à l'élaboration des documents d'appel d'offres ou aux procédures de passation des marchés publics (al. 1 let. a) ainsi que les mandataires qui assistent l'autorité adjudicatrice dans l'organisation de la procédure d'appel d'offres ou l'établissement des documents d'appel d'offres (al. 1 let. b). L'autorité adjudicatrice indique, dans les documents d'appel d'offres, si le prestataire ayant effectué une prestation préalable en lien avec le marché à adjuger peut présenter une offre et pour quels motifs (al. 2).
8.4 Il y a préimplication lorsqu'un soumissionnaire a participé à la procédure d'appel d'offres, par exemple en établissant les bases du projet, en élaborant les documents d'appel d'offres ou encore en fournissant au pouvoir adjudicateur des informations sur des données spécifiques techniques concernant les biens à acquérir (arrêt du Tribunal fédéral 2P.164/2004 du 25 janvier 2005 consid. 3.1 ; ATA/265/2022 du 15 mars 2022 consid. 3d et les références citées). Une telle préimplication est susceptible de porter atteinte au principe de l'égalité de traitement entre concurrents ; le soumissionnaire se trouvant dans une telle situation peut en effet être tenté d'influencer le pouvoir adjudicateur en ce sens que le nouveau marché soit configuré en fonction de son produit ou de sa prestation ; il peut aussi mettre à profit les connaissances acquises durant la préparation de la procédure de passation ou encore tenter d'influencer le pouvoir adjudicateur en se servant des contacts établis avec les personnes (arrêt du Tribunal fédéral 2P.164/2004 précité consid. 3.1 ; ATA/31/2024 du 11.01.2024 consid. 6.2).
8.5 Les avis divergent sur la répartition du fardeau de la preuve dans le cas de prétendus avantages concurrentiels résultant d'une implication préalable. Selon la règle générale, la personne qui veut tirer des droits d'un fait allégué doit en prouver l'existence (art. 8 du Code civil suisse du 10 décembre 1907 - CC – RS 210) ; en cas de contestation d'une attribution de marché, le soumissionnaire qui prétend avoir de meilleures chances de se voir attribuer le marché en excluant le soumissionnaire prétendument préimpliqué doit prouver la préimplication de même que sa nature et son intensité. Que la préimplication entraîne un avantage concurrentiel est une présomption légale ; en revanche, qu'aucun avantage de ce type n'a été obtenu dans le cas d'espèce ou que l'avantage a été suffisamment compensé incombe, selon les circonstances, soit au pouvoir adjudicateur, soit au soumissionnaire préimpliqué (ATAF 2020 IV/6 consid. 3.1.3 ; ATA/265/2022 du 15 mars 2022 consid. 3e et les références citées).
8.6 Le cas du renouvellement d’un mandat antérieur soulève des difficultés analogues à celui de la participation à la préparation de la procédure d'appel d'offres. Il est toutefois généralement admis que l’entreprise précédemment au bénéfice du mandat est habilitée à concourir à nouveau (Cédric HÄNER, in : Hans Rudolf TRÜEB [édit.], Handkommentar zum Schweizerischen Beschaffungsrecht, 2020, n. 9 ad art. 14 LMP et les références). Le seul fait qu’un soumissionnaire a déjà été fournisseur des biens mis en soumission ne constitue pas une préimplication illicite ; il en résulte que l'offre faite par le fournisseur précédent ne peut être considérée comme un avantage concurrentiel que le pouvoir adjudicateur aurait dû divulguer et compenser (ATA/265/2022 précité consid. 3e et les références citées).
8.7 Le grief ayant trait à la préimplication d’un soumissionnaire doit, par analogie avec les règles sur les demandes de récusation, être soulevé immédiatement, c'est à dire en principe lorsque l'intéressé prend connaissance de faits à partir desquels une préimplication peut être déduite (ATAF B‑1958/2013 du 23 juillet 2013 consid. 2.3). Celui qui laisse se dérouler la procédure d’attribution du marché et attend pour agir de voir si l’adjudication lui est favorable contrevient aux règles de la bonne foi ; il est alors forclos pour se plaindre de la préimplication. Le simple fait d'avoir pris connaissance de l'avis de concours et du dossier d'appel d'offres ne peut cependant être considéré comme suffisant à cet égard, même lorsqu'ils indiquent qu'un concurrent a participé à la préparation de l'appel d’offres (Christoph JÄGER, Die Vorbefassung des Anbieters im öffentlichen Beschaffungsrecht, 2009, p. 282 ; contra TA SG B 2018/53 du 1er mars 2018, résumé in DC 1/2019 n. 19). La péremption du droit d’invoquer ce grief n’entre en considération que si l’adjudicateur a respecté son devoir d’information et de transparence, en exposant clairement les faits qui permettaient aux soumissionnaires de se rendre compte aisément du genre et de l’importance de la participation d’un de leurs concurrents à la procédure (ATA/265/2022 du précité consid. 3e et les références citées).
8.8 En l’espèce, le consortium a indiqué que C______ disposait d’une expertise indéniable dans la restauration du patrimoine dont c’était précisément le cœur de métier, précisant que ladite société avait été mandatée pour la rénovation du bâtiment historique de la société genevoise d’instruments de physique (ci‑après : SIP) en 2016, lequel faisait partie du même site historique que le H______. C______ avait installé les mêmes profilés, fournis par D______, que ceux offerts dans sa soumission. Ces travaux, gage de qualité, avaient incontestablement joué un rôle dans l’évaluation par la ville du critère relatif aux références.
