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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3762/2024

ATA/731/2025 du 27.06.2025 ( EXPLOI ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3762/2024-EXPLOI ATA/731/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 27 juin 2025

2ème section

 

dans la cause

 

A______ recourant
représenté par Me Diego LEIS, avocat

contre

DIRECTION DE LA POLICE DU COMMERCE ET DE LUTTE

CONTRE LE TRAVAIL AU NOIR intimée

 



EN FAIT

A. a. A______ exploite un restaurant à l'enseigne « B______ », rue C______ en ville de Genève.

b. Selon un rapport établi le 8 juin 2024 par la police municipale, lors d'une patrouille le 6 juin 2024 à 23h30, une musique émanant de l'établissement – dont les fenêtres et la porte principale étaient ouvertes –, audible à une distance de 20 m, était diffusée au moyen d'un appareil reproducteur de son. Son volume était bien plus élevé que celui d'une musique d'ambiance.

c. Selon un rapport établi le 15 juillet 2024 par la police municipale, lors d'une patrouille le 6 juillet 2024 à 01h00, la musique, audible depuis une quarantaine de mètres de l'établissement, était de nature à engendrer un inconvénient pour le voisinage.

d. Selon un rapport établi le 29 juillet 2024 par la police municipale, lors d'une patrouille le 25 juillet 2024 à 21h00, la musique, audible depuis une centaine de mètres de l'établissement et de nature à engendrer un inconvénient pour le voisinage, dépassait le niveau de musique de fond sonore, au point que les agents de police avaient dû demander que le volume sonore soit baissé afin de pouvoir discuter avec l'exploitant.

B. a. Le 9 septembre 2024, la direction de la police du commerce et de lutte contre le travail au noir (ci-après : PCTN) a communiqué à A______ les trois rapports de police et l'a informé qu'elle envisageait de lui infliger une sanction ainsi qu'une mesure administrative.

Un délai lui était imparti pour faire valoir d'éventuelles observations.

b. Le 25 septembre 2024, A______ a indiqué à la PCTN qu'il avait pris des mesures concernant la fermeture des fenêtres, « à l'aide de colliers serflex », pour éviter que les clients prennent la liberté de les ouvrir pendant l'été. Il a également indiqué que les soirs de grande affluence, il disposait d'un « chuchoteur » à la porte.

c. Par décision du 11 octobre 2024, la PCTN a restreint l'horaire d'exploitation de l'établissement à l'enseigne « B______ » à minuit, du lundi au dimanche, pour une durée d'un mois, en application de l'art. 63 al. 2 let. a de la loi sur la restauration, le débit de boissons, l’hébergement et le divertissement du 19 mars 2015 (LRDBHD ‑ I 2 22), et a infligé à A______ une amende de CHF 2'935.- conformément à l'art. 65 LRDBHD.

Les animations musicales détectées par la police produisaient un bruit excessif, ce qui constituait des infractions aux art. 24 al. 2 LRDBHD et 44 al. 3 du règlement d'exécution de la loi sur la restauration, le débit de boissons, l'hébergement et le divertissement du 28 octobre 2015 (RRDBHD - I 2 22.01). Les diffusions de musique étaient en outre organisées sans autorisation, dont la délivrance aurait dû préalablement lui être demandée, ce qui constituait des infractions aux art. 36 al. 1 LRDBHD et 35 al. 1 RRDBHD.

A______ avait déjà fait l'objet d'amendes administratives en raison d'infractions à la LRDBHD, par décisions du 7 octobre 2022 (amende de CHF 2'540.-) et du 21 février 2024 (amende de CHF 2'235.-), ce dont il devait être tenu compte.

C. a. Par acte du 11 novembre 2024, A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative), concluant principalement à l'annulation de la sanction administrative du 11 octobre 2020 (recte : 2024) et subsidiairement à l'annulation de la restriction de l'horaire d'exploitation et au prononcé d'une amende n'excédant pas CHF 2'000.-.

Il reprochait à la PCTN d'avoir constaté les faits de manière incomplète, d'avoir violé le principe de proportionnalité et d'avoir violé les règles de compétence prévues à l'art. 63 al. 2 LRDBHD. Il ne contestait pas la réalisation des infractions en soi, mais la proportionnalité et la licéité des sanctions prononcées.