Les documents d’appel d’offres ne font pas mention de ce que C______ aurait été mandatée pour la rénovation de la SIP en août 2016.
Se pose en conséquence préalablement la question de savoir si lesdits travaux répondent à la définition de la préimplication.
Il ressort de la jurisprudence précitée qu’il y a préimplication lorsqu'un soumissionnaire a participé à la procédure d'appel d'offres, par exemple en établissant les bases du projet, en élaborant les documents d'appel d'offres ou encore en fournissant au pouvoir adjudicateur des informations sur des données spécifiques techniques concernant les biens à acquérir. Tel n’est manifestement pas le cas en l’espèce puisqu’il n’est pas même allégué que C______ aurait participé à la procédure d’appel d’offres.
Pour ce motif déjà, le grief doit être rejeté.
Il ne peut pas non plus être considéré que le marché du H______ serait la suite du marché de la SIP de 2016. La recourante ne le soutient d’ailleurs pas. Les marchés de la SIP en 2016 et du H______ en 2024 sont distincts, portent sur des bâtiments différents, avec des caractéristiques qui leur sont propres. S’il est exact que les immeubles concernés appartiennent au site de l’ancienne SIP, les bâtiments accueillant la SIP s’étendaient sur deux parcelles couvrant une surface totale de plus de 7'560 m². Dans son arrêté du 24 septembre 2015 approuvant l’inscription à l’inventaire notamment du bâtiment du H______, le département listait pas moins de 21 bâtiments dont seul deux, dont le H______, sur la parcelle n° 3'255. Une liste des bâtiments précise d’ailleurs, pour chacun d’entre eux, la valeur historique, la valeur spatiale ainsi que les structures, apports de lumière et autres éléments à conserver, ainsi que la période de construction et l’architecte. En l’espèce, le H______ a été construit par Edmond PINGEON en 1958. Il est précisé que l’immeuble prolonge le bâtiment C, construit en 1939 par le même architecte, et constitue avec ce dernier un vaste ensemble se développant sur plus de 85 m. Bien que situés sur un ancien site industriel, les bâtiments, et donc a fortiori les travaux de rénovation, sont distincts.
Pour le surplus, la recourante ne détaillant pas son grief de préimplication, il doit être rejeté.
Enfin, si, comme le soutient l’adjudicataire, « ces travaux, gage de qualité, avaient incontestablement joué un rôle dans l’évaluation par la ville du critère relatif aux références », le consortium ne s’est pas limité à ces références, mentionnant aussi deux autres projets d’envergure réalisés en Suisse et aux Pays-Bas, notamment la rénovation du Palais des Nations à Genève en 2014 où plus de 1'300 fenêtres avaient été fabriquées et posées ainsi que la restauration du siège SHELL à La Haye en 2022 impliquant la conception et la pose de 1'400 fenêtres et portes en acier.
Les conditions d’une préimplication n’étant pas remplies, le grief doit être écarté.
8.9 Les considérants qui précèdent conduisent au rejet du recours.
9. Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 1'500.- sera mis à la charge de la recourante, qui succombe (art. 87 al. 1 LPA). Une indemnité de procédure de CHF 1'500.- sera allouée à l’adjudicataire, à la charge de la recourante. Il ne sera pas alloué d'indemnité de procédure au pouvoir adjudicateur (art. 87 al. 2 LPA), la ville disposant de son propre service juridique par lequel elle a du reste procédé (ATA/498/2025 du 6 mai 2025 consid. 6 et l'arrêt cité ; ATA/727/2024 du 18 juin 2024 consid. 4 et l'arrêt cité).
* * * * *
PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE
rejette en tant qu’il est recevable le recours interjeté le 22 mai 2025 par A______ SA contre la décision de la Ville de B______ du 12 mai 2025 adjugeant le marché ;
met un émolument de CHF 1’500.- à la charge de A______ SA ;
alloue une indemnité de procédure de CHF 1'500.- à C______ SA et D______, pris solidiairement, à la charge de A______ SA ;
dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;
- par la voie du recours en matière de droit public :
si la valeur estimée du mandat à attribuer n’est pas inférieure aux seuils déterminants de la loi fédérale du 16 décembre 1994 sur les marchés publics ou de l’accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse et la Communauté européenne sur certains aspects relatifs aux marchés publics ;
s’il soulève une question juridique de principe ;
- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF ;
le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession de la recourante, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;
communique le présent arrêt à Mes Tarkan GÖKSU et Arnaud CONSTANTIN, avocats de la recourante, à Mes Nicolas OLLIVIER, Laura AZARIA et Thomas WIDMER, avocats du consortium, à la ville de B______ – département de l'aménagement, des constructions et de la mobilité – ainsi qu'à la commission de la concurrence.
Siégeant : Florence KRAUSKOPF, présidente, Jean-Marc VERNIORY, Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, Claudio MASCOTTO, Michèle PERNET, juges.
Au nom de la chambre administrative :
| la greffière-juriste :
M. MICHEL
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| la présidente siégeant :
F. KRAUSKOPF |
Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.
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Genève, le |
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la greffière : |