La PCTN avait mal constaté les faits en ne retenant pas les mesures concrètes qu'il avait mises en œuvre afin de réduire les nuisances de son établissement. Par ailleurs, l'amende prononcée à son encontre était disproportionnée, en ce sens qu'elle « s'écart[ait] de manière significative » de l'amende prononcée le 21 février 2024 pour des infractions similaires – en particulier si l'on tenait compte du fait que l'amende était couplée à une « restriction incisive » de l'horaire d'exploitation du restaurant.

De surcroît, il remettait en doute l'efficacité de la restriction ordonnée, puisqu'il en résulterait vraisemblablement des nuisances plus importantes entre 23h30 et minuit – proche de la phase d'endormissement du voisinage – tandis qu'une fermeture à 01h00 permettrait de répartir les départs de la clientèle entre 23h00 et 01h00. En ce sens, cette mesure ne pouvait être prise qu'en concertation avec le service de l'air, du bruit et des rayonnements non ionisants (ci-après : SABRA).

Il produisait notamment des pièces en lien avec l'installation de « rideau[x] anti‑bruit » ainsi que l'engagement d'un employé polyvalent chargé de faire respecter les normes en matière de bruit par la clientèle de l'établissement.

b. Le 13 décembre 2024, la PCTN a conclu au rejet du recours.

Pas moins de 20 rapports de police et dénonciations avaient donné lieu, entre 2019 et 2024, à sept sanctions de sa part – qu'elle produisait – faisant état d'animations musicales organisées sans autorisation ou d'exploitation de manière à engendrer des inconvénients pour le voisinage. Le nombre élevé et le caractère réitéré des infractions commises par le recourant, ayant dûment fait l'objet de sanctions, démontraient un mépris important de la réglementation cantonale en matière de tranquillité publique. Par ailleurs, le recourant semblait omettre que la LRDBHD prévoyait des mesures administratives plus incisives que celle prononcée par décision du 11 octobre 2024. Elle avait ainsi respecté le principe de la proportionnalité.

c. Le juge délégué a accordé aux parties un délai au 31 janvier 2025 pour formuler toutes requêtes ou observations complémentaires, après quoi la cause serait gardée à juger.

d. Les parties ne se sont pas manifestées dans ce délai.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).

2.             Le recourant conteste l'amende infligée par la PCTN. Il fait grief à cette dernière d'avoir constaté les faits de manière incomplète et d'avoir violé le principe de proportionnalité.

2.1 Selon l'art. 1 LRDBHD, cette loi a pour but de régler les conditions d'exploitation des entreprises vouées à la restauration et/ou au débit de boissons à consommer sur place, à l’hébergement, ou encore au divertissement public (al. 1). Elle vise à assurer la cohabitation de ces activités avec les riverains, notamment par leur intégration harmonieuse dans le tissu urbain, et à développer la vie sociale et culturelle et sa diversité, dans le respect de l'ordre public, en particulier la tranquillité, la santé, la sécurité et la moralité publiques (al. 2). Les dispositions notamment en matière de protection de l'environnement, de tranquillité publique, de protection du public contre les niveaux sonores élevés ainsi que de santé prévues par d’autres lois ou règlements sont réservées. Leur application ressortit aux autorités compétentes (al. 4).

2.2 Parmi les obligations des exploitants d’entreprises vouées à la restauration et au débit de boissons, les art. 24 al. 2 LRDBHD et 44 al. 3 RRDBHD prévoient que l’exploitation de l’entreprise doit se faire de manière à ne pas engendrer d’inconvénients pour le voisinage.

2.3 Sauf dans les dancings et cabarets-dancings, toute animation, telle que la musique, la danse ou la présentation d'un spectacle, est subordonnée à l'obtention préalable d'une autorisation du département (art. 36 al. 1 LRDBHD et 35 al. 1 RRDBHD).

2.4 À teneur de l’art. 60 LRDBHD, le département est l’autorité compétente pour décider des mesures et sanctions relatives à l’application de la loi. Sont réservées les dispositions spéciales de la loi qui désignent d’autres autorités, de même que les mesures et sanctions prévues par d’autres lois et règlements qui relèvent notamment des domaines visés à l’art. 1 al. 4 LRDBHD (al. 1). Tout rapport établi par la police, ou par tout autre agent de la force publique habilité à constater les infractions à la LRDBHD, est transmis sans délai au département (al. 2).

De jurisprudence constante, la chambre administrative accorde généralement valeur probante aux constatations figurant dans un rapport de police, établi par des agents assermentés (ATA/897/2018 du 4 septembre 2018 consid. 7f ; ATA/73/2017 du 31 janvier 2017 consid. 7 et les références citées), sauf si des éléments concrets permettent de s’en écarter.

2.5 Aux termes de l'art. 65 LRDBHD intitulé « amendes administratives », en cas d'infraction à cette loi et à ses dispositions d'exécution, ainsi qu'aux conditions des autorisations, le département peut infliger une amende administrative de CHF 300.- à CHF 60'000.- à la place ou en sus du prononcé de l'une des mesures prévues à l'art. 63 LRDBHD (al. 1).

2.6 Les amendes administratives prévues par les législations cantonales sont de nature pénale, car aucun critère ne permet de les distinguer clairement des contraventions pour lesquelles la compétence administrative de première instance peut, au demeurant, aussi exister (ATA/1158/2019 du 19 juillet 2019 consid. 3 ; ATA/12/2015 du 6 janvier 2015 et les références citées ; Pierre MOOR/Étienne POLTIER, Droit administratif : les actes administratifs et leur contrôle, vol. 2, 2011, ch. 1.4.5.5 p. 160 s.).

2.7 L’autorité qui prononce une amende administrative ayant le caractère d’une sanction doit également faire application des règles contenues aux art. 47 ss du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0 ; principes applicables à la fixation de la peine ; par renvoi de l’art. 1 let. a de la loi pénale genevoise du 17 novembre 2006 - LPG - E 4 05 ; ATA/1158/2019 précité consid. 5b ; ATA/1457/2017 du 31 octobre 2017 consid. 7a ; ATA/824/2015 du 11 août 2015 consid. 14c). Il est ainsi nécessaire que le contrevenant ait commis une faute, fût‑ce sous la forme d’une simple négligence.

2.8 Par ailleurs, l’amende doit respecter le principe de la proportionnalité (art. 36 al. 3 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 ‑ Cst. ‑ RS 101). Il y a lieu de tenir compte de la culpabilité de l’auteur et de prendre en considération, notamment, les antécédents et la situation personnelle de ce dernier (art. 47 al. 1 CP). La culpabilité est, notamment, déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l’acte, par les motivations et les buts de l’auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu des circonstances (art. 47 al. 2 CP ; ATA/1158/2019 précité consid. 5b ; ATA/1457/2017 précité consid. 7b ; ATA/824/2015 consid. 14d).

La PCTN jouit d’un large pouvoir d’appréciation pour fixer le montant de l’amende. La juridiction de céans ne le censure qu’en cas d’excès ou d’abus (ATA/1158/2019 précité consid. 5b ; ATA/331/2018 du 10 avril 2018 consid. 8b et les références citées).

2.9 En l'espèce, la PCTN s'est fondée sur les rapports des 8 juin, 15 juillet et 29 juillet 2024 de la police, laquelle a constaté un bruit excessif les 6 juin, 6 juillet et 25 juillet 2024.

2.9.1 Rien ne permet de s'écarter des constatations figurant dans ces rapports. Le recourant ne nie, au demeurant, pas le « problème – incontesté – des nuisances sonores générées par l'exploitation de son établissement », ni avoir organisé des animations musicales sans autorisation, en contravention avec l'art. 36 LRDBHD.

C'est ainsi sans abus ni excès de son pouvoir d'appréciation et après avoir correctement établi les faits que la PCTN a conclu que trois infractions à l'art. 36 al. 1 LRDBHD et deux infractions à l'art. 24 al. 2 LRDBHD avaient été commises aux dates précitées.

2.9.2 Le recourant se plaint du montant – de CHF 2'935.- – de l'amende infligée par la PCTN.

Quoi que l'intéressé en dise, il ne peut être retenu que la gravité des infractions constatées serait « toute relative ». Il reconnaît d'ailleurs lui-même que ses efforts continus et sa prédisposition au dialogue n'empêchent pas « en moyenne [trois] à [quatre] infractions par année civile ».

Le recourant a déjà fait l'objet d'amendes de CHF 2'540.- par décision du 7 octobre 2022, et de CHF 2'235.- par décision du 21 février 2024, en raison de six infractions à l'art. 36 al. 1 LRDBHD et de six infractions à l'art. 24 al. 2 LRDBHD, respectivement de trois infractions à l'art. 36 al. 1 LRDBHD, de deux infractions à l'art. 22 al. 3 LRDBHD, d'une infraction à l'art. 24 al. 2 LRDBHD, d'une infraction à l'art. 45 al. 9 à 11 RRDBHD et d'une infraction à l'art. 6 de la loi sur l'interdiction de fumer dans les lieux publics du 22 janvier 2009 (LIF - K 1 18).

Compte tenu du cumul d'infractions, de sa culpabilité et de ses antécédents, le montant de l'amende n'apparaît pas disproportionné, ni s'écarter « de manière significative » des amendes précédemment prononcées à son encontre. Le recourant ne fait pas non plus valoir, preuves à l'appui, que sa situation financière ne lui permettrait pas de s'acquitter du montant infligé.

Le grief sera écarté.

3.             Le recourant reproche ensuite à l'intimée de ne pas avoir saisi le SABRA pour qu'il se détermine. Ce grief a trait à la compétence de l'autorité.

3.1 La compétence des autorités est déterminée par la loi et ne peut être créée par accord entre les parties (art. 11 al. 1 LPA).

3.2 Si l'infraction relève des règles en matière de protection de l'environnement, le département peut notamment prononcer, en concertation avec l'autorité compétente en la matière, des restrictions, pour une durée de dix jours à six mois, à l'horaire d'exploitation des cafés-restaurants et bars, des dancings et cabarets-dancings, et des buvettes ou buvettes de service restreint (art. 63 al. 2 let. a LRDBHD).

Concrètement, il s'agit d'offrir au département le moyen d'agir sur cette base – de concert avec le SABRA – de manière plus ciblée, à la place des mesures visées à l'al. 1 (PL 11'282, p. 76).

3.3 La loi fédérale sur la protection de l'environnement du 7 octobre 1983 (loi sur la protection de l'environnement - LPE - RS 814.01) a notamment pour but de protéger les hommes des atteintes nuisibles ou incommodantes (art. 1 al. 1 LPE). Par atteintes, il faut comprendre notamment, selon l'art. 7 al. 1 LPE, les pollutions atmosphériques et le bruit qui sont dus à l'exploitation d'installations. L'ordonnance fédérale sur la protection contre le bruit du 15 décembre 1986 (OPB - RS 814.41) a pour but de protéger la population contre le bruit nuisible ou incommodant que produit l'exploitation d'installations nouvelles ou existantes (art. 1 al. 1 et 2 let. a OPB).

3.4 Un établissement public est une installation fixe dont l'exploitation produit du bruit extérieur (ATF 130 II 32 consid. 2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1A.109/2005 du 6 décembre 2005 consid. 3.2). Il est dès lors soumis aux règles du droit fédéral sur la protection contre le bruit (art. 2 al. 1 OPB) en relation avec l'art. 7 al. 7 LPE (ATA/145/2023 du 14 février 2023 consid. 7b).

L'ensemble des bruits que provoque l'utilisation, normale et conforme à sa destination, de l'installation en cause doit être pris en considération, que ceux-ci proviennent de l'intérieur ou de l'extérieur du bâtiment, respectivement du lieu d'exploitation (arrêt du Tribunal fédéral 1A.168/2003 du 14 janvier 2004 consid. 2.1 et les références citées ; ATF 123 II 325 consid. 4a.bb ; Benoît BOVAY, Autorisation de construire et droit de l'environnement, RDAF 1995, p. 108). Il s'ensuit, par exemple, que le bruit des clients sur la terrasse d'un restaurant, les allées et venues dans la rue, le bruit occasionné par le comportement et la voix de clients à l'entrée ou à la sortie d'un établissement public, de même que le parcage des véhicules équivalent à une nuisance de l'installation elle-même (ATA/145/2023 précité consid. 7b ; Anne-Christine FAVRE, Le bruit des établissements publics, RDAF 2000 I, p. 3 ; François BELLANGER, La loi sur la protection de l'environnement, jurisprudence de 1995 à 1999, DEP 2001, p. 36). C'est aussi le cas du bruit que causent les travaux de nettoyage et de rangement de la terrasse ; leurs émissions sont également à rattacher à l'exploitation de l'établissement (ATF 123 II 325 = JdT 1998 I p. 461).

3.5 Conformément à l'art. 40 al. 1 OPB, l'autorité d'exécution évalue les immissions de bruit extérieur produites par les installations fixes sur la base des valeurs limites d'exposition selon les annexes 3 ss OPB. Aucune des annexes de l'OPB ne s'applique toutefois au bruit des établissements publics (arrêts du Tribunal fédéral 1C_460/2007 du 23 juillet 2008 consid. 2.1 ; 1A.262/2000 du 6 juillet 2001 consid. 2c.dd et les références citées). L'autorité compétente en matière de protection contre le bruit doit dès lors évaluer les immissions de bruit en se fondant directement sur les principes de l'art. 15 LPE, en vertu duquel les valeurs limites d'immissions relatives au bruit doivent être fixées de manière que, selon l'état de la science et l'expérience, les immissions inférieures à ces valeurs ne gênent pas de manière sensible la population dans son bien-être. Il faut veiller à ce que l'exploitation ne provoque pas de gêne sensible pour les voisins en tenant compte du genre de bruit, du moment où il se produit, de la fréquence à laquelle il se répète, du niveau de bruit ambiant ainsi que des caractéristiques et du degré de sensibilité de la zone dans laquelle les immissions de bruit sont perçues. Ainsi un quartier urbain situé au centre-ville, doté de plusieurs établissements publics et fréquenté la nuit peut être traité différemment d'un quartier résidentiel périphérique tranquille, dans la mesure où l'on peut exiger des voisins qu'ils tolèrent dans une plus large mesure le bruit nocturne dans le premier cas. Il convient également de tenir compte, selon l'art. 13 al. 2 LPE, de l'effet des immissions sonores sur des catégories de personnes particulièrement sensibles, telles que les enfants, les malades, les personnes âgées et les femmes enceintes, étant précisé que la phase de l'endormissement, qui se situe entre 22h00 et 23h30, mérite particulièrement d'être protégée (arrêt du Tribunal fédéral 1C_460/2007 précité consid. 2.2 et les références citées).

3.6 Le SABRA est le service spécialisé en matière de protection contre le bruit, les vibrations et les rayonnements non ionisants (art. 4 al. 1 du règlement sur la protection contre le bruit et les vibrations du 12 février 2003 - RPBV - K 1 70.10).

3.7 Dans un arrêt concernant la plainte d'une association déposée auprès de la PCTN, la chambre administrative a retenu que cette autorité avait admis l’existence des nuisances alléguées, et donc les infractions à l’art. 24 al. 2 LRDBHD. La cause a été renvoyée à la PCTN pour instruction complémentaire et nouvelle décision sur la demande de limitation des horaires des treize établissements publics concernés. Ce renvoi était motivé par le fait que le dossier ne permettait pas de déterminer si le bruit extérieur était uniquement lié à l’exploitation des terrasses ou également à celle des treize établissements publics eux-mêmes. En conséquence, le SABRA, service spécialisé compétent pour analyser la question des nuisances sonores, était à même de procéder à une analyse du bruit lié à l’exploitation des établissements publics eux-mêmes, par exemple par une analyse du bruit entre l’heure de fermeture des terrasses et celle des établissements, notamment le jeudi, jour de grande affluence, selon la présentation du SABRA, où les terrasses fermaient, depuis l’entrée en vigueur du nouveau règlement de la ville, plus tôt que les établissements eux-mêmes, ce qui permettrait ensuite de déterminer si une mesure se justifiait au niveau de l’exploitation des établissements eux-mêmes (ATA/145/2023 précité consid. 9).

3.8 La nullité absolue d'une décision peut être invoquée en tout temps devant toute autorité et doit être constatée d'office. Elle ne frappe que les décisions affectées des vices les plus graves, manifestes ou du moins facilement reconnaissables et pour autant que sa constatation ne mette pas sérieusement en danger la sécurité du droit. Sauf dans les cas expressément prévus par la loi, il ne faut admettre la nullité qu'à titre exceptionnel, lorsque les circonstances sont telles que le système d'annulabilité n'offre manifestement pas la protection nécessaire (ATF 130 II 249 consid. 2.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_354/2015 du 21 janvier 2016 consid. 4.1). Des vices de fond d'une décision n'entraînent qu'exceptionnellement sa nullité. Entrent avant tout en considération comme motifs de nullité l'incompétence fonctionnelle et matérielle de l'autorité appelée à statuer, ainsi qu'une erreur manifeste de procédure (ATF 129 I 361 consid. 2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_354/2015 du 20 janvier 2016 consid. 4.1).

3.9 En l'espèce, l'autorité intimée retient l'existence de nuisances pour le voisinage. Elle a prononcé, en sus de l'amende, une restriction de l'horaire d'exploitation de l'établissement du recourant à minuit tous les jours durant un mois – ce qui correspond à la mesure prévue par l'art. 63 al. 2 let. a LRDBHD.

Il n'est pas contesté que la cause concerne la protection de l'environnement, puisqu'il s'agit de nuisances sonores émises par un établissement public, et donc d'émissions soumises à la LPE et à l'OPB. Or, l'art. 63 al. 2 LRDBHD donne la compétence à l'autorité intimée pour prendre des mesures dans un tel cas – ceci en se concertant avec le SABRA. L'autorité intimée ne démontre pas in casu, ni d'ailleurs n'allègue avoir procédé à une telle concertation.

Au vu de ce qui précède, la décision a été prononcée en violation des règles de compétence prévues par la LRDBHD, en l'absence de concertation avec le SABRA. S'agissant de l'absence d'une concertation requise par la loi et non du prononcé d'une décision par une autorité incompétente en tant que telle, il ne s'agit pas d'un cas dans lequel il conviendrait de constater la nullité de la décision attaquée. Celle-ci sera dès lors partiellement annulée.

Dans ces circonstances, le recours sera partiellement admis, la décision attaquée confirmée en tant qu'elle porte sur l'amende et annulée en tant qu'elle porte sur la restriction de l'horaire d'exploitation, le dossier étant renvoyé à l'autorité intimée pour instruction complémentaire et prononcé d'une nouvelle décision en concertation avec le SABRA.

4.             Le recourant n'obtenant que partiellement gain de cause, un émolument réduit de CHF 250.- sera mis à sa charge (art. 87 al. 1 LPA). Vu cette issue, une indemnité de procédure de CHF 500.- sera allouée au recourant, à la charge de l'État de Genève (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 11 novembre 2024 par A______ contre la décision de la direction de la police du commerce et de lutte contre le travail au noir du 11 octobre 2024 ;

au fond :

l'admet partiellement ;

annule partiellement la décision de la direction de la police du commerce et de lutte contre le travail au noir du 11 octobre 2024 en tant qu'elle porte sur la restriction de l'horaire d'exploitation ;

renvoie la cause à la direction de la police du commerce et de lutte contre le travail au noir pour instruction complémentaire et nouvelle décision au sens des considérants ;

met un émolument de CHF 250.- à la charge de A______ ;

alloue une indemnité de procédure de CHF 500.- à A______, à la charge de l'État de Genève ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral suisse, av. du Tribunal fédéral 29, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Diego LEIS, avocat du recourant, ainsi qu'à la direction de la police du commerce et de lutte contre le travail au noir.

Siégeant : Claudio MASCOTTO, président, Florence KRAUSKOPF, Jean-Marc VERNIORY, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière :

 

 

S. CROCI TORTI

 

 

le président siégeant :

 

 

C. MASCOTTO

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :